Coran
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Le Coran (en arabe : القُرْآن, al-Qurʾān?, « la récitation ») est le texte sacré de l'islam. Pour les musulmans, il reprend mot pour mot la parole d'Allah (Dieu)[3],[4]Œuvre de l'Antiquité tardive datant du VIIe siècle, le Coran reste le premier et le plus ancien livre connu en arabe à ce jour. La tradition musulmane le présente comme le premier ouvrage en arabe clair, avec le caractère spécifique d'inimitabilité dans la beauté de sa structure et dans ses principes moraux et éthiques. Pour les musulmans, le Coran regroupe les révélations d'Allah transmises par l'archange Gabriel[3] (جبريل, Jibrīl) au dernier prophète et messager de Dieu, Mahomet (محمد, Muḥammad, « le digne de louanges »), de 610–612 jusqu'à sa mort en 632.
Le Coran | |
Coran daté d'environ 1380, ouvert à la sourate 16. | |
Auteur | Parole divine selon la croyance musulmane Mahomet pour certains historiens, auteurs multiples pour les chercheurs en critique textuelle |
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Pays | Arabie |
Genre | Livre sacré |
Version originale | |
Langue | Arabe |
Titre | القُرْآن (al-Qurʾān?, « La récitation ») |
Version française | |
Traducteur |
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Date de parution | Proclamé de 610–612 à 632, édition entre 632 et 634, collecte et universalisation avant 656, selon les traditions musulmanes. Rédaction du rasm consonantique tout au long du VIIe siècle et rajout de la vocalisation jusqu'au Xe siècle pour les chercheurs. |
Type de média | Recueil de 114 sourates |
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Le Coran est parfois appelé al-kitāb (« le Livre »), adh-dhikr (« le Rappel ») ou encore al-furqān (« le Discernement »). Pour les musulmans sunnites, il est donc l'expression d'un attribut incréé de Dieu adressé à toute l'humanité.
La tradition musulmane considère que le texte canonique du Coran remonte au troisième calife, Uthmān. Ce point fait néanmoins toujours l'objet de recherches et de débats parmi les historiens du XXIe siècle. Pour ces derniers, le Coran est un « ensemble composite de textes compilés ou rédigés par des auteurs différents, fixé dans les dernières années du VIIe siècle, sous le règne du calife omeyyade Abd al-Malik (685-705), véritable organisateur de l'empire et qui fit de l'islam sa religion officielle »[5]. Ce texte rassemblerait des éléments venant de la prédication de Mahomet, mais aussi des textes d'origine chrétienne voire païenne. Le Coran serait donc l'héritier de sources multiples rassemblées par la première communauté des « croyants » qui se reconnaissait dans l'enseignement de Mahomet. La date de fixation du texte coranique suscite des débats chez les historiens.
Qurʾān est le terme le plus utilisé par le Coran pour se désigner lui-même. Mais à l'origine, au VIIe siècle, il ne désigne pas encore le livre comme un texte fixé comme cela sera le cas par la suite[6],[Note 1].
Le mot arabe قُرْآن, qurʾān, dérive, pour la tradition musulmane, du verbe َقَرَأ, qaraʾa, qui signifie « lire, réciter »[7]. Des érudits musulmans[6] lexicographes, spécialistes du vocabulaire du Coran, ont expliqué qu'on pouvait trouver différentes origines à ce terme : par exemple, le sens « rassembler/collecter », ou celui de « lire/réciter ». Pour Anne-Sylvie Boisliveau, dans l’emploi coranique, seul le second est possible. Le terme, qui est un nom d'action, est donc interprétable comme « Récitation »[6]. Le terme va être utilisé pour désigner le Coran, le livre sacré de l'islam[8].
Pour William Graham, le sens premier du mot Qurʾān renvoie à une « réalité fondamentalement orale et certainement active et continue, plutôt qu'à un codex écrit et fermé tel qu'il servira par la suite en désignant les masahifs »[Note 2]. L'auteur insiste sur l'originalité du terme qui « est pas attesté avant le Coran lui-même » et qui renvoie au « titre "propre" de la récitation (arabe) du Livre céleste contenant la Parole de Dieu [...] une récitation donnée par Dieu à Mahomet, tout comme les précédentes écritures avaient été données à d'autres prophètes pour qu'ils les récitent. »[9].
Pour A.-S. Boisliveau également, le terme qurʾān contient les idées d'oralité et de transmission. Il est employé dans trois situations et « désigne ce qui, du Coran, est récité et transmis par Dieu […] ce qui, du Coran, est récité et transmis par Mahomet, […] une récitation liturgique ». Le premier usage se rapproche du statut du texte biblique, le deuxième est surtout lié à un contexte polémique qui voit utiliser un vocabulaire similaire au premier, le troisième (plus rare) assimile le Coran à une « Écriture Sainte »[6]. La définition exacte de l'objet désigné par ce terme est encore incertaine et il n'est pas non plus certain que les trois usages désignent le même objet[6].
De nombreux chercheurs[9],[Note 3] ont fait le lien entre le mot qurʾān et le terme syriaque qeryânâ qui signifie « le fait de réciter les Écritures ou bien une partie de cette Écriture, une leçon sur les Écritures ou encore le lectionnaire utilisé pour cela »[10],[11]. Certains concluent à un emprunt direct au syriaque[Note 4]. D'autres voient là une « possible influence chrétienne syriaque sur la richesse totale de la sémantique arabe » plutôt qu'un emprunt direct[9] car l'usage du terme qeryânâ n'est attesté qu'à partir des manuscrits liturgiques syriaques des VIe et VIIe siècles.
Anne-Sylvie Boisliveau explique que « si la langue arabe avait emprunté directement le mot syriaque (qeryānā), elle lui aurait vraisemblablement donné le schème de nom d’action fi’lān, soit qiryān, plus proche du mot syriaque »[10]. Pour elle, le mot qurʾān provient de la racine arabe q-r-’ « sur un schème arabe, et non syriaque », terme inventé par l'auteur du Coran « inspiré par les termes proches qui en syriaque ou en hébreu signifient "récitation d’une Écriture sainte" »[10]. Cette création servirait à « faire penser aux récitations pratiquées par les communautés juives ou chrétiennes » afin de donner à la nouvelle récitation une « connotation de sacré, de religieux, d’élément lié à Dieu et donc d’élément possédant mystère et autorité »[12].
Pour certains auteurs, le terme « Coran » est à mettre en relation avec les termes qerīʾā et miqrāʾ (possédant la même racine q-r) utilisés dans le judaïsme rabbinique et qui signifie à la fois « le fait de lire à voix haute un passage des Écritures saintes » et « le passage lui-même ». Le second terme est ainsi utilisé par le Talmud pour désigner la Bible. Pour A.-S. Boisliveau, l'influence de ces termes (et du terme syriaque qeryânâ) est « indéniable » sans pour autant conclure à un emprunt direct à l'hébreu et au syriaque mais plutôt à une création d’un terme qui n'existait pas avant qu'il ne serve à désigner exclusivement la récitation coranique[10].
Le Coran est divisé en chapitres, appelés « sourates », au nombre de 114[Note 5], dont la première est appelée Al Fatiha (parfois traduite par « la liminaire », « le prologue », « l'ouverture », ou encore « la mère du livre »). Ces sourates sont elles-mêmes composées de versets nommés āyāt (pluriel de l'arabe āyah, qui signifie « preuve », mais également « signe », et que l'on retrouve notamment dans le mot « ayatollah »).
Les versets sont au nombre de 6 236[13] pour le hafs (lecture orientale) et le warch (lecture occidentale).
Ordre des sourates
Selon la tradition musulmane, à la suite de la mort de Mahomet, c'est sous le calife Othman que le texte a été fixé et qu'il est devenu la version officielle du Coran entre 644 et 656 de l'ère chrétienne. Othman aurait ressenti le besoin de fixer le texte après la mort de beaucoup de compagnons du Prophète (Sahaba) experts en récitation (les qurraʾ ou récitateurs du Coran). Tous les exemplaires connus de recensions divergentes (quant aux sourates ou à l'ordre de celles-ci) furent alors détruits pour ne garder que la « vulgate d'Othman »[14],[15]. Elles sont assemblées dans un ordre de longueur assez sensiblement décroissant, et non dans l'ordre chronologique des révélations. Cet ordre aurait été fixé dans la recension othmanienne selon la majorité des savants musulmans tandis que d'autres l'attribuent à Mahomet lui-même. Toutefois, cette question d'ordonnancement ne prend son sens que lors de la mise par écrit du texte[Note 6],[16].
Certains des manuscrits de Sanaa montrent des ordonnancements de sourates différents de la version de Othman. Selon Moezzi, « 22 % des 926 groupes de fragments étudiés présentent un ordre de succession de sourates complètement différent de l'ordre connu. », il précise en outre que l'ordre des sourates rappelle les recensions d'Ubay Ibn Ka'b et d'Abdullah Ibn Mas'ûd[17].
Diverses tentatives ont été faites pour reconstituer l'ordre chronologique des sourates, y compris par des orientalistes européens tels que Blachère. Des critiques font remarquer toutefois que cet ordre chronologique est trop dépendant de la biographie de Mahomet[18].
Chronologie de la rédaction
Vision musulmane traditionnelle
Les sourates ont été classées très tôt en "médinoise" ou "mecquoise" par la tradition musulmane. Ainsi, l'édition du Caire, l'édition de référence du coran (édition "receptus") datant de 1924, présente une approche chronologique des sourates. Cette séparation en deux parties tente de les distinguer par des différences de style (vocabulaire, longueur des versets et sourates) et de thèmes abordés[Note 7]. Ce classement chronologique des sourates remonteraient à Ibn Abbas (mort en 688)[20].
Néanmoins, la recherche historique a montré que des versets d'un groupe sont intégrés dans des sourates de l'autre[21],[22].
De plus, la division proposée par la tradition musulmane est moins géographique que temporelle. Il est significatif que les sourates médinoises qui correspondent à l'An I de l'islam soient associées à la période où Mahomet devient un chef politique. La période mecquoise antérieure à l'Hégire est en effet selon la tradition musulmane le début de la prédication de Mahomet[23].
Cela n'empêche pas, toutefois, des « désaccords au sein de la tradition musulmane »[20] et une absence de consensus[24]. Il existe en effet des listes contradictoires jusqu'au XVIe siècle[25]. Stefanidis rappelle qu'au cours des premiers siècles, ces listes sont reçues avec prudence et méfiance[26]. Cette classification chronologique n'est pas fixe au sein même de la tradition musulmane et elle varie selon les auteurs. Ainsi, plusieurs sourates sont placées, selon les auteurs, dans l'une ou l'autre des catégories. Pour certains exégètes musulmans minoritaires, par exemple, la sourate 102 est médinoise. Les autres la considèrent comme mecquoise[27].
Recherche historique
Depuis le XIXe siècle, « les chercheurs européens développèrent leur propre système de datation qui ne se voulait dépendant que du Coran sans faire appel à la tradition ». Plusieurs historiens restèrent et sont encore restés attachés à une vision proche des traditions musulmanes alors que d'autres considèrent que la chronologie musulmane n'est pas fiable. Gustav Weil fut l'un des premiers auteurs à effectuer cette recherche, suivi par Nöldeke, Bell[Qui ?]. Cette méthode était basée sur le texte, à travers son style et son contenu et sur les allusions à des événements connus et elle avait pour but de subdiviser la période dite mecquoise en plusieurs sous parties. La recherche contemporaine insiste plutôt sur le fait que le Coran a été vraisemblablement rédigé par des scribes érudits après la vie de Mahomet. Le Coran, selon eux, serait la combinaison d'éléments venant des discours de Mahomet, mais aussi de traditions chrétiennes ou païennes. Il n'est pas possible selon eux de penser que le Coran aurait été « révélé » pendant deux grandes phases : une période médinoise et une période mecquoise. Guillaume Dye remarque que l'approche chronologique traditionnelle ne prend pas en compte certains aspects du texte, comme des ajouts tardifs dans le texte[28]. Pour celui-ci, « le Coran est ainsi un texte composite et composé, qu'il faut comprendre selon une diachronie plus large que la chronologie entre sourates mecquoises et médinoises »[29].
De plus, Sabrina Mervin fait remarquer que les résultats obtenus par Weil et ses successeurs ne sont « curieusement pas très éloignés de ceux de la tradition islamique »[30]. Reynolds constate aussi que ces auteurs en sont restés largement dépendants car Nöldeke pensait que certains éléments de la Sîra avaient une valeur historique[Note 8],[31] « À la fin de son analyse, Blachère fait une allusion à son manquement à la promesse d’éviter une dépendance envers les récits traditionnels. Il explique qu’un classement des passages du Coran seulement selon leurs qualités littéraires, sans aucun lien avec la biographie du Prophète, nécessite un abandon de l’idée traditionnelle que les sourates sont – en général – des unités, proclamées dans leur ensemble par le Prophète. »[31]
Selon Gabriel Said Reynolds « l’idée de cette chronologie divisant les sourates médinoises et mecquoises est loin d’être un fait bien établi. »[31]. Pour lui, « l’idée que nous pouvons réorganiser le Coran, suivant l’ordre chronologique selon lequel le Prophète Muḥammad l’aurait proclamé est courante dans les études sur le coran. Mais cette idée repose sur les convictions que le Coran n’a qu’un seul auteur (Mahomet), qu’il n’a aucun rédacteur (car il viendrait directement de la "Révélation" de Dieu à Mahomet), et qu’il reflète uniquement l’expérience d’une communauté ayant existé autour de Muḥammad, à la Mecque et à Médine, entre 610 et 632 » comme si le Coran n'avait pas subi des modifications importantes après cette date[31].
Nicolai Sinai, partisan d'une vision proche de la tradition musulmane, explique que si l'hypothèse d'une évolution littéraire unilinéaire est la seule explication plausible et bien développée qui a été avancée pour expliquer la covariance qui a été observée entre les sourates, « alors on peut très bien soutenir que cette dernière [l'approche diachronique] peut compter comme raisonnablement bien établie »[32]. Pour l'auteur, l'idée d'un développement stylistique et littéraire qui a permis d'ordonner chronologiquement les sourates n'est pas « une excentricité née de la Siîa »[33].
Il reste que les tentatives de définir l’ordre chronologique du Coran se basent sur des traditions qui sont en majeure partie de nature tardive et spéculative sont problématiques[34]. Aucune chronologie interne ne fait actuellement consensus[35].
Contenu et thématiques
Genres littéraires
Selon Viviane Liati, une « unité apparente » se dégage du Coran en raison des formules rhétoriques sur l'omnipotence de Dieu, qui parsèment le livre. Pour elle, « le texte coranique dans son ensemble, constitue un genre littéraire original, celui d’une prédication prophétique exprimée au nom de Dieu qui est le seul locuteur »[36]. Pour Sabrina Mervin, le genre littéraire du Coran est unique et son style « se distingue à la fois de la prose et de la poésie : il s'agit de prose assonancée (saj‘), qui n'a ni mètre ni rime systématique, et comporte çà et là des répétitions, des refrains »[37]. Hichem Djaït de son côté précise que le style coranique n'est « pas comparable à la prose et aux textes poétique du IIe siècle », à la Sîra d'Ibn Ishaq ou encore aux hadiths[38]. Pour Alfred-Louis de Prémare, « la cohésion de l’ensemble est assurée par la rhétorique et la thématique doctrinale. »[39] Guillaume Dye souligne que plusieurs procédés littéraires et herméneutiques ont été utilisés pour appuyer l'idée d'une unité du texte coranique. L'auteur voit ainsi dans l'ajout de l'impératif "dis !" une « technique éditoriale » pour transformer le texte humain en « texte d'origine divine »[40].
La question des genres littéraires a particulièrement été étudiée par Prémare[41], qui voit le Coran comme un corpus d’écritures hétérogènes, et Karim Samji[42],[40]. Ce dernier divise les genres en cinq catégories : prière, liturgie, sagesse, narration, proclamation[42]. G. Dye souligne aussi que le Coran est un corpus[Note 9] de textes de genres variés. Pour lui, certains de ceux-ci relèvent de la tradition orale tandis que d’autres relèvent « d’une composition proprement littéraire ». Ces différences de style se retrouve dans des sourates à l'intérieur de celles-ci[Note 10],[40]. Pour V. liati, le Coran est un « texte morcelé » puisqu'on y trouve des récits mêlés aux exhortations, aux prescriptions légales, aux annonces eschatologiques sans lien apparent[36]
Le coran est un corpus de textes appartenant à des genres littéraires différents provenant de sources, d'auteurs et de contextes historiques spécifiques. Parmi ces genres, on constate que « les exhortations, les menaces eschatologiques et les rappels apologétiques constituent l’essentiel »[43] des 6 236 versets du Coran. Viennent ensuite les règles de conduite pour 500 à 600 versets comme « la prescription sur le jeûne, la prière ou le pèlerinage, tout comme les règles des partages successoraux qui apparaissent plus spécifiquement juridiques », soit moins de 10 % du total[44]. Par ailleurs, sur les 228 « versets légaux » de contenu juridiques qui servent de base au droit musulman, seulement 80 versets sont unanimement incontestés par la tradition musulmane[44].
Un des genres principaux du Coran est celui de la prière. Caractérisés par une adresse initiale à Dieu (rabbana « mon Seigneur » par exemple), ces textes peuvent être des prières communautaires (sourate al-Fatiha) ou personnelles, bien qu'il ne soit pas toujours facile de déterminer la frontière entre les deux. Celles-ci peuvent être à but de supplication, apotropaïque, de louange[40].... Ces dernières rejoignent le genre de l’hymne. La sourate 55 est même considérée comme un « psaume coranique ». Un sous-genre des hymnes est celui de la profession de foi[40]. Le second genre - peut-être le principal - est celui de la narration. Ces récits mettent en valeur des éléments saillants d’une histoire supposée connue de l’auditoire. Les « histoires du châtiment divin » ont une valeur particulière d’ « exhortation et [d’] avertissement ». En cela, ils appartiennent au genre plus large, celui du sermon. Ces textes sont à rapprocher des textes d’instruction. Ceux-ci se trouvent dans le Coran et sont, souvent, introduits par « Ô vous qui croyez »[40]. Muhammad Ahmad Khalafallah distingue, au sein du genre narratif, plusieurs genres de récits[45]. Dans le Coran, se trouvent aussi d’autres genres littéraires, comme les proclamations oraculaires, les malédictions[40], les polémiques[46]...
La mise en avant d'une spécificité du genre coranique est, en particulier, le discours de certains musulmans pour qui associer un concept de technique narrative à ce qu'ils considèrent comme une parole divine pourrait être une forme de banalisation. Par exemple, un ouvrage sur le sujet, paru en 1947, « a été perçu comme une provocation, à la limite du blasphème et de l'apostasie »[47]. Pourtant, A.-S. Boisliveau souligne que cette distinction, au sein du Coran, de genres littéraires différents est affirmée par le Coran lui-même, selon qu'il se désigne comme un Kitab, une écriture ou un qur'an[Note 11]', une récitation[48]. Claude Gilliot voit, quant à lui, dans la tradition des sept ahruf coraniques une tentative ancienne de classer les genres contenus dans le Coran[49].
En ce qui concerne les versets de nature guerrière ou violente, Alfred Morabia avance que « sur les 35 versets où apparaît le mot jihâd, 22 sʼappliquent à un effort dʼordre général, 10 à la guerre et 3 ont une tonalité spirituelle »[50]. Quant à la racine du mot qtl (tuer, combattre), elle est utilisée « 170 fois dans le Coran, que ce soit pour évoquer la guerre ou le statut juridique du meurtrier ou la question de la prohibition du meurtre »[51].
Personnages
Mahomet est de manière explicite ou implicite le personnage central du coran même si le nom Muhammad n'est cité que quatre fois dans le corpus coranique. Ce nom signifie celui "digne de louange" ou le "bien aimé" : il s'agit donc d'un adjectif employé comme nom et d'un nom courant ou bien établi [52]. Muhammad semble donc être un surnom et l'étude de la signification exacte a une longue histoire[53]. Néanmoins, Muhammad est implicitement omniprésent car il est interpelé 332 fois avec le terme « Dis » (« qul »). En particulier ce qui est des sourates 1 à 70 qui représentent plus du 9/10e de la totalité du Coran, seule la sourate 55 (Le Miséricordieux) ne contient aucun verset renvoyant explicitement ou implicitement à Mahomet[54]. Ces mentions « Dis ! » seraient pour certains chercheurs parfois des ajouts des éditeurs ou scribes[55]. Elles sont un procédé rhétorique de construction du Coran en contre-discours[56]. Elles permettent d'affirmer qu'une phrase est d'origine divine et d'« asseoir l’autorité prophétique de l’allocutaire coranique » c'est-à-dire de la personne à qui la "Révélation" serait destinée. La formule "dis!" constitue un discours qui vise à transformer le réel lui-même (performativité)[57].La question de savoir si le terme coranique de Muhammad désigne le nom du messager de l'islam connaît un regain d’intérêt[53] : « Une partie des chercheurs occidentaux a depuis longtemps considéré que lorsque le Coran emploie Muhammad, il le fait dans un sens adjectival et non nominal »[52].
Dans le Coran, ne se trouvent que 35 noms de personnages humains en majorité bibliques : 6 personnages (Abu Lahab, Ahmed (identifié à Mahomet), Dhû-l-Qarnayn, Muhammad (Mahomet), Tubbaʿ et Zayd), 5 prophètes arabes (Hûd, Idris, Luqman, Sâlih et Shuʿayb) et 24 personnages bibliques[58].
Les femmes évoquées dans le Coran le sont principalement par des périphrases comme « l'épouse d'Adam ». Maryam est le seul nom féminin dans le Coran, mais elle est plus souvent cité que Mahomet lui-même. De plus, Jésus est présenté comme le fils de Maryam et non comme le "fils de Dieu"[59]. De plus, auteurs musulmans donnent une identité à la femme de l'intendant pharaonique (Zulaykha) ou encore à la reine de Saba (Bilqîs)[59].
Seuls deux contemporains du Coran sont cités nommément. Il s'agit, selon les interprétations traditionnelles, de l'oncle de Mahomet Abu Lahab et de son fils adoptif Zayd (ibn Hâritha)[59]. Pour ces identifications, l'historicité de ces personnages ont été remis en cause par plusieurs chercheurs[60].
Néanmoins, Emmanuel Pisani met en garde les lecteurs et considère que les figures prophétiques mentionnées dans le coran ont été réinterprétées a posteriori par les traditions musulmanes. Certains courants de l'islam ont, par exemple, défendu que les prophètes avaient été préservés de tous péchés et de toutes fautes. Mais selon Pisani « le Coran rapporte le péché d’Adam, de Moïse, de David, et les fautes de Muhammad »[61]. De même, Jacqueline Chabbi considère que cela vaut aussi pour Gabriel car le Gabriel coranique étant très éloigné du Gabriel des traditions musulmanes[62] ou pour Ismaël qui a fait l’objet d’une relecture postérieure au texte coranique[63].