Histoire d'Israël
chronologie d'Israël depuis 1947 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Histoire d'Israël?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Cet article relate l'histoire de l'État d'Israël.
Pour les périodes antérieures à la création de l'État actuel :
- Préhistoire du Levant
- Israël antique, Histoire de l'Israël antique, Royaume de Juda et Royaume d'Israël ;
- La chronologie des différentes dominations sur le territoire de la Palestine (pour les Juifs « Erets Israel ») est traitée dans Histoire de la Palestine et dans Palestine mandataire. Quant à l'histoire plus particulière des Juifs, elle est abordée dans Histoire des Juifs en terre d'Israël ;
- La période précédant la création de l'État d'Israël est traitée dans Histoire du sionisme et Palestine mandataire.
Dès la fin du XIXe siècle — alors que les États européens connaissent la montée du nationalisme et parallèlement, de l'antisémitisme —, un mouvement sioniste apparaît dans les communautés juives d'Europe, ayant pour objectif la création d'un État des Juifs. C'est lors du septième congrès international sioniste, tenu en 1905, que la Palestine est définitivement choisie, après que d'autres territoires comme l'Ouganda ont été envisagés. Au départ minoritaire parmi les communautés juives, le mouvement sioniste, petit à petit, achète des terres sur place, négocie avec le Royaume-Uni (qui administre la Palestine à partir de 1917) et, ayant pris de l'ampleur après la seconde Guerre mondiale, parvient finalement à créer l'État d'Israël.
Vote du plan de partage de la Palestine
En , le gouvernement britannique remet le mandat qu'il détenait depuis 1920 sur la Palestine aux Nations unies.
Le , l'Assemblée générale des Nations unies adopte la résolution 181 qui prévoit le partage de la Palestine en un État juif et un État arabe.
Le nouveau Yichouv et les communautés juives sionistes accueillent favorablement ce vote mais les Arabes palestiniens et l'ensemble des pays arabes qui militaient pour la constitution d'un État arabe sur toute la Palestine rejettent la résolution.
Le lendemain du vote, la guerre civile éclate entre les communautés palestiniennes juive et arabe.
Création de l'État d'Israël, guerre de 1948 et problèmes de réfugiés
Le , la guerre voit s'affronter les communautés juive et arabe. En , des volontaires arabes entrent en Palestine pour seconder les Arabes palestiniens. En avril, les forces juives passent à l'offensive. Les forces et la société palestiniennes s'effondrent. Le , dernier jour du mandat britannique, l'indépendance de l'État d'Israël est proclamée en tant « qu'État juif dans le pays d'Israël ». Le lendemain , les États arabes voisins, opposés au partage, interviennent. En théorie alliés, ceux-ci ambitionnent des objectifs différents et combattront leur adversaire de manière désorganisée et désunie. À la suite d'une série d'opérations entrecoupées de trêves, les forces israéliennes vainquent militairement sur tous les fronts. À Jérusalem, un cessez-le-feu est signé le entre les gouverneurs israélien et jordanien de la ville[1]. La ligne d'armistice partage Jérusalem, laissant la vieille ville du côté arabe et Jérusalem est proclamée capitale de l'État d'Israël dès [2] bien que l'Assemblée générale des Nations unies ait décrété le l'internationalisation de Jérusalem et son partage en deux zones, l'une juive, l'autre arabe sous l'administration d'un haut commissaire nommé par l'ONU[3].
En gagnant la guerre de 1948, Israël conquiert 26 % de territoires supplémentaires par rapport au plan de partage et prend le contrôle de 81 % de la Palestine de 1947. La guerre s'accompagne de bouleversements démographiques. Entre et , environ 720 000 Arabes de Palestine fuient ou sont expulsés des territoires qui formeront Israël et dans les vingt années qui suivront, en parallèle avec les tensions du conflit israélo-arabe, l'essentiel des membres des communautés juives du monde arabo-islamique, soit plus de 850 000 personnes, s'enfuient de ces pays, en y abandonnant souvent tous leurs biens.
Le , un ultime cessez-le-feu est imposé avec succès sous la pression conjointe des Britanniques et des Américains. Le , Israéliens et Égyptiens signent à Rhodes, sous l'égide de l'ONU, un accord d'armistice et des armistices seront signés avec les autres protagonistes au cours des mois suivants.
La guerre a fait 6 000 morts militaires et civils parmi les Israéliens, 2 000 morts dans les armées arabes et un nombre inconnu de morts parmi les civils arabes[4].
Cette guerre marque le début d'une très importante immigration de Juifs en provenance des pays arabes et d'Europe, avec la mise en œuvre d'une série d'opérations programmées comme au Yémen (opération Tapis volant) ou en Irak (opération Ezra et Néhémie).
La guerre gagnée, la priorité[5] pour le nouvel état est de se doter d'institutions. Pour Ben Gourion, Israël doit être une république démocratique et parlementaire, sur le modèle occidental. Israël est même un État laïque dans le sens où il n'y a pas de religion d'État et que la souveraineté appartient au suffrage universel et non à la Torah. L'influence religieuse y est cependant très importante, aussi bien dans l'état-civil que dans les nombreux partis politiques confessionnels, qui donnent naissance à une vie politique passionnelle, animée par de multiples partis à cause d'un système électoral fondé sur une proportionnelle intégrale qui imposera au fil des élections et des majorités changeantes la formation systématique de gouvernements de coalition. Les premières élections législatives ont lieu en et donnent la majorité relative au Mapaï (gauche) qui peut former un gouvernement dirigé par David Ben Gourion. Souvent avec l'aide des partis religieux, la gauche gouvernera pendant près de 30 ans jusqu'en 1977. Chaim Weizmann est élu premier président de l'État, pour un rôle purement représentatif[Note 1].
La deuxième priorité est d'absorber les centaines de milliers d'immigrants venus d'Europe puis des pays arabes : la population croît de moins d'un million de personnes en 1948 à près de deux millions et demi en 1967, triple même entre 1948 et 1951[6]. Le modèle de développement choisi est un modèle social-démocrate assumé par l'État et par le syndicat Histadrout[6]. L'aide de la diaspora, particulièrement américaine, les réparations allemandes et l'essor démographique permettent un taux de croissance de 10 % par an : un nouveau port, Ashdod, une compagnie maritime, la Zim, et une compagnie aérienne, El Al, 350 kibboutzim et moshavim sont créés[5].
Toutefois, le jeune État ne réussit pas à s'insérer dans la région. Les accrochages et les actes de sabotage à l'intérieur d'Israël se comptent par milliers et plus de 400 Israéliens sont tués de 1951 à 1956. Ce harcèlement permanent, la montée en puissance de Gamal Abdel Nasser, ses préparatifs militaires et le blocus du détroit de Tiran qu'il instaure, débouchent sur la campagne du Sinaï et la crise de Suez, qui n'apportent rien politiquement à Israël, si ce n'est une certaine tranquillité jusqu'à la crise de la guerre des Six Jours[5].
État juif
Dans la déclaration d'indépendance, Ben Gourion met en relief le caractère juif de l'État d'Israël tout en y proclamant le respect de la liberté de conscience et de culte. Il lutte pour que Jérusalem reste à l'intérieur de l'État juif et la proclame capitale d'Israël[7],[Note 2].
Les autorités religieuses juives, musulmanes ou chrétiennes restent chargées de la célébration des mariages, ce qui confère une large autorité au grand-rabbinat d'Israël dont le fonctionnement est régi par la loi du [Note 3],[Note 4].
Kibboutzim
Un des traits caractéristiques de la jeune société israélienne est l'existence de communautés de vie et de travail, appelées kibboutzim, dont l'objectif est le plus souvent de nature agricole. Le premier kibboutz est fondé en 1908 à Degania en Galilée. En 1950, il en existe 214, regroupant plus de 67 000 habitants. En 2000, on en dénombre 268, pour 117 000 habitants. Les fondateurs de ces communautés sont souvent de jeunes idéalistes venus d'Europe, désireux de trouver un nouveau mode de vie et de participer à la création du nouvel État. Les kibboutzim fonctionnent comme des démocraties directes où tous les membres participent aux assemblées générales et où chacun effectue à tour de rôle les tâches les plus ingrates[9].
Les kibboutzim connaissent un succès remarquable : ils contribuent à 33 % de la production agricole et à 6,3 % de la production industrielle israéliennes. Dans les années 1970, près de 15 % des officiers de l'armée viennent des kibboutzim, alors que la population de ces communautés ne dépasse pas 4 % de la population totale[10]. Après un déclin sensible dans les années 1990, les kibboutzim connaissent un certain renouveau se caractérisant par une économie profitable, mais également, par un abandon au moins partiel des idéaux originels : de 1990 à 2000, le pourcentage de salariés dans les kibboutzim est passé de 30 à 67 %[9] et deux tiers des kibboutzim sont à présent dirigés par des professionnels et non par des membres du kibboutz[10].
Réparations allemandes et établissement des relations diplomatiques israélo-allemandes
Le , après quelques mois de négociations, le chancelier allemand, Konrad Adenauer — qui quelques mois plus tôt, a reconnu devant le Bundestag la responsabilité de l'Allemagne dans les crimes effroyables perpétrés à l'encontre du peuple juif et le devoir de son pays de les réparer « moralement et matériellement » — et le ministre israélien des Affaires étrangères Moshé Sharett concluent un accord sur les réparations allemandes[11]. Israël est alors en proie à de très grandes difficultés économiques que ni l'aide américaine ni la philanthropie des Juifs de la Diaspora ne peuvent résoudre. Malgré l'hostilité de l'opinion publique, du Hérout de Menahem Begin et même, de certains membres du Mapaï comme Golda Meir, au dialogue avec l'Allemagne[11], l'accord est conclu qui prévoit le paiement en douze ans par la République fédérale allemande de trois milliards de marks en marchandises et d'une pension à vie aux victimes du nazisme[11].
Le à New York, David Ben Gourion rencontre Konrad Adenauer qui promet de poursuivre son aide à Israël après l'expiration de l'accord sur les réparations, et en 1965, des relations diplomatiques sont établies entre les deux pays[11].
Immigrations de masse
Bien que la loi du retour ne soit votée que le , Israël, dès sa création en , connaît une immigration massive car, dès la veille de l'indépendance, le Conseil national du peuple a voté l'abolition des mesures britanniques concernant l'immigration juive[12]. Alors qu'au moment de l'indépendance, Israël ne compte que 650 000 habitants, plus de 684 000 immigrants s'y établissent entre 1948 et 1951, dont 335 000 en provenance d'Europe ou d'Amérique et 330 000 en provenance d'Asie ou d'Afrique[12] (très majoritairement des pays arabes). De 1948 à 1962, Israël favorise cette immigration massive, tout d'abord avec les opérations « Tapis volant » (au Yémen) en 1948 et « Ezra et Néhémie » (en Irak) de 1950 à 1952, ensuite et plus généralement, en provenance d'autres pays arabes (Maroc, Égypte, Tunisie) alors que l'immigration européenne de rescapés de la Shoah continue.
Villes de développement
L'antisémitisme en Irak, l'activisme sioniste, la crise de Suez et la décolonisation française en Afrique du Nord provoquent une immigration massive de Juifs en provenance d'Irak, du Yémen, d'Égypte du Maroc et d'autres pays arabes. Dans les années 1950 et 1960, Israël fonde plusieurs dizaines de villes dites « de développement » pour loger les Juifs venus principalement de pays arabes. Dès leur arrivée — ou parfois, après avoir séjourné dans un camp (ma'abarot) —, ces réfugiés sont souvent obligés de s'installer dans ces nouvelles villes qui n'offrent guère d'opportunités et qui sont construites à la périphérie d'Israël : de fait, ces immigrés sont privés de la possibilité de choisir une grande cité, plus accueillante. Un tel dispositif, tout en répondant à un besoin stratégique d'Israël de développer ses régions désertiques et de protéger ses frontières, contribue également à créer une société défavorisée de Juifs dits orientaux (bien que Maroc, Algérie et Tunisie se situent à l'« ouest » d'Israël).
Difficultés sociales
À partir des années 1950, se creuse un fossé profond entre, d'une part un « premier Israël », riche et cultivé, majoritairement ashkénaze, d'autre part un « second Israël », pauvre et déculturé, d'origine séfarade. En , cette situation débouche sur les émeutes de Wadi Salib, un ancien quartier arabe de Haïfa, quand la police tire et blesse grièvement un ivrogne séfarade qui perturbe la clientèle d'un café. À l'appel de l'Union des immigrants d'Afrique du nord, les manifestations s'étendent aux autres villes à population « orientale ». Une commission d'enquête met en lumière le clivage économique et socio-culturel entre les populations séfarade et ashkénaze, sans toutefois convaincre les institutions universitaires d'adresser le sujet[13].
Faire d'un peuple une nation
À la suite de ces différentes vagues d'immigration, il est important de transformer ces citoyens d'origines multiples — ashkénazes d'Europe centrale et orientale ou séfarades et orientaux d'Afrique du nord et du Moyen-Orient — en citoyens israéliens partageant la même histoire. C'est ainsi que sont instituées la journée du Souvenir (Yom haZikaron) à la mémoire de tous ceux tombés au champ d'honneur et la fête de l'Indépendance (Yom Haʿatzmaout).
Il est également nécessaire de réconcilier l'État d'Israël avec son passé juif : vont remplir cette fonction l'institution de la journée de la Shoah (Yom HaShoah), la fondation de l'Institut Yad Vashem et tout particulièrement, les grands procès — tels celui impliquant Rudolf Kastner accusé d'avoir négocié avec les Nazis la libération de notables juifs contre une importante somme d'argent, et surtout, celui d'Adolf Eichmann, chef de l'Office central de sécurité du Reich, capturé en Argentine par le Mossad en 1960, jugé puis exécuté le [14]. Le procès de ce dernier — qui bénéficie d'un écho sans précédent dans l'opinion, grâce d'une part au développement de la radio et de la télévision, d'autre part à la résonance que lui donne Hannah Arendt —, révèle à tous les Israéliens et au monde une partie de l'horreur de la Shoah[15].
La guerre des frontières
À partir de 1950, un nombre croissant d'irréguliers n'appartenant pas aux armées des pays voisins d'Israël parviennent à terroriser les villages frontaliers en y tuant de nombreux civils — 19 en 1950, 48 en 1951, 42 en 1952 et 44 en 1953[16]. Dans la nuit du 12 au 1953, une Israélienne et ses deux enfants sont tués dans un attentat à la grenade près de Lod. L'opération de représailles menée par Ariel Sharon aboutit au massacre de Qibya, dans la nuit du 14 au qui fait 70 morts et qui entraine la condamnation d'Israël par le Conseil de sécurité de l'ONU[16].
Avant de partir pour une retraite provisoire le , Ben Gourion nomme Moshe Dayan chef d'état-major et Shimon Peres directeur général du ministère de la Défense. Moshé Sharett remplace alors Ben Gourion en tant que Premier ministre[17]. Ce nouveau gouvernement bénéficie de près de deux mois sans grave incident[17], jusqu'au , jour du Massacre de Ma'aleh Aqrabbim dans le Néguev, où 11 passagers d'un bus israéliens sont tués par des terroristes venus de Jordanie.
En 1955, c'est avec l'Égypte que les incidents deviennent plus fréquents : le , une patrouille égyptienne est interceptée en territoire israélien après avoir pénétré deux bases israéliennes à Rishon LeZion et Ness-Ziona, et avoir tué un motocycliste à Rehovot[18]. Cinq jours plus tard, une opération de représailles menée par Ariel Sharon dans la bande de Gaza entraine la mort de 38 soldats égyptiens et de huit soldats israéliens[18]. Gamal Abdel Nasser annonce alors la création d'unités spéciales de commandos palestiniens, les fedayin qui harcèlent immédiatement les villages frontaliers israéliens[18]. Durant l'été 1955, une incursion des fedayin jusqu'à Ra'anana suscite une violente riposte israélienne sur Khan Younès au cours de laquelle 70 militaires égyptiens sont tués. Nasser annonce alors la conclusion d'un accord militaire avec la Tchécoslovaquie comprenant des centaines d'avions (MiG-15 et bombardiers Iliouchine) et des pièces d'artillerie, ainsi que des sous-marins. La livraison imminente de ces armes amène Israël à se tourner vers la France[18].
Le , à Kfar-Habad près de Tel Aviv, des fedayin venus d'Égypte massacrent trois enfants et un adulte dans une synagogue[19],[20]. De son côté, le roi Hussein de Jordanie ne peut résister aux pressions de Nasser et des Palestiniens installés dans le royaume ; il laisse les fedayin harceler l'État hébreu, harcèlement auquel ce dernier répond vigoureusement. Le , une riposte israélienne sur un fortin jordanien de Qalqilya fait 70 à 90 morts côté jordanien et 18 morts et 68 blessés côté israélien[21]. Le , premier jour de la campagne du Sinaï, à Kafr Qassem, la police des frontières israélienne massacre une cinquantaine de paysans arabes israéliens qui n'ont pu être avertis du couvre-feu imposé en vue d'une éventuelle attaque jordanienne.
Rapprochement franco-israélien
Dès la fin 1954, sous l'impulsion de Shimon Peres et malgré l'opposition du Quai d'Orsay, Israël négocie les premiers gros contrats d'armement avec la France qui cherche à faire payer à Nasser son soutien indéfectible à l'insurrection algérienne[21]. En , le département d'État américain lève l'embargo sur l'armement à destination d'Israël : la France peut livrer à l'État hébreu ses trois premiers Mystère IV en . Durant les semaines suivantes, douze autres Mystère IV, des chars et des camions sont livrés à Israël, tandis que les services secrets israéliens fournissent aux Français des messages codés échangés entre l'Égypte et les chefs du FLN[21]. Dans les jours précédant la campagne du Sinaï, la France, devenue le principal fournisseur d'armes d'Israël, signe un accord avec l'État hébreu pour la construction d'un réacteur nucléaire à Dimona et pour la fourniture de l'uranium qui lui est nécessaire[21].
Cette idylle « franco-israélienne » est confirmée en 1960 quand le général de Gaulle s'adresse à Ben-Gourion, en visite officielle à Paris, en évoquant ainsi Israël : « notre ami, notre allié ». Mais déjà, le ministre des Affaires étrangères, Maurice Couve de Murville, demande aux Israéliens d'interrompre la construction de la centrale nucléaire de Dimona et rappelle à Paris le pro-israélien ambassadeur de France en Israël Pierre-Eugène Gilbert[22].
Crise du canal de Suez et campagne du Sinaï
Le , le colonel Nasser annonce la nationalisation de la Compagnie internationale du canal de Suez — dont Britanniques et Français sont les principaux actionnaires —, entraînant ainsi un rapprochement franco-britannique pour mener une riposte militaire[21]. Le , la France, le Royaume-Uni et Israël concluent un accord secret à Sèvres pour prendre le contrôle du canal.
Entre le et le , l'armée israélienne — sous les ordres de Moshe Dayan, dont les objectifs sont la destruction de bases de fedayin de la bande de Gaza et la liberté de navigation dans le détroit de Tiran — conquiert successivement El-Arich et Rafah, puis Khan Younès et Gaza, enfin Charm el-Cheikh. L'armée parvient finalement, d'une part à prendre le contrôle du détroit de Tiran[23] — et à permettre sa réouverture à la navigation —, d'autre part à stationner à moins d'une vingtaine de kilomètres du canal de Suez[24]. Quatre mille militaires égyptiens sont capturés. Le , les parachutistes français et britanniques s'emparent de l'aérodrome de Port-Saïd et de Port-Fouad, mais les Américains, les Soviétiques et l'Assemblée générale de l'ONU imposent un cessez-le-feu qui prend effet le . Britanniques et Français retirent leurs troupes en et les Israéliens retirent les leurs le [24]. Les Casques bleus s'installent à la frontière égypto-israélienne et à Charm el-Cheikh[25].
La campagne du Sinaï renforce l'aversion des Arabes envers Israël qui voient une ignominie dans la victoire des soldats juifs. On assiste alors à une réédition ininterrompue en arabe des Protocoles des sages de Sion et de Mein Kampf, et l'extermination de six millions de Juifs devient une affabulation pour les Arabes, pour qui l'« organisation satanique mondiale des Sages de Sion » explique la défaite arabe[24].
Retraite de David Ben Gourion
En 1963, David Ben Gourion, alors âgé de soixante-dix-sept ans, est auréolé de ses derniers succès : la guerre de 1956, sa réélection en 1959, le procès Eichmann et ses voyages internationaux réussis aux États-Unis et en France. Il gouverne en s'appuyant sur sa « jeune garde » et se heurte par là à l'hostilité des dirigeants du Mapaï plus âgés, tels Levi Eshkol ou Golda Meir. Son entêtement à vouloir mener en justice l'ancien ministre Lavon exacerbe ses opposants ainsi que la presse, de gauche comme de droite. Le , David Ben Gourion se retire de la vie politique et s'installe définitivement au kibboutz Sde Boker, dans le Néguev. Levi Eshkol, qui appartient au Mapaï, devient Premier ministre[26]. En 1965, Ben Gourion crée un parti dissident du Mapaï, le Rafi, autour de personnalités qui lui sont fidèles, telles que Moshe Dayan, Shimon Peres, Chaim Herzog et Teddy Kollek[27], mais ce parti rejoint le Mapaï dès 1968. David Ben Gourion meurt le .
Naissance de l'OLP et première opération du Fatah
En , lors du sommet arabe réuni au Caire, Nasser fait accepter la participation d'une délégation palestinienne permanente conduite par Ahmed Choukairy. L'Organisation de libération de la Palestine (OLP), placée sous la présidence de Choukairy, est fondée à Jérusalem le et se dote d'une armée de libération de la Palestine intégrée aux armées arabes, mais jamais présente sur le champ de bataille, ainsi que d'une charte nationale préconisant la liquidation d'Israël et niant l'existence du peuple juif[28].
Le , le Fatah de Yasser Arafat, indépendant de l'OLP, lance à partir de la frontière jordanienne son premier raid contre Israël. L'existence de ces deux organisations séparées reflète l'opposition entre, d'une part la Syrie — qui prône une guerre de libération populaire et soutient le Fatah —, d'autre part l'Égypte de Nasser, opposée aux régimes baasistes syriens et irakiens[28].
Le , à l'instigation de Moscou, l'Égypte et la Syrie signent un accord de défense mutuelle[29]. Le , l'URSS informe la Syrie de la concentration de onze divisions israéliennes sur sa frontière, information que les Syriens ne peuvent confirmer au chef d'état-major égyptien. Malgré le démenti des Nations unies quant à la présence de troupes israéliennes le long de la frontière syrienne, Nasser ordonne à l'armée égyptienne de faire mouvement vers le Sinaï[30].
En , l'Égypte obtient du Secrétaire général de l'ONU U Thant le retrait des troupes de l'ONU du Sinaï et de Charm el-Cheikh où elles garantissent l'accès au golfe d'Aqaba, à la suite de quoi, le , les forces égyptiennes pénètrent dans le Sinaï. Le 23 mai, l'Égypte bloque l'accès au détroit de Tiran aux navires israéliens (route du sud essentielle à l'approvisionnement des Israéliens en pétrole) en imposant un blocus au port d'Eilat, ce qui rend caducs les accords internationaux sur les droits de passage dans le détroit, signés en 1957 par 17 puissances maritimes[31]. Israël considère cela comme un casus belli. L'alliance de l'Égypte avec la Syrie est complétée par des traités avec la Jordanie () et l'Irak ()[32]. Au nord d'Israël, l'artillerie syrienne bombarde inlassablement les localités de Haute Galilée. La propagande arabe, promettant de « jeter les Juifs à la mer » contribue à l'angoisse des Israéliens et des Juifs de la diaspora, mais aussi au complet soutien de cette dernière à Israël[33].
En Israël, le Premier ministre Levi Eshkol donne l'impression de ne plus avoir le contrôle de la situation. Finalement, sous la pression de l'opposition et notamment de Menahem Begin, Eshkol accepte de former un gouvernement d'union nationale dans lequel Moshe Dayan est ministre de la Défense et auquel participe Menahem Begin. Quant à la population, elle s'enfonce dans la peur et le désespoir, accentués par la décision du général de Gaulle de placer sous embargo toutes les livraisons d'armes françaises destinées au Moyen-Orient[34]. Pour Abba Eban, le ministre des Affaires étrangères, « le président de Gaulle avait placé Israël devant l'alternative « maintenant ou jamais ». Le choix ne pouvait être que maintenant. »[35]. En Égypte, la guerre est aussi jugée inévitable et, du Koweït au Maroc, en passant par l'Irak, la Libye, le Soudan et l'Algérie, on s'apprête à envoyer des corps expéditionnaires arabes dans le Sinaï et la bande de Gaza[35].
Le , arguant de l'imminence d'une attaque arabe, Israël lance préventivement une offensive éclair contre l'Égypte — menée par les généraux Moshe Dayan, ministre de la Défense, et Yitzhak Rabin, chef d'état-major — et appelle la Transjordanie à rester neutre. La Jordanie refuse et attaque Israël avec de l'artillerie lourde sur Jérusalem-ouest et la région de Tel Aviv. Le , Israël vainc l'armée jordanienne et prend le contrôle de tout Jérusalem (donc, du mur des Lamentations) et de la Cisjordanie. Le cessez-le-feu israélo-jordanien décidé par le Conseil de sécurité de l'ONU entre en vigueur le à 22 heures[36]. Le même jour, l'armée israélienne atteint Charm el-Cheikh et le lendemain, le canal de Suez. Le , tout le Sinaï est sous contrôle israélien[36].
Les Syriens continuant leurs bombardements, Tsahal monte à l'assaut du plateau du Golan le . Les troupes israéliennes arrêtent l'offensive syrienne le , dans la ville de Kuneitra[36].
Les aviations égyptienne, jordanienne et syrienne sont détruites en une journée. Au terme d'une guerre éclair de six jours et au prix de 759 morts et 3 000 blessés[32], Israël conquiert la Cisjordanie dont Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le Golan (y compris la zone des fermes de Chebaa) et la péninsule du Sinaï[37]. La Palestine arabe avec ses 1 200 000 habitants passe sous contrôle israélien[36]. La guerre fait aussi 15 000 morts du côté égyptien, 800, du côté jordanien, et 500, du côté syrien[36]. 250 000 à 300 000 civils palestiniens, ainsi que 100 000 habitants du Golan grossissent les camps de réfugiés en Jordanie ou en Syrie[36].
Cette guerre et particulièrement l'angoisse qui l'a précédée soudent la diaspora autour d'Israël. La victoire assure son implantation dans la région. Mais elle transforme aussi notablement la perception d'Israël par les autres nations. Ce peuple de réfugiés toujours menacés dans leur existence devient pour beaucoup une puissance occupant des territoires fortement peuplés. L'URSS et la plupart des pays de l'Est rompent leurs relations diplomatiques avec Israël[36].
Le , la Knesset vote l'annexion de fait de la partie est de Jérusalem en adoptant une loi assurant la continuité des services publics des deux côtés de l'ancienne ligne de démarcation et en dissolvant la municipalité arabe le lendemain[38].
Conclusions diplomatiques
Du au se tient le sommet arabe de Khartoum où Nasser et Ahmed Choukairy font adopter les trois « non » de Khartoum — « non » à la reconnaissance d'Israël, « non » à des négociations directes et « non » à la paix — assortis d'un seul « oui » (la création d'un État palestinien), enterrant ainsi toute possibilité de paix[39].
Le , le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution 242 qui préconise l'application des deux principes :
- le retrait des forces armées israéliennes « des territoires occupés » (dans sa version en français) ou « from occupied territories »[40] (c'est-à-dire « de territoires occupés », dans sa version en anglais) au cours du récent conflit ;
- la fin de toute revendication ou de tout état de belligérance, le respect et la reconnaissance de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique de chaque État de la région et du droit de chacun d'eux de vivre en paix dans des frontières sûres et reconnues, dégagées de toute menace ou tout acte de violence.
Le Conseil de sécurité affirme également la nécessité :
- d'apporter une juste solution au problème des réfugiés ;
- de garantir l'inviolabilité territoriale et l'indépendance politique de chaque État de la région, à travers diverses mesures telles que l'établissement de zones démilitarisées.
Après la guerre des Six Jours, les Israéliens et leur gouvernement sont persuadés de leur supériorité face aux armées arabes. Cette certitude est renforcée par l'échec de la guerre d'usure lancée par les Égyptiens. C'est ainsi que le gouvernement israélien devient aveugle à la fois aux efforts de paix du président Sadate, ainsi qu'à ses préparatifs militaires. La guerre du Kippour, lancée le par les Égyptiens, surprend donc Israël.
Reprise de l'immigration
La victoire de 1967 entraîne immédiatement une reprise de l'immigration, avec, pour la première fois, un nombre important de ressortissants juifs issus des pays riches : entre 1968 et 1973, 34 000 Américains, 19 000 Français, 7 000 Britanniques s'établissent en Israël[39].
En 1968, débutent l'Alya de Juifs en provenance d'URSS et une série de procès antijuifs spectaculaires intentés en Russie, contre les « refuzniks » ou « prisonniers de Sion ». Les « Juifs du silence » d'URSS obtiennent le soutien de politiciens juifs et non-juifs en Europe occidentale. De plus, en , une conférence internationale tenue à Bruxelles appelle « au respect du droit inaliénable [des Juifs soviétiques] au retour dans leur patrie historique Israël ». Le Kremlin finit par céder et laisse partir 13 000 Juifs en 1971, 32 000 en 1972 et 33 000 en 1973, tout en leur demandant au préalable de rembourser le coût de leur formation scolaire[39]. En 1974, le Sénat américain adopte l'amendement Jackson-Vanik liant le développement du commerce américain avec l'URSS à l'assouplissement par l'URSS des règles d'attribution des visas de sortie à ses ressortissants[39].
Premières colonies israéliennes en Cisjordanie
Dès , le gouvernement israélien lance le plan Allon qui préconise l'implantation de colonies dans les territoires occupés, particulièrement sur le Golan et dans la vallée du Jourdain, afin d'assurer la sécurité d'Israël. Avec, d'une part la montée en puissance du Goush Emounim, créé en 1974 par les disciples du rabbin Zvi Yehouda Kook[41], d'autre part l'arrivée au pouvoir en 1977 du parti de droite du Likoud, les colonies ou implantations se multiplient en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec le but pour les Juifs de se réapproprier la Terre d'Israël (Eretz Israël)[42]. En 2016, la population juive de la Judée et de la Samarie se rapproche des 400 000 personnes[43].
Montée en puissance de la résistance et du terrorisme palestiniens
En , le Front populaire de libération de la Palestine revendique un attentat où périt un Israélien et où sont blessés une dizaine d'enfants. En représailles, le gouvernement israélien décide d'attaquer le camp de Karameh. Dans la bataille qui s'ensuit, des dizaines de soldats israéliens et plus d'une centaine de combattants palestiniens sont tués. Néanmoins, la résistance du Fatah est considérée comme un succès qui permet à Yasser Arafat, d'une part de faire adopter en 1968 une charte palestinienne niant toute revendication juive sur tout ou partie de la Palestine et prônant la lutte armée comme seule voie pour la libération de la Palestine, d'autre part de devenir le le chef de l'OLP[44].
À partir de 1970, les passagers juifs et israéliens des lignes aériennes deviennent la cible du terrorisme de l'air palestinien : le , une bombe fait exploser un avion de la Swissair à destination de Tel Aviv et fait 47 morts[45]. En , le FPLP détourne quatre vols avant de détruire les avions[45]. Le 8 mai 1972, un vol Vienne - Tel Aviv est détourné. L'intervention de Tsahal empêche les terroristes de mettre à exécution la destruction de l'appareil avec ses passagers[45]. Le , trois pirates japonais tuent 25 personnes (dont dix-sept pèlerins portoricains)[46] et en blessent 72 en tirant à l‘arme automatique sur les trois cents passagers qui viennent de débarquer à Lod, en Israël, d‘un appareil d‘Air France assurant la liaison Paris - Rome - Tel Aviv[45]. Le , onze athlètes israéliens sont abattus aux Jeux olympiques de Munich par des membres de l'organisation palestinienne Septembre noir.
Gouvernement Golda Meir et guerre d'usure
Le , Levi Eshkol meurt du cancer et, après l'intérim de Yigal Allon, Golda Meir devient Premier ministre d'Israël. Elle gouverne en s'appuyant sur un nombre restreint de ministres et conseillers et reste très pessimiste quant aux chances de paix avec les pays arabes[47].
Guerre d'usure
Les hostilités avec l'Égypte reprennent dès le , lorsqu'une vedette égyptienne coule le croiseur israélien Eilat, causant la disparition d'une cinquantaine de marins israéliens, ce à quoi Israël réplique en incendiant raffineries et réservoirs de carburant près de Suez[48]. En juin, puis en , l'artillerie égyptienne bombarde les positions israéliennes, faisant une quinzaine de morts, du côté de l'État hébreu. En réaction, Israël fait sauter des ponts sur le Nil, ainsi qu'une centrale électrique, puis construit une ligne de fortifications le long du canal de Suez — la ligne Bar-Lev, parfois surnommée la « ligne Maginot » israélienne[48].
Le , peu de temps après la mort de Levi Eshkol et avant même que Golda Meir lui succède officiellement, Nasser lance la guerre d'usure en annonçant publiquement que l'Égypte n'est plus liée par l'armistice de . L'armée égyptienne harcèle l'armée israélienne le long du canal de Suez y faisant deux-cents morts et blessés. Les Israéliens répliquent, et en , la plupart des batteries anti-aériennes égyptiennes sont détruites[48].
À la suite de ce revers, les Égyptiens recherchent et obtiennent le soutien militaire de l'URSS. Celle-ci dépêche alors deux-cents pilotes et des milliers de techniciens et de conseillers militaires que les Israéliens affrontent directement. Inquiets de ces derniers développements, les Américains présentent le le « plan Rogers » — du nom de William P. Rogers, le secrétaire d'État américain. Ce plan est rapidement accepté par les Égyptiens et les Jordaniens, puis par les Israéliens le , au prix de la démission du gouvernement de Menahem Begin et de quatre de ses collègues. Les hostilités cessent le [48].
Septembre noir
À la suite de trois détournements aériens vers un aéroport désaffecté jordanien, et alors que le Fatah ne cache pas son intention de renverser le régime jordanien, le roi Hussein lance ses unités de Bédouins contre le Fatah et le FPLP, faisant des centaines de morts dans les camps de réfugiés. Les Palestiniens proclament alors Irbid capitale de la république de Palestine. L'armée syrienne commence à intervenir au secours des Palestiniens au nord de la Jordanie, mais Israël met ses troupes en alerte et l'armée syrienne se retire. Nasser convoque un sommet arabe extraordinaire le 27 septembre 1970 au Caire, au cours duquel Arafat et Hussein de Jordanie signent un cessez-le-feu stipulant le désarmement des commandos palestiniens et leur retrait de Jordanie. Épuisé par la longueur des débats et la maladie, Nasser meurt le lendemain. Anouar el-Sadate lui succède. Quant à Yasser Arafat, il se retire au Liban où il établit le Fatah[44].
Panthères noires
Au printemps 1971, inspirés par les événements de en France et par le mouvement des Black Panthers aux États-Unis, les Panthères noires, groupe de jeunes gens issus des familles pauvres marocaines et d'étudiants gauchistes, provoquent de violentes manifestations à Jérusalem et dénoncent la « ségrégation » dont souffre le « second Israël » en matière de logement, d'éducation et d'emploi. Si le mouvement des Panthères noires disparaît rapidement, ses revendications inspirent le parti de Menahem Begin qui séduit l'électorat séfarade à partir de 1973[49].
Création du Likoud
Sous l'impulsion d'Ariel Sharon qui a alors quitté l'armée, est créé un nouveau parti, le Likoud, qui fédère différents partis de droite, dont le Gahal de Menahem Begin, qui en devient le chef[50].