Technocritique
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Le néologisme technocritique définit un courant de pensée axé sur la critique du concept du « progrès technique », considéré comme une idéologie qui serait née au XVIIIe siècle durant la Révolution industrielle et qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, s'ancre dans les consciences, principalement sous les effets de l'automatisation (la mécanisation ou le machinisme) et de l'informatisation.
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Le terme est forgé en 1975 par l'ingénieur et philosophe français Jean-Pierre Dupuy[1].
La pensée technocritique s'amorce au début du XIXe siècle en Grande-Bretagne (qui était à l'époque la première nation industrielle) avec la révolte luddiste. Elle prend alors la forme d'un rejet catégorique du machinisme. Elle évolue ensuite au fur et à mesure que prospère l'industrie et que les humains s'y acclimatent. Elle connaît un regain d'intérêt au début des années 1970, quand la crise écologique devient patente. Elle s'associe alors à l'écologisme tout en restant parfois critique à son égard.
On peut ranger dans le courant technocritique du XXe siècle : Georges Bernanos, Jean Giono, George Orwell, Simone Weil, Aldous Huxley, Lewis Mumford, René Barjavel, Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Günther Anders, Ivan Illich et, plus récemment, Evgeny Morozov, ainsi qu'en France des publications des Éditions de l'Encyclopédie des Nuisances, à travers notamment Jaime Semprun et René Riesel, et également Serge Latouche, Éric Sadin et Olivier Rey.
Dans son sens le plus restreint, la pensée technocritique s'apparente à une critique des machines et technologies (Mumford, Le Mythe de la machine). Dans un sens plus large, elle définit la technique non seulement comme un ensemble d'infrastructures matérielles mais aussi comme un système de pensée incluant un très grand nombre de procédures et dispositifs immatériels (ex. organisation du travail, techniques de management, relations publiques…) questionnant, au-delà du phénomène de l'industrialisation, le processus de rationalisation et sa sacralisation (Ellul, Les Nouveaux Possédés et Le Système technicien).
Même si elle peut inclure des universitaires, la technocritique se démarque radicalement de la sociologie des techniques, qui constitue une activité académique spécialisée — exercée exclusivement par des universitaires — dont l'approche est pragmatique, alors que la principale caractéristique de la technocritique est d'être militante et de s'inscrire dans le cadre d'une dénonciation de l'idéologie du progrès. D'un point de vue politique, elle s'inscrit toutefois en marge du traditionnel clivage gauche-droite. Partant en effet du constat que le socialisme et le capitalisme ont en commun de célébrer le « progrès technique », les postures partisanes lui sont étrangères[2]. Elle se traduit essentiellement par un engagement pour un monde antiproductiviste et décroissant.
En 2014, l'historien François Jarrige s'est efforcé de décrire et d'analyser les diverses composantes de ce courant de pensée depuis son émergence jusqu'à nos jours[3].
Par delà son hétérogénéité, la posture technocritique peut se résumer en dix principes[4] :
- Définie comme « la recherche absolue de l'efficacité maximale en toutes choses »[5], la technique est devenue la valeur cardinale dans les pays industrialisés mais la société n'est plus qualifiée d'« industrielle » mais de « technicienne »[6].
- Du fait que le socialisme autant que le capitalisme a vanté le « progrès technique », la technocritique se situe en marge du clivage gauche-droite.
- La montée en puissance de l'industrialisation ayant coïncidé avec celle des États-nations, la technocritique est en revanche teintée de sensibilité libertaire, voire anarchiste.
- Partant de l'idée que « la plus extraordinaire machine jamais inventée et construite par l'homme n'est autre que l'organisation sociale »[7], la technocritique ne réduit pas la notion de technique au machinisme et aux « technologies » mais inclut par exemple la bureaucratie dans le système technicien[8].
- Considérant que, sous l'effet de l'urbanisation (elle-même causée par l'industrialisation), la société s'est massifiée et que, du coup, la démocratie s'est fortement institutionnalisée et bureaucratisée (système parlementaire centralisé, poids des partis, professionnalisation du personnel politique…), la thèse est soutenue que la démocratie s'est vidée de son sens : on la dit « représentative » mais le vote ne correspond plus en fait qu'à un vaste système de délégation de la responsabilité[9].
- Partant de l'idée que l'industrialisation est source de prolétarisation mais fondant ses analyses sur une critique de la valeur-travail, elle s'inscrit dans l'héritage intellectuel de Karl Marx tout en se démarquant du marxisme (elle s'apparente en revanche aux marxiens).
- Considérant que l'industrie affecte les écosystèmes, elle associe sa réflexion à celle de l'écologisme[10] tout en se différenciant des tenants du développement durable, lesquels ne remettent pas en question la notion de développement[11], tout en s'en démarquant parfois (lire supra).
- Postulant que l'industrialisation s'appuie sur une conception du monde étroitement matérialiste (depuis le mouvement de déchristianisation qui s'est amorcé en Europe au XVIIIe siècle), les penseurs technocritiques se prononcent pour une déqualification du confort matériel en tant que valeur et en revanche pour une requalification de la « simplicité volontaire ». Ce faisant, ils invitent à rompre avec le paradigme de la croissance économique et promeuvent le concept de décroissance
- Considérant qu'aux valeurs républicaines (liberté, égalité, fraternité), l'idéologie technicienne a substitué « la recherche de l'efficacité maximale en toutes choses »[12], ils se réclament d'une éthique de la « non-puissance »[13].
- Affirmant enfin qu'il est « illusoire de croire que l'on modifiera quoi que ce soit par la voie institutionnelle »[14], ils affirment que c'est uniquement en changeant leurs modes de penser et de vivre que les humains pourront se libérer de l'aliénation technicienne.
Ces principes ne doivent pas laisser supposer que la pensée technocritique forme un mouvement unitaire. Il existe en effet entre eux plusieurs lignes de fracture. On peut en particulier distinguer deux grandes tendances :
- l'une, objectiviste et volontariste, héritée du luddisme, considérée comme technophobe, où l'on postule que la technologie, à travers ses multiples artefacts, exerce une « tyrannie » sur les humains[15], et de laquelle ceux-ci ne peuvent se libérer qu'en les éliminant de leurs cadres de vie et/ou en recourant à des « technologies douces » ou non aliénante.
- l'autre, cultivant la dialectique sujet-objet et d'orientation essentiellement ellulienne, où l'on considère que ce n'est pas la technique qui nous aliène mais le sacré transféré à la technique[16] et où l'on estime qu'il n'est possible de se libérer de cette aliénation qu'en cultivant en profondeur une réflexion d'ordre éthique, réhabilitant les valeurs spirituelles et axée sur une redéfinition de la liberté[17].
D'autres points font dissensus, quand ils ne sont pas à l'origine de divergences :
- dans quelle mesure, comme l'affirme Jacques Ellul, est-il « vain de déblatérer contre le capitalisme » ou, au contraire, doit-on mener de concert sa critique de celle de l'idéologie technicienne ?
- qui est avant tout responsable de la situation ? Le scientifique qui conçoit un nouveau principe, l'ingénieur qui le met en application, l'industriel qui produit l'artefact, celui qui pille les ressources naturelles nécessaires à la fabrication du produit, l'investisseur qui finance la production et en tire profit, le publicitaire qui crée le besoin de son usage ou bien le commun des mortels, qui exige toujours plus d'applications à son ordinateur et espère acquérir toujours plus de prothèses dans sa panoplie ?
- quelles stratégies militantes adopter ? Faut-il être légaliste ou au contraire bafouer certaines lois afin de créer de nouveaux droits ? Faut-il s'inscrire dans le cadre de la politique institutionnelle (même si on la critique) dans le but de la transformer de l'intérieur ou au contraire n'agir que de l'extérieur ? Faut-il agir en électrons libres et en donneurs de leçons ou au contraire au sein d'associations déclarées, voire subventionnées, afin de créer des occasions de débat public ?
La pensée technocritique se structure durant les années 1970, en même temps que le militantisme écologiste auquel elle est très liée, quand les effets négatifs du productivisme commencent à devenir patents, notamment sur l'environnement. Elle se manifeste non seulement au travers de prises de position théoriques (rédaction et publication d'articles, de revues, de manifestes, de pétitions; animation de sites internet, blogs, forums…) mais aussi sous la forme d'actions militantes qui vont des plus légales (création d'associations et de comités de défense, organisation de débats publics, manifestations de rue…) aux occupations de terrains ou des actions plus radicales mais ayant une valeur symbolique, dans l'esprit de la désobéissance civile (par exemple le fauchage d'OGM). Les activistes reconnaissent leur caractère « illégal » mais affirment qu'elles sont en revanche légitimes[18] : en France, ceux qui y recourent argumentent que les OGM pénètrent le marché sous la pression des lobbies et que la résistance à l'oppression est inscrite dans la constitution (article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme). Ils prônent la non-violence et ne recourent à la force que très rarement, dans le cas de manifestations violentes, et de destruction de symboles du libéralisme ou de la société industrielle, dans des actions de type "black block". Le cas de Ted Kaczynski, aux États-Unis, constitue l'unique exemple connu d'atteintes aux personnes (colis piégés).
Des voix s'élèvent pourtant au sein du mouvement technocritique, invitant à se distancier de l'écologisme. En 1972, Jacques Ellul écrit un article intitulé Plaidoyer contre la défense de l’environnement[19], qu'il conclut ainsi : « S’intéresser à la protection de l’environnement et à l’écologie sans mettre en question le progrès technique, la société technicienne, la passion de l’efficacité, c’est engager une opération non seulement inutile, mais fondamentalement nocive. Car elle n’aboutira finalement à rien, mais on aura eu l’impression d’avoir fait quelque chose, elle permettra de calmer faussement des inquiétudes légitimes en jetant un nouveau voile de propagande sur le réel menaçant. »[20]. Et en 1980, Bernard Charbonneau estime que c'est une erreur d'assimiler la technocritique à l'écologisme dans la mesure où il est à prévoir que celui-ci soit très vite récupéré par les groupes industriels qui commettent les dégâts sur l'environnement[21].