Loading AI tools
De Wikipédia, l'encyclopédie libre
La Main à plume (1941-1944) est le groupe surréaliste qui prend la relève pendant la Seconde Guerre mondiale, en l’absence d'André Breton et de la plupart des surréalistes historiques, en exil aux États-Unis et au Mexique. De jeunes poètes, peintres et militants se regroupent sous ce nom rimbaldien - la Main à plume vaut la main à charrue, jamais je n’aurai ma main (Rimbaud, "Mauvais sang", Une saison en enfer[1]).
Ce groupe particulièrement politisé a lancé de nombreuses publications et activités collectives dans le Paris occupé. Il a édité une revue, qui a changé de nom à chaque livraison, pour échapper à la censure allemande: La Main à plume, Géographie nocturne, Transfusion du verbe, La Conquête du monde par l’image. De nombreuses plaquettes individuelles, dont le célèbre Poésie et Vérité 42 de Paul Éluard.
Politiquement, le groupe était à dominante trotskiste. Il s’est opposé à l'accommodement du champ littéraire et artistique à l'Occupant et au régime de Vichy, mais aussi, indirectement, à la politique du front uni de la résistance sous la direction du PCF. Il s’auto-définissait comme « une jeunesse qui se tient aussi loin d’Aragon qu’elle l’est de Drieu La Rochelle[2]».
La Main à plume est fondée par des proches d’André Breton. Certains ont été des animateurs de la FIARI, (Fédération pour l’Art Révolutionnaire Indépendant), qui regroupait surréalistes et artistes antistaliniens. Robert Rius, poète et militant, a été ami intime, « secrétaire » de Breton à la fin des années trente. Adolphe Acker est médecin et militant trotskiste. Jean-François Chabrun a quitté le groupe des Réverbères pour rejoindre les surréalistes en 1938[3].
À l'été 1941, ce petit groupe est rejoint par une bonne partie des Réverbères (Noël Arnaud, Jacques Bureau, Nadine Lefebure) puis plusieurs artistes surréalistes importants: Oscar Domínguez, Raoul Ubac, puis Jacques Hérold. La Main à plume est aussi en contact direct avec les surréalistes belges, via Christian Dotremont, qui a participé à toutes les publications du groupe. Elle agrège progressivement une génération surréaliste spontanée, qui s’engage autant dans une forme d’activisme littéraire que dans la résistance à l’occupant.
La première Main à plume est publiée en juin 1941. Elle est anonyme, éditée à compte d’auteurs, et auto-diffusée."État de présence", son éditorial-manifeste, défend la valeur de la poésie surréaliste, non-réconciliée avec les « consciences imbéciles » et, à mots couverts, la lutte contre l’occupant. Elle est imprimée par Lucien Cario, un typographe anarchiste, qui sera l'imprimeur de toutes les publications du groupe.
Avec les Réverbères ralliés à la Main à plume à l'été 1941[4], est publiée une seconde plaquette, Géographie nocturne.
En décembre 1941, le groupe fonde les Éditions de la Main à plume. Avec la complicité de Paul Éluard et de Picasso, paraissent Transfusion du verbe puis La Conquête du monde par l'image (juin 1942). Cette dernière plaquette, qui rassemble un grand nombre d'artistes surréalistes, a un retentissement considérable dans la France occupée.
Dès 1940, les nazis, qui ont aryanisé l'édition et pilonné les livres interdits, soumettent la presse à une censure directe mais les éditeurs, qui ont signé une convention d'auto-censure s'engageant à ne pas nuire aux intérêts allemands, restent assez libres[5]. En changeant de nom à chaque livraison, les publications de la Main à plume contournent les lois allemandes. Elles ne demandent pas de visa de censure mais ne sont pas non plus clandestines, elles ont une adresse, un dépôt légal à la Bibliothèque nationale et sont vendues en librairies[6].
L'ordonnance sur le papier, promulguée en avril 1942, qui oblige les éditeurs à passer devant une "commission de contrôle de papier",durcit les conditions d'édition. La Main à plume, frappée en juin 1942 par plusieurs arrestations, connaît une crise. Elle répond en publiant "les Pages libres de la Main à plume" (janvier 1943- janvier 1944), collection de 12 numéros sans achevé d'imprimé ou visa de censure: un simplet feuillet de couleur plié et illustré.
La Main à plume s'allie ensuite avec une autre revue, les Cahiers de poésie, dirigés par Jean Simonpoli, un linguiste d'origine corse, sympathisant communiste, qui consacre son numéro 4-5 au Surréalisme encore et toujours[7].
Au Quesnoy, une petite ville dans le Nord, André Stil publie les poètes et plasticiens de la Main à plume, sans visa de censure et édite des Cartes à jouer du 4.21, sur le modèle des papillons surréalistes.
En Belgique, Dotremont a fondé en 1943 les Éditions du Serpent de mer, en lien étroit avec la Main à plume[8].
L'Objet, la dernière plaquette du groupe, fruit d'un long travail théorique collectif, est restée inédite. Car à l'été de la Libération, le groupe est frappé par la mort de nombreux compagnons et miné par les conflits politiques.
La Main à plume a compté plusieurs militants trotskistes parmi ses membres et a participé à la résistance contre l'Occupant. Si Jacques Bureau et Maurice Blanchard se sont engagés à titre individuel dans des réseaux de résistance, d'autres membres du groupe ont rejoint les FTP. La majorité de la Main à plume prônait un internationalisme littéraire et politique hostile au PCF, qui a entraîné la rupture du groupe avec Paul Éluard à l'été 1943[9]. Le groupe a ensuite approuvé la participation à la lutte armée contre les nazis, dans les organisations de résistance dominées par les communistes. Robert Rius, Jean Simonpoli, et Marco Ménégoz, ainsi qu'André Prenant, ont monté un maquis à Achères-la-forêt en juin 1944 qui a été décapité avant d'avoir opéré. Ils ont été torturés et fusillés par la Gestapo en juillet 1944. La chute du maquis, due à une dénonciation, n'est pas totalement éclaircie[10].
Ces "francs-tireurs du surréalisme en Europe occupée" ont voulu « vivre l’histoire[11] » et d'autres membres du groupe n’ont pas survécu à la guerre. Tita, pseudonyme d’Edita Hirshowa, plasticienne, ainsi que Hans Schoenhoff, poète, Juifs, sont déporté.es en septembre 1942 et assassiné.es à Auschwitz[12]. Adolphe Acker, Jacques Hérold et Boris Rybak, Juifs également, ont survécu grâce à de faux papiers. Marc Patin est mort au STO de pneumonie et d’épuisement[13]. Régine Raufast, jeune poétesse et critique d’art, s’est suicidée en 1946. Jacques Bureau, critique et amateur de jazz, technicien radio pour le réseau Prosper-physician, a été emprisonné (juillet 1943) puis déporté en Allemagne, d’où il reviendra en 1945. Maurice Blanchard, ingénieur à SNCASO puis à la Junkers, a été "informateur, spécialiste aviation" pour le réseau Brutus. Il a reçu la croix de guerre le 10 octobre 1945.
Seamless Wikipedia browsing. On steroids.
Every time you click a link to Wikipedia, Wiktionary or Wikiquote in your browser's search results, it will show the modern Wikiwand interface.
Wikiwand extension is a five stars, simple, with minimum permission required to keep your browsing private, safe and transparent.