Gironde (Révolution française)
groupe politique de la Révolution française / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Gironde (Révolution française)?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Pour les articles homonymes, voir Gironde.
La Gironde est, au début de la Révolution française, un groupe politique issu du parti patriote, dont les membres sont appelés « girondins », particulièrement connu en raison du conflit mortel qui l'a opposé au groupe des montagnards dans les premiers mois de la république (septembre 1792-juin 1793).
Gironde | |
Organisation | |
---|---|
Membres principaux | Nicolas de Condorcet Jean-Marie Roland de La Platière Jacques Pierre Brissot Pierre Victurnien Vergniaud |
Orientation | Gauche[1] puis droite (Convention nationale)[réf. nécessaire] |
modifier |
Influents à l'Assemblée législative (-), ils ont des ministres dans le gouvernement de Louis XVI et soutiennent notamment l'entrée en guerre de la France contre l'Autriche (avril 1792).
Après la crise du 10 août et l'arrestation de Louis XVI, ils constituent de nouveau une tendance importante dans la nouvelle assemblée, la Convention nationale (20 septembre 1792-26 octobre 1795), mais sont confrontés à l'hostilité d'un groupe plus radical, la Montagne, soutenu par la Commune de Paris issue de l'insurrection, qui représente les sans-culottes parisiens. Ce conflit, dont le procès de Louis XVI est une étape importante, aboutit à la défaite politique de la Gironde (2 juin 1793) et, par la suite, à la condamnation à mort de nombre de ses députés.
Les chefs de file girondins, Brissot, Vergniaud, Condorcet, Roland et son épouse, Manon Roland, meurent tous au cours de l'année 1793.
Les Girondins sont aujourd'hui connus dans l'historiographie de la Révolution française, notamment à la suite de l'ouvrage de Lamartine, Histoire des Girondins. Leur mémoire est célébrée à Bordeaux, où, sur la place des Quinconces, se dresse le monument aux Girondins.
À l'époque, ces mots étaient moins courants, quoique connus : les contemporains parlent parfois des « girondins » (ou « girondistes »)[2], mais plus souvent des « brissotins », des « rolandistes » (ou « rolandins ») et des « buzotins » (en référence au député Buzot, l'un des principaux orateurs des Girondins)[3].
Le nom de « girondins » est lié à celui du département de la Gironde, dont étaient issus plusieurs députés de ce groupe à l'Assemblée législative, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Grangeneuve et Ducos.
« À la fin de 1791, le parti des girondins était encore au berceau ; il ne pouvait encore figurer, dans l'Assemblée, que par Brissot, Vergniaud le meilleur orateur de la Gironde, Isnard, Armand Gensonné, Condorcet, et hors de l'Assemblée, que par Buzot, Clavière, Roland…[4] »
On peut y ajouter à l'assemblée trois autres législateurs bordelais : Guadet, Grangeneuve, Jean-François Ducos (1765-1793), et hors de l'assemblée Jean-Baptiste Boyer-Fonfrède, beau-frère de Ducos. Les girondins se sont violemment affrontés aux montagnards[5], incarnés par les figures de Robespierre, Danton ou Marat — que ce soit au Club des jacobins dont la plupart sont membres, à l’Assemblée législative ou à la Convention. Ils s'en distinguent par leur électorat, essentiellement provincial pour les girondins tandis qu'il est parisien pour les montagnards, mais également par leur position sur la guerre, voulue par les Girondins pour affermir la Révolution, et par le sort à réserver au roi déchu, qu'ils souhaitent épargner contrairement aux Montagnards, qui désirent la mort de Louis XVI. Toutefois à l'Assemblée législative futurs montagnards et girondins s'accordaient pour la politique coloniale : la défense réussie des droits des hommes de couleur, libres entre et : décrets législatifs les 24 et obtenus notamment par Brissot et Vergniaud, devenue la loi du après que les ministres Clavière et Roland eurent convaincu le roi de sanctionner les décrets. En mai 1792 Robespierre salue cette loi [6] en laquelle il perçoit le seul élément positif de leur politique.
Le groupe des députés ou conventionnels de la « Plaine », très majoritaire, appuyait selon le cas les propositions de la Gironde ou de la Montagne.
L'influence des girondins était prépondérante à la Convention jusqu'à leur chute, de sorte que l'on parle parfois de « Convention girondine » pour la période allant de son ouverture, le 21 septembre 1792, jusqu'en .
En se fondant sur les arrestations consécutives au 2 juin, et sur les décrets du 8 juillet rendu par Saint-Just et du 3 octobre 1793 rendu par Amar, l'historienne Jacqueline Chaumié[7] estime les conventionnels girondins au nombre de 137 .
Débuts de la Révolution (juillet 1789-juin 1791)
Le 9 juillet 1789, les États généraux réunis depuis le 5 mai à Versailles deviennent l'Assemblée nationale constituante. Des réformes importantes ont lieu sous l'impulsion du parti patriote : abolition des privilèges (4 août 1789), Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, liberté de la presse, restructuration territoriale du royaume (création des communes et des départements), réorganisation de l'Église catholique, etc.
Des tensions apparaissent, se traduisant par le phénomène de l'émigration de nombreux nobles (souvent officiers dans l'armée), notamment celle des frères de Louis XVI. Le parti patriote se divise en plusieurs courants, dont le principal est la société des Amis de la Constitution, généralement appelé Club des jacobins.
En juin 1791, Louis XVI quitte clandestinement le château des Tuileries où il réside depuis octobre 1789, mais il est arrêté à Varennes-en-Argonne, puis ramené prisonnier à Paris, sous la surveillance de la Garde nationale. La majorité de l'Assemblée, menée par La Fayette, député et commandant en chef de la Garde nationale, décide de le maintenir sur le trône, en affirmant qu'il a été victime d'un enlèvement par des émigrés. C'est l'origine d'une crise majeure, la cassure des patriotes entre ceux qui veulent préserver la monarchie constitutionnelle (La Fayette) et ceux qui veulent passer à la république (Robespierre). Le peuple des sans-culottes[8] parisiens est favorable à la république, d'autant plus que l'Assemblée a établi un système de suffrage censitaire qui les prive du droit de vote.
La tentative de fuite du roi (juin 1791) et ses conséquences
Après la fuite du roi à Varennes le , les factions avancées et la majorité des jacobins signèrent le au Champ-de-Mars une pétition demandant la déchéance de Louis XVI et l'établissement d'une république en France. Cet événement qui dégénéra en tragédie (la fusillade du Champ-de-Mars) créa une scission au sein des jacobins et marqua un des tournants de la Révolution française.
À Pillnitz, le 27 août 1791, l'empereur, chef de la maison de Habsbourg, et le roi de Prusse signent une déclaration à l'attention des souverains d'Europe désignant le danger qui menace le trône de Louis XVI[9].
La nouvelle assemblée
En septembre, la constitution est promulguée par le roi et l'Assemblée constituante est remplacée par l'Assemblée législative, dont les 745 députés sont élus au cours du mois de septembre. Aucun d'eux ne siégeait à la Constituante, le renouvellement du mandat ayant été expressément exclu. La première séance a lieu le 1er octobre.
Le principal groupe est constitué par les membres du Club des feuillants (250 députés), partisans de la défense de la monarchie constitutionnelle ; le Club des jacobins a 136 membres élus[10] ; les autres députés sont plutôt proches des feuillants. Mais les jacobins sont bien implantés à Paris, dont le maire à partir de cette époque est Jérôme Pétion.
Parmi les jacobins, un groupe se met en avant assez vite autour de Brissot, de Condorcet et des députés du département de la Gironde Guadet, Gensonné et Vergniaud.
Le problème de la guerre
Il est posé dès le début de l'Assemblée législative, notamment à cause des tensions extérieures suscitées par les émigrés. Une autre source de tensions est la situation de la famille royale, qui a des liens de parenté avec plusieurs monarques européens (le roi d'Espagne est un Bourbon ; Marie-Antoinette est la sœur des empereurs Joseph II, puis Léopold II, la tante de François II).
Un des grands problèmes de cette période est lié à la menace de guerre entre la France révolutionnaire et les monarchies européennes, notamment celle de l'empereur François II[11], chef de la maison de Habsbourg, neveu de Marie-Antoinette, menace attisée par nombre d'émigrés appartenant généralement à des tendances contre-révolutionnaires.
Les débats sur la guerre à l'Assemblée et dans les clubs (octobre 1791-avril 1792)
Les questions de l'opportunité de la guerre sont débattues pendant plusieurs mois, d' à . L'armée des émigrés s'agitant près des frontières françaises[12], donne l'occasion aux girondins de mettre en pratique leur idée d'étendre le message de la Révolution aux peuples d'Europe, soumis à « l'esclavage des tyrans ». Ils portent donc le problème à l'Assemblée, le 22 octobre, avec un discours de Vergniaud et, le 31 octobre suivant avec une intervention d'Isnard. Le 9 novembre, l'Assemblée décrète que tous les émigrés doivent rentrer en France avant le . Dans son discours du à l'Assemblée qui ouvre le grand débat sur la guerre, le girondin Brissot déclare : « … Et nous dont les frontières sont menacées, dont les réquisitions sont rejetées, nous, hommes libres, nous balancerions. La défiance est un état affreux. Le mal est à Coblentz (…) Le pouvoir exécutif va déclarer la guerre : il fait son devoir, et vous devez le soutenir quand il fait son devoir… »[13] Mais, dans l'immédiat, rien ne menace la France au point de se lancer dans l'aventure d'une guerre contre les puissances européennes.
Quand en novembre 1791, Robespierre rentre à Paris, venant d'Arras, il n'est plus député[14] mais demeure l'une des principales figures des jacobins[15], dont il a assuré la cohésion au moment de la scission des feuillants[16] le . (Après les élections législatives, le 1er octobre suivant, le Club très réduit à la suite de ces défections, recevra l'afflux de nouveaux députés, notamment ceux de la future Gironde). Robespierre est élu à la présidence des jacobins le .
Dans un premier temps, Robespierre se prononce pour la guerre[17], au contraire de Billaud-Varenne. Puis, modifiant sa position, il s'oppose nettement à Brissot dans plusieurs discours.
Division des jacobins (décembre 1791)
Entre la France révolutionnaire et l’Europe dynastique, la guerre paraît inévitable ; la seule incertitude demeure alors celle de la date de son déclenchement. Robespierre, le 12 décembre, au club des jacobins, dans un nouveau discours, modifie sa position et conclut : « La guerre est le plus grand fléau qui puisse menacer la liberté dans les circonstances où nous sommes ». Mais en ces mois décisifs qui suivront, il ne fera aucune contre-proposition à la guerre, et à ce sujet les jacobins sont très divisés[18].
Les partisans de la guerre semblent l’emporter. Pourtant dans ses différents discours aux jacobins, Robespierre se montre à ce moment très réaliste sur les conséquences d’une guerre dans l’immédiat : « Domptons nos ennemis du dedans et ensuite marchons à tous les tyrans de la terre… » ou bien « La plus extravagante idée qui peut naître dans la tête d’un politique est de croire qu’il suffise à un peuple d’entrer à mains armées chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa constitution. Personne n’aime les missionnaires armés… » (Extrait du discours du aux jacobins). Danton, Camille Desmoulins, Marat, Billaud-Varennes, Anthoine, Panis, Doppet, Santerre, Hébert, Sylvain Maréchal, Philibert Simond, Collot d'Herbois, Fréron, François Robert, Chabot, Bazire, Merlin de Thionville, Charlier, Dusaulchoix maintiennent le cap et suivent Robespierre dans son opposition à la guerre offensive. Couthon, jacobin et futur ami de Robespierre, écrit en revanche en : « Le plus grand nombre est pour la guerre. Et je crois que c’est ce qui convient le mieux »[19]. Cependant, dans son discours du , appelant à la suppression totale des droits féodaux, il infléchit sa position : le combat contre les ennemis de l'intérieur et pour la radicalisation sociale doit primer sur les ennemis de l'extérieur. Le , un journal girondin, La Chronique de Paris, attaque six futurs députés montagnards jacobins, comme, selon l'auteur, agents de la cour « qui ont toujours été du parti contre la guerre » : Maximilien Robespierre, Jean-Paul Marat, Camille Desmoulins, Jean-Marie Collot d'Herbois, François Robert, Stanislas Fréron[20].
Montée des tensions en Europe (février-avril 1792)
Le la Prusse et l'Autriche signent un traité d'alliance contre la France. L'Espagne, la Russie et la Suède rappellent leurs ambassadeurs.
Voyant alors dans la guerre le salut de la Révolution, Brissot prône la guerre contre tous ceux qui, en Europe, encouragent la résistance aux lois révolutionnaires ou n’observent pas un gage de neutralité en désarmant les émigrés[21]. Il trouve un adversaire résolu chez Maximilien de Robespierre, ainsi que le chevalier de Pange, jeune journaliste pacifiste.
D'autre part le Roi et la Reine, convaincus que leur salut ne peut venir que de la défaite des révolutionnaires, rendent la guerre inévitable. Pour eux le salut de la monarchie passe par le recours aux princes étrangers[22].
Le gouvernement girondin (mars-juin 1792)
Les girondins entrent dans le gouvernement de Louis XVI au mois de mars 1792, alors que jusque-là, les ministres étaient issus de groupes plus modérés, notamment celui des Feuillants.
Les ministres girondins
- Jean-Marie Roland de La Platière (1734-1793) est
- ministre de la Justice du 23 mars au 13 avril, remplacé par Antoine Duranthon, girondin ;
- ministre de l'Intérieur du 24 mars au 13 juin ;
- Antoine Duranthon (1736-1793) est ministre de la Justice du 13 avril au 4 juillet, remplacé par Étienne de Joly, feuillant.
- Étienne Clavière (1735-1793) est ministre des Finances du 24 mars au 13 juin, remplacé par Antoine Duranthon pour quelques jours, puis par Jules-Émile-François Hervé de Beaulieu.
- Joseph Servan (1741-1808) est ministre de la Guerre du 9 mai au 13 juin, remplacé par Dumouriez, puis par Lajard
Une des grandes décisions du gouvernement girondin est de donner son accord à l'entrée en guerre de la France (20 avril), aussi voulue par les monarchistes contre-révolutionnaires, pour des raisons très différentes.
Le 13 juin 1792 voit le renvoi de plusieurs ministres par Louis XVI en raison de leur comportement jugé irrespectueux.
L'entrée en guerre contre l'Autriche (20 avril 1792)
Pendant ce temps les girondins agissent et argumentent dans le sens de Brissot et des brissotins, et la presque totalité de l'Assemblée vote la guerre le . Une dizaine seulement sur 750 refuse : sept lamethistes, le trio cordelier composé de Chabot, Basire et Merlin de Thionville[23], ainsi que le jacobin Charlier[24]. Déclarée au « roi de Bohême-Hongrie, » c'est-à-dire à l'empereur du Saint-Empire romain germanique (l'Autriche), la guerre comprenait aussi la Prusse qui était l'alliée de François II. Cette guerre allait durer 23 ans et entraîner toutes les nations d'Europe. Un journal jacobin les Révolutions de Paris, auquel collaborait Sylvain Maréchal, écrivait « Les guerres sont comme les fléaux, on sait quand elles commencent, on ne sait jamais quand elles finissent »[25]. Le jour même, Condorcet présente à l'Assemblée législative son grand projet d'instruction publique.
Les girondins ont voulu la guerre, ils ont su entraîner une grande partie de la France dans cette aventure, croyant que la guerre résoudrait les nombreux problèmes intérieurs que la Révolution a fait naître mais peut-être sans assez travailler les problèmes de fond, comme la capacité du pays à soutenir, sans alliés, un conflit contre les rois coalisés, tout en prétendant « républicaniser » l'Europe, ni même penser aux conséquences qu'un conflit pourrait avoir sur la Révolution elle-même. Il suffira des revers subis les premiers jours pour mettre les girondins en mauvaise posture à l'Assemblée.
Dès la déclaration de la guerre, Robespierre, pour qui Vergniaud ne cache pas son estime, ne diffère plus de ses adversaires que dans le choix des moyens de la conduire[26] et apporte, dès lors qu'elle est commencée, son adhésion pleine et entière[27]. Entre Robespierre et Brissot[28], le fossé s'élargit mais, même si la tension commence à monter, ils se rapprocheront à nouveau au sein des jacobins. Ce n'est pas encore la période des affrontements terribles où montagnards et girondins voudront se détruire[29].
Débuts de la guerre (du 20 avril à la mi-juin)
Très rapidement, l'armée française, désorganisée par l'émigration ou le retrait des officiers nobles, est en situation difficile. La perspective est donc celle de la défaite militaire et de l'écrasement de la révolution.
Le renvoi des ministres girondins (13 juin)
Le 13 juin le roi met son veto aux décrets votés par l'Assemblée nationale et renvoie les ministres girondins.
La journée du 20 juin
En représailles et afin de faire plier le roi, malgré l'interdiction de tout rassemblement[30], les girondins organisent une journée qu'ils veulent « pacifique » (sans violences) le 20 juin. Cette date est symbolique : c'est l'anniversaire à la fois du serment du Jeu de paume de 1789 et de la tentative de fuite du roi en 1791.
Les événements vont dépasser les limites prévues par Jérôme Pétion de Villeneuve, maire de Paris et les membres du conseil de Paris.
La manifestation reste sans résultat positif apparent, Louis XVI, malgré l'invasion des Tuileries[31] et les pressions subies, ne revient pas sur sa décision de ne pas signer les décrets et de reprendre les ministres girondins renvoyés. Pétion sera congédié le 8 juillet, pour ne pas avoir su maintenir l'ordre[32], mais, grâce à la pression des jacobins, il retrouvera son poste dès le 13 juillet suivant[33].
Ce jour-là, et même s'ils n'ont pas voulu ces débordements, le légalisme des girondins et leur respect de la Constitution cède le pas à leur parti-pris politique.
La Montagne n'y participant pas, cet échec aura des conséquences négatives pour les girondins ; non seulement cela fera monter d'un cran l'antagonisme entre patriotes[34] et monarchistes, en renforçant la position du roi[35], mais encore la manifestation du 20 juin conduira les « sans culottes » des faubourgs à l'Assemblée.
Des chefs sont apparus (Santerre)[36]. Ces hommes n'oublieront pas le chemin des Tuileries[37] ; ces patriotes, ayant pénétré dans le Palais et humilié le roi, ont compris que désormais il est possible d'en finir avec la monarchie[38].
L'évènement politique qui se produit ce jour-là doit être analysé en termes de rupture ; si les sections parisiennes[39] font leur entrée dans la salle du Manège[40], c'est qu'elles sont en train de le faire dans la vie politique[41].
Les montagnards refusèrent de s’associer à la journée du 20 juin, pour certains se tenant à l'écart ou pour d'autres la trouvant prématurée, mais les évènements qui ne vont pas manquer d'apparaître, leur permettront de préparer, dès le début du mois de juillet suivant, la journée révolutionnaire du 10 août.
Même si cela n'est pas visible dans l'immédiat, les girondins sortiront affaiblis de cette journée car, par son refus de lever le veto et le calme dont il a fait preuve, le roi, aux yeux de l'opinion, paraît sortir vainqueur de l'affrontement[42]. Girondins et montagnards se trouvent plus que jamais opposés quant à la politique à mener. Les premiers veulent freiner la Révolution, alors que les seconds, sous l'impulsion de leurs chefs, veulent au contraire la relancer.
Modération des girondins face à la crise (juillet 1792)
Le 3 juillet, dans un discours prononcé à l'Assemblée, Vergniaud attaque violemment la monarchie, mais au moment où l'on peut croire qu'il va demander la déchéance du roi, il propose « d'arrêter la monarchie chancelante sur le penchant de l'abîme ». En fait, il conseille au roi de sauver sa couronne en rappelant des ministres patriotes[43]. Ce même jour, il demande que la Patrie soit décrétée en danger.
Depuis leur élection à la législative, les girondins n'ont pas cessé d'attaquer la royauté afin de la déstabiliser, de la discréditer, pour en accélérer la chute. Mi-juillet, certains d'entre eux[44], les bordelais Gensonné, Guadet et Vergniaud sont pris d'inquiétude en voyant l'affrontement devenir inévitable. Afin de prévenir la catastrophe, ils décident de reprendre la route modérée en freinant toute action populaire dangereuse pour l'ordre social et tentent une ultime démarche pour sauver la monarchie. À partir du 20 juillet et à plusieurs reprises, Vergniaud et ses amis essaieront de rentrer en contact avec le roi[45]. Mais toutes leurs tentatives se solderont par une fin de non recevoir de la part de ce dernier. Le 28 juillet, Vergniaud écrira de nouveau au roi, en poursuivant, naïvement mais sans trop y croire désormais, les illusions qui ont inspiré sa conduite[46].
Même si la grande majorité des girondins ne participa pas à cette tentative de rapprochement avec le roi, tous redoutent cette insurrection populaire, qu'ils ont si longtemps appelée de leurs vœux. Ils décident donc d'essayer de la retarder et d'en atténuer les dégâts[47]. Dans son discours du 23 juillet à l'Assemblée, Vergniaud met en garde ses collègues d'une trop grande précipitation. Le 26 juillet, Guadet lira à l'Assemblée la sommation au roi, rédigée par Condorcet et demandée par la Commission extraordinaire, mais sans évoquer la déchéance. Brissot, montant à la barre peu après, parlera dans le même sens. S'ils n'ont pas de mal à convaincre la majorité des élus, hostiles à la déchéance, il n'en est pas de même pour les tribunes populaires qui manifestent leur mécontentement. Les girondins perdent là la confiance des sections en se coupant des forces populaires à un moment important de la Révolution[48].
Robespierre lui-même a essayé de freiner les fédérés[49], afin de ne pas se laisser entraîner au-delà de ce qu'il souhaitait. Pendant la première moitié de juillet il réussira à s'imposer et à réclamer le respect de la Constitution. Mais le 29 juillet aux jacobins, il déclarera : « La principale source de nos maux est à la fois… dans le pouvoir exécutif (le roi) qui veut perdre l'État et dans la législative, qui ne veut et ne peut le sauver ». Si sa pensée a évolué, il n'est pas encore disposé à franchir le pas. Il ne se prononcera pas pour une déchéance, ni pour une insurrection[50].
Tous les députés girondins[51] ont été élus et ont prêté serment, afin de maintenir les institutions, de respecter et de faire appliquer la Constitution, et pour certains, plus par légalisme que par monarchisme. Cette Constitution, acceptée par le roi le , ne pouvait subir aucune révision pendant les dix prochaines années[52].
Des girondins, comme Condorcet[53], Brissot[54], Roland[55], Guadet, Vergniaud, Isnard[56], Ducos[57], Buzot[58] et Etienne Clavière, étaient des républicains convaincus et de longue date. A propos de la question coloniale, Brissot, Condorcet, Guadet, Vergniaud, Gensonné, Ducos, Lasource et un de leurs proches, Jean-Philippe Garran-Coulon, menèrent un combat résolu pour faire triompher à l'assemblée législative la cause des droits à l'égalité des Blancs et des hommes de couleur libres qui furent finalement votés le et ratifiés par le roi le grâce aux nouveaux ministres jacobins Clavière et Roland.
Les événements de juillet 1792
Chronologie des événements qui précèdent l’insurrection du 10 août.
- Le 1er juillet, l’Assemblée apprend que les armées françaises, sous les ordres de Luckner se replient sur Lille. Ce même jour, Vergniaud fait décréter la publicité des séances des corps administratifs[59].
- Le 2 juillet, l’Assemblée décrète qu’après la fête civique du 14 juillet, les fédérés se rendront au camp de Soissons le 18 juillet[60].
- Le 3 juillet, Vergniaud, dans un long discours à l’Assemblée, attaque le roi qu’il accuse de « se servir de ses pouvoirs pour immobiliser nos armées ». Il demande à celle-ci de décréter la Patrie en danger[61].
- Le 4 juillet, l’Assemblée à la suite du discours de Vergniaud décrète que, lorsque le péril deviendra extrême, le Corps législatif le déclarera lui-même et que toutes les autorités se mettront en permanences[61].
- Le 5 juillet, le roi exprime son désir de venir, avec les représentants du peuple, recevoir le serment des gardes nationaux le 14 juillet.
- Le 6 juillet, entrée en guerre de la Prusse.
- Le 7 juillet, l’Assemblée apprend qu’une armée de 50 000 Prussiens marche vers la frontière.
- Le 9 juillet, à l’Assemblée, Vergniaud et Condorcet accusent le roi d’avoir favorisé les ennemis de la France[62]. Ce même jour, Brissot, Vergniaud, et Condorcet demandent que soient décrétés d’accusation les ministres de la Guerre et de l’Intérieur choisis par le roi[63].
- Le 10 juillet, les ministres mis en cause démissionnent.
- Le 11 juillet, l’Assemblée décrète la Patrie en danger comme elle l’avait annoncé le 4 juillet. Ce même jour, Robespierre accueille aux jacobins les fédérés venus de la province à Paris et propose à l’assemblée « le serment à la seule patrie »[64]. Danton les recevra peu après aux Cordeliers où ils seront hébergés[65].
- Le 14 juillet, commémoration de la fête de la Fédération du [66].
- Le 17 juillet et le 23 suivant, des pétitions des fédérés des départements demandent la suspension du roi et l’élection d’une Convention afin de réviser la Constitution[67].
- Le 17 juillet, le général Luckner envoie une lettre à l’Assemblée pour signaler le déséquilibre des forces en présence sur la frontière nord[68].
- Le 18 juillet, L’Assemblée décrète que la Commission des douze sera portée à 21 avec les suppléants. Les girondins y ont six membres dont Vergniaud, Guadet et Condorcet. Ce dernier sera nommé à la présidence le 21 juillet[69].
- Le 20 juillet, le directoire de Paris, de tendances très modérée, (qui soutient le roi) démissionne.
- Le 21 juillet, la Commission propose qu’une sommation soit faite au roi, afin que celui-ci nomme de nouveaux ministres. Vergniaud fera aboutir cette démarche à l’Assemblée.
- Le 22 et 23 juillet, après la proclamation solennelle de la Patrie en danger, la municipalité fait procéder à l’enrôlement des volontaires.
- Le 23 juillet, Louis XVI choisit son nouveau ministère : d’Abancourt devient ministre de la Guerre, Champion ministre de l'Intérieur, Dubouchage ministre de la Marine, Bigot de Sainte-Croix ministre des Affaires étrangères, et Dejoly ministre de la Justice[70]. Ce même jour sur proposition de Brissot, l’Assemblée vota la création d’une commission chargée d’examiner quels sont les actes qui peuvent entraîner une déchéance, ainsi que la rédaction d’une adresse au peuple pour le prémunir contre les mesures « inconstitutionnelles et impolitiques » qui lui seraient recommandées[71].
- Le 25 juillet le duc de Brunswick, généralissime des armées coalisées, lance son manifeste[72].
- Toujours ce , l’Assemblée décrète que les sections peuvent siéger en permanence. Ce jour-même arrivée à Paris des fédérés bretons[73].
- Le 26 juillet, la Commission des douze propose diverses mesures : notamment que les décrets d’urgence ne soient plus soumis à la sanction du roi ; que la liste civile allouée au roi soit sévèrement contrôlée[74].
- Le 27 juillet, l’Assemblée décrète que les sections peuvent créer un « bureau central de correspondance » à l’hôtel de ville[75].
- Le 29 juillet, Robespierre, dans un discours aux jacobins, développe le programme politique des futurs émeutiers. Il rédige aussi la plupart des pétitions des fédérés[76].
- Le 30 juillet, arrivée à la municipalité de Paris des fédérés marseillais (516 hommes), demandés par Barbaroux (qui est un élu de cette ville)[77].
- Le 31 juillet, la section Mauconseil déclare qu’elle ne reconnaît plus Louis XVI comme roi des Français.
Vers l’insurrection (du 1 au 9 août 1792)
Depuis le commencement de la guerre, la France n’a subi que des revers militaires, l’ennemi est aux frontières. La Patrie est en danger, et cela accentue la fermentation révolutionnaire. Le roi étant soupçonné de collusion avec l’ennemi, l’affrontement apparaît alors inévitable.
Le 1er août, le manifeste de Brunswick, publié à Paris, provoque un formidable sursaut révolutionnaire qui enflamme les sections, dont certaines ne reconnaissent plus Louis XVI comme roi des Français et ce dès avant cette date. Ce texte d’une rare maladresse prévoyait pour Paris des sanctions exemplaires. Louis XVI comprend tout de suite l’effet désastreux du manifeste et tente de le prévenir.
Le 3 août, celui-ci envoie un courrier au président de l'Assemblée pour essayer de se disculper, mais la lettre est mal reçue[78]. Le mal est fait[79]. Ce même jour, Pétion fait savoir à l’Assemblée, au nom de la Commune, que la presque totalité des sections demandent la déchéance du roi (47 sections sur 48). La déchéance tant redoutée par l’Assemblée ne peut plus être ajournée et doit être envisagée[80].
Le 4 août, la Commission des Vingt et un rappelle que seule l’Assemblée est habilitée à décréter la déchéance du roi. Ce même jour, Vergniaud fait annuler, par ses confrères députés, l’arrêté du 31 juillet dernier de la section Mauconseil comme inconstitutionnel. Dans la même journée, une délégation du faubourg Saint-Antoine, la section des Quinze-Vingts pose un ultimatum[81] à l’Assemblée quant à la déchéance du roi, pour le 9 août à onze heures du soir. Passé ce délai, le peuple agira par lui-même.
Le 5 août, dans la Chronique de Paris, Condorcet exprime ses craintes d’une insurrection survenant alors que l’ennemi étranger est aux portes du pays[82]. Mais il n’en continue pas moins, avec la Commission qu’il préside, à rechercher une solution à la crise, qu’il croit avoir trouvée avec le « plan Gensonné » tandis que, dans le Journal de Paris, le pacifique François de Pange critique avec véhémence le club des jacobins où « l'on admire la féconde immoralité de quelques hommes qui, chaque jour, savent offrir à notre étonnement un nouveau vice et porter l'impudence à des degrés inattendus […] Ils ont le projet d'appeler à Paris vingt mille hommes… Parisiens trop crédules, […] n'oubliez pas que les jacobins se destinent cette armée […] »[83].
Le 6 août, le girondin Gensonné, afin de rallier la majorité des députés, qu’il sait hostile à la déchéance, propose la suspension du roi ; ce qui a l’avantage d’éviter l’ouverture de sa succession, de respecter la Constitution et de préserver l’avenir, suivi par une invitation du peuple à former une Convention nationale[84]. Mais le parti girondin, qui passe pour être le plus fort, n’a pas la majorité à l’Assemblée, et aura bien du mal à convaincre ses collègues de voter la suspension avant l’ultimatum posé par les sectionnaires[79].
Le 7 août, Pétion, responsable de l’ordre en tant que maire de Paris, quoique proche des girondins, demeure l’ami de Robespierre, à qui il demande de calmer les jacobins et de contribuer au départ des fédérés pour apaiser la capitale[85], afin que les députés puissent régler dans la sérénité la question de la déchéance du roi. Robespierre ne s'y oppose pas[86].
Le 8 août, le décret de mise en accusation de La Fayette[87], demandé par la Commission, présidée par Condorcet, que Robespierre et Brissot[88] ont réclamé, est rejeté par l’Assemblée législative par 406 voix contre 224. Dès lors, il est probable que cette Assemblée étant dans sa grande majorité pour une monarchie constitutionnelle, mais aussi composée d’amis de La Fayette[1], n’acceptera aucune proposition de déchéance ni même de suspension. Devant ce vote, Robespierre, qui, jugeant l'Assemblée incapable de diriger les affaires publiques, a demandé la tenue de nouvelles élections le 29 juillet et s'est prononcé pour une réforme constitutionnelle établissant le suffrage universel, limitant les prérogatives du pouvoir royal et modifiant les rapports des représentants du peuple avec leurs commettants[89], ulcéré par l’aveuglement de celle-ci, ne donnera pas suite à la demande de Pétion[90]. Dans une lettre à Couthon, écrite le 9 août, il annonce que « la Révolution va reprendre un cours plus rapide, si elle ne s'abîme dans le despotisme militaire et dictatorial »[91].
Le 9 août est le jour que l’Assemblée s’est fixé pour examiner la question de la déchéance. À sept heures du soir, comme d’habitude, les députés se séparent. Ils n’ont pas pu arriver à se mettre d’accord ; ni sur la suspension, ni sur la déchéance de Louis XVI[79].
L'insurrection du 10 août
Le 9 août à minuit, le tocsin se met à sonner. C’est le signal convenu pour le déclenchement de l’insurrection du 10 août 1792.
L'Assemblée législative, le roi et l'insurrection
Les girondins au pouvoir
- procès du roi (novembre 1792-janvier 1793)
Le combat contre la Montagne (avril-mai)
Ce sont d’abord les girondins qui, pour cause de dénonciations calomnieuses, firent décréter l’arrestation de Marat par la Convention nationale le ; mais celui-ci est acquitté par le Tribunal criminel extraordinaire et regagna l’Assemblée triomphalement le .
Afin d’enquêter sur les exactions de la Commune de Paris et de veiller à la sécurité de l’Assemblée, les girondins firent nommer une Commission des Douze avec pouvoir d’arrestation.
Hébert, substitut de la Commune de Paris, fut arrêté pour les mêmes raisons que Marat — dénonciations calomnieuses et appel à la violence. La Commission des Douze fut cassée puis rétablie. Les partisans de l'exagération révolutionnaire, dans les clubs et notamment aux Cordeliers, firent appel aux sections encadrées de la force armée.
L'assaut de la Commune de Paris (31 mai-2 juin)
Forte de l’appui de 36 sections, la Commune organisa les journées d’émeute des 31 mai et 2 juin 1793. La Convention nationale cernée par des canons pointés sur elle que contrôlait Hanriot, chef de la garde nationale, vota sous la contrainte l’expulsion de vingt-neuf députés girondins et de deux ministres, le ministre des Affaires Étrangères Pierre Hélène Marie Tondu, connu alors sous le nom de Pierre Lebrun (le patronyme de sa mère, qu'il avait adopté pendant dix années d'exil politique à Liège entre 1781 et 1791), et le ministre des Finances, Étienne Clavière ; les girondins sont vaincus.