Galilée (savant)
physicien, philosophe et astronome italien / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Galilée (en italien : Galileo Galilei), né à Pise le et mort à Arcetri près de Florence le , est un mathématicien, géomètre, physicien et astronome italien du XVIIe siècle.
Pour les articles homonymes, voir Galileo Galilei (homonymie), Galileo, Galilei et Galilée.
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(à 77 ans) Arcetri |
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Michelagnolo Galilei (frère) |
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Université de Padoue (à partir de ) Université de Pise (à partir de ) |
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Condamné pour |
Hérésie () |
Distinction |
Transformations de Galilée, équations pour la chute de corps (d) |
Parmi ses réalisations techniques, il a perfectionné et exploité la lunette astronomique, perfectionnement de la découverte hollandaise d'une lunette d'approche, pour procéder à des observations rapides et précoces qui ont bouleversé les fondements de l'astronomie. Cet homme de sciences s'est ainsi posé en défenseur de l'approche modélisatrice copernicienne de l'Univers, proposant d'adopter l'héliocentrisme et les mouvements satellitaires. Ses observations et généralisations se sont alors heurtées aux critiques des philosophes partisans d'Aristote (proposant un géocentrisme stable, une classification des corps et des êtres, un ordre immuable des éléments et une évolution réglée des substances et des scientifiques attachés au modèle de Ptolémée), ainsi qu'à une partie des théologiens de l'Église catholique romaine et des Églises protestantes. Galilée, qui ne disposait pas de preuves directes du mouvement terrestre, a parfois oublié la prudence qui lui était prônée par ses protecteurs religieux.
Dans son opus sur les comètes de 1623, il se fait le partisan de « l'écriture mathématique du livre de l'Univers ». Si Galilée n'a pas contribué à faire progresser l'algèbre, il a tout de même produit des travaux inédits et remarquables sur les suites, sur certaines courbes géométriques et sur la prise en compte des infiniment petits.
Par ses études et ses nombreuses expériences, parfois uniquement de pensée, sur l'équilibre et le mouvement des corps solides, notamment leur chute, leur translation rectiligne, leur inertie, ainsi que par la généralisation des mesures, en particulier du temps par l'isochronisme du pendule, et la résistance des matériaux, ce chercheur a posé les bases de la mécanique avec la cinématique et la dynamique. Il est considéré depuis 1680 comme le fondateur de la physique, qui s'est imposée comme la première des sciences exactes modernes.
Galileo Galilei (Galilée), fils de Vincenzo Galilei et de Giulia Ammannati, est l'aîné de leurs sept enfants. La famille florentine appartient à la petite noblesse et gagne sa vie dans le commerce à Pise. Vincenzo Galilei, son père, est luthiste, musicien, chanteur, et auteur en 1581 d'un Dialogue de la musique moderne. Il participe à des controverses sur la théorie musicale.
L'enfance
Galilée fait preuve très tôt d'une grande habileté manuelle. Enfant, il s'amuse à réaliser les maquettes de machines qu'il a aperçues[2].
Il est éduqué chez ses parents jusqu'à l'âge de 10 ans. Ceux-ci déménagent alors à Florence et le confient à un prêtre du voisinage, Jacopo Borghini, pendant deux ans[3]. Par la suite, Galilée entre au couvent de Santa Maria de Vallombrosa et y reçoit une éducation religieuse. Poussé au noviciat par ses maîtres[4], il ne poursuit pas sa carrière ecclésiastique très longtemps : son père, profitant d'une maladie des yeux de son fils, le ramène à Florence en 1579.
Deux ans plus tard, Vincenzo Galilei l'inscrit à l'université de Pise où il suit des cours de médecine (sur les traces d'un de ses glorieux ancêtres, le magister (maître) Galilaeus de Galilaeis), (1370 - ~1450), mais sans y porter de l'intérêt. Il revient à Florence en 1585 sans avoir fini ses études ni obtenu son diplôme.
La découverte de sa vocation
Dès 1583, Galilée est initié aux mathématiques par Ostilio Ricci, un ami de la famille, élève de Tartaglia. Bien que Ricci soit un savant peu renommé, il a l'habitude, rare à l'époque, de lier la théorie à la pratique par l'expérience. Il a également été influencé par Giovanni Battista Benedetti, autre élève de Tartaglia.
À l'âge de dix-neuf ans, il découvre, en chronométrant à l'aide de son pouls[5], la régularité des oscillations des lustres de la cathédrale de Pise. De retour chez lui, il compare les oscillations de deux pendules et travaille à la loi de l'isochronisme des pendules, dont le Néerlandais Christian Huygens découvre la vraie loi de l'isochronisme rigoureux (nécessitant l'invention d'un autre mouvement isochrone : le pendule cycloïdal alors que le pendule simple de Galilée n'est pas parfaitement isochrone) en [6], étape de la découverte d'une nouvelle science : la mécanique galiléenne[7].
Galilée observe la régularité du mouvement du pendule simple et le décrit en 1638. Il affirme que la période d'un pendule ne dépend pas de sa masse mais de sa longueur et il énonce la loi sur les périodes : les carrés des périodes d’oscillations sont proportionnels aux longueurs des pendules[8].
La formule (dans le cadre de l'approximation des petites oscillations) s'énonce de nos jours sous la forme suivante :
avec la période des oscillations, la longueur du pendule et l'intensité de la pesanteur.
Galilée entame des études de médecine, mais n'ayant aucun goût pour la médecine et la philosophie aristotélicienne, il les abandonne[9]. Grâce à Euclide, qui l'éblouit, Galilée réoriente ses études vers les mathématiques. Dès lors, il se réclame de Pythagore, de Platon[10] et d'Archimède et contre le géocentrisme aristotélicien. Dans le courant humaniste, il rédige aussi un pamphlet féroce sur le professorat de son temps. Deux ans plus tard, il est de retour à Florence sans diplôme, mais avec de grandes connaissances et une grande curiosité scientifique.
De Florence à Pise (1585-1592)
Galilée commence par démontrer plusieurs théorèmes sur le centre de gravité de certains solides dans son Theoremata circa centrum gravitatis solidum, et entreprend en 1586 de reconstituer la balance hydrostatique d'Archimède ou Bilancetta[11]. En même temps, il poursuit ses études sur les oscillations du pendule pesant et invente le pulsomètre. Cet appareil permettait d'aider à la mesure du pouls et fournissait un étalon de temps, qui n'existait pas à l'époque. Il commence aussi ses études sur la chute des corps.
Depuis son retour de Pise, l'ancien étudiant fréquente à Florence les cercles d'amateurs de musique, chers à son père, excellent théoricien de la musique. Il y donne des conférences érudites sur l'art et la littérature[réf. nécessaire]. Le fils Galilée est ainsi remarqué par le cénacle du cardinal del Monte, qui, en politique péninsulaire, soutient le parti français. En 1588, il est invité par l'Accademia Fiorentina (Académie florentine) à présenter deux leçons sur la forme, le lieu et la dimension de l'Enfer de Dante.
Parallèlement à ses activités diversifiées, il cherche vainement un emploi de professeur de géométrie ou de mathématiques dans une université. La mort de son père tombé gravement malade en 1589 rend cette quête cruciale, car il doit désormais subvenir seul aux besoins de sa famille. Il cherche alors à rencontrer, entre autres grands personnages avec lesquels il correspond déjà, le père jésuite Christophorus Clavius, sommité des mathématiques au Collège pontifical. Il obtient aussi l'aide du mathématicien Guidobaldo del Monte. Ce dernier recommande Galilée au grand-duc Ferdinand Ier de Toscane, qui le nomme à la chaire de mathématiques de l'université de Pise pour 60 écus d'or par an, une misère. Sa leçon inaugurale a lieu le .
En 1590 et 1591, il découvre la cycloïde et s'en sert pour dessiner des arches de ponts.
Il expérimente également sur la chute des corps et rédige son premier ouvrage de mécanique, le De motu (Le mouvement). La réalité même de ces « expériences » est aujourd'hui largement mise en doute et serait une invention de son premier biographe, Vincenzo Viviani. Ce volume contient des idées nouvelles pour l'époque, mais il expose encore, bien évidemment pour s'adapter aux contraintes de l'enseignement officiel, les principes de l'école aristotélicienne et le système de Ptolémée. Galilée les enseigne d'ailleurs longtemps après avoir été convaincu de la justesse du système copernicien, faute de preuves tangibles.
L'université de Padoue (1592-1610)
En 1592, Galilée part enseigner à l'université de Padoue, où il reste 18 ans[12]. Le départ de Pise, après seulement trois ans, s'expliquerait par un différend l'opposant à un fils du grand-duc Ferdinand Ier de Toscane. Ce nouveau poste à Padoue lui a été proposé par l'entremise du cardinal Del Monte. Il est sensiblement mieux rémunéré, et accompagné de la jouissance d'une maison qu'il n'hésitera pas à louer en partie à ses étudiants étrangers, quitte à cohabiter avec eux pendant les cours. Par ailleurs, il offre de grandes facilités de recherche.
Padoue, qui possède des artisans des métaux et du bois, experts en fonderie et en menuiserie, appartenait à la puissante République de Venise, ce qui garantissait à Galilée une grande liberté intellectuelle, l'Inquisition y étant très peu puissante. Même si Giordano Bruno avait été livré à l'Inquisition romaine par les patriciens de la République, Galilée pouvait effectuer ses recherches sans trop de soucis. Venise est alors très réputée pour son arsenal, et tout son savoir-faire artisanal et technique, ce qui offre à Galilée de grandes possibilités. Détail qui a son importance, la grande cité républicaine est également célèbre pour la qualité de son industrie verrière, protégée dans les îlots de Murano. Il logera modestement dans la ville, la « Sérénissime », avec sa compagne et ses enfants.
Galilée enseigne la mécanique appliquée, les mathématiques, l'astronomie et l'architecture militaire. Il installe une fructueuse coopération avec les ateliers de fondeurs et de menuisiers, ce qui lui permet de mettre au point avec ses étudiants des expériences sur le mouvement des solides. Il professait alors publiquement le système de Ptolémée, n'osant pas encore s'insurger contre les idées admises, bien qu'ayant déjà adopté personnellement le système de Copernic. Ses leçons de mécanique avaient un succès considérable, qui dépassait largement le cadre de la République de Venise, et le père Mersenne publiera en France en 1634 les Méchaniques de Galilée[13].
Depuis la mort de son père en 1591, Galilée doit subvenir aux besoins de la famille : il se porte notamment caution pour la dot — dix fois supérieure à son salaire — d'une de ses sœurs et devra jusqu'à la fin de sa vie aider financièrement son frère Michelagnolo Galilei ou supporter l'instabilité croissante de sa mère[14]. Galilée est accaparé par ses tâches d'enseignement et de recherche : il donne de nombreux cours particuliers à de riches étudiants qu'il héberge chez lui. Mais il est piètre gestionnaire et seule la vente d'instruments scientifiques (thermomètre de Galilée, balance hydrostatique) et surtout l'aide financière de ses protecteurs et amis lui permettent d'équilibrer ses comptes[15].
En 1593, il rédige le Trattato di Forticazioni (« Traité des fortifications ») et le Trattato di Meccaniche (« Traité de mécanique ») à l'intention de ses étudiants de cours particuliers. Les travaux de Galilée permettent une meilleure efficacité de l'artillerie lourde (ils établissent qu'un canon doit être pointé à 45° pour avoir sa portée maximale) et ne font l'objet d'aucune contestation.
En 1597, il améliore et fabrique un compas de proportion, le compas géométrique et militaire, ancêtre de la règle à calcul, qui connaît un grand succès commercial. Il n'en rédige le mode d'emploi que neuf ans plus tard.
En 1599, Galilée participe à la fondation de l’Académie des Ricovrati (Académie des découvertes) avec l’abbé Federico Cornaro. La même année, il fait venir le mécanicien Marc'Antonio Mazzoleni dans l'atelier au rez-de-chaussée de son logis pour y fabriquer et vendre, d'après ses propres plans, des instruments scientifiques[16].
La même année, Galilée rencontre Marina Gamba, une jeune Vénitienne issue de famille modeste, avec laquelle il entretient une liaison jusqu'en 1610 (ils ne sont pas mariés et ne vivent pas sous le même toit). En 1600, naît Virginia, sa première fille, suivie par sa sœur Livia en 1601, puis un fils, Vincenzo, en 1606. Après la séparation (non conflictuelle) du couple, Galilée se charge des enfants. Il placera plus tard ses filles au couvent à Arcetri. Sa fille aînée, Virginie, deviendra sœur Marie Céleste, car fille d'un scientifique fasciné par les étoiles[17].
Selon Guillaume Libri[18], Galilée expérimente vers 1602-1603, un appareil destiné à observer les variations de température ou thermoscope et en montre les effets à Castelli. Mais la primauté de la découverte ne peut être attestée[19].
L'année 1604
1604 est annus mirabilis, une année exceptionnelle pour Galilée, qui atteint ses 40 ans :
- en juillet, il teste sa pompe à eau dans un jardin de Padoue ;
- en octobre, il découvre la loi du mouvement uniformément accéléré, qu'il associe à une loi des vitesses erronée ;
- en décembre, il commence l'observation d'une nova connue depuis le 10 octobre au moins. Il consacre plusieurs leçons sur le sujet le mois suivant, et, en février 1605, il copublie Dialogo de Cecco di Ronchitti in Perpuosito de la Stella Nova avec Girolamo Spinelli. Bien que l'apparition d'une nouvelle étoile et sa disparition soudaine entre en totale contradiction avec la théorie établie de l'inaltérabilité des cieux, Galilée reste encore aristotélicien en public, mais il est déjà fermement copernicien en privé. Il attend la preuve irréfutable sur laquelle s'appuyer pour dénoncer l'aristotélisme.
Reprenant ses études sur le mouvement, Galilée montre que les projectiles suivent, dans le vide, des trajectoires paraboliques.
De 1606 à 1609
En 1606, Galilée et deux de ses amis tombent malades le même jour d'une même maladie infectieuse. Seul Galilée survit, mais il restera perclus de rhumatismes pour le restant de ses jours.
Dans les deux années qui suivent, le savant étudie les armatures d'aimants. On peut encore voir ses travaux au musée Galilée à Florence.
Perfectionnement de la lunette
En mai 1609, Galilée reçoit de Paris une lettre du Français Jacques Badovere (en), l'un de ses anciens étudiants, qui lui confirme une rumeur insistante : l'existence d'une longue-vue conçue par l'opticien hollandais Hans Lippershey en 1608, et permettant de voir les objets éloignés[20].
Fabriquée communément en Hollande et en France, la lunette est d'abord un jouet commun qui grossit les objets observés environ sept fois, non sans d'énormes aberrations latérales. Selon les indications françaises qui envisagent un usage de multiplicateur du sens de la vision, Galilée, qui ne donne plus de cours à Cosme II de Médicis, construit sa première lunette.
Galilée améliorera cette lunette simple en appliquant des principes élémentaires d'optique et la transformera en lunette astronomique, envisageant d'observer les étoiles invisibles à l'œil nu. Son instrument déforme toujours sensiblement les objets, mais les grossit surtout de manière linéaire jusqu'à trente fois[21]. Galilée est aussi le seul à l'époque en Europe à réussir à obtenir une image droite grâce à l'utilisation d'une lentille divergente en oculaire.
Cette invention marque un tournant dans la vie de Galilée, car elle le transforme de physicien en astronome. Et il croit d'emblée, sans construire une théorie prudente de l'instrument d'optique fabriqué, qu'il observe bien la réalité. Il se précipite vers l'observation des corps célestes et extrapole déjà leurs mouvements.
Le , il termine sa deuxième lunette assez proche de la longue-vue hollandaise et conçue pour l'observation maritime ou nocturne. Elle grossit huit ou neuf fois. Il la présente au sénat de Venise. La démonstration a lieu au sommet du Campanile de la place Saint-Marc. Les spectateurs sont enthousiasmés : sous leurs yeux, Murano, située à 2,5 km, semble être à environ 300 m seulement.
Galilée offre son instrument et en lègue les droits à la République de Venise, très intéressée par les applications militaires de l'objet. En récompense, Galilée est confirmé à vie à son poste de Padoue et ses gages sont doublés. Il est enfin libéré de ses difficultés financières.
Il faut cependant signaler que Galilée ne maîtrisait pas la théorie optique et que les instruments fabriqués sont de qualité très variable. Certaines lunettes sont pratiquement inutilisables (en tout cas en observation astronomique). En avril 1610, à Bologne, par exemple, la démonstration de la lunette est désastreuse, ainsi que le rapporte Martin Horky dans une lettre à Kepler.
Galilée lui-même reconnaissait, en mars 1610, que, sur plus de 60 lunettes qu'il avait construites, quelques-unes seulement étaient adéquates. De nombreux témoignages, y compris celui de Kepler, confirment la médiocrité des premiers instruments.
Montées sur de simple tubes en bois ou de carton[22], les lentilles conçues par Galilée permirent pour la première fois à l'œil humain d'étudier de près la Lune, les taches solaires et les planètes et leurs satellites.
Deux des lunettes astronomiques construites par Galilée sont exposées au Musée Galilée.
L'observation de la Lune
Pendant l'automne, Galilée continue à développer sa lunette. En novembre, il fabrique un instrument qui grandit une vingtaine de fois. Il prend le temps de tourner sa lunette vers le ciel. Très vite, en observant les phases de la Lune, il découvre, quelques mois après Thomas Harriot, que cet astre n'est pas parfait comme le voulait la théorie aristotélicienne.
La physique aristotélicienne, qui faisait autorité à l'époque, distinguait deux mondes :
- le monde « sublunaire » : comprenant la Terre et tout ce qui se trouve entre la Terre et la Lune ; dans ce monde tout est imparfait et changeant ;
- le monde « supralunaire » : qui part de la Lune et s'étend au-delà. Dans cette zone, il n'existe plus que des formes géométriques parfaites (des sphères) et des mouvements réguliers immuables (circulaires).
Galilée, quant à lui, observa une zone transitoire entre l'ombre et la lumière, le terminateur, qui n'était en rien régulière, ce qui par conséquent invalidait la théorie aristotélicienne. Galilée en déduit l'existence de montagnes sur la Lune et estime même leur hauteur à 7 000 mètres, davantage que la plus haute montagne connue à l'époque. Il faut dire que les moyens techniques de l'époque ne permettaient pas de connaître l'altitude des montagnes terrestres sans fantaisie. Quand Galilée publie son Sidereus Nuncius (Messager Céleste), il pense que les montagnes lunaires sont plus élevées que celles de la Terre, bien qu'en réalité elles soient équivalentes. Malgré certaines erreurs, le Sidereus Nuncius offre l'un des premiers exemples du souci de l'exactitude et de la rigueur scientifiques modernes[23].
La tête dans les étoiles
En quelques semaines, il découvre la nature de la Voie lactée, dénombre les étoiles de la constellation d'Orion et constate que certaines étoiles visibles à l'œil nu sont en fait des amas d'étoiles. Il étudie également les taches solaires sur le Soleil.
Le , Galilée fait une découverte capitale : il remarque trois petites étoiles à côté de Jupiter. Après quelques nuits d'observation, il découvre qu'il y en a une quatrième et qu'elles accompagnent la planète : ce sont les satellites visibles de Jupiter.
Les satellites de Jupiter (aujourd'hui appelés lunes galiléennes) seront baptisés Callisto, Europe, Ganymède et Io par Simon Marius, qui en revendiquera également la découverte plusieurs années après. Pour Galilée, qui est alors le seul à expliquer leurs mouvements relatifs, Jupiter et ses satellites sont un modèle du Système solaire. Grâce à eux, il pense pouvoir démontrer que les « orbes de cristal » d’Aristote n'existent pas et que tous les corps célestes ne tournent pas autour de la Terre. C'est un coup très rude porté aux aristotéliciens. Il corrige aussi certains coperniciens qui prétendent que tous les corps célestes tournent autour du Soleil (sauf la Lune).
Le , Galilée publie à Venise les résultats de ses premières observations stellaires dans l'ouvrage Sidereus nuncius (Le Messager céleste), dont les 500 exemplaires seront épuisés en quelques jours. Le professeur d'université de Padoue, qui affiche son origine florentine, accède à la célébrité en quelques semaines. Les cours italiennes ne parlent que de ses observations astronomiques et veulent rencontrer le noble homme de science florentin.
Désireux de retourner avec tous les honneurs dans sa Toscane natale et à Florence, Galilée rebaptise les satellites de Jupiter qui sont pour quelque temps les étoiles Médicées ou « astres médicéens », en l'honneur de Cosme II de Médicis, son ancien élève et grand-duc de Toscane qui vient de lui octroyer une généreuse pension à vie et lui proposer un poste officiel de géomètre du duché de Florence. Galilée a hésité entre Cosmica sidera et Medicea sidera. Le jeu de mots « Cosmica = Cosme » est évidemment volontaire et c'est seulement après la première impression qu'il retient la deuxième dénomination. La petite famille de Galilée — il a une femme et trois enfants vivant à Venise — est désormais protégée du besoin.
Le 10 avril, il fait observer ces astres à la cour de Toscane. C'est le triomphe. Le même mois, il donne trois cours sur le sujet à Padoue. Toujours en avril, Johannes Kepler offre son soutien à Galilée. L'astronome allemand ne confirme pas vraiment cette découverte puisqu'il n'a pas encore eu accès à la lunette, il offre seulement une dissertation-discussion (enthousiaste pour son aspect copernicien) sur la pertinence du petit ouvrage de Galilée. C'est la Dissertatio cum Nuncio Sidereo[24] où même la question de l'impact sur les fondements de l'astrologie est abordée (ces nouvelles planètes invalident-elles l'astrologie de la tradition ?). En , Kepler publie sa Narratio, un compte-rendu court et précis de l'observation des compagnons de Jupiter : c'est là qu'il crée le néologisme satellite (garde du corps en latin). En effet, si l'on ajoutait des planètes au Système solaire, son système des cinq solides (1596, Mysterium Cosmographicum) serait invalidé. À noter que Galilée ne lui fit jamais parvenir une seule lunette, et ce malgré son soutien officiel en tant qu'Astronome Impérial. L'observation des satellites de Jupiter n'a pu avoir lieu que par l'emprunt d'une lunette (qu'il eut à disposition une ou deux nuits seulement). Galilée, en effet, s'est toujours méfié des écrits képlériens faisant une part belle à l'astrologie, à l'Écriture Sainte (Kepler est protestant et théologien de formation) ou, à partir de 1609, à des ellipses et des forces dans le Système solaire. Par exemple, Galilée qualifiera de puérile l'idée d'une attraction mutuelle entre les eaux des mers et la Lune, rappelant trop la symbolique astrologique.
Observations à Florence, présentation à Rome
Le , Galilée quitte Venise pour Florence. Malgré l'avis de ses amis Fra Paolo Sarpi et Sagredo, qui craignent que sa liberté ne soit bridée, il a, en effet, accepté le poste de Premier Mathématicien de l'université de Pise (sans charge de cours, ni obligation de résidence) et celui de Premier Mathématicien et Premier Philosophe du grand-duc de Toscane.
Le , Galilée tourne sa lunette astronomique vers Saturne et découvre ses anneaux. C'est seulement 50 ans plus tard et avec des instruments plus puissants que Christian Huygens en comprendra la nature.
Le mois suivant, Galilée trouve une astuce pour observer le Soleil à la lunette et découvre les taches solaires. Il en donne une explication satisfaisante.
En septembre 1610, poursuivant ses observations, il découvre les phases de Vénus. Pour lui, c'est une nouvelle preuve de la vérité du système copernicien, car s'il est facile d'interpréter ce phénomène grâce à l'hypothèse héliocentrique, il est beaucoup plus difficile de le faire à l'aide de l'hypothèse géocentrique.
Il est invité le par le cardinal Maffeo Barberini (futur Urbain VIII) à présenter ses découvertes au Collège pontifical de Rome et à la jeune Académie des Lyncéens. Galilée reste dans la capitale pontificale un mois complet, durant lequel il reçoit tous les honneurs. L'Académie des Lyncéens notamment, lui réserve un accueil enthousiaste et l'admet en tant que 6e membre. Dorénavant, le lynx de l'Académie ornera le frontispice de toutes les publications de Galilée.
Le , des professeurs de sciences du Collège romain (dirigé par les jésuites) répondent à la demande d'information de Bellarmin. Cette réponse, signée par Christophorus Clavius, un éminent mathématicien, confirme au cardinal Bellarmin que les observations de Galilée sont exactes. Se limitant à leur domaine et aux questions posées, les savants se gardent bien de confirmer ou d'infirmer les conclusions que le Florentin en a tirées[25]. Galilée s'empresse de faire connaître cette opinion[26]. Il retourne à Florence le 4 juin.
Le , Galilée est grâce à sa lunette le premier humain à observer Neptune, visible à cette date en conjonction avec Jupiter[27],[28]. Le consensus est qu'il s'agit d'une pré-découverte, car, bien qu'il ait repéré un léger déplacement de Neptune en l'espace d'un mois, il n'a jamais rien publié qui laisse penser qu'il ait fait le lien avec le mouvement d'une planète[27]; il a néanmoins été proposé que Galilée aurait peut-être pu avoir conscience de la découverte, sur la base d'une étude minutieuse de ses relevés[27],[29]. Quoi qu'il en soit, cette pré-découverte s'est révélée utile 370 ans plus tard par les membres du programme Voyager, afin d'augmenter la précision des calculs de l'orbite de la planète en vue de son survol par Voyager 2[28].