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éruption volcanique en 1902 qui détruisit la ville de Saint Pierre, Martinique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
L'éruption de la montagne Pelée en 1902 est une éruption volcanique majeure, la plus meurtrière du XXe siècle, survenue sur l’île française de la Martinique (Antilles), qui a débuté le 23 avril 1902 et s'est poursuivie jusqu'au 5 octobre 1905.
Éruption de la montagne Pelée en 1902 | |
Cinquième cliché d’une série de six de la nuée ardente du par Lacroix, dans La montagne Pelée et ses éruptions. | |
Localisation | |
---|---|
Pays | France |
Volcan | Montagne Pelée |
Zone d'activité | Cratère sommital et rivière Blanche |
Dates | Du 23 avril 1902 au 5 octobre 1905 (3 ans, 5 mois et 12 jours) |
Caractéristiques | |
Type d'éruption | Phréatique, péléenne |
Phénomènes | Nuées ardentes, lahars, retombées de cendres, raz-de-marée (5 et 7 mai) |
Volume émis | 0,14 km3 de laves et 0,2 km3 de téphras |
Échelle VEI | 4 |
Conséquences | |
Régions affectées | Nord de la Martinique, Antilles |
Nombre de morts | environ 30 000 |
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Sa nuée ardente (ou nuage pyroclastique) du reste célèbre pour avoir, en quelques minutes, entièrement détruit ce qui était alors la plus grande ville de la Martinique, Saint-Pierre, tué la quasi totalité de ses habitants avec seulement trois rescapés certifiés (plus de 30 000 personnes sont mortes soit 1/5e de la population de l’île)[alpha 1],[1], et coulé une vingtaine de navires marchands. Cette éruption explosive (de niveau 4 sur l'échelle VEI) est la catastrophe la plus meurtrière du XXe siècle en France et l'éruption volcanique la plus meurtrière au monde depuis celle du Krakatoa en 1883. La destruction de la ville et de ses alentours était inévitable, mais ses habitants et de nombreux marins ont été les victimes de décisions politiques et administratives sur instructions ministérielles : refus par le gouverneur de la Martinique, Louis Mouttet, de faire évacuer la ville et de laisser appareiller les navires ancrés dans la rade afin d’assurer le second tour de l'élection législative du .
L’éruption type de 1889-1905, dont la nuée ardente catastrophique du n’était qu’une phase, est une référence fondamentale de volcanologie : c’est la première éruption volcanique qui ait été scrupuleusement étudiée et décrite scientifiquement (par Lacroix, Heilprin, Jaggar, Perret et beaucoup d'autres). Pour désigner ce type d'éruption, Lacroix a utilisé l'expression « éruption péléenne » et pour ses événements destructeurs, l'expression « nuée ardente »[alpha 2].
De par les conséquences humaines et matérielles de la sous-estimation d'un danger « naturel » imminent, cette éruption montre aussi l'importance de l'évaluation et de la prise en compte par les autorités des risques naturels, et notamment du risque volcanique. La nuée du a encore fait un millier de victimes. L'éruption de 1929-1932 n'en a pas fait, car toute la population du Nord de l'île avait été évacuée à la suite du retour d'expérience des événements précédents.
La ville de Saint-Pierre s’étendait en bordure de sa rade bien protégée, sur environ 3 km de long et 400 m de large, au pied du flanc sud-ouest du volcan. Elle était entourée de plusieurs hameaux et villages, le tout étant directement exposé aux effets des éruptions.
Saint-Pierre, surnommée le Petit Paris des Antilles[alpha 3], avait été le chef-lieu de la Martinique jusqu'en 1692 et en était restée jusqu'à l'éruption de 1902 la capitale économique et culturelle. Elle avait une cathédrale, un théâtre, un lycée, un hôpital, une prison, une chambre de commerce, des consulats étrangers, un journal (Les Colonies), etc. Son port, en fait un simple mouillage dans la rade, à environ 100 m du rivage, accueillait de nombreux navires marchands internationaux pour exporter le sucre et le rhum produits dans ses usines.
Située au milieu de l’arc de subduction des petites Antilles qui compte une dizaine de volcans actifs[2], à l’extrémité nord de la Martinique, la montagne Pelée est un stratovolcan gris calco-alcalin, empilement subconique de blocs et de pyroclastites plus ou moins cimentés, enrobant un axe subvertical d’andésite, racine de deux dômes juxtaposés, celui de 1902 au nord-est et celui de 1929, le sommet le plus élevé : 1 397 m. Les dômes occupent l'est de la demi-caldeira de l’étang Sec, ouverte au sud-ouest vers Saint-Pierre qui s’étend à son pied. Le cône volcanique a une surface d'environ 120 km2. Il est strié par un réseau dense de ravines rayonnantes dont la principale est la rivière Blanche qui part de l’étang Sec et se jette dans la rade, au nord de Saint-Pierre.
L’activité de la montagne Pelée, de type éruptif péléen, est modérée, avec des éruptions peu fréquentes, courtes, relativement faibles et lentes. Cependant, son dynamisme magmatique peut être violent et son évolution, difficilement prévisible.
En éruption, son magma d’andésite à labrador et hypersthène, très gazeux et très visqueux, produit des nuées ardentes par explosions violentes de dégazage, des lahars par pluies de condensation de vapeur d’eau volcanique et vidange d’étangs temporaires, construit des dômes ou des aiguilles plus ou moins vacuolaires instables, mais pas de coulées de lave. En , les scientifiques ont observé « une reprise de certaines formes d'activité sur la montagne Pelée », sans émission de fumerolles[3].
La première phase d’activité de l’arc antillais se serait produite il y a 50 à 25 millions d'années (Ma). La phase actuelle aurait débuté vers −5 Ma, d’abord au morne Jacob (environ −5 à −2 Ma), et aux pitons du Carbet (environ −2 à −1 Ma), puis au piton Conil (plus récent que −0,5 Ma).
La montagne Pelée se serait formée il y a environ 300 000 ans sur le bord nord de la dépression de Saint-Pierre entre le morne Jacob et le piton Conil. Lors de l’épisode actuel qui aurait débuté il y a environ 13 500 ans, elle aurait eu une trentaine d’éruptions pliniennes ou péléennes, en groupes alternants plus ou moins longs et nombreux, non cycliques.
Vers 300, le volcan aurait produit une éruption qui aurait freiné le peuplement caraïbe de la Martinique. Peut-être à la suite d’une éruption au XVIe siècle, les Caraïbes auraient appelé le volcan « montagne de Feu ».
Lors de l’arrivée des Français le , le volcan venait de produire une éruption péléenne — dôme dans le cratère sommital, plusieurs nuées ardentes, destruction de la végétation sur toute la surface du volcan d'où la dénomination de « montagne Pelée ».
Depuis, le volcan a eu quatre éruptions documentées en un peu plus de 200 ans : dynamisme phréatique en 1792 et 1851/1854 (paroxysme le ) ; dynamisme magmatique péléen en 1889/1905 (paroxysmes les et ) et 1927/1932 (paroxysme le ).
Après une accalmie d’une trentaine d’années, l’éruption a débuté en 1889. Ses événements majeurs sont la nuée ardente du et celle plus puissante du . Le volcan est loin de s’être réveillé brusquement et de façon inattendue :
Les effets sans victimes, en grande partie limités aux alentours du cratère[6], des éruptions phréatiques de 1792 et 1851/1854 étaient connus mais vus comme des curiosités pittoresques[alpha 4]. Il en est ainsi jusqu’au , jour du premier tour de l’élection législative.
Le jeudi , jour de l'Ascension, une explosion se produit dans le cratère de l’étang Sec, dont le flanc est largement échancré depuis la coulée du . Un souffle puissant, suivi en trois minutes par un immense nuage pyroclastique, la nuée ardente, bloquée vers le nord et l’est par la falaise de la caldeira et le dôme, emprunte la brèche de l’étang Sec vers la rivière Blanche, déferle à plus de 500 km/h sur la ville et, à 7 h 52[alpha 6] la détruit en grande partie en moins de deux minutes, incendiant les navires ancrés dans la rade.
L’explosion du bouchon provoque un embrasement du cratère et une onde de choc atmosphérique supersonique (environ 450 m/s, 30 hPa de surpression instantanée) ; puis une épaisse émulsion brûlante (environ 1 000 °C)[alpha 7] de gaz, d’eau et d’éléments solides en suspension s’échappe d’une bouche au pied du dôme, produisant un panache noir en forme de champignon haut de plus de 4 km au-dessus du volcan, visible à plus de 100 km à la ronde ; il s’effondre sur lui-même et la nuée descendante axée sur la rivière Blanche, couvre de boue, de blocs et de cendres une zone triangulaire définie par étang Sec, Le Prêcheur et Saint-Pierre, de plus de 40 km2[alpha 8] et s’arrête au milieu de la rade à plus de 1 500 m du rivage[alpha 9].
Des incendies et des lahars aggravent les destructions. Selon l’endroit où elles se trouvent dans la zone ravagée par la nuée ardente, les 30 000 victimes[9],[A 4] succombent à l’onde de choc atmosphérique, à l’inhalation de gaz brûlants, à de profondes brûlures, à des chutes de blocs volcaniques, à des écroulements de bâtiments… Le gouverneur Louis Mouttet et son épouse Hélène de Coppet périssent dans la catastrophe. Il s'agit de la catastrophe la plus meurtrière du XXe siècle en France et l'éruption volcanique la plus meurtrière au monde depuis celle du Krakatoa en 1883.
Premier secours venant de Fort-de-France, ce navire se présente à l’entrée de la rade à 12 h 30, mais la chaleur l'empêche d'y entrer avant 15 h ; il peut secourir des marins et des passagers du navire marchand Roraima puis des autres navires[10] en feu au mouillage dans la rade ; la plupart sont morts à terre, une vingtaine ont survécu.
À Saint-Pierre, dans la zone urbaine ravagée par la nuée ardente, il n’y eut que trois rescapés recensés :
Au mouillage dans la rade, sur le Roraima puis sur les autres navires en feu, des marins et des passagers ont été secourus par le Suchet et le Belem ; la plupart moururent à quai, seule une vingtaine survécut.
La plupart des quelque 22 000 rescapés des communes environnantes se réfugient à Fort-de-France où ils trouvent le dénuement et l'insécurité. Le gouverneur intérimaire G. Lhuerre décide de les renvoyer chez eux dès le ; mais les routes vers le nord sont impraticables ; pour les inciter néanmoins à partir, il décide qu’ils ne recevront plus aucun secours en nature après le [17].
Dès le , un comité officiel d'assistance et de secours aux victimes est créé et une souscription nationale est ouverte par le ministre des Colonies. Ainsi, quelques fêtes semblent être organisées au profit des sinistrés de la Martinique par les sociétés locales comme c'est le cas à Orléans le [18]. À sa dissolution, en 1904, le comité avait récolté près de 10 millions de francs-or.
À l’étranger, les États-Unis, les plus proches des Antilles, interviennent les premiers : le président Theodore Roosevelt fait voter par le Congrès un crédit de 200 000 dollars (environ un million de francs or), pour l'achat de 1 250 tonnes de vivres, médicaments…, apportés par le croiseur Dixie parti de New York le et arrivé le ; un crédit supplémentaire de 300 000 dollars est ensuite alloué aux sinistrés.
En Europe, le Royaume-Uni, l’Italie, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Russie… participent à cette aide humanitaire pour en moyenne 5 000 dollars chacun.
Il y eut huit nuées entre le et le , puis d’autres de moins en moins violentes, une soixantaine au total jusqu’à fin 1903. L’épaisseur cumulée des couches de cendres qu’elles ont déposé a dépassé 3 m (rue Levassor déblayée).
Comme toutes les catastrophes dites « naturelles », celle-ci a eu deux causes, l’une naturelle — la nuée ardente irrépressible, aux effets inévitables, mais qui auraient pu n'être qu’écologiques et matériels — et l’autre humaine — la décision de ne pas faire évacuer la ville et de ne pas autoriser le départ des navires à l’ancre, dont la conséquence a été la mort de la population et de celle des marins et passagers.
On savait évidemment que les éruptions volcaniques étaient susceptibles de provoquer des catastrophes et on en connaissait les effets décrits à propos de celles du Vésuve (79, 1631) du Lakagígar (1783), du Krakatoa (1883)… Mais on ignorait pratiquement tout du déroulement, ainsi que de la nature et de la contingence des événements dangereux : le , 150 km plus au sud, une nuée ardente de l’éruption en cours de la soufrière de Saint-Vincent avait fait près de 2 000 victimes malgré l’évacuation de la population exposée ; à Saint-Pierre, les autorités et en premier lieu le gouverneur Louis Mouttet, en poste depuis 1901, le savaient, mais n’en ont pas tiré la leçon qui s’imposait ; les géologues et journalistes américains arrivés sur place le avec le Dixie furent stupéfiés par l’aspect, la nature et l’ampleur des destructions.
Risque naturel inconnu, sous-estimé, négligé ? Quoi qu’il en soit, c’est bien pour assurer le déroulement du second tour de l’élection législative que les autorités politiques et administratives ont empêché l'évacuation de Saint-Pierre, cause humaine qui a provoqué la catastrophe humanitaire.
Les conséquences sur la vie sociale, politique et économique de la Martinique furent considérables : Fort-de-France, déjà chef-lieu administratif, devint la ville principale de l’île et il ne resta de Saint-Pierre qu’un gros village agricole ; l'orphelinat de l'Espérance fut créé à Fort-de-France pour accueillir de nombreux enfants ; une partie de la population sinistrée fut relogée dans d'autres villes de la Martinique, sur la côte nord-atlantique et dans le Sud de l'île. D'autres partirent pour la Guadeloupe, Sainte-Lucie, Trinidad, la Guyane, le Panama, le Venezuela…
Saint-Pierre redevient une commune en 1923 et la ville commence alors à renaître de ses cendres. Elle est progressivement reconstruite (la chambre de commerce est reconstruite à l'identique et devenue une antenne locale de la Chambre de commerce et d'industrie de la Martinique).
L'ensemble de la ville est labellisée Ville d'Art et d'Histoire en 1990 par le ministère de la Culture et de la Communication. De ce fait, l'activité de Saint-Pierre est basée essentiellement sur le tourisme et notamment sur la plongée, le port présentant de nombreuses épaves de navires.
Avant cette catastrophe, la volcanologie[alpha 10] n’était qu’une branche mineure de la géologie. Elle devint une science à part entière à la suite des nombreuses observations que firent sur place de nombreux géologues et aux comptes-rendus qu’ils publièrent.
Le , avec les premiers secours, le Dixie amena aussi sur place plusieurs géologues, Heilprin, Hovey, Jaggar… pour étudier l’événement ; Lacroix arriva sur place le et en repartit le 1er août. Aucun d’entre eux n’avait pu assister à une nuée ardente et ils donnèrent diverses interprétations différentes du phénomène en cause.
Revenu précipitamment après le second désastre du , Lacroix effectua l’étude détaillée de plusieurs nuées auxquelles il assista jusqu’en ; il en décrivit de façon détaillée la forme et le comportement, expliqua l’origine et la raison de leur dangerosité et produisit le premier rapport de vulcanologie scientifique publié pour le grand public par Masson sous le titre La montagne Pelée et ses éruptions.
Perret fit ensuite l’étude complète de l’ensemble de l’éruption de 1929/1932, en a dressé la carte détaillée et a créé l’observatoire du Morne des Cadets.
L’éruption a également ravagé la végétation et la plus grande partie de la faune dans la zone affectée par les nuées successives ; en particulier, on lui attribue la disparition du rat musqué de la Martinique[19].
Les effets de cette éruption magmatique, un peu moins violente mais plus durable, ont été limités aux destructions matérielles, car on avait pris la précaution d’évacuer toute la population du Nord de l’île, en utilisant la carte de risque levée par Perret et ses observations depuis le morne des Cadets où il établit ensuite l’observatoire qui assure toujours la sécurité du Nord de l’île.
Les différentes ruines et les épaves des navires coulés lors de l'éruption ont fait l'objet d'une demande de classement au patrimoine mondial de l'UNESCO. La décision n'est pas encore prise[réf. nécessaire].
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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