Drapeau de la Bretagne
drapeau civil et pavillon marchand / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Drapeau de la Bretagne?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Gwenn ha du
« Gwenn ha du » redirige ici. Pour les autres significations, voir Gwenn ha du (homonymie).
Drapeau de la Bretagne Gwenn ha Du | |
Version à onze mouchetures | |
Utilisation | |
---|---|
Caractéristiques | |
Créateur | Morvan Marchal |
Création | Entre 1923 et 1925 |
Proportions | 2:3 |
Éléments | Neuf bandes alternées noires et blanches avec des mouchetures d'hermines noires sur fond blanc au canton. |
modifier |
Le drapeau de la Bretagne est un drapeau qui se compose de neuf bandes horizontales noires et blanches d’égales largeurs, disposées alternativement et d’un canton supérieur (côté mât) de couleur blanche parsemé d'une multitude de mouchetures d'hermine. Le nombre de mouchetures et leur forme ne sont pas fixés, la version la plus répandue comprend onze mouchetures arrangées selon trois rangées horizontales. Le rapport entre la hauteur et la largeur du drapeau est de 2:3.
Sans statut officiel, il est très fréquemment utilisé depuis le XXe siècle pour représenter la Bretagne, qu'il s'agisse de l'entité historique, géographique et culturelle ou de la région administrative. En breton le drapeau est appelé Gwenn ha Du (également orthographié Gwenn-ha-Du) et Bllan e Nair en gallo (graphie ABCD), c'est-à-dire « Blanc et Noir » ou encore le Gâre-Nair, terme utilisé à l'origine pour parler des vaches pie noir qui sont noires et blanches[réf. nécessaire].
Le premier Gwenn ha Du est créé entre 1923 et 1925 par Morvan Marchal, architecte et militant dans le mouvement breton. Dès les années 1920, il est utilisé par des cercles culturels et politiques bretons. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est arboré par des groupes autonomistes ou séparatistes, modérés ou bien membres d'une collaboration locale non française. Il est alors souvent considéré comme un drapeau séditieux par les autorités françaises et connaît des interdictions ponctuelles avant, pendant, et après la Seconde Guerre mondiale. L'émergence du troisième Emsav dans les années 1970 entraîne la popularisation du drapeau, d'abord dans les cercles culturels bretons, puis dans l'ensemble de la société bretonne. Largement utilisé depuis, par la population comme par les administrations locales, il est aujourd’hui le principal symbole de la Bretagne. Cependant d'autres drapeaux sont encore utilisés afin de représenter cette région, et non pas seulement la région administrative à quatre départements, tels que la bannière herminée ou le Kroaz du (« Croix noire »). L'histoire vexillologique de la Bretagne est riche et de nombreux drapeaux, bannières et pavillons ont existé pour représenter les ducs, leurs flottes et armées, les ports, les régiments bretons ainsi que les villes et pays historiques bretons.
Composition et dimensions
Le drapeau de la Bretagne, le Gwenn ha Du, se compose de neuf bandes horizontales (cinq noires et quatre blanches) d'égales largeurs, disposées alternativement. Le canton supérieur du drapeau (côté mât) de couleur blanche, est parsemé de mouchetures d'hermine noires sans nombre précis : le quartier d'hermine est dit plain.
Les proportions du Gwenn ha Du les plus fréquemment rencontrées sont[A 1] (se référer à la figure Description du drapeau) :
- A : hauteur = 1 ;
- B : longueur = 1,5 ;
- C : hauteur du canton blanc = 4/9 ˜ 0,44 ;
- D : longueur du canton blanc = 19/40 ˜ 0,475 ;
- E : largeur de chaque bande noire ou blanche = 1/9 ˜ 0,111.
Ces proportions ainsi que la forme des mouchetures d'hermine, sont non fixées et peuvent subir des variations[A 2]. Certains fabricants étrangers utilisent des proportions proches de celui du drapeau américain (3:5)[A 2].
Versions
Les hermines rappellent les armes héraldiques de la Bretagne, qui est « d'hermine plain ». La représentation théorique devrait en être celle d'une fourrure héraldique : un semis de mouchetures d'hermine disposées en quinconce, certaines mouchetures étant coupées par la bordure pour signifier clairement qu'elles sont « en nombre indéterminé ». En pratique, les mouchetures sont cependant toujours tracées entières, et peuvent donc être comptées, sans que ce décompte soit significatif.
Les mouchetures sont habituellement au nombre de onze arrangées selon trois rangées horizontales contenant quatre et trois mouchetures en alternance (4, 3 et 4). Cette règle s'est systématisée à partir des années 1970[B 1]. Ainsi, on a pu trouver des Gwenn ha Du à 1, 3, 5, 8, 9 ou 12 mouchetures d'hermines. D'autres drapeaux, plus rares, en afficheraient 14 selon la séquence : 5, 4 et 5 ; ou 8, en séquence 3, 2, 3.
- Version à 11 mouchetures
- Version à mouchetures innombrables[Note 1]
- Version à 14 mouchetures
- Version à 9 mouchetures[Note 2]
- Version à 9 mouchetures[Note 3]
- Version à 8 mouchetures
Comme c'est le cas pour la bannière herminée, la forme des mouchetures d'hermine varie selon les époques, le lieu et l'artiste qui les représente, sans que cela ait aucune signification autre qu'esthétique[E 1]. Elles ont à leur tête trois mèches ou trois points[Note 4],[E 1]. Depuis le XIXe siècle, la pointe inférieure des mouchetures est habituellement représentée avec 3 pointes. Elle peut également représenter jusqu'à neuf pointes et plus rarement une seule. Cette variété de représentation s'explique parce que sur la fourrure véritable la queue d'hermine était brossée, étalant son noir de manière aléatoire sur la pelisse blanche.
Cadre légal
Bien que la majorité des instances administratives bretonnes utilisent et encouragent l'usage du Gwenn ha Du, il n'existe aucun texte réglementant l'utilisation du drapeau de la Bretagne, le Gwenn ha Du n'a aucun statut « officiel » en Bretagne et en France. Les textes de loi n'interdisent pas non plus son usage explicite par les personnes morales de droit public, par ceux de droit privé et par les personnes physiques.
L'usage du Gwenn ha Du a cependant fait l'objet d'interdictions ponctuelles avant, pendant, et après la Seconde Guerre mondiale[1],[A 3] jusqu'à la fin des années 1960 puisqu'il était alors perçu comme séditieux par les autorités[A 3].
Des restrictions implicites de l'usage du Gwenn ha Du existent également : par exemple, l'application d'un autocollant représentant un symbole tel que le drapeau de la Bretagne en lieu et place du drapeau européen sur les plaques d'immatriculation françaises est interdite : « Les plaques d'immatriculation des véhicules portant le numéro définitif prévu à l'article R. 322-2 du Code de la route doivent obligatoirement comporter le symbole européen complété de la lettre « F ». »[2]
Conan Mériadec et la légende de l'hermine
Allant en expédition guerrière, le roi Conan Mériadec aurait aperçu un jour une hermine blanche hésitant à franchir un ruisseau boueux et poussant des cris plaintifs. Le roi s'arrêta pour la regarder, la croyant blessée. Un de ses officiers lui dit : « Seigneur, cette petite bête est une hermine. Elle n'est pas blessée. Sa seule douleur, c'est qu'elle ne peut pas traverser sans tacher sa belle robe blanche, car l'hermine préfère la mort à la moindre souillure ». Bien que terrorisée, l'hermine se laissa prendre par le roi. On dit qu'en souvenir de cette scène, Conan fit broder sur ses bannières une hermine avec cette devise : « Plutôt la mort que la souillure »[3].
Étendards antérieurs
Premiers drapeaux
Aucune source illustrée contemporaine ne permet de connaître les éventuels emblèmes utilisés par les rois et ducs bretons antérieurement au XIe siècle. La première référence littéraire connue à un emblème vexillaire breton évoque un « vert étendard aux sept saints de Bretagne » qui aurait été arboré à la fin du haut Moyen Âge d'après une version de la chanson de Roland du XIIe siècle[A 4] : « Piniax les guie a une vert enseingne / il est escript as.VII. saints de Bretaingne[4],[5] ».
Selon Divi Kervella, les souverains bretons auraient utilisé un drapeau blanc traversé d'une bande rouge, ce dessin étant une simplification du dragon rouge sur fond blanc[A 5]. Cette proposition se base sur l'étude d'une miniature du XVe siècle ainsi que celle des anciennes barres ducales de Lanmeur et d'Acigné et sur la fréquence de la combinaison du rouge et du blanc sur les blasons des juveigneurs ducaux bretons comme des descendants de leurs officiers[A 5],[6].
L'échiqueté de Dreux
Pierre de Dreux, cadet de sa famille, se vit attribuer une brisure fréquente chez les princes voués à la cléricature : un franc-quartier d'hermine, symbole de pureté[7] en raison de la blancheur de sa fourrure[8]. Ce prince fut imposé en 1212 par le roi de France Philippe Auguste comme époux à la duchesse Alix. Celle-ci ne disposant pas d'armoiries, Pierre Mauclerc usa de ses propres armes comme baillistre de Bretagne et ses successeurs firent de même.
Pendant un siècle (de 1213 à 1316), les écus et les bannières des princes bretons portent l'échiqueté de Dreux d'or et d'azur au franc-quartier d'hermine. Il est figuré avec ou sans bordure rouge, selon les représentations. Le duc de Bretagne étant aussi comte de Richmond, du moins quand le roi d'Angleterre lui reconnaissait la jouissance de cet Honneur de Richmond (« fief de Richemont »), les armoiries de ce comté furent identiques à celles du duché.
La bannière d'hermine
En 1316, quatre ans après son avènement, Jean III abandonna l'échiqueté de Dreux, pour le semé de mouchetures d'hermine, dit en héraldique française « d'hermine plain ». Elle sera utilisée jusqu'au XVIe siècle. Les raisons de cette modification tardive (les changements d'armoiries étaient rares au XIVe siècle chez les grands princes) et remarquable ont été analysées par Michel Pastoureau[8] (cf. Armoiries de la Bretagne).
Contrairement à l'héraldique, en vexillologie l'hermine désigne la moucheture elle-même et non la fourrure mouchetée de noir. Dans l'imaginaire actuel, la moucheture maintenant appelée « hermine » symbolise l'animal, alors qu'en héraldique elle représente simplement la queue noire de l'animal attachée par couture ou agrafe à la pelisse blanche. L'évolution de sens est liée au dessin qui présente une ressemblance morphologique avec l'animal entier.
Le drapeau d'hermine est encore utilisé par plusieurs bagadoù et quelques mairies bretonnes. Il est aussi arboré à l'occasion de manifestations et fêtes historiques, de fêtes religieuses, sur des bateaux de plaisance et flotte devant plusieurs châteaux et églises de Bretagne et d'ailleurs (Chartres, Amboise…). Cette représentation avec des mouchetures d'hermine de nombre et de forme variables est reprise dans les armes de plusieurs villes. Actuellement, les escadrons de la gendarmerie française en Bretagne portent un écusson d'hermine plain comme signe distinctif, presque semblable à l'écu ducal. En Limousin, la gendarmerie porte l'écusson des Penthièvre, cadets de Bretagne héritiers du Limousin : « d'hermine à la bordure de gueules » (avec un encadrement rouge). C'est également l'hermine plain qui représente la Bretagne sur le drapeau de Saint-Pierre-et-Miquelon. En septembre 2010, la Monnaie de Paris a émis des pièces de 10 euros dédiées aux régions de métropole et d'outre-mer : celle illustrant la région Bretagne faisait flotter comme drapeau une bannière d'hermine[ABP 1].
Le Kroaz Du (Croix noire)
Certains auteurs récents attribuent son origine à la troisième croisade (1188)[B 2]. Une conférence à Gisors entre le pape Clément III, le roi de France Philippe Auguste, le roi d'Angleterre Henri II Plantagenêt ainsi que le comte de Flandre Philippe d'Alsace, aurait décidé d'attribuer une croix par nationalité afin de distinguer les nations. Les Bretons auraient pris la croix noire[B 2]. Cependant, d'autres auteurs démentent cette théorie et affirment que les croisés bretons portaient la croix rouge sur fond blanc, comme tous les autres croisés. Ils placent l'adoption de la croix noire pendant la guerre de Cent Ans[A 6].
Le drapeau à croix noire, appelé Kroaz du en breton, n'est en effet attesté qu'à partir du XVe siècle dans la documentation écrite comme dans l'iconographie. Il apparaît sur une enluminure d'un manuscrit du XVe Compillations de Cronicques et Ystores des Bretons illustrant le combat des Trente en 1351[9]. La croix noire était cousue sur les vêtements des soldats bretons pour les distinguer au combat aux XVe et XVIe siècles[B 3]. Le duc Jean IV, en exil chez son beau-père le roi Édouard III d'Angleterre, aurait transposé en Bretagne la pratique anglaise de l'usage à la guerre de la croix rouge, choisissant pour se distinguer l'association des couleurs de son écu d'hermine, le blanc et le noir. Ses successeurs Montfort l'utilisèrent également sur leurs étendards.
Le pavillon à croix noire herminée
Si les portes Mordelaises de Rennes portent encore dans la première moitié du XVe siècle les deux emblèmes accolés sur leur pierre pré-éminencière, l'iconographie des XVe et XVIe siècles montre assez tôt la fusion des deux emblèmes bretons: la bannière d'hermine, marque féodale commandant l'ost, et l'étendard à croix noire à destination des troupes appointées. On voit alors un drapeau blanc à une croix noire cantonnée de mouchetures d'hermines en nombre indéfini devenir la marque de la flotte et des troupes ducales. Ce pavillon fut bientôt adopté par les grands ports bretons (Brest, Guérande, Nantes, Saint-Malo), tel quel ou avec quelques variantes particulières.
Ils restèrent en usage du XVIe siècle au moins jusqu'au XVIIIe siècle à une modification près : L'insertion d'une croix blanche française à l'intérieur — ou par-dessus — la croix noire bretonne.
Du XVIe au XVIIIe siècle, l'amirauté de Bretagne conserve le pavillon de la flotte bretonne, une croix noire avec quatre puis un seul quartier d'hermine ; les bâtiments bretons arboraient également des flammes de guerre hachurées verticalement de blanc et de noir[B 4]. Ce pavillon est aussi celui de la ville ducale de Guérande et de ses navires rouliers.
Autres étendards
Guerre de Succession de Bretagne
Lors de la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364), les deux prétendants utilisent des flammes différentes, reprenant les couleurs aujourd’hui utilisées par le drapeau breton. Il s'agit pour le cas de Jean de Montfort de flammes noires et pour celui de Charles de Blois et Jeanne de Penthièvre de flammes blanches. C'est à partir de cette période que le blanc et le noir commencent à être utilisés par les Bretons et leurs souverains. Le Gwenn ha Du s'inspire de cette tradition.
Régiment de Bretagne
Le régiment de Bretagne (ancien régiment de Castelnau (1644) puis régiment de Hocquincourt (1651)) et les régiments provinciaux attachés (Nantes, Vannes et Rennes) marchent de 1721 à 1791 sous un drapeau colonel carré blanc portant un cartouche baroque à l'écu ovale d'hermine, couronné, supporté par deux rameaux croisés et surmonté d'une banderole à la devise du régiment « Potius mori quam vinci » (1740-1757) et « Potius mori quam foedari » (1757-1791).
Le drapeau d'ordonnance était différent : une croix blanche semée de queues d'hermines, et la devise du régiment étant réparties sur chacun des bras de la croix (1740-1791). La croix cantonne le drapeau en 4 quartiers aurore (1 et 4) et noirs (2 et 3).
Avant le Gwenn ha Du
Aux XIXe et XXe siècles, différentes versions du drapeau d'hermine sont employées avant d'être progressivement remplacées par le Gwenn ha Du. Au cours des années 1920, de nombreuses propositions sont effectuées afin de doter la Bretagne d'un nouveau drapeau. La plupart se basant sur des éléments de la culture bretonne ou celte (comme le dragon rouge brittonique, la croix noire, la bannière de Saint-Yves ou encore le Triskèle.) Cependant, aucune d'entre elles n'arrivera à s'imposer. Le drapeau de Brittia de Jean-Pierre Calloc'h était une croix noire avec un canton d'hermine (onze mouchetures).
Gwenn ha Du
Signification
Les mouchetures d'hermine représentent collectivement la Bretagne, qu'il s'agisse de la province historique, ancien duché indépendant, ou bien de la région administrative.
Les neuf bandes représentent les neuf provinces historiques. Les pays historiques ou provinces (bro, au pluriel broioù en breton) sont souvent assimilés aux anciens évêchés, bien que certains fassent de légères distinctions[10]. Les cinq bandes noires représentent les cinq provinces de la Haute-Bretagne (Dol, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Nantais et Rennais) et les quatre bandes blanches représentent les quatre provinces de la Basse-Bretagne (Cornouaille, Léon, Trégor et Vannetais). On ne peut pas attribuer individuellement une bande particulière à une province. On ne peut y voir une corrélation linguistique puisque les limites de la langue bretonne ne suivaient pas celles des diocèses, ni au temps du Duché, ni même au XXe siècle.
Prémices d'un drapeau régional
Avant que le Gwenn ha Du ne s'impose comme l'« emblème moderne de la Bretagne », le drapeau d'hermine, symbole du duché de Bretagne, en tenait lieu. Dès le XIXe siècle, le besoin d'identification se faisant sentir dans le mouvement breton, les drapeaux d'hermine, en différentes versions, ont resurgi lors de nombreuses manifestations culturelles et religieuses (chrétiennes et druidiques).
Juste avant la Grande guerre, on redécouvre le drapeau herminé à croix noire qu'utilise la Fédération régionaliste de Bretagne, mais il reste cantonné à des mouvements catholiques, notamment le mouvement scout Bleimor.
Au début du XXe siècle, certains nationalistes désirent un nouveau drapeau pour représenter la Bretagne[B 5],[11] car ils reprochent plusieurs choses au drapeau d'hermine plain. Le drapeau est perçu plus comme une bannière héraldique moyenâgeuse et féodale qu'un symbole moderne d'un peuple développant une conscience nationale[E 2]. De plus, ils lui reprochent (à tort) d'être la bannière de Pierre Mauclerc, considéré comme un mauvais souverain de Bretagne. On lui reproche également de pouvoir être confondu avec un drapeau royaliste légitimiste par confusion du semé de mouchetures d'hermine avec le semé de fleurs de lys des rois de France[A 7],[11],[E 3]. Enfin, de pouvoir être confondu de loin avec le drapeau blanc de la reddition : en effet sur les drapeaux de l'époque, peints ou cousus à la main, les hermines étaient beaucoup plus espacées qu'aujourd’hui sur le champ blanc du drapeau[A 7],[E 3].
D'après Jakez Gaucher et Philippe Rault, Morvan Marchal, partisan de la gauche laïque anticléricale et franc-maçon[12],[B 6], était opposé à titre personnel au Kroaz Du symbole, d'après lui, fortement teinté de christianisme. Aucun écrit ne vient étayer cette affirmation. Le Kroaz Du, tel qu'on peut le voir aujourd’hui, n'était guère utilisé au moment de la création du Gwenn ha Du. Cependant on observe la même imposition inattendue de bandes sur le drapeau grec moderne du XIXe s.
La paternité du drapeau
Le premier Gwenn ha Du est dessiné entre 1923-1925 par Morvan Marchal aidé par René Ryckewaert. Morvan Marchal est un architecte, artiste, poète et illustrateur, appartenant au mouvement artistique Seiz Breur ; il est aussi rédacteur de Breiz Atao, organe d'information du groupe régionaliste breton. À l'origine, il s’agit de donner un emblème au mouvement Unvaniez yaouankiz Vreiz (Union de la jeunesse de Bretagne). Une souscription est lancée, relayée par Breiz Atao qui s'affirme alors comme la « revue mensuelle du nationalisme breton et du fédéralisme international »[13].
En 1937, il en décrit la signification générale :
« J'ai donc pensé et continue à croire, qu'en conservant au maximum les hermines primitives, l'on pouvait composer un drapeau breton d'esprit moderne. En voici la signification :
- au coin gauche du drapeau, un quartier d'hermines innombrables ;
- neuf bandes égales alternativement noires et blanches, couleurs traditionnelles, lesquelles représentent : les blanches, les pays bretonnants (« Basse-Bretagne ») : Léon, Trégor, Cornouaille, Vannetais ; les noires les pays bretons gallos (« Haute-Bretagne ») : Rennais, Nantais, Dolois, Malouin, Penthièvre.
Ce drapeau, qui, je le répète, n'a jamais voulu être un drapeau politique, mais un emblème moderne de la Bretagne, me paraît constituer une synthèse, parfaitement acceptable de la tradition du drapeau d'hermines pleines (sic), et d'une figuration de la diversité bretonne[14],[B 6]. »
Les neuf provinces historiques sont appelées pays et correspondent à peu près aux limites des évêchés de Bretagne ; schématiquement, la Cornouaille, le Léon, le Trégor et le Vannetais à l'ouest (dans ce qui est appelé communément la « basse Bretagne ») et les pays nantais, rennais, de Saint-Brieuc, de Saint-Malo et de Dol à l'est (« haute Bretagne »).
Sources d'inspiration
L’hermine en canton et les bandes de couleurs
L’hermine rappelle les armoiries que les ducs de Bretagne utilisaient depuis le XIIIe siècle[VH 1]. Marchal le garde simplement en canton. Bien qu'il n'ait rien dit à ce sujet, on peut remarquer que le cantonnement de l'hermine rend l'organisation de son Gwenn ha Du proche de celle de la bannière de Mauclerc qui représente un quartier d'hermine dans l'angle supérieur, sur un champ rayé ou à damier.
Les couleurs des bandes du drapeau recouvrent celles du Kroaz Du et des anciennes bannières ducales noires et blanches[VH 1] utilisées pendant et après la guerre de Succession de Bretagne.
Les drapeaux contemporains de Morvan Marchal
Le Gwenn ha Du est inspiré d'un type de drapeau moderne : de larges bandes horizontales traversantes de couleur alternée, et un canton dans l'angle supérieur gauche. Marchal s'inspira[15] notamment du drapeau des Etats-Unis[B 7],[16],[VH 1], dont la première version fut adoptée le à Philadelphie dans une résolution du Second Congrès continental. Ce schéma avait déjà été repris par le pavillon maritime de la Grèce adopté pour la première fois au cours de l'Assemblée nationale d'Épidaure, fixé par décret en , et utilisé lors de la 1re et 2e République hellénique[Note 5] et le drapeau du Libéria, adopté par la Constitution de la République de 1847.
Les armoiries de Rennes et de la famille irlandaise Marshall
Morvan Marchal reprend l’hermine et les bandes alternées blanches et noires du blason de la ville de Rennes[VH 1]. Cependant, cet argument aurait été avancé a posteriori, l'origine bretonne du Gwenn ha Du étant plus acceptable que celle du Drapeau des États-Unis[B 7].
De même, sans que l'on ait pu établir un lien formel entre le drapeau créé par Morvan Marchal et les armoiries de la famille irlandaise des Marshall[Note 6], le Gwenn ha Du rappelle la disposition et la couleur des armoiries de cette famille[VH 2],[VH 1].
Critiques
Le Gwenn ha Du, dès sa création, ne fait pas l’unanimité tant dans ses origines, sa légitimité, sa signification, ses sources d’inspiration ou son usage.
En 1937-1938, il donne lieu à une querelle par journaux interposés. Les tenants du drapeau d'hermine dit « traditionnel » défendent leur drapeau face aux tenants du Gwenn ha Du, drapeau dit « moderne ». Les « modernistes » utilisent surtout le Gwenn ha Du, alors que les pèlerins des pardons et autres fêtes religieuses utilisent le drapeau d'hermine.
À l'époque il est critiqué sur les points suivants[B 8] : il transpose en drapeau les armes de la ville de Rennes, au détriment de celles de la Bretagne ; c'est une création de Rennais et non de Bretons de Basse-Bretagne ; c'est un drapeau inventé récemment qui éradique la séculaire bannière d'hermine ; c'est un plagiat du drapeau américain ; enfin, il est employé par les communistes de l'Association des Bretons Émancipés. Cette position est résumée par Léon Le Berre[B 8],[17]
« (Un) drapeau inventé de toutes pièces, presque au lendemain de la guerre, par un groupe rennais (…) Le lecteur conclura, avec nous, qu'aucune raison sérieuse ne milite pour un changement dont les auteurs ne sont, du reste, nullement qualifiés pour le réaliser (…) Suivons le conseil de notre confrère « La Bretagne à Paris », en nous tenant au traditionnel drapeau d'hermines. Qu'on place, au milieu du champ, pour éviter la prétendue confusion avec la fleur de lys, « l'hermine passante et cravatée » dont les fanons du collier portent la devise « À ma vie » (…) »
— Léon Le Berre, Le drapeau breton, il n'y en a qu'un !, L'Ouest-Éclair, 1937
Selon Olier Mordrel : « Ce drapeau, né de la plume de Morvan Marchal, premier directeur de Breiz Atao, a été présenté par un tour de passe-passe, à un public ignorant tout de la Bretagne, comme le drapeau breton traditionnel »[18].
Au début du XXIe siècle, le Gwenn ha Du fait toujours l'objet de critiques de la part de certaines personnalités publiques telles que Françoise Morvan[19]. Ces critiques portent essentiellement sur les circonstances et origines de la création du Gwenn ha Du par Marchal, son utilisation avant et pendant la Seconde Guerre mondiale par certains mouvements nationalistes et autonomistes proches du régime de Vichy et du Troisième Reich ainsi que son usage par le mouvement breton.
« Le drapeau, l’hymne national, la langue unifiée, l’histoire revue et corrigée, le culte du Barzaz Breiz se sont imposés et le mouvement Breiz Atao tend à passer pour l’expression d’une autre résistance, une résistance à l’oppresseur jacobin. En relayant leur version des faits, leurs héritiers ont peu à peu tissé une toile d’araignée où tous ceux qui s’approchent, à un moment ou à un autre, de la culture bretonne ne peuvent que venir se perdre. »
— Françoise Morvan, Le monde comme si, Paris, Éditions Actes Sud, 2002, p. 194.
D'autres critiques soulignent la référence erronée aux aires linguistiques ; la primauté du Kroaz Du qui fut drapeau d’État (M. de Mauny), la valeur défavorable attribuée aux drapeaux à rayures au Moyen Âge (étudiée par M. Pastoureau). Dans la pratique, divers emblèmes bretons coexistent sans problèmes.