Apparitions mariales de Lourdes
apparitions mariales à Bernadette Soubirous à Lourdes (1858), reconnues par l'Eglise catholique / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Les apparitions mariales de Lourdes ou les apparitions de Notre-Dame de Lourdes sont des apparitions de la Vierge Marie manifestées en 1858 à une jeune fille âgée de quatorze ans, Bernadette Soubirous. Celle-ci a déclaré qu'elle avait assisté à dix-huit apparitions d'une jeune fille se présentant comme étant l'Immaculée Conception.
Autre nom | Apparitions à Lourdes en 1858 de l'Immaculée Conception |
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Date | du au |
Lieu |
Grotte de Massabielle, Lourdes ( France) |
Résultat | Apparitions reconnues par Bertrand-Sévère Laurence en 1862. |
Selon son récit, ces apparitions interviennent pendant six mois, dont douze apparitions en l'espace d'une quinzaine de jours. Les déclarations de la jeune fille suscitent de vives polémiques et font rapidement l'objet d'enquêtes et de contre-enquêtes des autorités civiles. Le commissaire Jacomet, puis le procureur l'interrogent et la menacent de prison si elle maintient ses dires ou continue de se rendre à la grotte. Malgré les pressions, Bernadette reste constante dans ses déclarations et nul ne parvient à la mettre en défaut. Une foule de plus en plus importante se rend à la grotte avec elle pour assister aux « apparitions » (même si Bernadette est la seule « à voir ») et assister à ses extases. Le jeudi , on dénombre environ 8 000 personnes déjà pressées devant la grotte lorsque Bernadette s'y rend à son tour. L'attitude « étrange » de la voyante (lorsqu'elle boit de l'eau boueuse et mange de l'herbe), et l'absence « d'un grand miracle » (non annoncé, mais attendu des foules) désappointe et déçoit un certain nombre de fidèles et de curieux. Néanmoins, les autorités civiles, pour essayer de calmer la ferveur populaire autour de la grotte de Massabielle, font barricader le site (le 7 juin) et en interdisent par la force l'accès aux fidèles. La dernière apparition du 16 juillet, pour Bernadette, se fera depuis l'autre rive du Gave, derrière les barrières.
À partir de juillet, plusieurs personnes influentes de l'empire se rendent sur place et commencent à faire pression pour rouvrir l'accès à la grotte. Le 5 octobre, l'empereur Napoléon III autorise sa réouverture. En juillet également, plusieurs évêques se rendent sur place, certains interrogent la voyante, puis de concert, vont demander à l'évêque Bertrand-Sévère Laurence de faire ouvrir une enquête sur ces événements.
Le , au nom de toute l'Église, l'évêque Bertrand-Sévère Laurence publie un mandement par lequel il reconnaît officiellement les apparitions de Lourdes : « Nous sommes […] convaincus que l'Apparition est surnaturelle et divine, et que, par conséquent, ce que Bernadette a vu, c'est la Très Sainte Vierge ». La Vierge y est depuis lors honorée sous le vocable « Notre-Dame de Lourdes ». Après cette déclaration, l'évêché de Tarbes achète les terrains et commence la construction de plusieurs églises : la Basilique de l'Immaculée-Conception (qui surplombe la Grotte de Massabielle) construite de 1862 à 1871, puis la basilique Notre-Dame-du-Rosaire (1883-1889), d'autres constructions suivront, faisant de ce lieu de pèlerinage marial, le plus grand site en France, et l'un des principaux dans le monde.
Ce sanctuaire fait partie d'une série de sanctuaires mariaux importants, comme celui de la rue du Bac à Paris (1830) ou le sanctuaire de La Salette (1846) qui apparaissent à la suite d'une série de mariophanies au XIXe siècle. Ces événements entraînent un renouveau local du culte marial.
Contexte politique
Ces événements surviennent 12 ans après l'apparition mariale de La Salette qui a fortement agité le paysage politique et religieux français, par des publications « pro et anti-apparition » très nombreuses dans la presse, et virulentes. Cette apparition a été officiellement reconnue en 1851 par Philibert de Bruillard puis en 1855, à nouveau par Jacques Ginoulhiac[1].
Ces événements sont largement documentés, tant par les archives ecclésiastiques et civiles (qui ont mené des enquêtes), que par des témoignages, et écrits divers (dont ceux de la voyante), mais également par les publications de la presse dans les journaux contemporains : le cas de Lourdes « constituant sans doute la première apparition médiatique dans la dimension moderne du terme »[2]. Plusieurs études historico-critiques des sources ont également été publiées[N 1].
La virulence et la rapidité des attaques anticléricales vis-à-vis des événements de Lourdes s'expliquent par la bascule des attaques déjà existantes contre les apparitions de La Salette sur celles de Lourdes, les critiques s'attachant encore plus à la personnalité de Bernadette qu'ils ne l'avaient fait pour Mélanie Calvat et Maximin Giraud (les voyants de La Salette), mais aussi à l'analyse critique des « miracles de Lourdes », qui y étaient plus nombreux qu'à La Salette. A noter que Lourdes était aussi beaucoup plus fréquentée que La Salette, dès la première année[3], car plus facile d'accès[N 2]. Il était également plus facile de se loger en ville, que dans un sanctuaire perdu en pleine montagne.
Le contexte religieux
Dans les Pyrénées
Les Pyrénées sont traversées depuis le Moyen Âge par d'importants chemins de pèlerinage. Aussi, depuis cinq siècles, le culte marial y revient-il de façon sporadique. Les miracles de la Vierge font bon ménage dans l'imaginaire local avec des traditions plus anciennes, mais qui restent très vivaces : grottes à maléfices, sorcières, diables, fées de sources curatives ou miraculeuses[R 1].
D'après Ruth Harris, la croyance dans les interventions surnaturelles est forte à Lourdes — même dans les classes aisées — et revendiquée. Si Bernadette a reçu, comme tous les enfants de Lourdes, une éducation religieuse traditionnelle, elle a certainement (pour Ruth Harris) été bercée de tous les récits merveilleux de sa région[R 2] et, dans son expérience visionnaire, les Lourdais reconnaîtront sans peine leurs vieilles traditions[R 3].
Au XVIIIe siècle, le clergé n'a que mépris pour les traditions de piété régionales, souvent qualifiées de « superstitions ». Après la Révolution, apparaît une génération de prêtres d'origines plus modestes, à la sensibilité plus proche de celle de leurs ouailles. Bertrand-Sévère Laurence est de ceux-là. D'extraction paysanne, il favorise les sanctuaires chers au cœur des Pyrénéens (comme il l'a fait à Garaison). Sous le Second Empire, le catholicisme accepte donc d'intégrer les formes de dévotion régionales en même temps qu'il redevient institutionnel. Et Bertrand-Sévère Laurence tire profit de cette double évolution : il peut continuer à jouer la carte d'un catholicisme populaire, tout en recevant l'appui de la bourgeoisie bonapartiste de Tarbes[R 4].
En effet, ce qui distingue les visions de Bernadette des autres apparitions de la Vierge dans la région, c'est l'allusion au dogme promulgué par le pape quatre ans plus tôt. Les mots « Immaculée Conception », renvoyés en écho d'une grotte du fond des Pyrénées, symbolisent le lien entre le saint-père et ses fidèles. La Vierge de la petite Bernadette va donner force à l'expansion internationale du catholicisme[R 3]. Et les visions de la jeune fille vont puissamment contribuer à ancrer le culte de la Vierge dans le catholicisme moderne[R 3].
Pour Ruth Harris, une raison du phénoménal succès de Lourdes serait peut-être la fusion réussie du merveilleux pyrénéen traditionnel et d'une spiritualité catholique en plein renouveau[R 5].
Autres apparitions locales
Depuis cinq siècles, la Vierge est apparue très souvent dans les Pyrénées. Son pouvoir est lié à la grotte et à la source[R 2], et ses miracles donnent naissance à des sanctuaires que le clergé ne voit pas toujours d'un très bon œil[R 6].
Les deux lieux de pèlerinage les plus proches de Lourdes sont Bétharram et Garaison[R 2].
En 1515, à Bétharram, la Vierge sauve une jeune fille de la noyade en lui tendant un rameau. Depuis, les miracles y sont nombreux. Bernadette s'est rendue là, plusieurs fois. C'est là qu'elle aurait acheté son chapelet[R 2].
Vers 1520, à Garaison, Anglèze de Sagasan, bergère de douze ans, affirme avoir entendu la Vierge lui demander la construction d'une chapelle près de la source. La chapelle est construite et Garaison reste un lieu de dévotion et de tourisme religieux[4] jusqu'à la Révolution. En 1797, bâtiments et terres sont vendus comme biens nationaux. Quarante-trois ans plus tard, Bertrand-Sévère Laurence, Vicaire Général du diocèse de Tarbes (et plus tard, évêque de Tarbes, dans le ressort de qui se produiront les apparitions de Lourdes), s'emploie à racheter les biens aliénés[R 7].
En 1905, l'écrivain et politicien anticlérical Jean de Bonnefon souligna certaines ressemblances entre les origines des sanctuaires de Garaison et de Lourdes : à Garaison, dans une année d'une grande stérilité, la Vierge, habillée de blanc, apparaît à une bergère pauvre, âgée de dix ou douze ans, près d'une source ombragée par une aubépine, et elle demande une chapelle ; les autorités ne croient la messagère qu'après deux autres apparitions et un miracle ; la population se rend alors en procession sur les lieux de l'apparition ; on construit la chapelle demandée et on y conduit l'eau de la source ; les miracles et les guérisons soudaines se multiplient et la voyante entre dans un monastère, les consuls de Monléon lui ayant assuré une pension viagère provenant des offrandes déposées à la chapelle. Bonnefon voyait dans ces ressemblances la preuve que « l'abbé Peyramale et ses complices (...) ont profité des expériences faites trois siècles plus tôt dans les Pyrénées, au village de Garaison »[5]. En 1994, le docteur Théodore Mangiapan, ancien président du Bureau médical de Lourdes, signale que les missionnaires de Garaison firent au moins une mission à Lourdes dans les années précédant les visions de Bernadette Soubirous ; on a gardé de la documentation sur une telle mission (prêchée en patois) datant de 1846 ; au cours de cette mission, quatre parentes de Bernadette, parmi lesquelles sa mère, furent inscrites sur un registre pour être consacrées à Notre-Dame de Garaison. Th. Mangiapan ajoute que d'autres éléments, rassemblés par le Père X. Recroix, confirment que l'origine du sanctuaire de Garaison était bien connue à Lourdes à l'époque des visions de Bernadette[6].
A noter une autre apparition « locale », complètement oubliée : en 1848, dans le petit village de Nouilhan, à 30 km de Lourdes, se déroule une série d'apparitions de la Vierge à onze voyants (au total). Ces apparitions, dans une ancienne église[N 3] détruite lors de la Révolution française, et en ruine lors des apparitions, amène la population locale à restaurer cette église (l'église est rebâtie en 1856)[N 4] et y ramener la statue de la Vierge[N 5] que l'on y vénérait jadis. Ces apparitions, qui n'ont pas donné lieu à une enquête canonique, ont réactivé un culte local, tombé ensuite dans l'ombre de celles de Lourdes, et dans l'oubli aujourd'hui[7]. Et Yves Chiron de s'interroger : « pourquoi les apparitions de Lourdes, 10 ans plus tard ont eu un retentissement plus considérables (que celles-ci) ? »[N 6], ou « pourquoi la Vierge est-elle apparue à si peu d'années d'intervalles dans des lieux aussi proches ? ». Sur ce point, l'auteur avance une hypothèse : « la finalité des apparitions est très différentes et il n'y a pas de répétition : à Nouilhan il s'agissait de faire revivre un sanctuaire, à Lourdes il s'agissait de créer un sanctuaire, et de délivrer un message de conversion et de pénitence »[8].
Au niveau mondial
Quatre ans avant Lourdes, en 1854, le pape Pie IX proclame le dogme de l'Immaculée Conception dans la bulle Ineffabilis Deus, « une avancée décisive dans l'ordre dogmatique, nourrie de plus de 15 siècles de tradition de culte et de piété, et qui marque un apogée dans la ferveur mariale du XIXe siècle catholique » écrivent Bouflet et Boutry[9]. Pour ces auteurs, les événements de Lourdes s'inscrivent « dans une double affiliation attestataire[N 7] de gestion dans la lignée du fait de La Salette et dogmatique dans la confirmation du dogme de l'Immaculée Conception »[9].
Mgr Laurence, l'évêque de Tarbes qui allait reconnaître les apparitions de Lourdes, avait été un des évêques français qui avaient envoyé au pape Grégoire XVI, prédécesseur de Pie IX, une supplique demandant la promulgation du dogme de l'Immaculée Conception[10].
Une fois le dogme promulgué, la fête de l'Immaculée Conception, à Lourdes comme partout dans le monde catholique, était célébrée chaque 8 décembre[11].
À Lourdes, la Congrégation des Filles de Marie (ou des Enfants de Marie Immaculée) était placée, au début de l'époque des apparitions, sous l'invocation de l'Immaculée Conception. Antoinette Peyret, qui fut mêlée de près à une des premières apparitions de Lourdes, était membre de cette Congrégation[12].
Bernadette Soubirous
En février 1858, la jeune Bernadette Soubirous est âgée de quatorze ans. Son père, meunier ruiné, a été inculpé en 1857 pour vol de deux sacs de farine. Le motif pour lequel le plaignant (son ancien patron) le soupçonnait était « l'état de sa misère »[13],[N 8]. Libéré provisoirement après huit jours de détention préventive, il a bénéficié finalement d'une ordonnance de non-lieu faute de preuves[R 8],[14]. La famille de Bernadette, l'une des plus pauvres de la ville, habite dans « le cachot »[N 9], un logement composé d'une unique pièce, au rez-de-chaussée d'un bâtiment qui a été une prison. La pièce est petite, « sombre et insalubre ». Le père doit chercher du travail au jour le jour[8]. La mère, elle aussi, travaille à l'extérieur : ménage, lavage, extras dans un café, travaux des champs[15]. Bernadette, de santé fragile, ne sait toujours pas lire ni écrire à l'âge de 14 ans[8]. L'enseignement n'est pas obligatoire. Bernadette va à l'école chez les sœurs de l'hospice, où elle est dans la classe gratuite, mais sa fréquentation est très irrégulière, car elle doit travailler pour contribuer aux revenus de la famille[16]. C'est à l'hospice que se donne le cours de catéchisme, où Bernadette et sa répétitrice (plus jeune qu'elle) parlent en patois[17].