Charles X
roi de France et de Navarre de 1824 à 1830 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Charles-Philippe de France, comte d'Artois, né le au château de Versailles (France) et mort le à Görtz (Autriche), est roi de France et de Navarre de à , sous le nom de Charles X.
Pour les articles homonymes, voir le roi de Suède Charles X Gustave et le cardinal Charles de Bourbon.
Issu de la maison capétienne de Bourbon, il est le septième enfant et cinquième fils du dauphin Louis et de la dauphine, née Marie-Josèphe de Saxe. Il est le dernier petit-fils de Louis XV et de Marie Leszczynska et succède à ses deux frères Louis XVI et Louis XVIII comme roi de France.
Attaché aux conceptions et valeurs de l'Ancien Régime, chef de file des ultraroyalistes sous Louis XVIII, il tente d'incarner la continuité de l'État et de la monarchie après la période révolutionnaire. À son avènement, sa priorité est de conserver la charte constitutionnelle octroyée par son frère dix ans plus tôt. Il renoue avec la tradition du sacre en 1825.
Très pieux et adhérant aux concepts sociaux du christianisme, il est confronté à plusieurs blocages parlementaires après la démission du président du Conseil Villèle, en 1827. Souffrant de sa réputation d’« ultra » et tentant de se passer de l'accord parlementaire avec des ordonnances, il est populaire parmi les paysans et opposants à la Première République — des insurrections royalistes éclatent durant son règne — tout en étant moqué et critiqué, en particulier à Paris.
Son règne est pour la France une période de stabilité politique et de prospérité économique, qui, en matière de politique extérieure, voit le retour de la France dans le concert des grandes puissances.
Il est notamment marqué par la loi d'indemnisation des émigrés, ainsi que par les expéditions françaises en Grèce (1828) et en Algérie (1830).
À l’issue d’une nouvelle révolution parisienne, qualifiée de « Trois Glorieuses », il abdique en faveur de son petit-fils Henri d'Artois, mais Louis-Philippe d’Orléans n'accède pas à ses demandes et accepte le titre de « roi des Français », proposé par les députés et les pairs. Charles X et sa famille partent dans la foulée en exil, où l’ancien monarque meurt des suites du choléra.
Charles X est le dernier Bourbon — de la branche aînée — à avoir régné, ainsi que le 68e roi de France.
Origines, baptême, éducation
Petit-fils de Louis XV, roi de France et de Navarre, Charles-Philippe est le cinquième fils du dauphin Louis et de son épouse, la dauphine Marie-Josèphe de Saxe. Charles est ondoyé le , jour de sa naissance, par l'abbé de Bouillé, doyen des comtes de Lyon[2].
À sa naissance, il est au cinquième rang dans la succession au trône de France après son père, le dauphin et ses frères, le duc de Bourgogne, le duc de Berry (futur Louis XVI) et le comte de Provence (futur Louis XVIII). Deux filles le suivront : Marie-Adélaïde-Clotilde, future reine de Sardaigne, et Élisabeth, victime de la terreur révolutionnaire. Son frère Xavier-Marie, duc d'Aquitaine, est mort au berceau en 1754.
Le petit prince est d'abord titré comte d'Artois, en mémoire de Robert de France, comte d'Artois, frère de Saint Louis, mais le choix de ce titre serait également lié aux conséquences de la tentative d'assassinat menée par Damiens contre Louis XV[Note 1]. Damiens était né près d’Arras, dans l’Artois. Il fut donc décidé de lui donner le titre de comte d’Artois pour faire savoir aux habitants qu’on ne leur tiendrait pas rigueur de l’incident[3]. Le comte d'Artois se vit attribuer pour armes de France à la bordure crénelée de gueules[4],[Note 2].
Le petit prince grandit dans une cour en deuil. En effet, l'année 1759 inaugure une décennie de décès pour la maison royale de France. La duchesse de Parme, fille aînée du roi, meurt à Versailles. En , le duc de Bourgogne, âgé de 9 ans, meurt après une chute. En 1763 vient le tour de leur grand-père le roi de Pologne, également électeur de Saxe, suivi de peu par l'archiduchesse Marie-Isabelle après avoir donné le jour à une fille qui ne survit pas. En 1765, le duc de Parme et le dauphin rendent leur âme à Dieu suivis en 1766 par leur arrière-grand-père le roi Stanislas, en 1767 par la dauphine et en 1768 par la reine.
L'enfant est baptisé le , le lendemain du baptême du futur Louis XVI et du futur Louis XVIII, avec les prénoms Charles Philippe par l'archevêque Charles Antoine de La Roche-Aymon dans la chapelle royale du château de Versailles, en présence de Jean-François Allart, curé de l'église Notre-Dame de Versailles. Sa marraine est sa tante Madame Sophie, et son parrain le roi Charles III d'Espagne (ce qui explique le choix de ses prénoms), représenté par Louis Auguste de France, duc de Berry[5].
L’éducation de Charles-Philippe est assurée par cinq précepteurs, mais reste quelque peu délaissée du fait de ses maigres chances de régner. On ne lui enseigne pas moins l’histoire, la géographie, l’anglais et l’allemand, langue maternelle de sa mère. Il est confié à la comtesse de Marsan puis au duc de La Vauguyon à l’âge de trois ans. Le duc étant chargé de l'éducation des quatre fils du Dauphin, il les appelle « mes quatre F » : le duc de Bourgogne est « le fin », le duc de Berry « le faible », le comte de Provence « le faux », et le comte d'Artois « le franc »[6].
Vie privée et familiale
Bien que devant se marier dans un premier temps avec Louise-Adélaïde de Bourbon-Condé, il doit consolider l'alliance savoyarde et épouse le Marie-Thérèse de Savoie (Palais royal de Turin, 31 janvier 1756 - Graz, 2 juin 1805), fille de Victor Amédée III de Savoie, roi de Sardaigne, et de l'infante Marie-Antoinette d'Espagne.
Avec cette dernière, il a quatre enfants :
- Louis-Antoine d'Artois (1775-1844), duc d'Angoulême (1775-1824) puis dauphin de France (1824-1844) et comte de Marnes (1830-1844);
- Mademoiselle d'Artois, ondoyée mais n'ayant pas reçu les cérémonies supplétives du baptême, ne fut pas prénommée. Citée parfois par erreur sous le prénom de Sophie ( – )[7]. Son portrait, peint en 1777 par Elisabeth Vigée Le Brun, est vendu à Paris par l'étude Oger-Blanchet le 20 octobre 2023[8] ;
- Charles-Ferdinand d'Artois (1778-1820), duc de Berry ;
- Mademoiselle d'Angoulême, ondoyée mais n'ayant pas reçu les cérémonies supplétives du baptême, ne fut pas prénommée. Citée parfois par erreur sous le prénom de Marie-Thérèse ( au ).
Sa préférence va à son plus jeune fils, Charles-Ferdinand, qui lui ressemble beaucoup, au physique comme au moral. L'aîné, Louis-Antoine, au contraire, est timide, souffre de myopie et de tics. Le comte d'Artois aime néanmoins beaucoup ses enfants et se montre très attristé du décès de sa fille aînée.
Son épouse, de nature timide, resta très effacée et ne devint jamais reine ; en effet, Artois et elle se réfugièrent à Turin lors de l'émigration ; ils furent par la suite souvent séparés. La princesse, dont la santé était très fragile, était tombée malade en quittant Turin. Alors que sa correspondance avec son époux s'était intensifiée depuis la mort de la comtesse de Polastron, elle meurt à son tour à Graz le à 49 ans.
Louise d'Esparbès de Lussan
En 1785 (ou 1786)[9], il s'attache durablement à la vicomtesse de Polastron, liaison qui ne lui donnera aucune descendance.
Le mari de la vicomtesse, Denis Gabriel Adhémar de Polastron, est le demi-frère de la future duchesse de Polignac, gouvernante des enfants de France, amie et confidente de la reine Marie-Antoinette. Également proche de la souveraine, le comte d'Artois se rend comme elle impopulaire par ses dépenses inconsidérées, et le public leur attribue une liaison, à tort sans doute.
Denis de Polastron, le mari de Louise, embrasse la carrière militaire, et combat lors de la guerre d'indépendance américaine, durant laquelle il est nommé colonel dans le régiment de La Fayette ; il meurt à l'âge de 63 ans en 1821.
Le couple émigre dès 1789 et Louise d'Esparbès de Lussan meurt précocement de la tuberculose en 1804 à l'âge de 39 ans.
Quand elle meurt, le prince se tourne intensément vers la religion, un trait de caractère qui ne le quittera plus jusqu'à sa propre mort. Elle lui fait promettre en outre de lui rester fidèle ; à la mort de son fils le duc de Berry en 1820, on lui proposa de se remarier afin d'avoir d'autres héritiers à la Couronne éventuels ; le comte d'Artois déclina cette offre avec comme raison que sa maîtresse lui avait demandé de ne plus être qu'à Dieu[10].
Années de jeunesse
De nombreux décès assombrissent rapidement le bonheur des occupants du château de Versailles : en 1761 meurt le duc de Bourgogne, son frère aîné, puis en 1763, le roi de Pologne son grand-père, également électeur de Saxe, décède, tandis que le traité de Paris consomme le recul de la France sur le plan international. En 1765, c'est la mort de son oncle le duc de Parme, et de son père, le dauphin, en 1766, celle du roi déchu de Pologne, son arrière-grand-père, duc en viager de Lorraine. En 1767, c'est le tour de la dauphine et en 1768 celui de sa grand-mère, la reine Marie Leszczynska. Enfin le , meurt le roi Louis XV, après un règne de presque 59 ans. Son frère le plus âgé vivant, Louis-Auguste, devient roi sous le nom de Louis XVI.
En 1772, âgé de 15 ans, il est colonel général des Cent-Suisses et Grisons. Il assiste au sacre de son frère Louis XVI en 1775, où il « tient lieu de duc de Normandie », pair du Royaume et est apanagé par lui du comté de Poitou et des duchés d'Angoulême et de Mercœur. Il est déjà à cette époque considéré comme le trublion de la famille royale et son attitude lors du sacre est très vivement critiquée ; il perd même sa couronne après la cérémonie et avant le banquet[11]. Du reste, cette réputation sulfureuse fit de lui un coureur de jupons pour les courtisans : il eut ainsi des liaisons avec Rosalie Duthé, avec Marie-Madeleine Guimard ainsi que Louise Contat de la Comédie-Française. On lui attribue aussi plusieurs enfants issus de courtisanes : un avec Mme de Sainte-Amaranthe, un second avec Mme Contat et un dernier, Jules de Polignac, avec la comtesse Yolande de Polastron, favorite de Marie-Antoinette. Si ce sont toutes des rumeurs, celle concernant une filiation adultérine avec Jules de Polignac, qui lui ressemblait beaucoup physiquement et qui fut son dernier président du Conseil, persista longtemps, même sous les Trois Glorieuses[12].
Son enfance puis son adolescence sont une succession d’aventures éphémères, de parties de chasse, de dettes contractées aux jeux d’argent, de courses de chevaux organisées avec son cousin le duc de Chartres, de pièces de théâtre partagées avec Marie-Antoinette dont il est très proche, surtout à la fin dans les années 1770 et 1780. On notera un duel qui l'opposa au duc de Bourbon, lavant l'affront que le comte d'Artois avait fait à sa femme en lui écrasant son masque sur la figure. Cette dernière avait arraché le masque du prince, vexée qu'il se présentât à l'opéra de Paris en compagnie d'une femme que la duchesse de Bourbon haïssait, Madame de Canillac. Le duel s'était terminé en une sympathique embrassade. Bon vivant et léger, il entraîne dans un tourbillon de fêtes mondaines sa belle-sœur, la reine Marie-Antoinette. Il est considéré comme un prince frivole, futile, surnommé « Galaor » par la cour, en référence au personnage d'Amadis de Gaule, archétype du chevalier à la prestance remarquable. En 1777, il acquiert, près de la forêt de Saint-Germain-en-Laye, le château de Maisons où il s'en va chasser en galante compagnie, dont la jeune vicomtesse de Beauharnais.
En 1777, à la suite d'un pari avec sa jeune belle-sœur Marie-Antoinette, il fait construire en deux mois la célèbre folie de Bagatelle dans le bois de Boulogne, qu'il décore et meuble avec faste avec la somme de 100 000 livres qu'elle lui paye[13]. Il effectue en outre une visite royale en Normandie et en Bretagne où il est particulièrement bien reçu[14].
Au mois d’avril 1779, le roi Louis XVI signe le traité d'Aranjuez, engageant la France aux côtés de l’Espagne de Charles III dans son combat contre la Grande-Bretagne pour Gibraltar. Le comte d’Artois, en sa qualité de frère du roi, est envoyé à Saint-Roch mais n’y reste que peu de temps, se sentant inutile. En fait, son voyage est surtout marqué par les fêtes organisées en son honneur sur la route.
- Le comte d'Artois, enfant.
- Mariage du comte d'Artois et de Marie-Thérèse de Savoie à Versailles en 1773.
- Le comte d'Artois, jeune homme.
- Charles-Philippe de France, par Frédou.
Philosophie politique au temps des troubles
Il commence à s'intéresser à la politique à l'âge de 29 ans avec la première grande crise de la monarchie, en 1786, après laquelle il prend la tête de la faction réactionnaire à la cour de Louis XVI. Le comte d'Artois devient le chef de file des réformateurs de ce que Jean-Christian Petitfils appelle la « révolution royale », c'est-à-dire le projet radical de Calonne. Le comte d'Artois coûte un certain prix à l'État : ses menus plaisirs (2 400 000 francs), ses achats de domaines et de propriétés (7 231 372 livres), ses écuries (1 million de livres), ses vêtements et ses dettes représentent un important coût dans le trésor de l’État.
Calonne se heurte aux notables réunis en assemblée : Charles accepte la suppression des privilèges financiers de la noblesse, mais non la réduction des privilèges sociaux dont jouissent l'Église et la noblesse. Il pense qu'on peut réformer les finances de la France sans renverser la monarchie. Selon ses propres mots, « le temps est venu de réparer mais non de démolir ». Il suscite la colère du tiers état en s'opposant à toute initiative d'accroître son droit de vote en 1789.
En liaison avec le baron de Breteuil, il noue des alliances politiques pour chasser Necker. Ce plan échoue quand Charles essaie de le faire renvoyer le 11 juillet, sans que Breteuil soit au courant, beaucoup plus tôt que prévu à l'origine. C'est le début d'une brouille qui se change en haine réciproque. Artois rencontre Talleyrand à la demande de ce dernier, qui propose de dissoudre l’assemblée et de convoquer de nouvelles élections avec un autre mode de scrutin. Si l’évêque d’Autun n’est pas suivi sur cette mesure, il semble avoir fait effet puisque Louis XVI rassemble des troupes dans et autour de Paris.
Début de l'émigration
Le comte d'Artois est l'un des premiers à émigrer, le . Il parcourt les diverses cours de l'Europe pour chercher des défenseurs à la cause royale. Il se trouve à Turin — chez son beau-père et son beau-frère — de septembre 1789 à juillet 1791, où il porte alors le titre de marquis de Maisons (et où il crée le Comité de Turin qui a pour vocation essentielle d’organiser la contre-révolution depuis l’étranger), ainsi qu'à Bruxelles, Coblence, résidence de son oncle maternel l'archevêque-électeur de Trêves et Liège.
Il se rend enfin en Grande-Bretagne et assiste aux conférences de Pillnitz, en 1791.
Pour l’invasion de la France, afin d'opérer une contre-révolution, l’armée est découpée en trois groupes. Celle de Provence et d’Artois prend le nom d’« armée des Princes ». La progression à l’intérieur du pays — qui s’accompagne de ravages et de massacres — est stoppée à Valmy et doit ensuite reculer inexorablement. À cela s’ajoute une autre difficulté : l’empereur François cesse de financer l’armée. Cette dernière n'est sauvée que par les donations de Metternich, de Catherine II de Russie et Frédéric-Guillaume II de Prusse. Ce dernier accepte d’héberger le comte d’Artois à Hamm en Westphalie, où le jeune prince français apprend la décapitation de son frère Louis XVI.
En mars et avril 1793, il reste six semaines à Saint-Pétersbourg, en Russie, où il est reçu avec tous les honneurs par Catherine II. L’impératrice propose une alliance avec la Grande-Bretagne à la condition qu’elle forme un corps de 12 000 hommes pour se jeter sur la Vendée et reprendre le pays en main.
Mais Charles-Philippe n’est pas reçu par le roi George III et n’a pu mettre les pieds à terre faute de ses dettes contractées à Coblence.[source insuffisante] Il est donc contraint de rentrer à Hamm. Il quitte Hamm en comme comte de Ponthieu.
Expédition en Vendée
À la mort de son neveu Louis XVII le , il est appelé Monsieur. Il veut opérer, avec le secours des Britanniques, un débarquement à l'île d'Yeu sur les côtes de Vendée (1795) afin d'aider les insurgés vendéens, mais il n'y peut réussir. La Grande-Bretagne se dit prête à envoyer 20 000 hommes en Vendée, demandant en contrepartie les cinq comptoirs des Indes et Saint-Domingue. Artois met les voiles sur les côtes françaises avec une flotte de 60 navires. L’expédition espère mettre le pied à Noirmoutier, mais la folle canonnade de la petite garnison républicaine du général Cambray les pousse à descendre plus bas, pour débarquer à l’île d’Yeu. Et là, l’armada reste bloquée. Elle perd ses communications avec Charette — l’ambassadeur, le marquis de Rivière avait été, disait-on de façon erronée, fusillé —, elle doit aussi affronter les marées et les tempêtes, et dans le même temps les troupes meurent de faim. Le gouvernement britannique finit par demander le retour de la flotte, au grand dam du comte de Provence qui nourrissait l’espoir de pouvoir régner sur son nouveau royaume depuis la mort de Louis XVII.[source insuffisante]
Années d'exil
Il se rend en Grande-Bretagne où il passe le reste de la Révolution et du Premier Empire. Il réside à Londres à partir de 1799, d'abord au 46 Baker Street[15],[16],[17], puis de 1805 à 1814 au 72 South Audley Street[18],[19]. Il œuvre au retour du Comte de Provence (futur Louis XVIII). Il fut accusé par Napoléon dans son testament d'avoir entretenu les hommes qui cherchèrent à l'assassiner, tentative qui fut l'origine de la mise à mort du duc d'Enghien.
Première Restauration
En 1814, il est nommé lieutenant-général du Royaume. Il pénètre en Franche-Comté, à la suite des alliés, et fait son entrée à Nancy le [20], puis à Paris le . Au premier moment, il sait se concilier les esprits par l'aménité de ses manières ; mais il se perd bientôt dans l'opinion en signant, avec un empressement excessif la convention d'armistice du 1814 que condamne Louis XVIII même, un traité qui enlève à la France toutes les places conquises depuis 1792[21]. Il devient colonel général des Gardes nationales ().
Louis XVIII rentre à Paris, de peur que Monsieur ne s’habitue trop à sa nouvelle charge. Dans cette restauration de la monarchie, Artois donne clairement le ton : reconnu par les « ultras », c’est-à-dire les royalistes les plus ardents, il approuve le rétablissement des anciennes mœurs et du précédent système (notamment les gardes suisses), et s’oppose à la politique de pardon et d’oubli prônée par Louis XVIII, ce qui devient source de conflit entre les deux frères. Dans ses Mémoires, la duchesse de Maillé considère que l’emprise d’Artois sur son frère qui se sent le devoir de le ménager a causé beaucoup de mal, thèse qui sera reprise ensuite par Talleyrand. Pour cultiver le sentiment monarchiste, Monsieur, frère du Roi, et ses fils se livrent à une tournée dans la France des provinces, parcourant les grandes villes où ils peuvent mesurer la diversité des courants d'opinion et la division profonde entre pro- et antiroyalistes.
Période des Cent-Jours
Lorsque Napoléon Bonaparte débarque dans le Sud de la France, prêt à remonter jusqu’à Paris pour recouvrer son pouvoir, le roi envoie des membres de sa famille pour mener les troupes et bloquer l’avancée. À la demande du baron de Vitrolles, le comte d’Artois se rend à Lyon, seconde ville du royaume, pour y préparer la résistance, mais il n’y trouve aucune munition alors que l’ex-Empereur a pu se procurer des armes à Grenoble. À l’approche de l’Aigle, Artois envoie des troupes à sa rencontre mais elles sympathisent avec l’ennemi, contraignant Artois à fuir comme le duc d’Orléans peu de temps auparavant. Cette trahison de l’armée est considérée par les ultras comme un coup du ministre de la Guerre, le maréchal Soult, ancien officier de Napoléon. Ce dernier préfère donner sa démission. Avant l’entrée de Napoléon à Paris, les Bourbons n’ont plus d’autres choix que de fuir les Tuileries.
Seconde Restauration
Après le second retour de Louis XVIII (1815), il affecte de se tenir éloigné des affaires et d'employer tout son temps soit à la chasse — qui est pour lui une passion —, soit à la religion. Il oublie la guerre. Mais, au-delà des apparences, sa résidence du pavillon de Marsan devient le centre de l’opposition ultraroyaliste à la politique conciliante de son frère[22].
L'assassinat de son fils préféré, le duc de Berry (), le marque profondément et contribue à la chute du ministère Decazes.