Saint-Empire romain germanique
regroupement politique de terres d’Europe occidentale et centrale, de 962 à 1806 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Cet article concerne le « Premier Reich » (962-1806). Pour le « Deuxième Reich » (1871-1918), voir Empire allemand. Pour l'Allemagne nazie (1933-1945), voir Troisième Reich.
Pour les articles homonymes, voir Empire romain (homonymie) et Empire d'Occident.
Ne doit pas être confondu avec Empire romain d'Occident, Empire carolingien, Confédération germanique ou Empire allemand.
Le Saint-Empire romain germanique, selon la terminologie francophone usuelle[14], est un État d'Europe ayant existé de 962 (couronnement d'Otton Ier) à 1806 (abdication de François II). Cet État, issu de la décomposition de l'Empire carolingien, a joué un rôle important dans l'histoire de l'Europe au Moyen Âge, notamment du fait du conflit entre les empereurs et les papes, et pendant les Temps modernes. Sa disparition aboutit à l'établissement de l'empire d'Autriche (empire d'Autriche-Hongrie à partir de 1867) et de la Confédération du Rhin, à laquelle succédera la Confédération germanique (1815) puis l'Empire allemand (1871).
(la) Sacrum Romanum Imperium
(de) Heiliges Römisches Reich
(it) Sacro Romano Impero
(cs) Svatá říše římská
–
(844 ans, 6 mois et 4 jours)
(XIIe siècle–XIVe siècle) (XIVe siècle–1806) Bannière impériale |
Armes du Saint-Empire |
Hymne |
Aucun (avant 1797) |
---|
Statut |
Monarchie élective Confédération |
---|---|
Capitale |
Aucune de jure Aix-la-Chapelle[1],[2],[3],[N 1](–) Palerme (Hohenstaufen), Prague[4],[5] (– ; –) Vienne[N 2],[6] (–) Ratisbonne[N 3],[7],[8](–) Wetzlar[N 4] (–) |
Langue(s) |
Véhiculaires : allemand, latin, italien et tchèque[9] - Langues germaniques : allemand, luxembourgeois et autres dialectes haut-allemands, néerlandais et autres dialectes bas-allemands, langues frisonnes - Langues romanes : italien et autres langues italo-romanes (parlers toscans, dialectes italiens médians), sarde, parlers gallo-italiques, vénitien, langues rhéto-romanes, arpitan, occitan, français et autres langues d'oïl (franc-comtois, lorrain, wallon, picard) - Langues slaves : tchèque, polonais et autres langues léchitiques, sorabe, slovène |
Religion |
Catholicisme Protestantisme luthérien (paix d'Augsbourg) Protestantisme calviniste (traités de Westphalie) |
Monnaie |
Thaler Gros de Prague |
États impériaux | 533 |
Population | |
---|---|
• 962 | ~ 4 700 000 hab. |
• 1700 | ~ 20 000 000 hab.[10] |
• 1800 | ~ 29 000 000 hab.[10] |
Densité (962) | ~ 10 hab./km2 |
Gentilé | Impérial(e) |
Superficie | |
---|---|
• 962 | ~ 470 000 km2 |
• 1034 | ~ 950 000 km2 |
• 1648 | ~ 570 000 km2 |
• 1806 | ~ 540 000 km2 |
476 | Date traditionnelle de la fin de l'Empire romain d'Occident. |
---|---|
Fin définitive de l'Empire carolingien après l'assassinat de son dernier empereur, Bérenger Ier. | |
Renovatio imperii : couronnement impérial d'Otton Ier. | |
1075-1122 | Querelle des Investitures. |
1250-1273 | Grand Interrègne : le trône impérial reste vacant. |
Le pacte fédéral fonde la Confédération des III cantons, donnant naissance à la Suisse. | |
Couronnement de Frédéric III, premier empereur issu de la maison de Habsbourg. | |
La paix d'Augsbourg autorise la religion luthérienne selon le principe « cujus regio, ejus religio ». | |
Les traités de Westphalie mettent fin à la guerre de Trente Ans, conflit opposant les Habsbourg aux États impériaux allemands protestants ayant impliqué de nombreux pays européens. | |
1740-1748 | Guerre de Succession d'Autriche. |
Recès d'Empire. | |
Création de la confédération du Rhin, destinée à remplacer le Saint-Empire, à l'initiative de Napoléon Ier. | |
François II abdique et dissout le Saint-Empire romain germanique. |
(1er) – | Otton Ier |
---|---|
(34e) – | François II |
Entités précédentes :
- Empire romain d'Occident (476, indirectement)
- Empire carolingien (924, indirectement)
- Francie orientale (962)
- Royaume d'Italie (962)
- Royaume de Bourgogne (1033)
Entités suivantes :
- Empire d'Autriche (1806)
- Confédération du Rhin (1806)
- Royaume de Prusse (1806)
- République française et républiques sœurs
- République cisrhénane
- République bouillonnaise
- République rauracienne
- République helvétique
- République cisalpine
- République subalpine
- République cispadane
- République transpadane -
Royaume de France
- Lorraine (1766)
- Franche-Comté (1678)
- Alsace (1678)
- Provence (1481)
- Dauphiné (1349) - Confédération des XIII cantons[11] (1648)
- Provinces-Unies[12] (1648)
- République de Genève[13] (1648)
- Duché de Parme et Plaisance[12]
- États belgiques unis (1789)
- République de Gênes[12]
- République de Venise[12]
- États pontificaux[12]
- Monaco (1524)
- République de Mulhouse (1515)
- Grand-duché de Toscane[12]
La dénomination française mentionnée démarque celle qui a été officiellement utilisée dans l'Empire du XVIe siècle au XVIIIe siècle, en latin : Sacrum Romanum Imperium Nationis Teutonicae (« Saint Empire romain de la nation teutonique »)[15], en allemand : Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation[16] (« Saint-Empire romain de la nation allemande »).
La référence à l'Allemagne est absente dans d'autres pays : il est couramment appelé Holy Roman Empire en anglais, Heiliges Römisches Reich en allemand, Sacro Romano Impero en italien, Heilige Roomse Rijk en néerlandais[17]. En France, la dénomination de Saint-Empire romain (SER) était en usage autrefois[18].
La qualification de « Saint », attestée en 1157[19],[20], a été rajoutée sous le règne de Frédéric Barberousse pour exprimer que les empereurs règnent par droit divin. Le nom de « Romain » apparaît vers 1184[19] et est utilisé de façon constante à partir de 1254. Les empereurs étaient titrés « Empereur des Romains », ce qui exprime la prétention de succéder, à travers l'Empire carolingien (établi en 800), à l'Empire romain d'Occident disparu en 476.
Une dénomination plus récente, celle de « Premier Reich » (Erstes Reich) ou de « Vieil Empire » (Altes Reich), est parfois utilisée pour le différencier du deuxième Empire allemand, fondé en 1871 (Deutsches Reich).
Sur le plan historique, le Saint-Empire est constitué au Xe siècle par la dynastie des Ottoniens en regroupant deux des divisions de l'Empire carolingien définies par le traité de Verdun de 843 : la Francie orientale germanophone et la Francie médiane, qui devient ensuite la Lotharingie, à la fois germanophone, italophone et francophone. L'empire d'Otton Ier s'étend donc de la mer du Nord aux États pontificaux, à l'est des quatre fleuves délimitant la Francie occidentale : l'Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône.
Le contrôle des empereurs sur l'Italie disparaît dès le Moyen Âge, ce qui suscite le conflit entre les Guelfes (favorables à la papauté) et les Gibelins (favorables à l'empereur) au sein des républiques urbaines italiennes. De leur côté, les rois de France s'emparent progressivement des territoires impériaux limitrophes de leur royaume, à la fin du Moyen Âge (Dauphiné, Provence) et à l'époque moderne (Franche-Comté, Alsace, Lorraine, notamment). Le Saint-Empire se rétracte donc peu à peu sur les territoires de langue allemande, perdant le contrôle des Pays-Bas à la suite de la création des Provinces-Unies en 1581.
Né à la même époque que le royaume de France capétien (987), l'Empire connaît une évolution très différente en ce qui concerne le pouvoir du souverain : les rois de France parviennent, au bout de plusieurs siècles, à créer un État centralisé en luttant sans cesse contre les droits et pouvoirs des princes féodaux ; dans l'Empire, la centralisation se développe non pas au profit de l'empereur, mais au profit de certains des princes, notamment les margraves de Brandebourg à l'origine de la maison de Prusse, les ducs de Saxe, les ducs de Bavière, sans que soit mis fin à un émiettement considérable : plusieurs centaines d'entités restent souveraines au XVIe siècle, dont certaines minuscules (par exemple la principauté d'Orange).
À l'époque moderne, l'Empire est le lieu de conflits successifs d'abord liés aux problèmes religieux : la guerre entre princes catholiques conduits par l'empereur Charles Quint et princes protestants, qui aboutit à la paix d'Augsbourg en 1555 ; puis la guerre de Trente Ans (1618-1648), dont la fin marque l'avènement d'un nouvel ordre européen, celui des traités de Westphalie. Au XVIIIe siècle, les progrès de la maison de Prusse (dynastie des Hohenzollern) suscitent un long conflit avec la maison de Habsbourg, qui occupe le trône impérial de façon quasi ininterrompue : ce conflit culmine dans deux guerres, la guerre de Succession d'Autriche (1740-1748) et la guerre de Sept Ans (1756-1763), qui toutes deux impliquent des puissances étrangères alliées à l'un ou l'autre camp.
Les victoires de Napoléon en 1805 et la création de la confédération du Rhin en 1806 démontrent l'impuissance de l'institution impériale, qui disparaît le lorsque François II dépose la couronne impériale, pour devenir empereur d'Autriche, maître de plusieurs principautés (archiduchés autrichiens) et de plusieurs royaumes (Bohême, Hongrie, Croatie).
Le , date de l'abandon par François II de sa qualité d'empereur des Romains, marque la fin du Saint-Empire, mais, comme l'écrit Ferdinand Lot, peut aussi être considéré comme l'« acte de décès légal » de l'Empire romain[21].
Nature politique et institutionnelle du Saint-Empire
En raison de sa fondation dans un contexte pré-national et de son caractère supranational, le Saint-Empire romain n'a jamais abouti à la formation d'un État-nation moderne, contrairement à la France ou au Royaume-Uni. Le Saint-Empire est resté un ensemble monarchique et corporatif, dirigé par un empereur et les États impériaux, et doté de très peu d'institutions impériales à proprement parler.
Le Saint-Empire romain se définit avant tout par des négations :
- le pouvoir de gouvernement de l'empire ne se trouve ni uniquement entre les mains de l'empereur des Romains ni uniquement entre celles des princes-électeurs ou encore d'une assemblée comme la Diète d'Empire ;
- l'Empire ne peut être considéré ni comme un État fédéral ni comme une confédération ;
- il n'est ni une simple aristocratie ni une oligarchie.
Toutefois, l'empire présente des caractéristiques de toutes ces formes étatiques.
En tant qu'« organisation faîtière », l'empire enveloppe de nombreux territoires et sert de cadre juridique à la cohabitation des différents seigneurs. Les princes du Saint-Empire, donc des ducs, princes et prince-évêques, sont presque autonomes mais non souverains. Ils reconnaissent l'empereur comme le dirigeant de l'empire et se soumettent aux lois, aux juridictions et décisions de la Diète d'Empire, mais prennent une part active à la politique impériale sur laquelle ils influent, à commencer en élisant l'empereur mais aussi en participant aux diètes et autres représentations corporatives. Contrairement aux autres pays, les habitants ne sont donc pas les sujets directs de l'empereur. Chaque territoire immédiat a son propre seigneur, et chaque ville libre d'Empire a son maire.
Le Saint-Empire tend finalement à être défini comme un « État complémentaire »[22], une notion introduite en par Georg Schmidt (de)[23] et qui s'est imposée[24].
L'histoire du Saint-Empire est marquée par la lutte quant à sa nature. Impuissant à briser les entêtements régionaux des territoires, il a fini par se morceler dans une confédération informe. C'est la Kleinstaaterei[25].
Des dénominations variables
Par son nom, le Saint-Empire romain se réclame directement de l’Empire romain antique et se réclame, tout comme l'Empire byzantin, à l'idée d'une domination universelle. C'est au XIe siècle que cette idée d'universalité fait son apparition dans le Saint-Empire[26]. Parallèlement, on craint les prophéties de Daniel qui avait prédit qu'il y aurait quatre empires qui mèneraient à l'arrivée de l'Antéchrist et donc de l'Apocalypse sur Terre[27]. C'est pourquoi l'Empire romain ne devait pas s'effondrer[28].
Le qualificatif saint souligne le droit divin de l'empereur et légitime son pouvoir. En acceptant d'être couronné empereur par le pape Léon III en l'an 800, Charlemagne fonde son empire dans la continuité de l'Empire romain[29], on parle de translatio imperii, bien que l'Empire romain d'Orient dit byzantin, se place également dans une continuité et cela de manière plus ancienne. Les Byzantins considèrent d'ailleurs l'Empire romain occidental comme auto-nommé et illégitime. Voltaire remarqua ainsi que « ce corps qui s'appelait et qui s'appelle encore le saint empire romain n'était en aucune manière ni saint, ni romain, ni empire »[30].
Lorsque l'empire est fondé dans la moitié du Xe siècle, il ne porte pas encore le qualificatif de saint. Le premier empereur, Otton Ier, et ses successeurs se considèrent eux-mêmes et sont considérés comme les représentants de Dieu sur Terre et donc comme les premiers protecteurs de l'Église catholique. Il n'est donc pas nécessaire de souligner la sainteté de l'empire qui continue de s'appeler Regnum Francorum orientalium ou Regnum Francorum. Dans la titulature impériale des Ottoniens, on retrouve toutefois les composantes qui s'appliquent par la suite. Sur les actes d'Otton II datés de 982 pendant sa campagne italienne, on peut lire la titulature Romanorum imperator augustus (Empereur auguste des Romains), titulature réservée au basileus de Byzance[31]. Son successeur Otton III élève sa titulature au-dessus de tout pouvoir temporel et spirituel en s'octroyant, tout comme le pape, les dénominations « serviteur de Jésus Christ »[C 1] et même plus tard « serviteur des Apôtres »[C 2].
Sacrum imperium
Le rayonnement sacré de l'empire a été mis à mal puis supprimé par le pape lors de la Querelle des Investitures de 1075 à 1122. La formule latine sacrum imperium naît sous Frédéric Barberousse lorsque les papes essaient de soumettre l'empire au sacerdoce[32]. Elle est attestée en , dans les débuts du chancelariat de Renaud de Dassel[33] : sa première occurrence connue figure dans un document daté de la dernière semaine du mois de [34]. L'empire est déclaré indépendant face à la papauté. Il se fonde dans la continuité de l'histoire sainte. Il s'agit alors peut-être de s'intégrer consciemment dans la tradition romaine antique[32]. Toutefois, la recherche historique remet cette thèse en cause étant donné qu'il pourrait également s'agir d'un concept spécifiquement staufien et cela d'autant plus que pendant la période antique, ce n'est pas l'Empire romain qui était saint mais la personne de l'empereur[35].
Sacrum Romanum imperium
La formule latine sacrum Romanum imperium apparaît sous Frédéric Barberousse. Elle est attestée dès : sa première occurrence connue — le génitif « sacri romani imperii » — figure dans un diplôme daté du et dont l'original, provenant du fonds de l'église romaine Santa Maria in Via Lata, est conservé à la Bibliothèque apostolique vaticane[36],[37],[N 5]. Pendant l'interrègne de 1250 à 1273, lorsque aucun des trois rois élus n'est parvenu à s'imposer par rapport aux autres, l'Empire se réclame de l'Empire romain avec le qualificatif « saint ». À partir de 1254, on utilise la dénomination latine Sacrum Romanum Imperium (en allemand Heiliges Römisches Reich)[38]. Il faut attendre le règne de Charles IV pour la voir utilisée dans des documents en langue allemande. C'est précisément pendant la période sans empereur au milieu du XIIIe siècle que la volonté d'un pouvoir universel s'est le plus affirmée — même si cette situation a peu changé par la suite.
Teutonicae nationis
En 1441, le futur empereur Frédéric III ajoute au nom de l'empire « Teutonicae nationis »[39]. L'Empire s'étend alors en majeure partie sur un territoire germanophone, et malgré cela les Allemands, désunis, sont menacés de devoir partager le pouvoir impérial avec les Bourguignons à l'Ouest et les Tchèques à l'Est, ce qui les pousse à affirmer que l'empire est le leur. En 1486, empereur élu et couronné, Frédéric III utilise la titulature définitive, Heiliges Römisches Reich deutscher Nation[40]. Elle est reprise officiellement en 1512 dans le préambule des actes de la diète de Cologne. L'empereur Maximilien Ier avait alors convoqué les états impériaux pour entre autres « maintenir le Saint-Empire romain germanique »[C 3]. Jusqu'en 1806, Saint-Empire romain de la Nation germanique (Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation) est l'appellation officielle de l'Empire, souvent abrégée en SRI pour Sacrum Romanum Imperium ou H. Röm. Reich[N 6] en allemand. Calque de l'allemand Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation, la locution latine sacrum Romanum imperium Germanicae nationis est attestée en [42],[43].
Pourtant à la fin du XVIIIe siècle, le terme Saint Empire romain de la Nation germanique ou Saint Empire romain germanique était tombé hors d'usage officiel. En contradiction avec le point de vue traditionnel concernant cette désignation, l'historien Hermann Weisert a fait valoir dans une étude sur la titulature impériale que, malgré les revendications de nombreux manuels, le nom Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation n'a jamais eu de statut officiel et souligne que les documents étaient trente fois plus susceptibles d'omettre le suffixe national que de l'inclure durant l'histoire de l'Empire[44].
Le Saint-Empire est dénommé Empire germanique dans le traité de Bâle du puis dans le traité de Lunéville du [45]. Les deux derniers actes juridiques promulgués par le Saint Empire — à savoir le Reichsdeputationshauptschluss de 1803 qui a réorganisé l'empire et la capitulation de l'empereur François II — utilisent la formule deutsches Reich (Empire allemand). Il n'est plus question de sainteté ni de pouvoir universel.
L'empire carolingien de 814 (mort de Charlemagne) à 843 (traité de Verdun)
Avant la mort de Charlemagne en 814, l'Empire carolingien, fondé en 800 par ce dernier, connaît plusieurs partages et réunifications entre ses enfants en 806[46]. De tels partages entre les fils d'un souverain sont prévus par le droit franc et ne signifiaient pas la fin de l'unité de l'Empire étant donné qu'une politique commune tout comme une future réunification dans les différentes parties était possible.
Il était notamment prévu que si l'un des enfants mourait sans descendance, sa partie revenait à l'un de ses frères. L'héritage de Charlemagne revint ainsi tout entier à Louis le Pieux[47] lorsque Charles et Pépin moururent.
Le traité de Verdun en 843 règle un nouveau partage entre les petits-fils de Charlemagne : Charles le Chauve reçoit la partie occidentale d'imprégnation gallo-romaine qui s'étend jusqu'à la Meuse, Louis le Germanique reçoit la partie orientale d'imprégnation germanique et enfin Lothaire Ier, empereur d'Occident depuis 840, reçoit quant à lui la partie médiane franque allant de la mer du Nord jusqu'à la mer Méditerranée et Rome[48].
L'empire carolingien après le traité de Verdun (843-921)
Même si la future carte des nations européennes est reconnaissable, les cinquante années qui ont suivi ont amené — le plus souvent à la suite de guerres — leur lot de divisions et de réunifications. Lorsque Charles le Gros, empereur d'Occident à partir de 881, est déposé en 887 par une diète des grands dignitaires de Francie orientale, entre autres à cause de son incapacité à repousser les Normands qui ravagent le royaume[49], plus aucun chef d'une des différentes parties de l'ancien Empire carolingien ne sera choisi comme empereur.
Les territoires choisissent leurs propres rois et ces derniers, pour une partie d'entre eux, n'appartiennent plus à la dynastie carolingienne. L'éloignement et la division des parties de l'Empire sont manifestes[50]. Les guerres pour le pouvoir entre Carolingiens ont plongé dans la guerre civile l'Empire, qui devient incapable de se protéger contre les attaques extérieures. Le manque de cohésion dynastique[49] a provoqué la décomposition de l'Empire en de multiples petits comtés, duchés et autres territoires sous un pouvoir territorial qui le plus souvent ne reconnaissent que formellement les rois régionaux comme suzerain.
En 888, la partie médiane de l'Empire se décompose ainsi en de nombreux petits royaumes indépendants comme la Haute-Bourgogne et la Bourgogne Transjurane, l'Italie (tandis que la Lorraine est annexée à la partie orientale comme royaume subordonné). Les rois de ces royaumes se sont imposés contre les prétendants carolingiens grâce à l'appui des nobles locaux. Dans la partie orientale, les nobles locaux choisissent des ducs. Avec la mort en 911 de Louis l'Enfant, c'est le dernier Carolingien sur le trône de Francie orientale qui disparaît[51]. Cette dernière aurait pu éclater comme l'avait fait la Francie médiane si Conrad Ier n'avait pas été choisi par les grands du royaume. Conrad n'appartient certes pas à la dynastie des Carolingiens mais c'est un Franc de la branche des Conradiens. En 919 à Fritzlar, le duc de Saxe Henri l'Oiseleur est le premier à être élu roi de Francie orientale sans être de lignée franque[52]. À partir de cette date, ce n'est plus une dynastie unique qui tient les rênes de l'Empire mais ce sont les grands, les nobles et les ducs, qui décident du souverain.
En , Henri Ier, roi de Francie orientale, et Charles le Simple, roi de Francie occidentale, font acte de reconnaissance mutuelle par le traité de Bonn[53]. Désormais, Henri Ier peut porter le titre de Rex Francorum orientalium (« Roi des Francs de l'est »). C'est ainsi que la Francie orientale devient sur la durée un État indépendant et viable malgré la désagrégation de l'unité de l'Empire et l'unification des peuples germaniques qui ne parlent pas des dialectes romans comme les Francs occidentaux, mais des dialectes tudesques.
Le règne d’Otton Ier (936-973)
Soucieux de réaliser l'unité du royaume en rassemblant ses différentes composantes politiques, Henri Ier obtint de l'ensemble des grands électeurs que son fils Otton soit désigné comme son successeur.
L'accession au trône d'Otton Ier laisse apparaître une famille royale pleine d'assurance. Otton se fait couronner sur le trône supposé de Charlemagne à Aix-la-Chapelle le [54] et cherche à sacraliser son pouvoir. Le nouveau roi se fait oindre et fait vœu de protéger l'Église. Après avoir combattu quelques proches et quelques ducs lorrains, Otton parvient à confirmer et assurer son pouvoir grâce à sa victoire sur les Hongrois en 955 à la bataille du Lechfeld près d'Augsbourg. Comme le faisaient les légionnaires romains, l'armée le salue sur le champ de bataille comme Imperator[55].
Cette victoire sur les Hongrois permet au pape Jean XII d'appeler Otton à Rome et de lui proposer la couronne d'empereur pour affirmer sa position de protecteur de l'Église[56]. À cette époque, le pape, qui est menacé par les rois régionaux italiens, espère s'attirer les bonnes grâces d'Otton. Avec cette proposition, les anciens « barbares » deviennent les porteurs de la culture romaine, et le regnum oriental le successeur légitime de Charlemagne. Otton accepte l'offre du pape et se rend à Rome. Il s'attire alors les foudres de Byzance et des Romains[57].
Le couronnement d'Otton Ier comme empereur le [58] est retenu par la majeure partie des historiens comme la date de fondation du Saint-Empire romain germanique, même si l'idée d'Otton n'est pas de fonder un nouvel empire, mais de le restaurer (renovatio imperii).
L'Empire carolingien tel qu'il existait est en revanche définitivement mort : le processus de division entre la Francie orientale et la Francie médiane de la Francie occidentale étant achevé. Toutefois, Otton s'en veut le continuateur[59]. Avec le couronnement d'Otton, le Saint-Empire obtient une légitimation temporelle, mais aussi sacrée en tant que nouvel Imperium Romanum.