Colonnes infernales
opérations menées par les armées républicaines lors de la guerre de Vendée / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Colonnes infernales?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Vous lisez un « bon article » labellisé en 2011.
Les colonnes infernales est le nom donné à des colonnes incendiaires ayant opéré de janvier à mai 1794 sous le commandement du général républicain Louis Marie Turreau lors de la guerre de Vendée, et qui devaient détruire les derniers foyers insurrectionnels de la Vendée militaire.
Date | - |
---|---|
Lieu | Vendée militaire |
Issue | Indécise |
Républicains | Vendéens |
56 000 à 103 000 hommes[1] (effectifs fluctuants) |
6 000 à 30 000 hommes (effectifs fluctuants) |
inconnues | inconnues |
Batailles
- 1re Bressuire
- 1re Machecoul
- 1re Saint-Florent-le-Vieil
- Jallais
- 1re Chemillé
- 1re Cholet
- 1re Coron
- 1re Chantonnay
- Pont-Charrault
- 1re Pornic
- 1re Sables-d'Olonne
- 2e Pornic
- 2e Sables-d'Olonne
- 2e Coron
- 2e Chemillé
- Les Aubiers
- 1re Challans
- Saint-Gervais
- Vezins
- 1re Port-Saint-Père
- 2e Machecoul
- 1re Beaupréau
- 1er Beaulieu-sous-la-Roche
- 1re Legé
- Thouars
- 1re Saint-Colombin
- 2e Port-Saint-Père
- 1re La Châtaigneraie
- Palluau
- 1re Fontenay-le-Comte
- 2e Fontenay-le-Comte
- Doué
- Montreuil-Bellay
- Saumur
- 3e Machecoul
- La Louée
- Parthenay
- 1re Luçon
- Nantes
- 1re Moulins-aux-Chèvres
- 1re Châtillon
- Martigné-Briand
- Vihiers
- Les Ponts-de-Cé
- 2e Luçon
- Château d'Aux
- 3e Luçon
- 1re La Roche-sur-Yon
- Vertou
- 2e Chantonnay
- Vrines
- 3e Port-Saint-Père
- 1re Montaigu
- Torfou
- 3e Coron
- Pont-Barré
- 2e Montaigu
- 1re Saint-Fulgent
- Le Pallet
- Treize-Septiers
- 2e Moulins-aux-Chèvres
- 2e Châtillon
- La Tremblaye
- 2e Cholet
- Beaupréau
- Aizenay
- Gesté
- Chauché
- 3e Legé
- 3e Cholet
- 2e Saint-Colombin
- 2e Beaupréau
- 2e Bressuire
- Argenton-Château
- La Gaubretière
- La Vivantière
- Lucs-sur-Boulogne
- 2e La Roche-sur-Yon
- Les Clouzeaux
- 1re Mortagne
- Les Ouleries
- 2e Challans
- 1re Moutiers-les-Mauxfaits
- Chaudron-en-Mauges
- Mormaison
- 3e Challans
- Les Rouchères
- Chanteloup
- 2e La Châtaigneraie
- La Chambaudière
- Les Bauches
- La Roullière
- Fréligné
- 2e Moutiers-les-Mauxfaits
- La Grève
- Chalonnes
- 2e Saint-Florent-le-Vieil
- Les Essarts
- 2e Beaulieu-sous-la-Roche
- Belleville
- Saint-Jean-de-Monts
- Île d'Yeu
- Saint-Cyr-en-Talmondais
- 2e Mortagne
- Mouilleron-le-Captif
- Les Landes-Genusson
- Saint-Denis-la-Chevasse
- Landes de Béjarry
- 2e Quatre Chemins de l'Oie
- Le bois du Détroit
- Montorgueil
- La Bruffière
- La Créancière
- 3e Chemillé
- La Bégaudière
- Froidfond
- La Chabotterie
Après l'anéantissement de l'Armée catholique et royale à la fin de l'année 1793 lors de la Virée de Galerne, le général Turreau met au point un plan visant à quadriller la Vendée militaire par douze colonnes incendiaires qui reçoivent les ordres suivants : exterminer tous les « brigands » ayant participé à la révolte, femmes et enfants inclus ; faire évacuer les populations neutres ou patriotes ; saisir les récoltes et les bestiaux ; incendier les villages et les forêts.
De janvier à mai 1794, les colonnes quadrillent les territoires insurgés en Maine-et-Loire, dans la Loire-Inférieure, la Vendée et les Deux-Sèvres. Les ordres de Turreau ne sont pas appliqués de la même manière par les différents généraux. Si certains tentent de limiter les exactions, d'autres ravagent tout sur leur passage, commettant incendies, pillages, viols, tortures et massacres des populations, souvent sans distinction d'âge, de sexe ou d'opinion politique, patriotes inclus. Ces atrocités coûtent la vie à des dizaines de milliers de personnes et valent aux colonnes incendiaires d'être surnommées « colonnes infernales ».
Loin de mettre fin à la guerre, ces exactions provoquent de nouveaux soulèvements de paysans menés par les généraux Charette, Stofflet, Sapinaud et Marigny. Finalement, Turreau ne parvient pas à vaincre les insurgés et l'extrême brutalité de ses colonnes est dénoncée par les patriotes locaux ainsi que par certains représentants en mission. Il finit par perdre la confiance du Comité de salut public. Sa destitution en met fin aux colonnes mais pas à la guerre, qui continue jusqu'en 1795.
La guerre de Vendée débute en mars 1793. Dans un premier temps, les insurgés vendéens de l'armée catholique et royale remportent une série de victoires durant le printemps : les villes de Thouars, Fontenay-le-Comte, Saumur et Angers sont prises. Cependant, les Vendéens échouent fin juin devant Nantes tandis que les villes conquises sont progressivement abandonnées. Les Républicains repassent alors à l'offensive. Début juillet une petite armée remporte plusieurs succès et pénètre au cœur du territoire insurgé mais est rapidement écrasée à Châtillon, lors d'une contre-attaque. Les autres offensives républicaines sont contenues et aucun des deux camps ne prend l'avantage durant l'été[4].
À Paris, alors que la République subit les offensives des armées de la Première Coalition, les révolutionnaires sont excédés par le « coup de poignard dans le dos » que constitue l'insurrection vendéenne. Le , à la Convention nationale, Barère réclame la destruction de la Vendée et l'extermination des insurgés[A 1].
Le 1er août, la Convention nationale décrète l'anéantissement de la Vendée :
« Article 6 : Il sera envoyé en Vendée des matières combustibles de toutes sortes pour incendier les bois, les taillis et les genêts.
Article 7 : Les forêts seront abattues, les repaires des rebelles seront détruits, les récoltes seront coupées par les compagnies d'ouvriers, pour être portées sur les derrières de l'armée, et les bestiaux seront saisis.
Article 8 : Les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l'intérieur; il sera pourvu à leur subsistance et à leur sécurité avec tous les égards dus à leur humanité[7]. »
Les autres articles concernent les mesures à prendre sur l'organisation des troupes.
Le , la Convention décide de l'envoi en Vendée de l'armée de Mayence, considérée comme étant l'une des meilleures de la République[8]. En septembre, les Républicains lancent une grande offensive. Les décrets incendiaires de la Convention sont appliqués et plusieurs massacres sont commis[9]. Le général Jean-Antoine Rossignol, général en chef de l'armée des côtes de La Rochelle, se vante d'avoir semé la terreur mais fait épargner les femmes et les enfants[A 2]. À l'Est, les généraux sans-culottes sont rapidement repoussés par les Vendéens, mais au Nord l'armée de Mayence et l'armée des côtes de Brest remportent plusieurs succès et semblent inarrêtables. Après avoir essuyé plusieurs revers, les Vendéens regroupent leurs forces et battent les Mayençais à la bataille de Torfou le . Les républicains se replient alors sur Nantes. À Paris c'est la stupeur et les conventionnels sont excédés[11]. La Convention nationale adopte un second décret le 1er octobre et les troupes sont réorganisées : l'armée de Mayence, l'armée des côtes de La Rochelle et une partie de l'armée des côtes de Brest sont dissoutes pour former l'armée de l'Ouest. Les généraux nobles sont destitués[12]. Les Conventionnels exigent la victoire avant le 20 octobre[A 3]
Le 1er octobre 1793, Bertrand Barère prononce un discours resté célèbre à la Convention, avec l'anaphore « Détruisez la Vendée », et qui aboutit au vote de la loi du 1er octobre 1793, dite « loi d'extermination ».
Les Républicains lancent une nouvelle offensive et après plusieurs succès, ils remportent une victoire décisive le , à la bataille de Cholet. Vaincus, les Vendéens au nombre de 60 000 à 100 000[14], femmes et enfants inclus, traversent la Loire afin d'obtenir des secours des Britanniques, des Émigrés et des Chouans. C'est le début de la « Virée de Galerne ». L'armée de l'Ouest se lance alors à la poursuite des Vendéens, et si quelques troupes continuent de combattre en Vendée, l'essentiel de la guerre se porte au nord de la Loire, dans le Maine et la Haute-Bretagne. De ce fait, l'application du plan d'incendie et d'extermination est suspendue[15]. Seule l'armée du Marais commandée par Charette et quelques troupes de moindre importance continuent de combattre en Vendée contre la division du général Haxo.
Le , à l'Assemblée nationale, le département de la Vendée est rebaptisé « Vengé » sur proposition de Antoine Merlin de Thionville, qui demande en outre à faire repeupler le département par des réfugiés patriotes de France et d'Allemagne[16]. Fayau, député de la Vendée, renchérit et réclame l'envoi d'une armée incendiaire[A 4].
Le 11 décembre, le représentant Jean-Baptiste Carrier, investi des pleins pouvoirs en Loire-Inférieure, ordonne aux généraux Haxo et Dutruy d'exécuter aussi bien les femmes que les hommes[A 5]. Le 12 décembre, Carrier annonce à Haxo son intention d'affamer les Vendéens[A 6].
De nombreuses propositions sont faites par des Républicains pour détruire les Vendéens : le général Westermann propose d'abandonner aux Vendéens une voiture d'eau-de-vie, empoisonnée par de l'arsenic. L'idée est refusée, probablement par peur que les soldats républicains n'en boivent en cachette. Le 22 août, le général Santerre propose l'utilisation de mines au ministre de la guerre[21],[A 7].
Une expérience est tentée par le pharmacien Joachim Proust qui conçoit une boule remplie « d'un levain propre à rendre mortel l'air de toute une contrée »[23],[A 8], sans succès.
Finalement, fin décembre 1793, au nord de la Loire, les Vendéens et les Chouans sont écrasés aux batailles du Mans et de Savenay par les troupes républicaines des généraux Kléber et Marceau. Seuls 4 000[25] des 60 000 à 100 000 participants de la Virée de Galerne parviennent à regagner la Vendée. 50 000[26] à 70 000[27] ont été tués et des milliers d'autres sont faits prisonniers.
Seul Charette qui n'a pas pris part à la Virée de Galerne continue de combattre en Vendée mais il n'a plus que quelques centaines d'hommes dans les marais de Retz. Ailleurs, quelques groupes dispersés de soldats vendéens continuent d'errer dans les campagnes et la répression frappe les départements insurgés.
Rejet du plan de Kléber
Le , le général Louis Marie Turreau est nommé à la tête de l'armée de l'Ouest, cependant cette promotion lui déplaît et il tarde à gagner son poste. Ce sont finalement les généraux Marceau, Kléber et Westermann qui triomphent des Vendéens lors de la Virée de Galerne.
Le 30 décembre à Nantes, François Séverin Marceau passe son commandement de général en chef de l'armée de l'Ouest, dont il n'assurait que l'intérim, au général Turreau[28]. Après un bref passage dans l'armée des côtes de Brest, Marceau quitte l'Ouest pour aller combattre la Première Coalition aux frontières.
Turreau doit donc finir la guerre de Vendée ; il est proche des Hébertistes[29] et les Mayençais lui sont hostiles[30]. Il a le choix entre deux méthodes : la pacification, éventuellement musclée, et la répression violente. Le 19 décembre, il propose un plan d'amnistie au Comité de salut public sur les conseils du général Jean-François Moulin[31],[A 9]. N'ayant pas de réponse, il prépare un nouveau plan, en application stricte des décrets de la Convention.
Le , Kléber soumet un plan au général Turreau. Selon lui, les forces vendéennes ne sont plus dangereuses et il estime leur effectif à 6 200 hommes en tout, alors que les Républicains disposent de 28 000 soldats opérationnels[32]. Il propose de protéger les côtes des Anglais, d'encercler et de quadriller le territoire insurgé en utilisant des camps fortifiés comme points d'appui, de gagner la confiance des habitants et enfin de n'attaquer que les rassemblements des rebelles[33],[34]. Mais ce plan est rejeté par Turreau, sans doute par opposition personnelle[33]. Kléber obtient l'approbation des représentants Carrier et Gilet mais ceux-ci refusent d'agir[35]. Kléber est finalement muté le 9 janvier à l'armée des côtes de Brest.
Plan de Turreau
Le 16 janvier, Turreau demande des ordres clairs sur le sort des femmes et des enfants ; à ce titre, il écrit aux représentants Francastel, Bourbotte et Louis Turreau, son cousin[33] :
« Mon intention est bien de tout incendier, de réserver que les points nécessaires à établir les cantonnements propres à l'anéantissement des rebelles ; mais cette grande mesure doit être prescrite par vous. Je ne suis que l'agent passif des volontés du corps législatif... Vous devez également prononcer d'avance sur le sort des femmes et des enfants que je rencontrerai dans ce pays révolté. S'il faut les passer tous au fil de l'épée, je ne puis exécuter une pareille mesure sans un arrêté qui mette à couvert ma responsabilité... En huit jours, la Vendée doit être battue, tous les rebelles pressés entre moi, Haxo et Dutry, et si j'avais adopté une autre marche, j'aurais manqué mon but[36],[35]. »
La lettre de Turreau reste sans réponse[33]; cependant. Bourbotte et Louis Turreau se déclarent malades et demandent leurs rappels, néanmoins le général prévoit, à l'aide de douze colonnes avançant parallèlement, de parcourir le pays rebelle, d'est en ouest, pour traquer les insurgés, et détruire leurs biens, de Brissac au nord, à Saint-Maixent au sud.
Le plan de Turreau entre en application le 21 janvier. Il a à sa disposition six divisions à l'est de la Vendée, chacune étant divisée en deux colonnes. Un des problèmes des troupes républicaines pendant la guerre de Vendée ayant été la coordination, il donne à tous des lieux de rendez-vous précis, avec date à tenir. Les itinéraires sont indiqués commune par commune. Les chefs de colonnes doivent correspondre entre eux et avec le général en chef deux fois par jour pour garder une bonne coordination. Il faut aussi éviter le combat, sauf en cas de victoire certaine et utiliser tous les moyens pour dénicher les rebelles, brûler tout ce qui peut brûler, réquisitionner tous les vivres. Treize communes stratégiques sont toutefois exemptées : Saint-Florent, Luçon, Montaigu, La Châtaigneraie, Sainte-Hermine, Machecoul, Challans, Chantonnay, Saint-Vincent-Sterlanges, Cholet, Bressuire, Argenton et Fontenay-le-Comte[37].
- 1re division, 500 hommes[38], commandée par Duval, divisée en deux colonnes qui sont commandées par Daillac et Prevignaud. Les deux colonnes partent de Saint-Maixent et Parthenay et doivent arriver à La Caillere et Tallud-Sainte-Gemme ;
- 2e division, 1 500 hommes[39], commandée par Grignon, ses colonnes sont commandées par lui-même et Lachenay : les deux colonnes partent de Bressuire et doivent arriver à La Flocellière et Pouzauges ;
- 3e division, commandée par Boucret, ses colonnes sont commandées par lui-même et Caffin : les deux colonnes partent de Cholet et doivent arriver aux Épesses et à Saint-Laurent-sur-Sèvre ;
- 4e division, commandée par Turreau, ses colonnes sont commandées par lui-même et Bonnaire : les deux colonnes partent de Doué et doivent arriver à Cholet ;
- 5e division, 1 870 à 3 813 hommes[40], commandée par Cordellier, ses colonnes sont commandées par lui-même et Crouzat : les deux colonnes partent de Brissac et doivent arriver à Jallais et Le May ;
- 6e division, 650 hommes, commandée par Jean-Baptiste Moulin, part des Ponts-de-Cé pour Sainte-Christine[41].
En complément, Turreau charge le général Haxo, qui poursuivait jusqu'alors Charette sur les côtes ouest de la Vendée, de former huit colonnes, chacune forte de quelques centaines d'hommes qui parcourent la Vendée d'ouest en est, allant à la rencontre des douze autres[42]. Ces colonnes doivent occuper les principales villes pour le 26 janvier afin de refouler l'armée de Charette vers les colonnes de Turreau[43] :
- 1re colonne, 800 hommes, commandée par Dufour, occupe Creil[43].
- 2e colonne, 800 hommes, à La Roche-sur-Yon[43].
- 3e colonne, 800 hommes, de Challans à Aizenay[43].
- 4e colonne, 800 hommes, d'Aizenay à Palluau[43].
- 5e colonne, 600 à 700 hommes, occupe Legé[43].
- 6e colonne, 800 hommes, de Machecoul à Saint-Étienne-de-Corcoué[43].
- 7e colonne, 800 hommes, de Paimbœuf et Bourgneuf-en-Retz à Saint-Philbert-de-Grand-Lieu[43].
- 8e colonne, 300 hommes, occupe Bouaye[43].
D'autres troupes tiennent garnison dans les villes qui entourent la Vendée militaire. Le général Vimeux occupe Les Sables-d'Olonne, Legros dirige les troupes à Saint-Florent-le-Vieil, Bard occupe Chantonnay et ses environs avec 2 500 hommes, Huché dirige la place de Luçon, Commaire commande Saumur, Amey, Les Herbiers et Carpantier, Doué-la-Fontaine[44],[45].
Application
Dans ses mémoires Turreau déclare : « Quant à mes instructions, je les puisais dans plusieurs décrets de la Convention, divers arrêtés des Comités de gouvernement et ceux des Représentants en mission dans l'Ouest[46]. » Le , il envoie à ses généraux les instructions suivantes :
« Instruction relative à l'exécution des ordres donnés par le général en chef de l'armée de l'Ouest, contre les brigands de la Vendée, (30 nivôse an II) :
Il sera commandé journellement et à tour de rôle un piquet de cinquante hommes pourvu de ses officiers et sous-officiers, lequel sera destiné à escorter les prisonniers, et leur fera faire leur devoir. L'officier commandant ce piquet prendra tous les jours l'ordre du général avant le départ, et sera responsable envers lui de son exécution ; à cet effet il agira militairement avec ceux des prisonniers qui feindraient de ne point exécuter ce qu'il leur commanderait, et les passera au fil de la baïonnette.
Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main, ou convaincus de les avoir prises pour se révolter contre leur patrie, seront passés au fil de la baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants qui seront dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées, mais aucune exécution ne pourra se faire sans que le général l'ait préalablement ordonnée.
Tous les villages, métairies, bois, genêts et généralement, tout ce qui peut être brûlé sera livré aux flammes, après cependant que l'on aura distrait des lieux qui en seront susceptibles, toutes les denrées qui y existeront ; mais, on le répète, ces exécutions ne pourront avoir leur effet que quand le général l'aura ordonné. Le général désignera ceux des objets qui doivent être préservés de l'incendie.
Il ne sera fait aucun mal aux hommes, femmes et enfants en qui le général reconnaîtra des sentiments civiques, et qui n'auront pas participé aux révoltes des brigands de la Vendée ; il leur sera libre d'aller sur les derrières de l'armée, pour y chercher un asile, ou de résider dans les lieux préservés de l'incendie. Toute espèce d'arme leur sera cependant ôtée, pour être déposée dans l'endroit qui sera indiqué par le général[47],[48]. »
Le territoire de la Vendée militaire comporte 735 communes, peuplées au début de la guerre de 755 000 habitants[49].
Dans un premier temps, son plan doit être exécuté pour début février mais des petits groupes de Vendéens s'infiltrent dans le bocage, entre les colonnes. Des groupes plus importants, suffisamment pour ne pas être inquiétés par les effectifs des Bleus, se constituent. Il demande donc au Comité de salut public de préparer les indemnisations pour ceux qui seront évacués, afin de vider le pays de sa population et de combattre plus facilement les insurgés[50]. Dès le 23 janvier, le représentant Laignelot dénonce à la Convention les massacres commis dans les environs de Challans par les troupes du général Haxo, mais sa lettre ne provoque aucune réaction[51]
De janvier à mai 1794, le plan est mis à exécution. Les colonnes appliquent une politique de la terre brûlée. La plupart du temps, elles massacrent, violent, pillent et détruisent tout ce qu'elles rencontrent sur leur passage. Elles sont bientôt surnommées « colonnes infernales » ; dans ses mémoires, le chef vendéen Bertrand Poirier de Beauvais écrit qu'elles étaient appelées ainsi par les Républicains eux-mêmes[52].
Malgré les instructions de Turreau, les généraux interprètent librement les ordres reçus et agissent de manière très diverses[53]. Certains officiers n'appliquent pas les ordres de destruction et de tueries systématiques et respectent les ordres d'évacuations des populations jugées républicaines. Moulin fait ainsi évacuer scrupuleusement les habitants jugés patriotes[33]. Haxo, constitue huit colonnes, et leur assigne comme objectif la capture de Charette, sans pour autant obéir aux ordres barbares de Turreau : « Nous sommes des soldats pas des bourreaux ! »[54]. Il épargne par exemple la gentilhommière de Charette à Fonteclose.
En revanche, les troupes commandées par Cordellier, Grignon, Huché et Amey se distinguent par leurs violences et leurs atrocités, au point d'exterminer des populations entières, massacrant indistinctement royalistes et patriotes[55]. Ces troupes se livrent ainsi aux pillages, massacrent la population civile, violant et torturant, tuant femmes et enfants, souvent à l'arme blanche pour ne pas gaspiller la poudre, brûlant des villages entiers, saisissants ou détruisant les récoltes et le bétail. Des femmes enceintes sont écrasées sous des pressoirs, des nouveau-nés sont empalés au bout des baïonnettes[56]. D'après des témoignages de soldats ou d'agents républicains, des femmes et des enfants sont coupés vifs en morceaux ou jetés vivants dans des fours à pain allumés[57],[58]. Parfois, les membres de la Commission civile et administrative créée à Nantes pour récupérer vivres et bétail au profit des Bleus, accompagnent les armées, ce qui permet d'épargner des vies et des localités.
Les bourgs traversés par les troupes de Turreau sont constamment incendiés, mais la campagne se déroulant en hiver, des bâtiments échappent souvent aux incendies et les soldats ont le plus grand mal à mettre le feu aux forêts et aux genêts[59]. Les colonnes sont surtout actives lors des deux premiers mois. Dès février, les embuscades vendéennes ralentissent énormément les colonnes qui sont parfois réduites à l'immobilisme.
Intervention de la Convention
À trois reprises, Turreau demande à la Convention nationale l'approbation de son plan[60]. Mais les membres des Comités et de la Convention ne sont pas unanimes, et le général Turreau ne reçoit aucune réponse avant le 8 février, jour où Lazare Carnot lui écrit que le Comité est resté longtemps silencieux car il attendait « de grands résultats avant de se prononcer dans une matière sur laquelle on l'a déjà trompé tant de fois »[61], il lui affirme qu'aux yeux du Comité ses mesures « paraissent bonnes et ses intentions pures » et que, de fait, sa mission est d'exterminer les brigands jusqu'au dernier et de faire désarmer le pays insurgé[A 10]
La défaite des colonnes de Moulin et Caffin, le 8 février, lors de la troisième bataille de Cholet retentit jusqu'à Paris et provoque la stupeur de la Convention. Le 10 février, Couthon réclame l'application du décret de désarmement de la Vendée[63]. Puis le 11 février, de Tours, l'agent spécial du Comité de salut public, Marc Antoine Jullien, ami de Robespierre, révèle les exactions des troupes de Turreau contre les patriotes vendéens, il accuse les généraux de s'enrichir par le pillage au lieu d'affronter les brigands[A 11].
Le , Barère fait un rapport à la Convention nationale dans lequel il désapprouve la conduite des opérations menées par Turreau ; il dénonce une « barbare et exagérée exécution des décrets » et reproche au général d'avoir incendié des villages paisibles et patriotes au lieu de traquer des insurgés[A 12].
Les représentants en mission
Le même jour, le Comité de salut public charge les représentants Francastel, Hentz et Garrau d'enquêter auprès de Turreau et de prendre les mesures nécessaires pour que la guerre soit terminée dans les quinze jours à venir. Ceux-ci rencontrent le général à Angers le 19 février ; ce dernier leur fait bonne impression[66],[67]. Turreau prétend avoir été trompé sur les forces réelles des Vendéens et son plan reçoit le soutien des représentants[68] qui eux-mêmes sont soutenus par le comité, qui juge les représentants les mieux placés pour apprécier les mesures à prendre sur place[60],[A 13].
Le 13 février 1794, Carnot envoie un nouveau courrier à Turreau, dans lequel il le somme de « réparer ses fautes », de mettre fin à sa tactique de dissémination des troupes, d'attaquer en masse et d'exterminer les rebelles enfin[71]. « Il faut tuer les brigands et non pas brûler les fermes » explique-t-il, ajoutant pour finir que la guerre doit être terminée dans les plus brefs délais[72]. En outre le Comité envoie le général Jean Dembarrère en Vendée pour seconder Turreau mais son arrivée est sans conséquence[A 14].
Ne se sentant pas soutenu, Turreau propose à deux reprises sa démission, le 31 janvier et le 18 février, mais elle est refusée malgré les dénonciations des administrateurs départementaux[74]. Il cherche alors à rassurer la Convention en transformant de petits succès en grandes victoires et en dénonçant les rapports alarmistes des Républicains locaux[75].
À de nombreuses reprises, les représentants Hentz, Garrau et Francastel écrivent au Comité de salut public que « la guerre de la Vendée ne sera complètement terminée que quand il n'y aura plus un habitant dans la Vendée »[76]. Le 20 février, ils donnent l'ordre aux réfugiés de quitter les abords du territoire insurgé et s'en éloigner de plus de vingt lieues (80 km) sous peine d'arrestation[67]. Les sommes nécessaires à leur voyage leur sont fournies. Les malades, les vieillards, les enfants, leur famille proche et leurs domestiques sont exemptés de l’éloignement, ainsi que des artisans spécialisés utiles à l’armée[77]. Ces mesures provoquent l'hostilité des patriotes vendéens et plusieurs d'entre eux refusent d'obéir[78]. Le 25 février, Hentz et Francastel expliquent que le but de Turreau « est de ne plus laisser dans le pays révolté que les rebelles, que l'on pourra plus aisément détruire, et sans confondre avec eux des innocents et des bons citoyens[79]. »
Mais la guerre s'éternise et, début mars, Turreau reçoit l'ordre de concentrer ses forces sur les côtes. Malgré ses protestations, les postes isolés doivent être abandonnés[80]. À la demande des représentants, les douze colonnes sont reformées en quatre colonnes de taille plus importante[81]. Le 10 mars, il modère ses injonctions de destructions et donne l'ordre de cesser les incendies des maisons et métairies jusqu'à nouvel ordre[82]. Les représentants s'impatientent, et, le même jour, Francastel et Hentz somment Turreau de terminer la guerre avant huit jours[83].
Le 9 mars, les représentants Francastel et Hentz écrivent au Comité de salut public qu'ils estiment que la Vendée « ne contient plus d'habitants, qu'une quinzaine ou une vingtaine de mille habitants de l'ancienne population, qui devait être de 160 000 habitants. Nous sommes sûrs d'avoir fait évacuer tout ce qui n'est point criminel dans ce pays. [...] Il résulte [...] que quand la guerre de la Vendée sera complètement terminée, il n'y restera point d'habitants, puisqu'on y aura tout détruit. [...] Il faudra déclarer tout le pays confisqué à la République, sauf l'indémnité aux réfugiés, et le nombre de ces réfugiés est très faible, relativement au reste qui est coupable, qui a péri et qui périra »[84].
Le même jour, devant la Convention, Carrier pourtant auparavant proche de Marceau et Kléber, et ayant approuvé le plan de ce dernier en janvier[85], prend position en faveur de la politique de Turreau[61].
De son côté, au nord de la Loire, Jean-Antoine Rossignol, général de l'Armée des côtes de Brest, aux prises avec les Chouans, demande que le décret sur la Vendée du 1er août 1793 soit également appliqué aux communes insurgées au nord du fleuve. Cette demande formulée le 19 avril, et à laquelle s'oppose le général Kléber, est cependant sans suites[A 15].
Rappel de Turreau
Le 1er avril 1794, Joseph Lequinio présente un nouveau rapport devant le Comité de salut public. Il juge indispensable de faire exécuter les prisonniers de guerre vendéens pris les armes à la main, et souhaite même que cette mesure soit également appliquée aux soldats de la Première Coalition, cependant il estime que la population de la Vendée est encore trop nombreuse pour être exterminée, et finalement désapprouve les massacres des civils et accuse lui aussi les militaires de profiter de la guerre pour s'enrichir par le pillage au lieu de combattre les rebelles[87],[A 16].
Peu après, pour la première fois, une délégation de Républicains vendéens est reçue à Paris. Menée par Chapelain et Tillier, elle réclame la fin des incendies et la distinction entre le pays fidèle et le pays insurgé. Arrivés dans l'ouest en mars, les représentants en mission — Mathieu Guezno et Jean-Nicolas Topsent — demandent le départ de Turreau. Le 6 avril, une déclaration solennelle du Comité de salut public signée par Carnot, Barère, Billaud-Varenne et Collot d'Herbois exige la victoire imminente[89].
Après quelques hésitations, le 10 avril, dans une lettre au comité, Hentz et Francastel déclarent conserver leur confiance envers Turreau[90]. Le 12 avril, une partie des troupes de l'armée de l'Ouest sont retirées à Turreau pour aller combattre la coalition aux frontières. Pour le Comité de salut public, la guerre de Vendée passe au second plan. Turreau modifie alors ses plans, il met fin aux colonnes et fait construire des camps retranchés[91]. Mais le mois d'avril n'est aucunement décisif et Turreau est finalement suspendu le [92].
Cependant si le Comité de salut public a désapprouvé le massacre des patriotes de Vendée[93], celui-ci a laissé faire les tueries des vieillards, des femmes et des enfants des rebelles. De même, jamais les Républicains vendéens ne dénoncent les ravages commis à l'encontre des civils royalistes[94]. Le 23 juillet 1794, Lazare Carnot dans une lettre écrite au nom du Comité de salut public adressée aux représentants du peuple à Niort, refuse d'intervenir en leur faveur[A 17].
Les soldats
« Il faut que chaque homme, dès que la patrie sera en danger, soit prêt à marcher. Il est établi comme axiome qu'en France, tout citoyen doit être soldat, et tout soldat citoyen[96]. »
En 1791, 10 000 hommes sont détachés de la garde nationale pour former le noyau de la nouvelle armée révolutionnaire. Ces jeunes volontaires de 1791 sont alors animés par un véritable patriotisme et un grand engouement révolutionnaire[97]. Le , les guerres de la Révolution française débutent et, le 11 juillet, la patrie est déclarée en danger ; les premières levées sont opérées. Mais nombres des nouveaux conscrits n'ont pas l'exaltation révolutionnaire de leurs prédécesseurs et s'engagent avant tout pour toucher la solde[98]. À la suite de ces levées, les volontaires dépassent largement en nombre les « habits blancs » de l'ancienne armée royale. Cependant, l'armée républicaine n'a aucune discipline[99], et au combat les soldats prennent facilement la fuite[100] alors que d'autres, enrôlés par la réquisition, désertent à la première occasion tandis que les autorités ne cherchent qu'à compenser la mauvaise qualité par la quantité[101]. Quelques bataillons se distinguent toutefois par leur ardeur[102]. Cependant l'esprit a totalement changé depuis 1791 et les soldats manquent de tout, sont mal équipés, mal nourris et commettent fréquemment vols et viols[103].
L'amalgame entre les volontaires et les troupes de ligne de l'ancienne armée royale est alors décidée[104]. Mais au printemps 1793, on observe au sein de l'armée une radicalisation des esprits[105]. La lutte entre Girondins et Montagnards provoque de vives tensions[106]. Les soldats vivent dans la hantise d'une trahison et parfois refusent d'obéir aux ordres de leurs officiers. Ceux qui s'avisent de réprimander ou de punir un soldat sont menacés par leurs hommes d'être dénoncés comme « aristocrate »[100]. Les Hébertistes exercent une véritable propagande et s'emploient à répandre l'esprit sans-culotte au sein de l'armée[104]. Dans l'armée du Nord, le Journal de la Montagne et Le Père Duchesne sont distribués aux soldats et radicalisent l'esprit de la troupe[107]. Le 12 novembre, 10 000 soldats de l'armée du Nord sont envoyés en Vendée sous les ordres du général Duquesnoy[108] ; ces soldats qui forment notamment la colonne de Cordellier, se révèlent être parmi les plus violents[109].
De plus, le blé et le pain manquent à Paris et les paysans vendéens sont bientôt dénoncés comme accapareurs[107]. L'idée germe alors dans l'esprit des révolutionnaires, y compris Danton et Robespierre, de créer une garde populaire, composée non pas de levées mais de vrais sans-culottes chargés de combattre les ennemis de l'intérieur. En mars 1793, le brasseur Santerre lève des bataillons de volontaires pour aller combattre les Vendéens. Ces combattants, surnommés les « Héros à cinq cents livres » en raison de la solde élevée qu'ils touchent, sont envoyés en Vendée. Cependant, s'ils pillent allègrement, leur valeur militaire est nulle et ils sont presque systématiquement battus lors des combats[110]. Ces troupes sont raillées par les soldats d'élite de l'armée de Mayence alors que l'attitude des Mayençais dans le territoire insurgé n'est pas moins violente que celle des sans-culottes parisiens[111].
Animés par les écrits de Jacques-René Hébert, les échecs de l'armée décuplent la haine des soldats républicains contre leurs ennemis[112]. Mais les récits de tortures et actes de vengeance sur des soldats isolés provoquent également la peur. Le , Dubois-Crancé écrit que : « Comme cette guerre est cruelle et qu'on ne fait pas de prisonniers de part et d'autre, nos soldats ont peur des brigands comme les enfants craignent les chiens enragés[113]. »
Effectifs
En 1794, l'armée chargée d'affronter les Vendéens est l'armée de l'Ouest, le général de division Turreau est son commandant en chef. Les principaux généraux ou adjudant-généraux ayant servi dans une colonne infernale sont : Amey, Aubertin, Bard, Blammont, Bonnaire, Boucret, Boussard, Carpantier, Colette, Cordellier, Commaire, Cortez, Crouzat, Delaage, Dufour, Dufraisse, Dusquenoy, Dutruy, Duval, Ferrant, Grammont, Grignon, Guillaume, Huché, Liébaut et Rademacher[68]. L'armée est très indisciplinée et chaque général interprète librement les ordres reçus[114].
L'Armée de l'Ouest est divisée en quatre divisions, la première est commandée par Cordellier, la seconde par Haxo, la troisième par Grignon et la dernière par Huché. Le chef d'état-major est le général Robert[115].
Les effectifs de l'armée sont très fluctuants selon les travaux du lieutenant-colonel de Malleray, établis en 1914[1] :
- 20 mars 1794 : 103 000 hommes ;
- mai 1794 : 51 000 hommes ;
- juin 1794 : 25 000 hommes au moins, répartis dans 9 camps retranchés ;
- septembre 1794 : 44 000 hommes.
Selon les travaux de Pierre Constant, datant de 1992, les effectifs se répartissent ainsi[1] :
- novembre 1793 : 70 852 hommes ;
- février 1794 : 99 269 hommes théoriquement, 65 627 en fait ;
- mars 1794 : 81 742 hommes ;
- juin 1794 : 56 763 hommes ;
- octobre 1794 : 60 570 hommes théoriquement, 44 232 en fait.
Cependant, ces effectifs sont théoriques et seuls 56 à 73 % des soldats sont présents à l'appel. 20 à 25 % sont enregistrés dans les hôpitaux comme blessés ou malades. Les autres absents correspondent aux soldats démobilisés et enregistrés par erreur, aux déserteurs et aux hommes tués[1].
Le nombre de soldats républicains tués durant les colonnes infernales n'est pas connu. 25 000 à 50 000, et plus probablement autour de 30 000, sont tués pendant les trois années que dure la guerre de Vendée, de mars 1793 à mars 1796[116].