Décroissance
pensée économique questionnant les bienfaits et la durabilité de la croissance économique / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La décroissance est un concept politique, économique et social prônant une réduction du productivisme et rejetant la poursuite de la croissance économique comme objectif des politiques publiques. Né dans les années 1970, il s'appuie sur l'idée que la croissance du produit intérieur brut (PIB) ne garantit pas l'amélioration des conditions de vie de l'humanité et la durabilité du développement.
Selon les partisans de la décroissance, le productivisme a trois conséquences négatives : des dysfonctionnements de l'économie (chômage de masse, précarité, etc.), l'aliénation au travail (stress, harcèlement psychologique, multiplication des accidents, etc.) et la pollution, responsable de la détérioration des écosystèmes et de l'extinction de l'Holocène. L'action de l'homme sur la planète a en effet fait entrer celle-ci dans ce que certains scientifiques considèrent comme une nouvelle époque géologique, appelée l'Anthropocène (qui aurait succédé à l'Holocène), et cette action menacerait l'espèce humaine elle-même. L'objectif de la décroissance est de cesser de faire de la croissance un objectif.
Partant de l'axiome selon lequel, dans un monde fini, une croissance illimitée est impossible[1], les « décroissants » (ou « objecteurs de croissance », même si certains considèrent ces deux dénominations comme différentes) se prononcent pour une éthique de la simplicité volontaire. Concrètement, ils invitent à réviser les indicateurs économiques de production de richesse, en premier lieu le PIB, et à repenser la place du travail dans la vie, pour éviter qu'il ne soit aliénant, et celle de l'économie, de sorte à réduire les dépenses énergétiques et ainsi l'empreinte écologique. Leur critique s'inscrit dans la continuité de celle du productivisme, amorcée durant les années 1930 et qui dépasse celle du capitalisme et celle de la société de consommation, menée pendant les années 1960.
Ce concept peut être abordé de plusieurs points de vue : politique, écologique, technocritique, éthique[2]. Il se réfère notamment aux nouvelles approches du concept de croissance économique, notamment celles défendues dans le rapport Meadows ou par Nicholas Georgescu-Roegen, nées durant les années 1970 sous la pression de la crise écologique, quand le mot « décroissance » apparaît puis se généralise. Au sein de ce courant sont recherchées des alternatives au paradigme de la croissance (bioéconomie, localisme, basse technologie, etc.) ainsi que les moyens de les inscrire dans le champ de la politique institutionnelle, par exemple la création du Parti pour la décroissance en France en 2005.
Depuis 2001, l'adjectif « soutenable » est souvent accolé au mot « décroissance » pour mieux le faire apparaître comme l'alternative au concept du développement durable, qui bénéficie d'une plus grande reconnaissance auprès de la classe politique et des industriels mais que certains décroissants qualifient de « faux ami »[3], voire d'« imposture », tandis que d'autres considèrent simplement qu'il est trop tard pour le mettre en œuvre[4].
En avril 1968, un groupe de diplomates, universitaires, industriels et membres de la société civile, désireux de penser l'avenir du monde sur le long terme, s'est rassemblé sous le nom de Club de Rome. En 1970, il a passé commande d'un rapport auprès d'un groupe de chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, mené par Dennis Meadows.
Origine
Intitulé The Limits to Growth (Les Limites à la croissance), le premier rapport, dit rapport Meadows, (il y en aura trois en tout) sert de véritable déclencheur au mouvement de la décroissance. Il est publié en mars 1972, trois mois à peine avant la première Conférence des Nations unies sur l'environnement, à Stockholm (qui se déroule du 5 au 16 juin). On parle alors de croissance zéro. Il constitue en effet la première étude conséquente soulignant les dangers engendrés par la société de consommation. Traduit en trente langues, il est édité à douze millions d'exemplaires[5].
Le mot « décroissance » en matière économique apparaît sous la plume d'André Gorz (utilisant le pseudonyme de Michel Bosquet) dans un article paru dans le Nouvel Observateur no 397 du 19 juin 1972 : « L'équilibre global, dont la non-croissance – voire la décroissance – de la production matérielle est une condition, cet équilibre est-il compatible avec la survie du système. » et repris au cours des années 1970[6],[7].
Le 19 juin paraît un numéro hors-série du Nouvel Observateur intitulé « La dernière chance de la Terre » et tiré à 200 000 exemplaires, dans lequel le rapport est largement commenté. Y participent, entre autres, André Gorz (sous le pseudonyme de Michel Bosquet), Théodore Monod et Edgar Morin. Michel Bosquet parle de la nécessaire réduction de la consommation.
Pour Fabrice Flipo, l'objection de croissance prend ses racines dans les courants libertaires et dans la pensée de Murray Bookchin, essayiste écologiste considéré comme l'un des penseurs marquants de la Nouvelle gauche (New Left)[8].
Évolution (chronologie)
Années 1970
1973
Le mensuel écologiste Le Sauvage, fondé par Alain Hervé (également fondateur trois ans plus tôt de la section française des Amis de la Terre), constitue un support de diffusion de ses idées sur l'écologie et ses relations avec le politique[9].
1974
Intitulé Sortir de l'ère du gaspillage : demain, un second rapport est publié (un troisième rapport parait en 2004 : Review of Limits to Growth: The 30-Year Update[10] ; il est traduit en français en 2012 sous le titre : Les limites à la croissance (dans un monde fini) : Le rapport Meadows, 30 ans après[11]). Les rapports Meadows ne sont pas au sens strict des textes fondateurs de la décroissance car ils défendent la « croissance zéro »[12]. Ces textes sont cependant les premières études présentant officiellement l'aggravation des dérèglements planétaires (pollution, pénuries de matières premières, destruction des écosystèmes, etc.) comme la résultante de l'idéologie croissantiste.
La même année en France, l'écologie fait son apparition sur l'échiquier politique lors de l'élection présidentielle en France (René Dumont est candidat mais ne recueille que 1,32% des votes). Bernard Charbonneau publie dans Foi et Vie un article intitulé « Coûts de la croissance, gains de la décroissance »[13].
1975
André Gorz rassemble ses articles dans l'ouvrage Écologie et politique. L'auteur fait le constat que le développement capitaliste implique la destruction des ressources et du milieu et que seule une politique de décroissance économique (des pays à la fois les plus riches et les plus pollueurs) peut enrayer ce processus. À partir de 1972, il utilise couramment le terme de « décroissance » pour désigner son projet écologiste. Il dénonce en même temps les dangers d'une prise en compte des contraintes écologistes par le capitalisme qui profiterait ainsi de l'extension de son emprise aux domaines nouveaux de l'économie dite « verte » (recyclage, traitement des déchets et de l'eau, énergies non fossiles, produits immatériels, services à la personne, etc.). Ses thèses s'appuient en particulier sur les analyses de Georgescu-Roegen et Barry Commoner[14].
1977
André Gorz publie un essai intitulé Écologie et liberté[15].
1979
Jacques Grinevald rassemble et traduit plusieurs articles (dont les plus anciens remontent à 1971) de l'économiste et mathématicien américain d'origine roumaine Nicholas Georgescu-Roegen dans un ouvrage qui fait aujourd'hui référence : Demain la décroissance. Entropie, écologie, économie[16],[17]. De fait, Georgescu-Roegen est considéré comme l'inventeur du concept de décroissance[18] (sans toutefois ne jamais employer le terme) et son principal théoricien[19].
Georgescu-Roegen tente un rapprochement entre l'économie en général et un principe physique. Il estime que le modèle économique néoclassique est fondé sur le paradigme de la mécanique newtonienne[20] et ne prend pas en compte les phénomènes de dégradation de l'énergie et de la matière. Il pense pouvoir fonder quant à lui son modèle économique sur le deuxième principe de la thermodynamique et la notion d'entropie selon lequel, par le biais des différents processus de production, la matière et l'énergie se dégradent de manière irréversible. Est ainsi mis en exergue l'exemple des matières premières utilisées pour la construction des ordinateurs qui sont fragmentées et disséminées à travers toute la planète, rendant pratiquement impossible la reconstitution des minerais d'origine. Quant à l'énergie utilisée pour leur fabrication, elle est dissipée en chaleur[21].
Années 1980
Le mouvement de la décroissance s'institutionnalise : des structures labellisées « décroissantes » commencent à éclore (associations, partis politiques, etc.) autour d'une presse et d'une édition spécialisées (journal La Décroissance, revues Entropia, S!lence, etc.), recourant à de multiples actions militantes (manifestations contre la publicité ou le nucléaire, etc.) et dont certaines lui sont spécifiques (occupation de zones d'aménagement différé, etc.). Le mot « décroissant » et le vocabulaire qui lui est relatif (« simplicité volontaire », « grands travaux inutiles », « zone à défendre », etc.) n'entrent dans le langage usuel qu'à partir du début des années 2000, quand la Chine et l'Inde ont rejoint la famille des pays industrialisés et que les craintes relatives au réchauffement climatique font l'unanimité des dirigeants.
1982
François Partant publie La fin du développement. Naissance d'une alternative ?[22],[23].
1987
Serge Latouche publie Faut-il refuser le développement ?. L'auteur avance que toutes les théories économiques sont en déroute, la pensée néolibérale ne fonctionne qu'en termes de comptabilité nationale, le socialisme est vidé de tout contenu. « La question est donc celle d'une alternative […] au « développementisme » imposé au monde par l'Occident »[24].
Années 1990
1991
Albert Jacquard, dans Voici le temps du monde fini, analyse comment la pensée techno-scientifique influence de plus en plus les conceptions du monde, notamment les modèles économiques, et émet une thèse : plus la science et la technique démontrent le caractère limité des ressources naturelles et moins, paradoxalement, les responsables politiques et économiques semblent en tenir compte : « avec des moyens techniques et militaires qui sont ceux d'aujourd'hui, l'humanité continue à penser, donc à agir, en suivant des types de raisonnement qui datent du Moyen Âge »[25].
1995
Dominique Méda publie Le travail. Une valeur en voie de disparition. Dans cet ouvrage, l'auteure fait la genèse du concept de travail et s'interroge dans les derniers chapitres sur les rapports entre travail et richesse[26].
1996
- Gilbert Rist publie Le développement : histoire d'une croyance occidentale dans lequel l'auteur analyse la notion de développement depuis Aristote jusqu’à la crise de 2008 dans la dernière version revue et augmentée[27].
- Aux États-Unis parait Beyond Growth: The Economics of Sustainable Development, de l'économiste Herman Daly, qui se positionne dans la lignée des travaux de Nicholas Georgescu-Roegen (ouvrage non traduit)[28].
1999
Dans Qu'est-ce que la richesse ?, Dominique Méda s'interroge sur ce qu'est la richesse d'une société et remet en cause le fait que le PIB constituerait une représentation adéquate de celle-ci. Cherchant à comprendre qui a pu instaurer une telle identité entre richesse et production, elle fait la genèse de ce processus en repartant du coup de force de Thomas Malthus, en revenant sur l'invention de la comptabilité nationale et sur les premiers critiques de la croissance et du PIB. Elle expose les principales critiques que l'on peut faire au PIB et la réaction des comptables nationaux. Elle propose de déterminer collectivement de nouveaux indicateurs et de substituer à la recherche de croissance le processus de civilisation. L'ouvrage reparaît en 2008 sous le titre Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse. Considéré par Jean Gadrey comme l'ouvrage pionnier en France sur la critique de la croissance, cet ouvrage ouvre une série de coopérations et de travaux communs menés notamment par Jean Gadrey, Florence Jany-Catrice, Dominique Méda et les membres du Forum pour d'autres indicateurs de richesse[29] qui revendiquent plutôt le terme de post-croissance (l'absence de toute référence au PIB) que celui de décroissance.
Années 2000
Les « décroissants » reprennent le slogan « Le monde n'est pas une marchandise »[30], né de la mouvance altermondialiste, qui se développe en 2001 à Gênes lors d'un immense « contre-sommet » en réaction au sommet du G8 et qui s'oppose au statut et à la politique de plusieurs institutions mondiales (Organisation mondiale du commerce, Fonds monétaire international, Organisation de coopération et de développement économiques, Groupe des huit, Banque mondiale, etc.). Ils s'en démarquent toutefois, considérant qu'il reste rivé à la question du partage des richesses sans remettre en question les fondements-mêmes du développement économique.
2001
En juillet, Bruno Clémentin et Vincent Cheynet imaginent le concept de « décroissance soutenable » pour l’opposer au « développement durable » afin d’engager un débat public. Selon le témoignage de Serge Latouche[31] : « Il y avait un contexte latent qui lui était favorable, le mot est arrivé au bon moment. En fait, cela s'est fait à l'occasion d'un appel à contribution de la revue S!lence, dont un numéro devait avoir pour thème « Il est peut-être temps de relancer le mot décroissance ». Bruno Clémentin et Vincent Cheynet, ses initiateurs, insistaient sur le mot « relancer » [et] considéraient [...] que dans la notion de décroissance résidait une idée non seulement importante, mais qui faisait son chemin. »
2002
2003
- Michel Bernard, Vincent Cheynet et Bruno Clémentin coordonnent l'ouvrage collectif Objectif décroissance[34].
- Serge Latouche publie Décoloniser l'imaginaire : « Promettre la richesse en produisant de la pauvreté est absurde. Le modèle occidental de développement est arrivé à un stade critique. Ses effets négatifs sur la plus grande partie de l'humanité et sur l'environnement sont évidents. Il est nécessaire de le freiner, de le ralentir, voire de l'arrêter avant que des luttes, des cataclysmes ou des guerres ne se déclenchent. Partout dans le monde apparaissent les îlots d'une nouvelle pensée créative qui aspire à une vie sociale et économique plus équilibrée et plus juste. Cette critique du développement bouscule nos certitudes et remet en question la pensée et la pratique économiques de l'Occident »[35].
- En septembre, à l'Hôtel de ville de Lyon, se tient le premier colloque international sur la décroissance soutenable : plus de 200 participants viennent de France, de Suisse et d'Italie[36].
2004
- En mars est créé le journal La Décroissance. Bimestriel, il devient mensuel à partir de 2007[37].
- En France, Les Verts formalisent une position favorable à la notion de décroissance, nuancée par le concept de « décroissance sélective et équitable »[38].
- En juillet, François Schneider entreprend un tour de France d'un an sur un âne pour diffuser les idées de la décroissance[39].
- Le réseau Rete per la decrescita est lancé en Italie[40].
2005
- Paul Ariès publie Décroissance ou barbarie[41].
- Du 7 juin au 3 juillet a lieu la Marche pour la décroissance de Lyon à Magny-Cours. Les participants demandent la suppression du Grand Prix automobile de France de Formule 1, qu'ils considèrent comme un symbole d'une société de gaspillage[42].
- Le 25 novembre est organisée la première journée sans achat[43].
- La revue Entropia est créée. Son premier numéro est intitulé Décroissance et politique[44].
- Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice publient Les nouveaux indicateurs de richesse qui rassemble l'ensemble des critiques du PIB ainsi qu'une revue raisonnée des principaux indicateurs de richesse[45].
2006
- Serge Latouche publie Le Pari de la décroissance : « L'objet de cet ouvrage est de montrer que si un changement radical est une nécessité absolue, le choix volontaire d'une société de décroissance est un pari qui vaut la peine d'être tenté pour éviter un recul brutal et dramatique »[46].
- Jean-Pierre Tertrais publie Du développement à la décroissance. L'ouvrage reprend la notion altermondialiste d'alternative : « Alors que beaucoup ne soupçonnent encore ni la nature profonde ni l'ampleur du « développement », cette notion touche déjà à sa fin. C'est en effet sur ses ruines que certains envisagent de construire une autre société »[47].
- En avril est créé le Parti pour la décroissance[48],[49].
2007
- Alain de Benoist, représentant de la « Nouvelle Droite », publie Demain la décroissance. Penser l'écologie jusqu'au bout. Certains dénoncent une « récupération »[50]. D'autres, tel Bernard Langlois, le soutiennent[51].
- En juillet est créé le Mouvement québécois pour une décroissance conviviale[52].
- Paul Ariès crée Le Sarkophage, bimestriel antiproductiviste et anticapitaliste qui fusionne en 2013 avec le trimestriel Les Zindigné(e)s pour devenir le mensuel Les Zindigné(e)s, revue altermondialiste favorable à la décroissance[53].
- Le Movimento per la decrescita felice est lancé en Italie[40].
- L’Entesa per decreixemente est lancé en Catalogne[40].
- Bernard Christophe, professeur émérite en sciences de gestion de l’université de Picardie Jules Verne, publie L'entreprise et la décroissance soutenable, dans lequel il étudie les conséquences de la décroissance pour l'entreprise, et comment elle peut être résiliente[54].
2008
- Vincent Cheynet publie Le choc de la décroissance : « Alors que 20 % des humains s'accaparent plus de 80 % des ressources naturelles de la planète, que les capacités de celle-ci à absorber les pollutions que nous émettons ont largement été dépassées et que les ressources fossiles s'épuisent, avons-nous encore le choix, dans les pays riches, entre croissance et décroissance ? »[55].
- Le Réseau objection de croissance (ROC) est présent à Genève, puis dans les cantons de Vaud (2009), Neuchâtel, Jura et Fribourg (ainsi qu'en Suisse alémanique à Berne et Bâle)[56].
- Dominique Méda publie Au-delà du PIB. Pour une autre mesure de la richesse[57].
- Le collectif Forum pour d'autres indicateurs de richesse (FAIR) est créé et est l'interlocuteur « société civile » de la Commission Stiglitz/Sen/Fitoussi étudiant la mesure des performances économiques et du progrès social[58]. Le collectif critiquera la première version du rapport[59].
2009
- Paul Ariès publie Désobéir et grandir. L'auteur appelle à « la « croissance » de l'imaginaire et des liens sociaux, afin de s'offrir collectivement une vie qui ne soit pas plus opulente, mais plus libre, plus signifiante et, finalement, plus humaine » (note de l'éditeur)[60].
- Le Parti pour la décroissance participe aux élections européennes et fonde l'Association d'Objecteurs de Croissance (AdOC)[61].
- En octobre est créé en Belgique le Mouvement politique des objecteurs de croissance[62].
Années 2010
2010
Plusieurs ouvrages sont publiés sur le thème de la décroissance :
- Jean Gadrey, Adieu à la croissance : l'auteur affirme que les discours faisant valoir la croissance comme la solution à tous les maux constituent en fait une idéologie mortifère, « un facteur de crise, une menace pour la planète »[63];
- Serge Latouche, et Didier Harpagès, Le Temps de la décroissance[64] ;
- Denis Bayon, Fabrice Flipo et François Schneider, La décroissance. Dix questions pour comprendre et en débattre[65] ;
- Tim Jackson, Prospérité sans croissance[66] ;
- Paul Ariès, Décroissance et gratuité, Golias[67] ;
- Jean Aubin, Croissance infinie, la grande illusion (Préface d'Albert Jacquard)[68] ;
- Jean Aubin, La Tentation de l'Ile de Pâques (préface de Serge Latouche)[69].
2011
- Serge Latouche publie Sortir de la société de consommation[70].
- L'Institut Momentum, dont l'objectif est d'« œuvrer à un nouvel imaginaire social » en vue de démystifier l'idéologie productiviste et d'en démontrer le caractère mortifère, est créé[71].
- Isabelle Cassiers publie avec quatorze universitaires et acteurs de terrain Redéfinir la prospérité aux Editions de l'Aube[72].
- Paul Ariès publie La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance (La Découverte)[73].
2012
- En France, le mouvement de la décroissance connait ses premières divisions. En effet, le Parti pour la décroissance se désolidarise du journal La Décroissance : « Contrairement à ce qu’il stipule dans sa propre charte, le mensuel a tendance à user de son nom générique pour amener à croire qu’il fait consensus au sein de l’Objection de Croissance. Certes, (il) a sa liberté d’expression. Mais […] cette liberté masque une prise de pouvoir, un penchant à s’exprimer au nom des autres »[74].
- En septembre est créé Moins ! Journal romand d'écologie politique[75].
2013
- Agnès Sinaï et d'autres chercheurs publient un ouvrage collectif, Penser la décroissance, Politiques de l'Anthropocène, aux Presses de Sciences Po[76].
- La collection « Les précurseurs de la décroissance », aux éditions Le Passager clandestin, est publiée jusqu'en 2015, avec 14 titres[77]. Serge Latouche en est le coordinateur[78].
2014
En mai, Europe-Décroissance présente cinq listes aux élections européennes mais ne comptera aucun élu[79].
2015
Dans son encyclique Laudato si', le pape François dénonce le « paradigme technocratique dominant » et prononce entre autres ces mots : « La technologie, liée aux secteurs financiers, qui prétend être l’unique solution aux problèmes, de fait, est ordinairement incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par conséquent, résout parfois un problème en en créant un autre. […] L'heure est venue d'accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d'autres parties »[80].
2017
Le Colloque « Déconstruire la ville : saisir la décroissance comme opportunité. Comment ? Pour qui ? » a lieu les 5 et 6 octobre à Saint-Étienne.
Années 2020
2021-2022
La décroissance apparaît lors de la primaire des écologistes de 2021 par la voix de Delphine Batho, coordonnatrice nationale de Génération écologie. Le débat entre l'économiste Timothée Parrique et Delphine Batho permet de situer le parti dans un nouvel échiquier politique, celui des non-productivistes[81].
Écologie
Le concept de décroissance soulève de multiples questionnements. Les plus nombreux concernent la crise écologique planétaire car c'est au travers de leur impact sur l'environnement que les effets de l'industrialisation sont les plus spectaculaires.
- Épuisement des ressources énergétiques : pétrole (pic pétrolier mondial arrivant entre 2006[82] et 2040 selon les prévisions des compagnies et des gouvernements[83], ou qui serait déjà passé en 2005 selon Colin Campbell de l'ASPO), gaz (70 ans), uranium (entre 50 et 220 ans)[84],[85], charbon (200 ans[86], au rythme actuel de consommation) ;
- Augmentation des coûts d'extraction des ressources.
- Raréfaction de nombreuses autres ressources minières : indium, nickel, cobalt[87],[88] (ces deux derniers éléments entrent dans la composition de certains aciers), cuivre, or, zinc, plomb[89],[90], etc.
- Dégradation de l’environnement : Réchauffement climatique à cause de l'effet de serre, diminution de la biodiversité, pollutions diverses.
- Dépassement des limites planétaires.
- Apparition de nouvelles maladies[91] ;
- Évolution des modes de vie : transports, traitement des déchets, alimentation (obésité dans les pays développés, malnutrition dans les pays pauvres).
Économie
Les modalités du processus industriel étant considérées par les décroissants comme à l'origine de la crise écologique, l'économie devient le champ de multiples questionnements, dont les conférences internationales, les Sommets de la terre et les Conférences des parties (comme la COP21) sont le théâtre.
Cinq pistes sont essentiellement explorées :
- le sens et la place du travail ;
- la pertinence des indicateurs de richesse, notamment le PIB ;
- la pertinence de la notion de développement durable, très majoritairement plébiscitée comme réponse à la crise écologique ;
- la question des équilibres entre pays riches (industrialisés) et les pays pauvres (« en voie de développement ») ;
- la nécessité de fusionner économie et écologie.
Bien que minoritaires sur ces terrains, les décroissants avancent un certain nombre d'arguments.
Sens et place du travail
La plupart des militants décroissants rejettent en bloc l'idéologie du travail. On l'observe en particulier dans le pamphlet L'Abolition du travail de Bob Black (1985), qui se réclame du vieux livre de Paul Lafargue, Le Droit à la paresse (1880), ainsi que dans deux films de Pierre Carles, Attention danger travail, en 2003, et Volem rien foutre al païs, en 2007. Aucun de ces témoignages ne réactualise la question de la valeur travail dans le contexte de ce que l'on appelle la révolution numérique. De même, différents sociologues (dont la Française Dominique Méda) notent qu'au fil du XXe siècle, le travail cesse d'être vécu comme une valeur mais aucun ne met en lien ce phénomène avec la montée en puissance des technologies, si ce n'est l'Américain Jeremy Rifkin, en 1995 pour proclamer que ces technologies vont mettre un terme à l'ère industrielle au profit d'une économie conviviale dite « collaborative »[92].
Un certain nombre de décroissants qualifient de « simpliste » les positions de Rifkin, notamment sa théorie sur la troisième révolution industrielle[93] : « La thèse de la Troisième Révolution industrielle et tous ceux qui vantent le capitalisme numérique restent enfermés dans une vision simpliste des technologies et de leurs effets. Ils oublient de penser les rapports de pouvoir, les inégalités sociales, les modes de fonctionnement de ces « macrosystèmes » comme les enjeux de l’autonomie des techniques et des techno-sciences, sans parler de la finitude des ressources et de l’ampleur des ravages écologiques réels de ce capitalisme soi-disant immatériel »[94].
Nouveaux indicateurs de richesse
Les partisans de la décroissance reprochent au produit intérieur brut (PIB) de se focaliser sur le quantitatif sans intégrer le qualitatif : il repose exclusivement sur des valeurs de marché et ne tient pas compte du bien-être des populations ni de l'état des écosystèmes. De surcroît, les décroissants reprochent au PIB de ne pas rendre compte de l'épuisement du stock des matières premières et de ne pas intégrer les dépenses occasionnées par la destruction du biotope[95]. Ils privilégient d'autres indicateurs, tels que l'Indice de développement humain, l'empreinte écologique ou l'indice de santé sociale.
Les partisans de la décroissance affirment que la recherche d’une évaluation de l’évolution des richesses, liée aussi bien à des besoins politiques que scientifiques, a conduit les économistes à créer des indicateurs ne prenant en compte que les aspects mesurables des richesses qui sont unifiées à travers leur équivalence monétaire. Les tenants de la décroissance arguent que la mesure du PIB est une mesure abstraite ne prenant pas en compte le bien-être des populations ni la pérennité des écosystèmes.
En effet, de nombreux éléments de la richesse ne sont pas pris en compte dans la mesure du PIB : les ressources naturelles, mais aussi les loisirs non marchands, les activités sociales et politiques qui représentent des déterminants importants de la qualité de vie perçue. Réciproquement, certaines activités sont prises en compte dans la mesure du PIB, qui sont pourtant généralement perçues comme n'allant pas dans le sens de « l'utilité et la jouissance de l'espèce humaine »[96]. L'exemple souvent repris dans la littérature sur la décroissance est l'exemple économique classique, critiqué par Frédéric Bastiat dans son sophisme de la vitre cassée, mis en lumière par John Maynard Keynes[97] et repris par Jean Gadrey et Florence Jany-Catrice[98].
De ces décalages entre le concept de richesse et sa représentation par le PIB, il peut résulter des critiques sur les moyens de mesure de la richesse plutôt qu'à la notion de croissance elle-même. Elles ne forment cependant pas l'intégralité des approches discutées dans le cadre de la décroissance puisque d'autres sont fondées sur la critique, à la fois plus radicale et plus générale, de l'« invention de l'économie »[99]. Une partie de la mouvance de la décroissance propose de « sortir de l’économie »[100] et remet en cause les catégories de base de l’économie : les « besoins », les « ressources », la « rareté », la « valeur », la « richesse », etc.
Dénonciation du concept de « développement durable »
Alors que l'écologie est au cœur de leur mobilisation, les décroissants se démarquent du concept de « développement durable », consacré en 1987 dans le Rapport Brundtland et qui constitue selon eux un oxymore, voire une imposture. Pour Thierry Noël, candidat en 2015 aux élections législatives et proche des mouvements en faveur de la décroissance, « affirmer être de gauche ou prôner une quelconque écologie politique sans être antiproductiviste n'est qu'une mystification »[101]. D'autres tenants de la décroissance font valoir que l'expression « développement durable » « devrait à elle seule susciter [la] perplexité, sinon [le] scepticisme » et font observer que les industriels américains et français ont très vite adhéré à ce concept et y ont vu « un accélérateur de croissance pour les entreprises » (slogan du Medef en 2009)[102],[103].
Équilibres Nord-Sud
Certains tenants de la décroissance envisagent une croissance pour les zones peu développées et les communautés et individus les plus pauvres, mais considèrent que le processus n'est pas « durable ». Un développement durable impliquerait de toujours différencier le développement qualitatif et humain (le développement du bien-être, scolaire, culturel et de règles de fonctionnement communautaires harmonieuses, etc.) des aspects matériels limités par leur consommation de ressource. La biodiversité doit être préservée. Le développement devient alors nécessairement un « écodéveloppement » plus respectueux de l'environnement et de l'Homme (d'où les idées émergentes de haute qualité environnementale et d'écocertification plus ou moins bien appliquées selon les cas). Pour atteindre ce but :
- Il faut préserver les populations d'une conjoncture mondiale de fin des ressources vitales. La relocalisation des économies (priorité à la production et à la consommation locales et à la réduction des transports motorisés) en est un des moyens proposés.
- Il est nécessaire de faire profiter les zones pauvres des meilleures techniques et stratégies en matière d'efficacité énergétique et écologique.
- Des idées récemment reformulées, mais qui étaient embryonnaires dans l'écodéveloppement d'Ignacy Sachs ou de René Dumont puis de René Passet sont la notion de « remboursement de la dette écologique », voire d'une dette sociale, et une réduction partagée et équitable de l'empreinte écologique, dans une vision de développement solidaire.
- Exploitation des ressources des pays dits du Sud au profit de ceux dits du Nord, ressources énergétiques et minières, et ressources agricoles (cultures fourragères au détriment des cultures vivrières). Circuit économique parfois considéré comme « néocolonial » ou « post-colonial ». Selon certaines extrapolations il faudrait entre trois et huit planètes Terre pour que la population mondiale puisse vivre à la manière d'un Européen[104].
- Répartition inéquitable de l'accès aux ressources et aux richesses produites dans les pays développés, et entre les pays développés et les pays en voie de développement.
- Déclin d'autres explications de la crise écologique, telles que le marxisme. Le fait que les pays se réclamant du marxisme ne protégeaient pas mieux la planète que les autres pays menait à la conclusion que le marxisme était incapable de proposer une solution à la crise écologique.
Une proposition : la bioéconomie
En 1971, Nicholas Georgescu-Roegen entend rapprocher l'économie et l'écologie et propose une réforme de l'approche économique ayant deux dimensions[105] :
- sur le plan épistémologique, il suggère que l'on abandonne la mécanique rationnelle, à l'origine de l'école néoclassique en économie et que la biologie et la thermodynamique deviennent des critères d'approche ;
- du point de vue environnemental, il met en avant les contraintes naturelles qui s'exercent sur l'activité économique.
Technologie
Certains militants de la décroissance reprennent les thèses de Jacques Ellul, Günther Anders et Ivan Illich. Ils ne visent pas la technique ou les machines en elles-mêmes mais le « mythe » du progrès technique et son fondement, la « recherche en toute chose du moyen absolument le plus efficace », quête qu'eux-mêmes considèrent comme l'expression de la volonté de puissance[106]. Le sociologue Alain Gras[107], l'économiste Hélène Tordjman[108] et l'historien François Jarrige[109], membres de l'association Technologos, font partie de cette mouvance.
Jacques Grinevald, puis Alain Gras (qui tient une tribune dans le journal La Décroissance) affirment que les sociétés modernes se sont engagées dans une impasse quand elles ont fondé l'économie sur le moteur thermique[110]. Un second niveau a été atteint selon eux quand elles se sont placées sous la dépendance du pétrole, au début du XXe siècle. En un peu plus d'un siècle, avancent-ils, les humains ont pillé une partie considérable de l'énergie fossile qui s'était accumulée dans les sous-sols au fil des âges géologiques. Pour autant, ils considèrent les « technologies vertes » comme une nouvelle « fuite en avant technologique » : censées remédier aux problèmes, elles perpétuent la prédation des ressources naturelles. Ainsi les métaux nouvellement utilisés – cobalt, indium, gallium, etc. et les terres rares – lanthanides… - exigent la destruction d'immenses zones. Le pic pétrolier n'est qu'un aspect de la situation, des pics de production seront bientôt franchis avec les composants électroniques, avertit l'ingénieur Philippe Bihouix[111], qui se prononce pour un abandon des techniques de pointe (« high-tech ») au bénéfice de ce qu'il appelle, par goût de la contradiction, les low-tech[112]. Selon lui, il faut mettre un terme au mythe de l’innovation : les produits ne doivent pas être « nouveaux » mais simples, durables, recyclables, fabriqués en quantité nécessaire et suffisante, diffusés dans un périmètre limité (pour éviter les dépenses liées au transport) et surtout répondre à des besoins vitaux et non superflus.
Politique
Dans la mouvance anarchiste de Murray Bookchin, un certain nombre de militants optent pour les pratiques de désobéissance civile, invoquant le droit à violer la loi au nom de la légitimité. Cette tendance se traduit dans les villes par des actions antipub et des occupations de locaux industriels et mène parfois à l'occupation de zones entières, baptisées « zones à défendre » (ZAD) par leurs protagonistes. L'exemple le plus connu en France est celui de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, où s'étaient mobilisés depuis 2008 un certain nombre d'opposants au projet de construire un nouvel aéroport, projet qu'ils qualifiaient d'inutile et imposé.
Totalement en marge de ce courant, voire à contre-courant, d'autres militants cherchent à traduire l'idée de décroissance dans un cadre institutionnel, voire dans une optique partidaire tout en reconnaissant l'extrême difficulté à le faire en l'état des choses. Latouche considère que cette inscription dans le champ politique ne peut s'opérer qu'au prix d'une « décolonisation de l'imaginaire », passant elle-même par une démystification radicale de la société de consommation[113]. Parmi ces acteurs figure Yves Cochet (ministre de l'Environnement et de l'Aménagement du territoire en 2001-2002), qui tente en 2004 d'introduire l'idée de décroissance au sein de son parti (Les Verts), puis auprès de la nation, en 2007, lorsqu'il est candidat à l'élection présidentielle, enfin auprès de l'Assemblée nationale, en octobre 2008[114]. « On n'a pas à choisir si l'on est pour ou contre la décroissance, elle est inéluctable, elle arrivera qu'on le veuille ou non », résume-t-il[115]. Estimant qu'aucune radicalité ne peut émerger d'un parti écologiste, certains militants fondent leur propre parti en 2006, le Parti pour la décroissance, sans toutefois remporter de succès significatif dans l'opinion.
Selon Simon Persico, « le marxisme, la social-démocratie ou le libéralisme sont ancrés […] dans l'éthique expansionniste ». Cela concourt selon lui à expliquer les difficultés à adopter des mesures telles que la taxe poids lourds ou la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim[116].
Le parti politique français Génération écologie adhère au projet politique de la décroissance et de respect des limites planétaires, et dénonce les dérives de l'extractivisme, du productivisme et du consumérisme, qui affectent à la fois le climat et la biodiversité, et la société (de la frustration à la violence produits par les inégalités sociales). Delphine Batho présente le projet de la décroissance lors de la primaire des écologistes de 2021 et finit en troisième position.
Mesures préconisées
Les objecteurs de croissance axent leurs revendications sur une conception du monde dépassant largement les cadres de l'économie et des critères marchands[117] ; en premier lieu une reconsidération radicale de la place du travail.
Les décroissants préconisent certaines mesures :
- l'organisation de la diminution de la consommation d'énergie : diminution de la production, efficacité énergétique, etc. ;
- la mise en place de systèmes d'énergie renouvelable ;
- la recommandation de modes de vie plus simple (moyens de locomotion non polluants), par la sobriété énergétique ;
- la relocalisation économique, pour réduire les transports de marchandises, donc l'empreinte écologique ;
- la mise en place d'un revenu social inconditionnel.
Ce modèle se développe en premier à l'échelle local. Apparaissent des initiatives locales qui s'inscrivent dans une démarche décroissante telles que les associations pour le maintien d'une agriculture paysanne, qui sont une alternative à l'industrie agro-alimentaire et qui illustrent ce que Serge Latouche nomme la « sortie de l'économie »[118], c'est-à-dire la transformation du rapport client-fournisseur en un lien relocalisé de coproduction et de cogestion. Ainsi, au sein des associations pour le maintien d'une agriculture paysanne la valorisation des produits (fruits et légumes) ne dépend pas de la loi de l'offre et de la demande. La relation entre le producteur et les adhérents est une relation d'entraide et de soutien qui dépasse le cadre économique du simple rapport marchand[119].
Publicité
Les décroissants dénoncent le matraquage publicitaire. Définissant la publicité comme le premier instrument de propagande du productivisme, ils critiquent non seulement les avalanches de prospectus dans les boîtes aux lettres (source d'un gaspillage de papier phénoménal) mais la multiplication des panneaux géants dans les villes, qui défigurent les paysages et imposent une culture marchande, notamment aux jeunes générations, a priori moins critiques que leurs ainées.
La réaction à l'inflation publicitaire s'amorce à la fin des années 1960, à Paris, quand les situationnistes (dont Guy Debord) pratiquent le détournement d'affiche.
Mais c'est en 1977, en Californie, que le mouvement antipublicitaire émerge véritablement, avec le Billboard Liberation Front[120]. Celui-ci essaime en Australie en 1983 ; ensuite en France, avec les Humains associés et leurs campagnes d'affichage de contre-publicité humaniste (en 1987) ; puis au Canada, via le magazine Adbusters, qui promeut toutes sortes de campagnes antipub (en 1989).
À partir de 1999, en France, parait la revue annuelle Casseurs de pub (en fait un dossier annuel joint au journal mensuel La Décroissance). En 2002, dans son livre No Logo, Naomi Klein s'attaque au diktat des marques mais son propos s'inscrit davantage dans le cadre d'une critique du capitalisme que d'une analyse des fondements du productivisme[121]. En 2003, le terme « antipub » devient une appellation médiatisée en France, après des actions spectaculaires menées à l'encontre de l'affichage publicitaire dans le métro parisien durant l'automne.
Éthique
Alors qu'au-delà des distances et des époques, dans une remarquable convergence, les philosophies antiques et les religions prônaient un idéal de dépouillement et de frugalité, par un renversement de valeurs, c'est maintenant la goinfrerie qui est élevée au rang de haute vertu[122]. De normale, la simplicité est devenue subversive[123].
La plupart des décroissants dénonçant dans l'idéologie de la croissance une conception du monde utilitariste marchande lui opposent une approche désintéressée, fondée, sinon sur l'ascèse, du moins sur la simplicité volontaire, et rejetant tout ce qui évoque la notion de puissance, principalement l'argent, le pouvoir politique (notamment l'État) et les outils sophistiqués[124][source insuffisante].