Courbe algébrique
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En mathématiques, et plus précisément en géométrie algébrique, une courbe algébrique est une variété algébrique (ou un schéma de type fini) sur un corps, dont les composantes irréductibles sont de dimension 1. Cette définition est la généralisation moderne de celle des courbes algébriques classiques, telles que les coniques, définies, dans le cas des courbes planes, comme l'ensemble des points solutions d'une équation polynomiale.
Sous sa forme la plus générale, une courbe algébrique sur un corps est une variété algébrique de dimension 1 sur , séparée pour éviter des pathologies. En considérant les composantes irréductibles munies de la structure réduite, on se ramène aux courbes intègres. Par compactification et normalisation, on se ramène aux courbes projectives régulières, ce qui est la situation le plus couramment abordée. En dehors des variétés algébriques de dimension 0 qui se réduisent aux algèbres finies sur un corps, les courbes sont les premières variétés algébriques non triviales.
Courbes rationnelles
On appelle courbe rationnelle, ou encore courbe unicursale, toute courbe birationnellement équivalente à une droite (projective), que l'on peut identifier au corps des fractions rationnelles à une indéterminée, k(x). Si k est algébriquement clos, c'est équivalent à être une courbe de genre zéro ; cependant, le corps R(x,y) avec x2 + y2 = −1 est une courbe de genre zéro qui n'est pas un corps de fonctions rationnelles.
Concrètement, une courbe rationnelle de dimension n sur k peut être paramétrée (sauf pour des points isolés exceptionnels) au moyen de n fonctions rationnelles définies à l'aide d'un unique paramètre t ; multipliant par les dénominateurs communs, on se ramène à n+1 fonctions polynomiales dans un espace projectif.
Les premiers exemples sont :
- la droite affine dont les points rationnels correspondent à l'ensemble . C'est une courbe algébrique affine ;
- la droite projective dont les points rationnels correspondent à la droite projective ordinaire , c'est-à-dire l'ensemble des droites de l'espace vectoriel . C'est la courbe projective la plus simple.
Toute conique définie sur k et ayant un point rationnel dans k est une courbe unicursale, qui peut être paramétrée en déterminant l'autre intersection de la courbe avec une droite de pente t passant par le point rationnel, ceci donnant un polynôme de degré 2 à coefficients k-rationnels ayant une racine k-rationnelle ; l'autre racine est donc également rationnelle.
Considérons par exemple l'ellipse x2 + xy + y2 = 1, pour laquelle (−1, 0) est un point rationnel. La droite de pente t passant par (−1, 0) a pour équation y = t(x + 1). Substituant et résolvant en x, on obtient
- , et donc ;
cette paramétrisation rationnelle montre que l'ellipse est une courbe unicursale. Tous les points de l'ellipse sont ainsi obtenus, sauf le point (−1, 1), qui correspond à t = ∞ ; la courbe entière est donc paramétrée par la droite projective réelle (ou, plus généralement, par k complété par un point à l'infini ; si l'on se place dans le cas complexe, c'est une paramétrisation par la sphère de Riemann).
Ces paramétrisations permettent de résoudre des équations diophantiennes homogènes. Ainsi, à partir des équations précédentes, on obtient
et ces nombres vérifient
- ;
X, Y et Z sont entiers si t est entier, et le paramétrage précédent permet de montrer qu'il n'y a pas d'autres solutions entières. Ainsi, appliquant le théorème d'Al-Kashi, on construit tous les triangles à côtés entiers dont l'un des angles est 60°, comme le triangle de côtés 3, 7, et 8 (obtenu en prenant t = 2) puisque 82 − 3×8 + 32 = 72.
De nombreuses autres courbes classiques sont unicursales ; c'est le cas du folium de Descartes, de la deltoïde ou des courbes de Lissajous; voici (en anglais) une liste plus complète.
Courbes elliptiques
Une courbe elliptique peut être définie comme une courbe algébrique de genre 1 ayant un point rationnel : elles ont toutes pour modèle commun les cubiques non singulières. On prend souvent dans ce cas comme point rationnel un point d'inflexion à l'infini ; cela revient à écrire la courbe sous la forme de Tate-Weierstrass, dont la version projective est
Les courbes elliptiques sont munies d'une structure de groupe abélien, le point distingué étant l'élément neutre du groupe ; dans le modèle cubique, trois points sont de somme nulle (pour la loi du groupe) si et seulement s'ils sont colinéaires. Pour les courbes elliptiques définies dans le plan complexe, le groupe est isomorphe au quotient du groupe additif des complexes par le réseau des périodes fondamentales de la fonction elliptique correspondante.
Courbes de genre > 1
Les courbes de genre supérieur à 1 sont qualitativement différentes des précédentes. Définies sur les rationnels, le théorème de Faltings montre qu'elles ne peuvent avoir qu'un nombre fini de points rationnels ; elles peuvent être munies d'une structure hyperbolique. Des exemples importants sont les courbes hyperelliptiques, la quartique de Klein, et la courbe de Fermat (en) , avec .
Dans toute la suite, sauf dans la dernière section, on se placera dans le cadre des courbes projectives irréductibles et lisses sur un corps . On sait que cela implique que est régulière. Pour simplifier on suppose de plus que (donc reste irréductible sur la clôture algébrique de ).
Pour toute courbe (projective régulière et irréductible), son corps des fonctions rationnelles est un corps de fonctions d'une variable.
Si est un morphisme entre deux courbes (projectives régulières irréductibles), il est soit constant, soit dominant. Dans ce dernier cas, induit un morphisme des corps des fonctions rationnelles qui fait de une extension finie de
On obtient ainsi un foncteur de la catégorie des courbes projectives régulières irréductibles, dont les morphismes sont les morphismes non-constants de -schémas, vers la catégorie des corps de fonctions d'une variable, dont les morphismes sont les morphismes de -extensions.
Théorème — Le foncteur ci-dessus est une équivalence de catégories.
Concrètement, cela veut dire que la donnée d'une courbe est équivalente à la donnée de son corps de fonctions, et que la donnée de morphismes non-constant est équivalente à la donnée d'extensions finies de corps de fonctions.
Note : si n'est pas parfait, il existe des corps de fonctions d'une variable qui ne soient pas des corps des fonctions rationnelles de courbes projectives lisses irréductibles. En revanche, si est parfait, il n'y a pas de distinction entre régulier et lisse.
Définition — Soit un morphisme non-constant. On appelle degré de le degré de l'extension de corps correspondante. Un morphisme est degré 1 si et seulement si c'est un isomorphisme.
Un diviseur sur est une somme (formelle) finie à coefficients entiers, indexée par des points (fermés) de . Les sont tous nuls sauf pour un nombre fini d'entre eux. Le coefficient se note aussi . C'est la valuation de en . L'ensemble des diviseurs forment un groupe abélien libre dont une base est constituée des classes , . Un diviseur est dit effectif si les coefficients qui interviennent sont tous positifs ou nuls.
On définit le degré de par
où est le corps résiduel en , extension finie de par le théorème des zéros de Hilbert. L'application degré est un morphisme de groupes . Le noyau de ce morphisme est donc un groupe.
Il y a un type particulièrement important de diviseurs, les diviseurs principaux. Il s'agit des diviseurs associés aux fonctions rationnelles non nulles . Par définition, où est l'ordre d'annulation de en si est régulière en , et c'est l'opposé de son ordre de pôle sinon.
On montre que tout diviseur principal est de degré . L'ensemble des diviseurs principaux forment un sous-groupe du groupe . Le quotient de par les diviseurs principaux s'injecte dans , où est la jacobienne de . C'est un isomorphisme si est algébriquement clos ou si a un point rationnel.
On dit que deux diviseurs sur sont linéairement équivalents s'ils diffèrent par un diviseur principal.
Si est un diviseur, on lui associe un faisceau inversible sur de la manière suivante: pour tout ouvert affine de , est égal à l'union de 0 avec l'ensemble des fonctions rationnelles non-nulles vérifiant pour tout .
Inversement, tout faisceau inversible est isomorphe à un , étant unique à équivalence linéaire près.
Diviseur canonique — Le faisceau des formes différentielles sur est un faisceau inversible. C'est le fibré cotangent sur . Il lui correspond donc un diviseur , unique à équivalence linéaire près. Un tel diviseur est appelé un diviseur canonique de .
Le théorème de Riemann-Roch donne une estimation de la dimension de l'espace des fonctions rationnelles à pôles contrôlés par un diviseur donné. C'est un résultat fondamental dans l'étude des courbes algébriques. Concrètement, on se donne des points dans , et on leur affecte des coefficients entiers . Soit le diviseur somme des . Alors est par définition l'ensemble des fonctions rationnelles nulle ou vérifiant l'inégalité pour tout (plus synthétiquement : ). C'est un espace vectoriel sur le corps de base , de dimension finie que l'on note . On a les propriétés suivantes :
- Si et sont linéairement équivalentes, alors .
- . En particulier, si est négatif.
- si et seulement si est linéairement équivalent à un diviseur effectif.
- , où est le genre de la courbe, défini comme étant . C'est la forme faible du théorème de Riemann-Roch.
Théorème de Riemann-Roch — On a l'égalité
Corollaire :
- on a ;
- si , alors .
Définition — Une courbe hyperelliptique est une courbe de genre au moins 2, dont le corps de fonction est une extension (nécessairement séparable) de degré 2 du corps des fractions rationnelles . Cela revient donc à dire que admet un morphisme de degré 2 vers . Attention cependant que certains auteurs appellent plus généralement courbes hyperelliptiques celles qui admettent un tel morphisme défini sur la clôture algébrique de .
Exemples
- Une courbe projective plane donnée par une équation homogène de degré est de genre .
- Une courbe hyperelliptique correspondant à une extension (en caractéristique différente de 2) avec séparable de degré , est de genre . Une base des formes différentielles est donnée par .
- Sur la droite projective, le diviseur canonique est linéairement équivalent à si est un point rationnel quelconque.