Dieu
entité divine, être suprême et objet principal de la foi monothéiste / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Dieu (hérité du latin deus, lui-même issu d'une racine indo-européenne *deiwos, « divinité », de la base *dei-, « lueur, briller » ; prononciation : Écouter) désigne un être ou une force suprême structurant l'Univers ; il s'agit selon les croyances soit d'une personne, soit d'un concept philosophique ou religieux. Principe fondateur dans les religions monothéistes, Dieu est l'être suprême, unique, transcendant, universel, créateur de toutes choses, doté d'une perfection absolue, constituant le principe de salut pour l'humanité et qui se révèle dans le déroulement de l'histoire[2]. Comme entité philosophique, Dieu est le « principe d'explication et d'unité de l'Univers »[3].
Pour les articles homonymes, voir Dieu (homonymie) et Divin (homonymie).
Cet article traite de « Dieu » (nom propre, avec une majuscule). Pour le concept de « dieu » (nom commun), voir l'article Divinité. Le présent article traite principalement du Dieu unique du monothéisme et de la réflexion philosophique. Des articles spécifiques concernent le dieu unique du judaïsme (YHWH et Elohim), du christianisme (Trinité chrétienne), de l'islam (Allah) et du zoroastrisme (Ahura Mazda), entre autres.
L'existence réelle d'un être suprême et les implications politiques, philosophiques, scientifiques, sociales et psychologiques qui en découlent font l'objet de nombreux débats à travers l'Histoire, les croyants monothéistes appelant à la foi, tandis qu'elle est contestée sur les terrains philosophique et religieux par les libres-penseurs, agnostiques, athées ou croyants sans Dieu.
La notion de Dieu revêt un considérable impact culturel, notamment dans la musique, la littérature, le cinéma, la peinture, et plus généralement dans les arts. La représentation de Dieu et la façon de nommer Dieu varient en fonction des époques et des systèmes de croyances.
Étymologie
Le mot « dieu » vient du latin deus, lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller » qui, élargie en deiwo- et en dyew-, sert à désigner le ciel lumineux en tant que divinité ainsi que les êtres célestes par opposition aux êtres terrestres, les hommes[4]. Étroitement liée à cette notion de lumière, c'est la plus ancienne dénomination indo-européenne de la divinité qui se retrouve dans le nom du dieu grec Zeus dont le génitif est Dios. De la même racine est issue la désignation de la lumière du jour (diurne) et du jour, lui-même (dies en latin)[5].
Dans la langue française, le mot est attesté dès le tout premier texte français[4], les Serments de Strasbourg, en 842 sous les formes Deo au cas régime et Deus au cas sujet[6],[7]. Dans ce texte, le terme désigne avec une majuscule la divinité du monothéisme chrétien. On trouve ensuite Deu et Dieu aux XIe et XIIe siècles[4]. Il indique également une divinité du polythéisme à partir du XIIe siècle[4]. Considéré comme un nom propre, le nom « Dieu » prend alors une majuscule[8] ainsi que les métonymies ou les pronoms qui s'y substituent[9].
Les termes qui désignent Dieu dans les langues germaniques (𐌲𐌿𐌸 Guþ en gotique, Gott en allemand, God en anglais et en néerlandais, Gud dans les langues scandinaves, Guð en islandais) ont une autre origine, elle aussi indo-européenne, liée à la notion d'« appel » ou d'« invocation »[10]. Sa plus ancienne mention écrite se trouve dans le Codex Argenteus, au VIe siècle. Ce Codex est une copie de la traduction de la Bible effectuée selon l'alphabet inventé par l'évêque Wulfila deux siècles plus tôt.
Les termes qui désignent Dieu dans les langues slaves (Бог en biélorusse, bulgare, macédonien, russe, serbe, ukrainien ; Bog en croate ; Bóg en polonais ; Bůh en tchèque) sont issus du proto-slave bogъ lui-même issu de l'indo-européen bhag-[11].
Dans le Tanakh (la Bible hébraïque), le Nom sacré par excellence s'écrit YHWH et ne se prononce pas.
Le nom de « Dieu » en arabe est « Allah » (الله) issu de l'arabe préislamique ʾilāh-[12].
Dans le calendrier, le nom dimanche[13] vient du titre « Seigneur » donné dans la plupart des religions chrétiennes aussi bien à Dieu qu'à Jésus. Il est aussi donné indirectement, dans plusieurs langues romanes, au jeudi, jadis consacré à Jupiter[14].
Difficulté de définition
Le concept de Dieu possède des aspects religieux et métaphysiques très divers, ce qui rend particulièrement difficile sa définition[15]. Certains auteurs estiment même que Dieu est si grand qu'il échappe à toute tentative de définition par des mots humains[16]. C'est en particulier le cas de ceux qui s'inscrivent dans une approche apophatique. Ainsi, par exemple, Jean Scot Erigène a pu écrire :
« Nous ne savons pas ce qu'est Dieu. Dieu lui-même ignore ce qu'il est parce qu'il n'est pas quelque chose. Littéralement Dieu n'est pas, parce qu'il transcende l'être. »
Et le Pseudo-Denys l'Aréopagite :
« Là, dans la théologie affirmative, notre discours descendait du supérieur à l'inférieur puis il allait s'élargissant au fur et à mesure de sa descente; mais maintenant que nous remontons de l'inférieur jusqu'au Transcendant, notre discours se réduit à proportion de notre montée. Arrivés au terme nous serons totalement muets et entièrement unis à l'Indicible. »
— Pseudo-Denys l'Aréopagite, De la théologie mystique.
Naissance des dieux
Fait religieux
Abordée au XIXe siècle, l'étude de l'évolution religieuse de l'humanité est un champ de recherche longtemps délaissé, victime d'une part de conceptions souvent « évolutionnistes » sous-tendant la démarche — présupposant un « sens » de l'histoire jalonné d'étapes précises, ou fondé sur l'idée de l'accomplissement d’une rationalité immanente — et, paradoxalement, victime de la spécialisation de la recherche au fil de l'accroissement de la connaissance des religions elles-mêmes. Certains grands noms de la sociologie des religions, parmi lesquels Émile Durkheim, Marcel Mauss, Georg Simmel et Max Weber[17], ont cependant jeté les bases de cette étude. Le sociologue des religions Yves Lambert, développant une grille d'analyse avancée par Karl Jaspers, propose la poursuite de cette approche par la sociologie historique et comparée des religions afin de présenter des clefs d'analyse pour l'appréhension du « fait » religieux, sans éluder la singularité de chacun des grands ensembles religieux. Jaspers a souligné la contemporanéité de changements radicaux intervenus à travers de grandes aires civilisationnelles en Iran, en Palestine, en Grèce, en Inde ou en Chine entre le VIIIe et le IIIe siècle av. J.-C. (particulièrement au VIe siècle av. J.-C.), permettant des innovations culturelles fondamentales — parmi lesquelles l'unicité et l'universalité de Dieu — lors d'une étape qualifiée par Jaspers de « période axiale »[18].
Suivant Yves Lambert[19], une religion est à considérer comme une « organisation supposant l'existence d'une réalité supra-empirique avec laquelle il est possible de communiquer par des moyens symboliques (prière, rites, méditations, etc.) afin de procurer une maîtrise et un accomplissement dépassant les limites de la réalité objective »[20]. Cinq types de religions peuvent être distingués, qui correspondent à autant de moments « nouveaux » de l'histoire humaine, sans qu'il faille y voir pour autant une forme « évolutive », les modèles émergents n'étant pas exclusifs des précédents : aux premières religions connues (celles des peuples de chasseurs-cueilleurs) succèdent les religions orales agraires corrélatives à la sédentarisation, au développement de l'agriculture et de l'élevage. Les grandes civilisations antiques s'accompagnent de l'émergence des polythéismes auxquels succèdent les religions du salut, qui se transforment ensuite à partir du XVIe siècle. L'apparition du concept de « Dieu » s'opère à l'époque de l'« âge axial » qui, suivant Jaspers, correspond à « la naissance spirituelle de l'homme »[21].
Apparition des dieux
La religion mésopotamienne se distingue des religions orales agraires par différentes caractéristiques telles que l'apparition d'un panthéon, d'épopées, d'une caste sacerdotale nombreuse et hiérarchisée, de grands édifices religieux, de théodicée, etc. La plus ancienne liste de dieux connue figure sur des tablettes datant du XXVIIe siècle av. J.-C. et compte les noms de 560 dieux[22].
Les dieux locaux perdent peu à peu de leur prestige au fil de la domination étrangère pour constituer progressivement un « polythéisme au seuil du monothéisme »[21]. C'est à cette époque, vers le VIe siècle av. J.-C. qu'apparaît au sein du peuple hébreu la mutation d'une monolâtrie — caractérisée par un aniconisme inédit — au monothéisme[23] et qu'émergent « l'Unicité et la Transcendance absolues de Dieu »[24].
Vers le(s) monothéisme(s)
Au XIVe siècle av. J.-C., le règne d'Akhenaton est le cadre d'une brève révolution monothéiste fondée sur le culte d'Aton, dont la portée réelle est discutée. L'archéologue Alain Zivie souligne que les changements radicaux n'ont peut-être atteint que les élites, la cour royale et les grands temples, « avec de nettes limites géographiques aussi bien que thématiques et conceptuelles »[25]. Ce culte s'effondre dès la disparition de ce pharaon[26]. On a longtemps voulu y puiser l'origine du monothéisme biblique, ce qui est contesté par les historiens actuels[27] : le monothéisme juif n'apparaît que huit siècles plus tard et ne revêt sa forme « exclusive » actuelle qu'au cours du VIe siècle av. J.-C.[28], au retour du peuple juif de l'exil de Babylone[29],[27].
Pour Mireille Hadas-Lebel, l'idée du Dieu unique, à la fois créateur, miséricordieux et tout-puissant, s'est faite au terme d'une lente évolution dans le cas du monothéisme juif, qui était au contact de cultures et d'empires polythéistes[30]. Citant à ce propos Marcel Gauchet, l'historienne souligne la nécessité d'une « extraterritorialité » religieuse pour le peuple juif : celui-ci peut alors s'affranchir du pouvoir impérial et du « culte de souverains puissants aisément divinisés par leurs sujets ».
Le monothéisme judaïque s'élabore dans un contexte plus propice à de telles idées : le roi babylonien Nabonide tente de faire du dieu lunaire Sîn le dieu unique de son empire, en Grèce, les présocratiques défendent l'unicité de la divinité contre le panthéon et les successeurs achéménides de Cyrus II le Grand — considéré lui-même comme un messie de YHWH — influencent le monothéisme judéen en faisant d'Ahura Mazda le dieu officiel de l'empire[31].
Zoroastrisme
Le zoroastrisme est la première religion attestée proposant un salut éternel[32]. Également appelé « mazdéisme », elle doit son nom à Zoroastre ou Zarathustra, apparaissant probablement à une époque que les spécialistes contemporains situent — malgré le silence des textes sacrés à ce sujet[33] — vers le IXe siècle av. J.-C., avant qu'elle devienne la religion officielle du royaume de Darius Ier, vers 520 av. J.-C.[32]. La minceur des sources conservées, composées à peine d'une vingtaine de Gathâs[34], des hymnes en vieil-avestique longtemps transmis oralement[35], pose des problèmes d'interprétations considérables qui partagent les chercheurs entre deux types d'interprétations[36].
La première[32] fait du zoroastrisme la première religion monothéiste faisant état d'un salut dans un autre monde[37]. Ce point de vue se fonde sur deux observations, d'une part le rejet des daivas[38], les dieux traditionnels, et d'autre part l'omniprésence d'un seul dieu dans ces textes, une divinité unique dûment nommée, Ahura Mazda, le Maître attentif[39]. Celui-ci, dont dérive le terme mazdéisme, est le dieu unique et créateur qui se révèle à Zoroastre et dont le règne doit s'établir à l'issue de la lutte dualiste entre le Bien et le Mal, personnifiés par deux agents divins jumeaux créés par Ahura Mazda qui est assisté par six « Immortels bienfaisants », six Entités[40] qu'il a suscitées pour aider l'homme à faire le bien[32].
La seconde[36] y voit le fruit de l'évolution religieuse d'un culte assez proche du védisme, en réformant les dérives ritualistes et sacrificielles mais conservant sa nature polythéiste[41] ; toutefois, cette dernière position peut admettre un processus de monothéisation allant de pair avec un processus de théogenèse qui continue de peupler le panthéon de divinités nouvelles[39].
Si Zoroastre a pu être monothéiste — ou monolâtre[42] —, il apparaît que ses héritiers inclinent vers une re-polythéisation, divinisant les Entités et réintroduisant des divinités antérieures dans une évolution qui peut faire penser à l'Égypte et diverge radicalement de celle du yahwisme judaïque. Cette tendance s'accentue au sein de l'empire perse[43], dans un processus de re-mythologisation qui conserve et accentue le dualisme[44]. L'influence du zoroastrisme est débattue mais il est possible qu'elle ait existé dans une certaine mesure sur le judaïsme à partir de la libération des Israélites de Babylone par Cyrus II en 539 av. J.-C., à une époque où apparaissent les notions de résurrection, de jugement et de royaume de Dieu, sans qu'on puisse toutefois prouver formellement ces possibles emprunts[45].
Du Dieu national au Dieu exclusif
Quand un monothéisme accepte la coexistence avec le polythéisme ou conçoit sa divinité « nationale »[27],[46] comme simplement « supérieure » à d'autres, on parle plutôt de « monolâtrie » ou d'« hénothéisme »[47], termes de création récente[27].
Dans le judaïsme antique, si un premier yahvisme monôlatrique remonte probablement à la sortie d'Égypte, on ignore comment le dieu YHWH devient précisément le dieu national des deux royaumes de Juda et d'Israël[48]. Yahvé revêt alors de multiples formes, fonctions et attributs : il est vénéré comme une divinité de l'orage à travers une statue bovine dans les temples de Béthel et de Samarie[49] alors qu'à Jérusalem, il est plutôt vénéré comme un dieu de type solaire[48].
Le Deutéronome — proposant toujours une formulation monolâtrique qui ne nie pas encore les autres dieux[50] — semble avoir été écrit vers quand le roi Josias entend faire de YHWH le seul Dieu de Juda et empêcher qu'il ne soit vénéré sous différentes manifestations comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman[51], dans l'idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale[52].
L'émergence du monothéisme judaïque « exclusif » est liée à la crise de l'Exil. En , l'armée babylonienne défait le royaume de Juda, l'occupe et déporte en exil à Babylone la famille royale et les classes supérieures. Dix ans plus tard, les Babyloniens ruinent Jérusalem et détruisent son Temple ; s'ensuit alors une deuxième déportation. C'est au sein de cette élite déportée et de sa descendance que l'on trouve la plupart des rédacteurs des textes vétérotestamentaires qui vont apporter la réponse du monothéisme au terrible choc et la profonde remise en question de la religion officielle engendrés par cette succession de catastrophes[53].
Non seulement la défaite n'est pas due à l'abandon par YHWH, mais c'est au contraire l'occasion de le présenter comme seul et unique Dieu : dans les récits que les intellectuels judéens écrivent alors, la destruction de Jérusalem, loin d'être un signe de faiblesse de YHWH, montre la puissance de celui qui a instrumentalisé les Babyloniens pour punir ses rois et son peuple qui n'ont pas respecté ses commandements. YHWH devient dès lors, au-delà de son peuple, le maître des ennemis de Juda[54].
Ainsi les rédacteurs du Deutéronome articulent leur réflexion théologique sur le thème de l'« élection » qui permet de répondre à la question que pose la conception d'un dieu unique de l'Univers entier et de sa relation spéciale avec le peuple d'Israël : c'est alors tout le peuple — se substituant au roi — qui devient l'élu de Dieu sur un mode d'exclusion, interdisant parfois le contact avec les peuples idolâtres[55]. Le concept de « communauté d'Israël » apparaît alors et le culte de YHWH devient le ciment de l'identité judéenne[56].
Dieu premier des philosophes grecs
La philosophie antique, si elle a largement influencé les réflexions classiques et modernes sur Dieu, ne s'est paradoxalement qu'assez peu intéressée aux questions divines, considérant que le nombre important de dieux — les Grecs nourrissent le sentiment d'un monde tout entier habité par le divin[57] — ne méritait pas un chapitre singulier de la philosophie[58]. Par exemple, dans l'œuvre d'Aristote, qui alimente de manière considérable les réflexions théologiques tant juives que chrétiennes ou musulmanes[59], seule une portion ténue est consacrée à la question du divin[60]. Ainsi, contrairement à la plupart des lectures rétrospectives qui en seront faites, lorsque Aristote évoque le divin (to théon), il s'agit d'un « universel abstrait », un être primordial, autosuffisant mais qui n'est nullement un « Dieu » unique et transcendant au monde[57].
On trouve néanmoins chez Platon la première occurrence connue du terme theologia en tant que « discours que l'on tient sur les dieux »[61]. Le philosophe apporte diverses réponses au fil de ses différents Dialogues[62]à la question de savoir quelle sorte d'être peut prétendre au titre de dieu[61], un principe divin exprimé parfois au singulier (theos), parfois au pluriel (theoi), parfois au neutre (theion)[63] sans que le philosophe précise sa conception d’un être suprême[64], ni ne hiérarchise avec précision les êtres « divins » de la métaphysique[65]. Ce n'est qu'au IIIe siècle, avec le néoplatonisme, lorsqu'une concurrence intellectuelle et morale se produit avec le christianisme émergent, que des philosophes comme Plotin, Porphyre ou Proclus font des questions théologiques l'objet principal de leur réflexion intellectuelle. Plotin (207-270) promeut l'idée du « Un » (en grec : to en), un principe premier transcendant qui domine la réalité[57] et qui n'est connaissable qu'au travers de ses attributs.
Dieu unique et Dieu d'Israël
Les religions abrahamiques voient Dieu comme le principe créateur, selon l'analyse de Mireille Hadas-Lebel : « Chez les Grecs, l’idée d’un principe unique qui anime le monde relevait de la philosophie. Chez les Juifs, il n’y avait peut-être pas de philosophes, mais cette idée de principe unique, cette intuition que l’on appelle monothéisme, était commune à tous, du plus grand au plus humble, et s’accompagnait de l’interdit de la représentation de la divinité, ce qui, dans un environnement idolâtre, paraissait la chose la plus étrange du monde.
Ce Dieu n’était cependant pas un principe abstrait, mais une force tutélaire : roi, père, juge qui veillait sur les Hommes et exigeait d’eux un comportement moral dont aucune divinité de l’Olympe ni de l’Orient antique ne pouvait donner l’exemple. Tel est le Dieu que prient encore aujourd’hui les Juifs »[66].
Il se peut que le culte de YHWH ait été prédominant parmi les Hébreux dès le Xe siècle av. J.-C.[67], opposé à un polythéisme dès lors minoritaire. Cette hypothèse se fonde notamment sur l'étude statistique des occurrences des noms yahvistes[68]. Toutefois, suivant une partie de l'exégèse moderne du début du XXIe siècle, l'idée de YHWH comme étant le Dieu unique apparaît pendant la période perse à la suite d'une réflexion monothéiste qui aboutit à l'affirmation — dans une polémique anti-idolâtrique — de cette unicité que l'on retrouve dans le Livre d'Isaïe[69] rédigé dans une période comprise entre la moitié du VIe et le début du Ve siècle av. J.-C.[70], le seul parmi les livres prophétiques bibliques à affirmer cette unicité[71]. Probablement influencée par les conceptions religieuses des Achéménides[72], cette conception devrait également beaucoup à l'approfondissement de la tradition aniconique, le rejet des images étant un trait fondamental du judaïsme qui semble remonter aux origines de celui-ci[73].
Les religions abrahamiques sont monothéistes, elles affirment l'existence d'un Dieu unique et transcendant.
Judaïsme
Au Moyen Âge, sous l'impulsion de la pensée arabe et grecque, la pensée juive élabore une théologie d'où ressort, entre autres, un principe énoncé par Saadia Gaon : « la pensée humaine, don de Dieu, est valide et source de vérité à l'égal de la Révélation ». Dès lors, la rationalité pour appréhender Dieu est légitimée comme devoir religieux, ce qui trouve un meilleur accueil, à l'époque, que la seule foi. Toutefois des désaccords apparaissent sur la question de savoir si la réflexion rationnelle concernant Dieu constitue ou non une forme suprême d'expérience religieuse. Juda Halevi apporte une réponse négative, affirmant que les preuves logiques ne permettent pas d'aboutir au Dieu d'Abraham, seule une « communication immédiate », une « Révélation divine » le permet[74].
Dans la Bible, Dieu est décrit en termes psychologiques : coléreux, content, triste, déçu, ayant de la pitié, aimant ou haïssant. Depuis Maimonïde, la tradition théologique hébraïque insiste sur la distinction entre le sens littéral des expressions parlant de Dieu et ses qualités : une manière d'en parler convenablement serait de lui attribuer des œuvres et des actions, et non des intentions ou des émotions car l'essence de Dieu est inconnaissable et dépasse l'entendement humain. Toutefois il parait assuré que Dieu et ses « attributs essentiels » ne forment qu'un[74].
La théologie judaïque s'attache à « fonder la croyance qu'il [Dieu] agit dans la nature et dans l'histoire, ce qui le met en relation avec l'homme de telle sorte que celui-ci se sente tenu de répondre »[74].
La Kabbale distingue le « Dieu en soi, caché dans la profondeur de son être » et le Dieu révélé qui se manifeste à travers sa création et de qui, seulement, on peut dire quelque chose, tout en mettant l'accent sur l'unité de ces deux aspects. Dans cette tradition, on insiste sur la présence de Dieu dans l'ensemble de sa création, disant que la Torah est l'incarnation vivante de la sagesse divine. La question « comment le monde peut-il exister si Dieu est partout ? » s'est alors posée. Pour y répondre, Isaac Louria a développé la doctrine du tsimtsoum[74].
À la suite des œuvres de David Hume et de Kant, les théologies judaïques se sont tournées vers la raison pratique et l'idéalisme moral pour parler de Dieu. Au XXe siècle, ont été développées des problématiques déistes modernes : Samson Raphaël Hirsch, Mordecai Kaplan, Franz Rosenzweig, Abraham Joshua Heschel, etc.[74].
Christianisme
Dieu un
Dès le début, la foi chrétienne s'appuie sur le Chema Israël : " Ecoute Israël, Yahvé notre Dieu est le seul " (Deutéronome 6, 4) le modifiant dans un sens chrétien en adjoignant au Père, le Fils et l'Esprit Saint (Dieu trinitaire). Pour défendre la vision chrétienne de Dieu contre les accusations d'athéisme et la propager dans les milieux érudits, Justin de Naplouse (mort vers 165) et les premiers apologistes s'inspirent de l'apologétique judaïque et des tendances monothéistes hellénistiques[75]. La conception chrétienne de Dieu s'élabore dans les premiers siècles du christianisme par une hybridation[réf. nécessaire] entre la pensée biblique et la pensée grecque notamment le néoplatonisme[76]. Athénagoras d'Athènes (133-190) et Théophile d'Antioche (mort en 183) ont développé chacun des arguments en faveur de l'existence de Dieu. Irénée de Lyon (130-202), Clément d'Alexandrie (150-215) et Origène (185-253) ont développé chacun les deux idéaux spirituels de la connaissance de Dieu, celle passant par l'amour de Dieu, et l'autre par la contemplation[77]. En s'inspirant de la doctrine philosophique du moyen platonisme, Clément d'Alexandrie, puis plus tard Grégoire de Nysse, (335-395) et plus tard encore le Pseudo-Denys l'Aréopagite qui vécut vers 500, ont proposé les trois voies suivantes d'accès à Dieu : l'affirmation, la négation et la voie d'éminence. Selon eux, on peut attribuer à Dieu une perfection rencontrée dans la création, à condition de préciser qu'elle ne se trouve pas en lui telle que nous la connaissons sur terre, mais de manière infiniment parfaite[78]. Augustin d'Hippone (354-430)[source insuffisante] a approfondi la différence entre la foi procédant d'un témoignage auriculaire et la connaissance rationnelle de Dieu[79].
À la différence du Dieu impersonnel des néo-platoniciens, le Dieu chrétien est incarné[80], c'est un Dieu lumière intérieure qui « travaille » les humains au plus intime de leur être. Augustin insiste sur ce point dans ses Confessions : « Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi et plus haut que le tréhaut de moi »[81],[82]. Dans le christianisme, deux conceptions de Dieu, celle de la religion et celle de la philosophie, tantôt cohabitent comme chez Augustin, tantôt sont séparées. Pour Goulven Madec, Blaise Pascal dans son Mémorial instaureInterprétation abusive ? une césure quasi définitive entre le Dieu des philosophes et le Dieu de la Bible en opposant nettement les deux: « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants »[83][pertinence contestée].
La question du mal donne lieu à un certain nombre de théodicées. Pour Augustin, et le christianisme après lui avec des variations, Dieu ne crée pas les vices du genre humain mais il en prend acte et traite les pécheurs comme il convient[84]. La providence divine « en partie naturelle, en partie volontaire… gère la création, les mouvements des astres, la naissance, la croissance, le vieillissement des végétaux et des animaux… mais aussi les actions des hommes « qui échangent des signes, enseignent et s'instruisent, cultivent les champs, administrent les sociétés, s'adonnent aux arts », etc. »[85].
Selon B Studer, "la conception patristique est dominée par la thèse universellement répandue selon laquelle Dieu est absolument transcendant, tout en demeurant immanent à la création et, spécialement, à l'âme humaine"[86]. Sur le point de la transcendance divine, il existe des divergences. Pour Augustin et les pères cappadociens tels que Grégoire de Nysse ou Grégoire de Nazianze, Dieu est transcendant, c'est-à-dire bien au-dessus des hommes. La plupart des théologiens de l'Église d'Occident ont une optique différente et tentent selon l'expression de Lucien Jerphagnon de « donner de Dieu et de ses volontés l'idée claire et distincte s'imposant à tout le monde »[87][pas clair], bref les desseins de Dieu sont relativement accessibles à la pensée humaine. Au contraire, Augustin insiste sur le mystère de Dieu, sur la part insondable pour les hommes de la dimension divine, pensée résumée dans son dialogue philosophique sur L'Ordre par la formule « Dieu tout-puissant, qui est mieux connu en ne l'étant pas »[88].
Selon Augustin notamment, c'est pour sauver l'homme du péché que le Christ est descendu sur terre[89]. Dieu a également mis en place la dispensatio temporalis, ou« l'économie du salut »[90],[91]. Chez Augustin, la rédemption n'est pas systématique car elle est déterminée par le mystère de la grâce et la prédestination. Reprenant le thème paulinien de l'homme temple de Dieu, il écrit que Dieu construit « sa Maison, régit sa Famille, rassemble son Peuple, prépare son Royaume, pour l'avènement de la Paix définitive en sa Cité, par laquelle s'accomplira sa promesse : « je serai leur Dieu et ils seront mon peuple (Lv 26,12) »[92].
Dieu trinitaire
Dès le début, le Christianisme primitif fait entrer les convertis dans la communauté de Jésus Christ par le baptême au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit (Matthieu 28, 19 et Didachè 7). Ce faisant, on fait prévaloir la terminologie Père, Fils, Esprit Saint, suggérant que les trois appartiennent de la même manière à la sphère divine. Au cours des deux premiers siècles, on tend à mettre en relief la préexistence du Christ en lui attribuant des noms indiquant au sein du judaïsme son origine céleste, et on manifeste un intérêt croissant pour la divinité du Christ que l'on appelle Dieu. En outre on ne semble pas douter de l'origine divine de l'Esprit Saint[93].
Les réactions anti-gnostiques et certains courants judaïques ayant tendance à fondre le Fils et l'Esprit dans l'unité divine. Théophile d'Antioche (second siècle) réunit le Père, le Fils et l'Esprit en une trias (Trinité) divine. Dans le Christianisme latin,Tertullien,(150-220), Hippolyte de Rome (170-235) et Novatien (220-258) cherchèrent à formuler la distinction entre le Père, le Fils et l'Esprit en se servant de la notion de personne, tandis que dans le monde de langue grecque, Origène d'Alexandrie (185-253) applique aux trois Personnes le terme d'Hypostase les considérant toutes les trois comme distinctes incorporelles et adorables. Toutefois, il ne formule clairement ni l'égalité ni l'union éternelle des trois personnes divines[94].
Arius qui excluait toute connaissance positive de Dieu, radicalisa les positions d'Origène en ce qui concerne le Père en tant que principe et contesta pour cela la divinité du Christ, ce qui conduisit à la réunion du concile de Nicée (325) pour clarifier définitivement la question. Celui-ci proclama la foi en Dieu unique, Père , Fils et Esprit Saint, affirmant que le Christ est de même substance que le Père, mais ne précisant rien concernant l'Esprit Saint[95]. Concernant le Fils, il affirme« Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu », « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, engendré et non pas créé, consubstantiel au Père »[96].
La question de l'Esprit Saint n'ayant pas été précisée, le courant issu d' Arius qui contestait les décisions de Nicée mit en doute la divinité de l'Esprit Saint. Le concile d'Alexandrie de 362 enseigna qu'il y a en Dieu trois hypostase et une seule substance (ousia)[97]. Dans le prolongement les pères cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nysse et Grégoire de Nazianze élaborerent la théologie de la Trinité qui fut adoptée par le concile de Constantinople en 381[98]. Concernant la troisième personne divine, le concile affirme la foi "en l'Esprit Saint qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est co-adoré et co-glorifié, qui a parlé par les prophètes"[99].
Quelques années plus tard, entre 400 et 418, Augustin d'Hippone écrit un ouvrage, De la Trinité, qui marque le christianisme latin et insiste sur l'unité de la Trinité « Unitas Trinitas, Deus Trinitas, Deus Trinitatis »[100], dont le mystère reste toutefois au-delà de ce qu'on peut en dire. Malgré tout la position nicéenne a du mal à s'imposer. Vers 500, à la suite notamment des invasions menées par des peuples professant l'arianisme, seul le royaume franc de Clovis et de Clotilde (465-545) adhère au christianisme nicéen[101]. C'est à partir de cette base que le symbole de Nicée-Constantinople gagne l'Occident médiéval.
Au début de XXIe siècle, le symbole de Nicée-Constantinople est toujours considéré par la très grande majorité des chrétiens comme un des fondements de leur foi[98].
Dans l'iconographie chrétienne, il arrive qu'une colombe représentant le Saint-Esprit fasse le lien entre le Dieu le Père et Dieu le Fils[102]. D'une façon générale, François Bœspflug[103] distingue « six grandes périodes dans l'histoire iconique de Dieu et de la Trinité dans l'art ». La première période, celle du christianisme des deux premiers siècles, semble se refuser à la représentation de Dieu[103]. Durant la seconde, qui court jusqu'à la fin du VIIIe siècle, le mystère trinitaire est peu représenté. La troisième période (du IXe siècle au XIe siècle) est dominée par l'image du Dieu-Christ en majesté[103]. La quatrième période voit l'apparition, à côté du Dieu-Christ de gloire, d'un « Christ de pitié »[103]. Durant la cinquième période, émergent des motifs nouveaux, tels que la « compassion du Père » et le couronnement de la Vierge[103]. La sixième période voit le déclin de la représentation trinitaire, qui disparait pratiquement au XXe siècle[104] au profit du Christ seul.
Islam
Dans l'islam, Dieu porte le nom d'Allah et constitue le cœur de la foi et de la pratique des croyants musulmans dont chaque aspect de la vie lui est ainsi relié à travers la religion[105].
Différentes sourates déclarent à propos de Dieu : " Il est le premier et le Dernier, l'Extérieur et l'Intérieur" (57, 3). "Où que vous vous tourniez, là est la face de Dieu ." (2, 115). "Dieu est unique et il n'a pas d'associé." 6I, 63, 25, 2)"[106]
Le métaphysicien persan Ghazali (1058-1111) dit de Dieu que "l'existant est son visage seul ", et qu'il est l'Unique Réalité tandis que le soufi de Tlemcen Abou Madyane (1126-1198) originaire d'Andalousie affirme de Dieu dans son Diwan que "sans Lui, toute la création, toi compris se dissipe et s'efface. Celui qui n'a pas dans son essence la racine de son existence, est radicalement impossible sans Lui (…) C'est Lui leur créateur, qui tient en main toutes les choses" Quant au persan Djalâl ud-Dîn Rûmî (1207-1273), il s'adresse ainsi à Dieu : Nos existences ne sont que non existences ; Tu es l'Être absolu (…) Ton souffle invisible nous déploie sur le monde." (Mathnavî I, 598)[107].
Traditionnellement dépourvu de genre, c'est un créateur omnipotent, omniscient et omniprésent qui transcende toute sa création. Divinité centrale d'un monothéisme intégral et intransigeant, un et unique, maître des mondes et des destinées, juge du Jugement dernier, il s'est révélé à chaque prophète depuis Adam jusqu'à Mahomet. La sourate 112 — al-ikhlas — rassemble l'essentiel de la conception musulmane de Dieu : « Lui est Allah un, Allah l'impénétrable, Il n'engendre pas, il n'est pas engendré, et nul n'est égal à Lui »[108]. Le Coran affirme également le caractère absolument transcendant de Dieu qui est pourtant tout à la fois d'une grande proximité avec l'homme[109] et sa création dans et par laquelle il se manifeste[105]. Hallâj (858-922) écrit à propos de la manière dont Dieu se manifeste : "Alors que le saint indique Dieu du dedans, la création indique Dieu au-dehors."[110] Et Mohamed Iqbal (1873-1938) commente la sourate (50 16, "Nous avons créé l'homme, et nous savons tout ce qui se passe dans son cœur, et nous sommes plus proches de lui que sa veine jugulaire" en traduisant " En vérité, je suis prêt de toi."[111] L'amour divin est également présent, comme l'atteste par exemple Fakr Irâqui (1211-1289) écrivant : "Sais-tu les paroles que l'amour me murmura à l'oreille? Je suis l'amour (…) au ciel et sur terre rien n'est pareil à moi." Et Ahmad al-Rifâ'i fait dire à Dieu s'adressant à lui :" C'est par moi qu'a eu lieu le pacte d'amour entre Moi et toi"[112].
De nature indivisible, insécable, irréductible à une interprétation en termes de trinité à l'instar du christianisme trinitaire, Allah constitue une monade, seule vérité et seule réalité. L'islam insiste très fortement sur la foi en l'unicité d'Allah[113] — le tawhid — et condamne vivement toute atteinte à cette unicité en lui adjoignant des associés. Ainsi, dans l'islam, l'associationnisme (shirk) est la seule faute catégoriquement impardonnable[114].
Allah mène les hommes dans une destinée dont ils ignorent et le sens et l'issue ; il peut à la fois les guider et les égarer, les punir et leur pardonner. Connaissant leurs moindres pensées, c'est le juge du Jugement dernier qui châtie les pécheurs et les incrédules et récompense les fidèles. Si sa fureur est régulièrement affirmée — il est parfois surnommé « le Terrible »[115] ou « le Redoutable »[116] — sa dimension la plus importante est la miséricorde dont il fait preuve, un trait caractéristique d'une grande intensité et universelle qui est rappelée au début de chaque sourate du Coran[105]. Il ne faut pas oublier la beauté divine que chanta Rabi'â bint Ismâil al-'Adawiya (VIIIe siècle) qui fut vendue comme esclave dans son enfance, suppliant Dieu de ne pas la priver de Sa beauté éternelle," et dont Abou Madyan dit qu'il s'est égaré dans son extraordinaire beauté." (Diwwan)[117].
Le texte coranique donne 99 noms différents à Dieu[118] qui sont parfois répartis en deux catégories par la tradition entre ceux qui décrivent un Dieu proche de l'homme ou de la création et, d'autre part, ceux qui soulignent sa transcendance et son incompatibilité avec cette création[119].
Le Coran rapporte en outre des descriptions ou attributs anthropomorphiques de Dieu dont la portée sera disputée dès le début de l'islam[119] : le Coran mentionne sa face[120], ses yeux[121], ses mains[122] ou encore le trône sur lequel il siège[123]. Pour la révélation du texte sacré de l'islam, Dieu s'exprime à travers l'ange Gabriel et le prophète Mahomet qui entend la parole divine mais pas sa voix. Dès le Xe siècle, le théologien sunnite Al Ash'ari considère qu'avec la puissance, la science, la vie, la volonté, la vue, l'ouïe et la durée, cette parole fait partie des éléments anthropomorphiques attributs de l'essence divine là où les premiers mutazilites ne voyaient que des métaphores[124]. À la fois proche et lointain, humain et impénétrable, Dieu tel qu'il est décrit dans l'islam est — suivant le texte coranique — essentiellement un « mystère » (« ghayb »[125]) qui ne saurait être ramené ou comparé à rien de semblable dans la création. C'est la « matrice exclusive de tous les univers »[119] qui enjoint aux croyants, à travers Mahomet, de concentrer sur l'unicité de Dieu dans une affirmation qui devient le dogme fondamental de l’islam[119].
Eva de Vitray Meyerovitch cite un passage du Coran précisant la juste réponse de l'homme à Dieu : "L'homme bon est celui qui croit en Dieu (…). Celui qui pour l'amour de Dieu, donne son bien à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs, aux mendiants et pour le rachat des captifs. Celui qui s'acquitte de la prière; celui qui fait l'aumône. Ceux qui remplissent leurs engagements; ceux qui sont patients dans l'adversité, le malheur, et au moment du danger, voilà ceux qui sont justes ! Voilà ceux qui craignent dieu !" (Sourate II, 177)[126].
Hindouisme
Dans l'hindouisme, les Upanishads sont une méditation spéculative introvertie qui ouvre la voie de la découverte de Dieu ; ce qui permet de parvenir à la connaissance de l'unité ultime du soi authentique (Brahman). Le rapport personnel à Dieu laisse la place à une identité panthéiste avec une divinité impersonnelle, « le monisme absolu étant selon, Radhakrishnan, l'aboutissement du dualisme avec lequel commence la conscience pieuse ». Ce qui n'exclut pas qu'on trouve dans les Upanishads des formes théistes d'une vénération de Dieu.
Le Trimurti est une triplicité de dieux : Vishnou qui soutient et apporte le salut, Shiva réunissant en lui la mort et la vie, la destruction et la fertilité, qui s'offre à l'extase et à la méditation et Brahma, créateur du monde[127].
Bouddhisme
Gautama Bouddha a rejeté l'existence d'un dieu créateur[128], a refusé d'approuver de nombreux points de vue sur la création[129], et a déclaré que les questions sur l'origine du monde ne sont pas en fin de compte utiles pour mettre fin à la souffrance. La tradition bouddhiste ne nie pas pour autant l'existence d'un créateur mais ne s'y intéresse pas vraiment, ne cherchant pas, par ailleurs à savoir qui a créé l'univers, ce qui serait une perte de temps et risquerait de retarder l'abolition de la souffrance, ni à tenter de concilier un amour qui serait divin avec la masse des souffrances présentes dans l'univers[130].
Le Bouddha historique n'était pas un athée, même si on a qualifié sa voie de religion sans Dieu. Son inspiration est l'éveil à l'illumination et à la vraie réalité dans le cycle des choses et des existences. Selon le Bouddhisme, ce qui est la fin ultime est ineffable, le rien absolu, dépassant ce qui est et ce qui n'est pas. En outre, au sein du Bouddhisme, l'une de ses composantes, le Petit Véhicule (hinayana), parle du Nirvana en termes de détachement et d'évanouissement, tandis que sa seconde composante, le Grand Véhicule (mahayana), le fait en termes d'illumination et de libération[131].
Sikhisme
Inspirée entre autres des traditions religieuses hindoue et islamique, le sikhisme connaît lui aussi un Dieu « strictement monothéiste »[132]. Pour cette religion, le Dieu unique est créateur du monde[133], tout puissant[134], transcendant et immanent[133], infini et éternel[134], sans forme[133],[134], juste et plein d'amour[133]. Être personnel, il est inconnaissable dans son essence[133].
La Mul Mantra, qui marque le débute du Livre saint du sikhisme, le Guru Granth Sahib, énumère en une formule les attributs de la Divinité[134]. Cette prière commence ainsi : « Une, Énergie créatrice, Manifestée, Vérité est son nom… »[135].