Démocratie
principe politique selon lequel les citoyens doivent détenir le pouvoir / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Le terme démocratie, du grec ancien δημοκρατία / dēmokratía, combinaison de δῆμος / dêmos, « peuple » (de δαίομαι / daíomai, « distribuer, répartir »), et kratos, « le pouvoir », dérivé du verbe kratein, « commander », désigne à l'origine un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions publiques et à la vie politique de la cité. Ce dispositif s'effectuait soit de manière directe en soumettant des décisions au vote à tous les citoyens, soit de manière indirecte par des représentants qui étaient préalablement désignés, de façon aléatoire ou par élection, pour faire des propositions de loi ou prendre des décisions urgentes. Ce terme désigne aujourd'hui tout système politique dans lequel le peuple est souverain. Par extension, la démocratie peut aussi qualifier une forme de société, la manière de se gouverner qu'adopte une organisation ou encore un système de valeurs.
La démocratie peut donner lieu à des interprétations différentes. Deux sortes de difficultés d'interprétation existent. L'une concerne la signification concrète de la souveraineté populaire et son application pratique, par exemple selon que la démocratie est directe (le peuple vote les lois) ou représentative (le peuple élit des représentants qui votent les lois). La seconde sorte de difficulté provient de la diversité des régimes politiques qui se sont revendiqués ou se revendiquent comme démocratie. Pour sortir du premier dilemme, on utilise des critères pour déterminer le degré de démocratie auquel se situe un pays. Pour résoudre la seconde difficulté, on utilise le dénominateur commun des démocraties, c’est-à-dire les principes qui les distinguent des autres régimes politiques.
Le dénominateur commun des démocraties est l’existence d’institutions et de lois qui visent à protéger la population des dérives tyranniques ou dictatoriales que peut exercer une personne ou un groupe quelconque, y compris la majorité. Toute démocratie doit disposer de lois permettant aux citoyens de changer de gouvernement ou de projets politiques légalement, c’est-à-dire sans avoir besoin de recourir à la violence et en respectant les procédures définies par les lois.
On fait également une distinction entre la notion de « peuple » et celle plus restrictive de « citoyens » : tous les membres du peuple ne sont pas automatiquement des citoyens.
La démocratie peut être aussi définie par opposition, notamment dans la classification d'Aristote et de Polybe :
- aux systèmes monarchiques, où le pouvoir est détenu par un seul (μόνος/monos = seul, unique) ;
- aux systèmes oligarchiques, où le pouvoir est détenu par un groupe restreint d'individus (ὀλίγος/oligos = en petite quantité, peu abondant) ;
- aux systèmes de dictature ou de tyrannie. Karl Popper, par exemple, considère qu'un régime est démocratique s'il permet aux citoyens de contrôler ses dirigeants et aussi de les évincer sans recourir à la violence. Karl Popper a présenté cette théorie dans plusieurs ouvrages dont La leçon de ce siècle[1] et Toute vie est résolution de problèmes[2]. En démocratie, le problème n'est pas de savoir « qui doit gouverner » mais « comment empêcher ceux qui ont le pouvoir d'en abuser ». Le peuple a le pouvoir et le devoir d'évaluer les dirigeants, mais il est impossible que tout le monde dirige en même temps ;
- aux systèmes aristocratiques, où le pouvoir est détenu par ceux considérés comme « les meilleurs »[3]. Francis Dupuis-Déri considère qu'en France ou aux États-Unis au XVIIIe siècle, l'aristocratie héréditaire (sous le régime monarchique) a été remplacée par une aristocratie élue : selon lui, l'élection, mécaniquement, consiste à choisir les meilleurs pour des fonctions qui exigent des connaissances et elle est une procédure d’auto-expropriation du pouvoir par les citoyens, qui le confient aux élus[4] ;
- aux systèmes ploutocratiques, où le pouvoir est détenu par ceux qui possèdent le plus de richesses.
Par ailleurs, le terme de démocratie ne se réfère pas uniquement à des formes de gouvernement mais peut aussi désigner une forme de société ayant pour valeurs l'égalité et la liberté (c'est notamment l'usage qu'en fait Alexis de Tocqueville, qui s'attache plus aux dimensions culturelles et psychologiques qu'au système politique en lui-même)[5].
Démocraties à part entière
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Démocraties imparfaites
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Régimes hybrides
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Régimes autoritaires
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Dans son rapport Guerre et paix au XXIe siècle, l'institut Human Security Report Project (en)[7] opère en 2005 une classification des régimes (dans le but de démontrer le rapport entre respect des droits humains et démocratie, entre autres). Il distingue trois catégories de régimes :
- démocraties ;
- anocraties (régimes en transition ou aux institutions instables) ;
- régimes autoritaires.
Étant donné la multiplicité des critères invoqués par les régimes pour revendiquer leur appartenance à la démocratie, l'institut retient un faisceau d'indices (établissant un score de régime politique, « polity score » en anglais) pour évaluer la qualité des institutions et des processus politiques. Ce sont en particulier :
- la manière dont est recruté l'exécutif (élection, nomination, pouvoir héréditaire, libre arbitre des électeurs…) ;
- les moyens de contrôle sur l'action de l'exécutif (autres pouvoirs : législatif et judiciaire…) ;
- la manière dont est traitée la concurrence politique (opposition des partis politiques, contre-pouvoirs comme la presse ou l'opinion publique…) ;
- la manière dont sont traités les droits de l'homme.
Selon ses calculs, il y aurait, en 2005, 88 démocraties dans le monde (seuls les pays de plus de 500 000 habitants sont comptabilisés), sachant que l'ONU reconnaît 195 États aujourd'hui. Le nombre de démocraties a significativement progressé depuis 1946. En effet, à cette date, on ne comptait que vingt démocraties[8] sur les 72 États reconnus alors. Ce progrès est dû notamment à la fin de la Guerre froide (démocratisation des pays de l'Europe de l’Est) et à la démocratisation du continent sud-américain depuis la fin des années 1980.
L'organisation non gouvernementale Freedom House publie aussi chaque année une carte des libertés dans le monde, prenant en compte des critères démocratiques tels que l'organisation d'élections libres ou la liberté de la presse. Dans son rapport de 2018, l'ONG estime que 45 % des pays sont libres, représentant 39 % de la population mondiale[9].
Bien que la Chine soit, de manière officielle, gouvernée par les instances du Parti communiste chinois, parti unique de fait, le pays pratique un pluralisme officiel. Chaque année, huit partis sont représentés à la Conférence consultative politique du peuple chinois[10],[11].
Le terme « démocratie » désigne à l'origine un régime politique dans lequel tous les citoyens participent aux décisions politiques par le vote, le terme « citoyen » excluant notamment les femmes, les esclaves, les enfants et les étrangers. Dès le Ve siècle av. J.-C., Périclès rappelle ce principe dans son célèbre discours : « nous intervenons tous personnellement dans le gouvernement de la cité au moins par notre vote [...] »[2],[12].
La démocratie est devenue un système politique dans lequel la souveraineté est attribuée aux citoyens qui l'exercent de façon :
- directe lorsque les citoyens adoptent eux-mêmes les lois et décisions importantes et choisissent eux-mêmes les agents d'exécution, généralement révocables. On parle alors de démocratie directe ;
- indirecte lorsque des représentants sont tirés au sort ou élus par les citoyens, pour un mandat non-impératif à durée limitée, durant lesquels ils ne sont généralement pas révocables par les citoyens. On parle alors de démocratie représentative ;
- semi-directe dans le cas de démocraties indirectes dans laquelle les citoyens sont cependant appelés à statuer eux-mêmes sur certaines lois, par les référendums, qui peuvent être soit un référendum d'initiative populaire, soit une possibilité de mettre un veto à un projet de loi, soit une proposition de projet de loi.
Démocratie directe
Dans la démocratie directe, le pouvoir est exercé directement par les citoyens, sans l'intermédiaire d'organes représentatifs. Selon les lieux et les époques, la démocratie directe désigne différentes formes de gouvernement ou d'association politique dans lesquels des citoyens sont désignés pour préparer et proposer des lois puis l'ensemble des citoyens sont appelés à décider de leur adoption et de leur application[13]. Athènes en est un exemple : les citoyens réunis dans l'assemblée ordinaire de l'Ecclésia se réunissent quatre fois par prytanie[N 1], votent la guerre et la paix, tirent au sort des magistrats aux fonctions administratives et exécutives. Les magistrats dont la fonction nécessite une expertise sont élus et révocables par les citoyens. Ceux-ci votent également l'ostracisme, c'est-à-dire la possibilité de bannir un citoyen pendant dix ans. Les décisions sont précédées de débats et prises par majorité à main levée. D'autres assemblées (Boulè, Héliastes et Aréopage) contrôlent le bon déroulement du travail législatif et judiciaire[14].
D'autres exemples jalonnent l'histoire, généralement dans le cadre d'un exercice local du pouvoir. C'est le cas depuis le XVIIe siècle en Nouvelle-Angleterre, au travers des assemblées communales, où la population des communes réunie en assemblée décide des lois, impôts et budget. Les cantons suisses d'Appenzell Rhodes-Intérieures et de Glaris en sont des exemples, notamment au travers des communautés rurales (Landsgemeinde en suisse allemand) où les élections des représentants ont lieu à main levée. La Commune de Paris ou les municipalités du Chiapas (Mexique) gérées par le mouvement zapatiste sont aussi généralement considérées comme des expérimentations de la démocratie directe.
Des procédures décisionnelles spécifiques sont associées à la démocratie directe, par exemple le référendum, dont le référendum d'initiative populaire, les assemblées populaires, le mandat impératif, qui encadre strictement un individu élu dans ses actions, limitées dans leur durée et dans leur contenu, et la révocabilité des élus.
Par ailleurs, l'idée de démocratie directe est souvent associée à celle d'autogestion, particulièrement lorsqu'elle se rapporte au domaine économique de la production. Ainsi, le communisme de conseils, et plus généralement nombre de théories libertaires, anarchistes et syndicalistes révolutionnaires sont rapportées à celles de la démocratie directe. De ce fait, les soviets de Russie, jusqu'en 1917, l'Espagne de 1936, ou les conseils ouvriers (par exemple en Allemagne et en Italie au début du XXe siècle ou en Hongrie en 1956) sont considérés comme des expériences de démocratie directe.
Démocratie indirecte ou représentative
Dans une démocratie représentative, les citoyens élisent des représentants qui sont chargés d'établir les lois ou de les exécuter. Historiquement la démocratie indirecte est née d’une contrainte liée à la taille des populations et à l’étendue géographique de certains pays. Dès l’origine de la démocratie, il y a eu des représentants mais c’est avec la naissance des États-Nations qu’elle s’est généralisée à l’ensemble des décisions politiques[15]. Il n'est pas possible de rassembler des millions de personnes en un même endroit et vivant souvent très loin les uns des autres[16]. La démocratie directe n’est possible que pour des collectivités réduites comme les cités-États de la Grèce antique ou des petites organisations.
Au fil du temps, cette forme de démocratie est devenue de facto synonyme du terme démocratie tout court. Cela est notamment dû au fait qu'il s'agit de loin de la forme de démocratie la plus répandue dans le monde contemporain et que des candidats aux élections comme Andrew Jackson aux États-Unis, au milieu du XIXe siècle se sont réapproprié le terme. Avant cela, les politiciens se disaient souvent anti-démocrates, dans le sens d'être contre ce qui est appelé à présent la démocratie directe[4]. Pour la même raison, démocratie représentative et démocratie tout court sont aussi souvent assimilées à la démocratie libérale et à la démocratie parlementaire. Le militant Étienne Chouard et le politologue Francis Dupuis-Déri dénoncent un retournement sémantique du mot démocratie, qui désignerait selon eux « son strict contraire », c'est-à-dire l'élection[17],[3].
De grands penseurs ont fourni des descriptions détaillées des démocraties indirectes et représentatives naissantes à partir du XVIIIe siècle. Ainsi Tocqueville, dans son livre « De la démocratie en Amérique » décrit puis analyse finement le système politique américain de démocratie représentative qui se développe dans les années 1830[18].
Certains politiciens, dans la France d’avant le milieu du XIXe siècle, utilisent une distinction entre régime représentative et vraie démocratie pour signaler la différence entre une conception fédérale et une conception nationale de la constitution. Dans ce cas, le régime représentatif renvoyait à l'idée de république (même si ce régime existait également en monarchie constitutionnelle) et se distinguait de la notion de démocratie, celle-ci désignant alors le système de gouvernement de la démocratie directe[19]. En 1789, Emmanuel-Joseph Sieyès par exemple distinguait nettement démocratie et régime représentatif : « Les citoyens qui se nomment des représentants […] n'ont pas de volonté particulière à imposer. […] S'ils dictaient des volontés ce ne serait plus cet État représentatif, ce serait un État démocratique »[20].
Ce type de démocratie indirecte connaît plusieurs variantes distinctes détaillées dans les sections qui suivent.
Régime parlementaire
Dans les démocraties à régime parlementaire, le Gouvernement est responsable devant le Parlement, duquel il est généralement issu. Le parlement peut donc le destituer en recourant à une motion de censure, dont les modalités varient en fonction des pays. En contrepartie, le gouvernement, responsable de l'exécutif, peut dissoudre l'Assemblée, responsable des lois. S'il y a donc bien séparation des pouvoirs dans un régime parlementaire, celle-ci est souple du fait du contrôle réciproque entre exécutif et législatif.
On distingue les régimes parlementaires monistes et dualistes. Le premier désigne les régimes dans lesquels le gouvernement n'est responsable que devant le parlement et non devant le chef de l'État (celui-ci joue un rôle minime). Dans le régime dualiste, le gouvernement est responsable à la fois devant le parlement et le chef de l'État.
Régime présidentiel
À l'inverse du régime parlementaire, le régime présidentiel se caractérise par une séparation des pouvoirs plus stricte. Il s'agit d'un régime représentatif dans lequel le pouvoir exécutif n'a pas de responsabilité politique devant le pouvoir législatif, ce qui signifie que ce dernier ne peut pas le destituer. À l'inverse, le chef de l’État (qui y est aussi chef du Gouvernement), élu au suffrage universel direct ou indirect, dispose de moins de pouvoir sur le Parlement que dans un régime parlementaire, n'ayant pas la possibilité de le dissoudre. Aux États-Unis, principal pays dont le régime est véritablement présidentiel, le Président dispose d'un droit de veto sur les textes de lois.
Régime semi-présidentiel ou régime mixte
Un régime semi-présidentiel est un régime représentatif ayant à la fois des caractéristiques du régime parlementaire et du régime présidentiel.
C'est le cas de la Ve République française, dans laquelle le chef de l’État est élu au suffrage universel direct, nomme le Premier ministre et, sur proposition de ce dernier, nomme les autres membres du gouvernement ou met fin à leurs fonctions. Le président de la République ne peut mettre fin aux fonctions du Premier ministre que si celui-ci présente la démission du gouvernement. Il peut dissoudre l'Assemblée mais celle-ci ne peut remettre en cause que le gouvernement, principalement par une motion de censure. Si le président ne dispose pas de la majorité parlementaire, il est a priori contraint à une cohabitation et perd ainsi une grande partie de son pouvoir au profit du gouvernement et du chef du gouvernement. En ce cas, cette forme de régime se rapproche du régime parlementaire.
Régime d'Assemblée
Le régime d'assemblée est un régime représentatif dans lequel une assemblée unique, élue au suffrage universel direct, détient l'ensemble des pouvoirs politiques, les pouvoirs exécutifs et judiciaires étant subordonnés au pouvoir législatif.
Il fut pratiqué en France entre 1792 et 1795, lorsque la Convention fut chargée d'établir une constitution. Ce régime témoigne que le régime représentatif n'est pas nécessairement associé à une séparation des pouvoirs.
Démocratie libérale
Une démocratie libérale est une démocratie représentative dans laquelle la capacité des élus à exercer un pouvoir de décision est soumise à la règle de droit et est généralement encadrée par une constitution qui met l'accent sur la protection des droits et libertés des individus, posant ainsi un cadre contraignant aux dirigeants. L'idée de démocratie libérale n'implique pas une forme de régime représentatif particulier, celui-ci pouvant donc être parlementaire, présidentiel ou mixte comme en France. De même, elle n'implique pas un régime représentatif au sens strict, mais peut aussi qualifier un régime semi-direct (telle la Suisse) ou participatif.
Ainsi, sont généralement associés à la démocratie libérale un certain nombre de principes et de valeurs, qui se rapportent soit aux principes de la représentation démocratique, soit aux principes du libéralisme (y compris du libéralisme économique), parmi lesquels :
- l'existence d'un État de droit ;
- l'élection des représentants, aujourd'hui le plus souvent par le suffrage universel direct, avec le principe : un citoyen = une voix (égalité politique) ;
- la recherche de l'intérêt général et le respect de la volonté générale (ceux-ci étant néanmoins généralement définis par les dirigeants eux-mêmes; de plus, volonté et intérêt général, en plus d'être des notions abstraites, peuvent apparaître comme possiblement conflictuelles) ;
- l'égalité des droits (ou égalité face à la loi) ;
- la garantie des libertés fondamentales, soit, généralement, le respect des droits de l'homme, notamment la liberté de conscience et de culte, la liberté d'expression et de la presse, la liberté de réunion, d'association (celle-ci impliquant le multipartisme, et de circulation, ou encore le droit de propriété et, pour ce qui est des démocraties libérales contemporaines, la liberté de commerce (libre-échange), etc.
Citoyenneté et droit de vote
Le corps politique des citoyens recouvre une partie plus ou moins grande de la population selon des critères qui ne sont ni stables ni universels. En démocratie, un individu n'ayant pas atteint l'âge de la majorité civile (différent selon les pays) n'a pas le droit de vote. Par ailleurs, le droit de vote fut pendant longtemps réservé aux hommes. Le droit de vote des femmes fut établi en 1893 en Nouvelle-Zélande, dans les deux premières décennies du XXe siècle notamment en Suède, Finlande, Norvège, États-Unis, Allemagne, et seulement dans les années 1940 en France, en Italie, ou encore en Espagne seulement entre 1931 et 1936, pour l'être rétabli en 1978. Dans certains États des États-Unis, les Noirs n'obtinrent le droit de vote qu'en 1965.
Les démocraties européennes, à l'époque coloniale, n'ont pratiquement jamais instauré la démocratie dans leurs protectorats ou leur colonies (soit parce qu'elles ont maintenu ou renforcé des monarchies ou oligarchies en place, soit parce qu'elles ont elles-mêmes mis en place des administrations directes non représentatives des populations locales).
D'autre part, il est rare que les étrangers en résidence dans les pays démocratiques aient droit de vote, hormis parfois aux élections locales. Enfin certains citoyens peuvent être exceptionnellement déchus de leurs droits politiques par décision de justice en cas de crime ou délit.
Pour ce qui concerne la France, le droit de vote était en 1958 accordé à certains habitants des colonies, mais pas aux indigènes musulmans d'Algérie. Aujourd'hui[Quand ?] toute personne de nationalité française peut voter en France, ce qui exclut les résidents étrangers, à l'exception des ressortissants de l'Union européenne pour ce qui concerne les élections européennes et municipales[21][source insuffisante].
Dans la plupart des pays d'Europe, les premières démocraties furent censitaires, c'est-à-dire qu'il fallait justifier d'une certaine fortune pour pouvoir voter, soit par le biais de la propriété terrienne, soit par le biais de l'impôt. Ce fut par exemple le cas en Angleterre et en France jusqu'au XIXe siècle. Quand la déclaration des droits confia le pouvoir au Parlement anglais, les électeurs représentaient moins de 3 % de la population.
Démocratie par tirage au sort
- Dans la Grèce antique
Il peut paraître absurde et dangereux de se fier au tirage au sort dans un régime démocratique, puisqu’il semble exclure toute forme de compétence[22]. C’est ce que constatait déjà Xénophon : « C’est folie que les magistrats de la cité soient désignés par la fève[N 2], tandis que nul ne voudrait tirer au sort ni un pilote, ni un architecte, ni un joueur de flûte, ni tout autre homme de métier, dont les fautes sont bien moins préjudiciables que celles qu’on commet au gouvernement[23]. » Mais cette pratique s’explique : à l’origine, le tirage au sort était un véritable jugement de Dieu, comme l’a bien reconnu Fustel de Coulanges[24]. C’est dans cet esprit que, bien qu’hostile au tirage au sort en politique, Platon en admettait le principe pour certaines fonctions religieuses, « afin de laisser le dieu lui-même indiquer ses préférences[25]. » Inventé dans des temps archaïques pour désigner les chefs, ce tirage au sort a été conservé par les générations suivantes parce qu’il « offrait l’avantage d’apaiser les sanglantes rivalités des grandes familles[26]. » Même dans les cités oligarchiques, le tirage au sort amortissait les luttes des partis les uns contre les autres et empêchait une faction victorieuse de faire prévaloir sa tyrannie dans tout le gouvernement, et d’exaspérer ainsi l’opposition. Incontestablement, il apportait un facteur de calme dans les cités en limitant la compétition[27]. Alors que l’élection pouvait favoriser la brigue, l’intrigue, voire les fraudes, on crut que le tirage au sort était un moyen de supprimer les manœuvres électorales[26] ; mais pendant longtemps, les modalités habilement sophistiquées du tirage au sort n’empêchèrent ni la cooptation ni la brigue[28].
Il fallut attendre la réforme de Clisthène, puis celle de 487-486 av. J.-C. — où pour la première fois les neuf archontes furent tirés au sort —, et encore la réforme de 457 — où fut instauré le double tirage au sort, ou « tirage par la fève » — pour voir le tirage au sort devenir un peu plus démocratique[29]. Il allait améliorer la représentativité par l’abaissement des conditions censitaires. Vers 403 av. J.-C., une nouvelle réforme visa à éviter la corruption, en élargissant la souveraineté populaire à l’échelle de l’ensemble de chaque tribu, et non plus seulement des dèmes[26]. En outre, en interdisant aussi à la plupart des magistrats d’être rééligibles, on diminuait le développement de personnalités de premier plan et de trop grandes autorités individuelles[30]. Dans la démocratie athénienne, le tirage au sort offrit ainsi à tous les citoyens un droit égal d’accès au Conseil, la Boulè des Cinq-Cents ; le tirage au sort de ses membres, les bouleutes, et l’absence de toute qualification, si ce n’est d’âge, eurent pour effet d’« empêcher que la fonction fût l’objet d’une compétition[31]. »
Pour éviter le danger d’une répartition si aveugle, la démocratie athénienne avait prévu plusieurs garde-fous : d’abord, le tirage au sort ne fut jamais appliqué aux magistratures militaires, en particulier les dix stratèges et les dix taxiarques[32], ni aux magistratures relatives aux finances publiques, qui toutes exigeaient compétences et talent[33] ; il ne fut associé qu’à des magistratures courtes, de l'ordre d’un an pour les archontes, ou d’un jour pour l’épistate (président) des prytanes, et fut assorti d’une obligation de reddition de comptes de la part des magistrats ainsi tirés au sort. Cette présidence d’un seul jour de l’épistate qui présidait la Boulè mais aussi l’Ecclésia éliminait l’influence personnelle et décourageait l’intrigue et les pressions[31] ; enfin, il était combiné avec l’élection de façon à respecter le principe, cher aux penseurs grecs, de la Justice distributive ou égalité proportionnelle, qui donne à chacun ce qui lui revient selon son mérite[34]. Le tirage au sort a ainsi fini par prendre en démocratie un sens égalitaire[35].
Le tirage au sort, généralement associé à des mesures de démocratie directe comme le vote des lois directement par les citoyens, fut considéré, notamment par Platon, comme caractéristique de la démocratie — bien que le terme de démocratie fût pris chez lui dans le sens péjoratif de « démagogie populaire », régime où règne l’arbitraire au profit de la masse des plus pauvres et de ceux qui ont le moins de mérite —. Ainsi s’explique la condamnation sévère de ce régime dans La République[36] ; de même Aristote écrit-il : « Le tirage au sort est considéré comme démocratique, l’élection comme oligarchique[37] », mais il prend bien soin d’ajouter : « tirage au sort de toutes les magistratures, ou du moins de celles qui ne demandent ni expérience pratique ni compétences techniques[38]. »
- Dans le monde moderne
Dans De l'esprit des lois, Montesquieu reprend cette conception de la démocratie comme régime où le suffrage a lieu par le sort, là où l’élection « est de l'ordre de l'aristocratie »[39]. Elle est aujourd'hui reprise et valorisée par le philosophe Jacques Rancière[40], comme conséquence de l'idée que la politique n'est pas une affaire de spécialiste. Plus récemment, Étienne Chouard diffuse sur internet l'idée du tirage au sort, notamment appliquée au processus constituant[41].
Au Canada et plus particulièrement en Colombie-Britannique, le tirage au sort a été employé en 2001, pour la formation d'une assemblée ayant pour but la réforme du mode de scrutin[42]. En France le tirage au sort est aujourd'hui employé pour la formation de jurys d'assises[43]. En 2019, la Convention citoyenne pour le climat réunit une assemblée tirée au sort de 150 citoyens français. Le mot sortition est utilisé outre-manche pour présenter le mode de désignation de représentants par le tirage au sort.
Systèmes mixtes
Démocratie semi-directe
Les démocraties semi-directes empruntent aux deux formes de démocraties.
Les citoyens élisent des représentants qu'ils chargent d'établir les lois, mais les citoyens peuvent aussi être amenés à faire des lois par référendum (ou les refuser).
C'est le cas en Suisse, où les droits d'initiative et de référendum sont la norme. Les citoyens sont appelés à voter quatre fois par an afin d'accepter ou refuser des lois. Mais également, dans une moindre mesure, en France, où le référendum reste exceptionnel.
Article 3 de la Constitution du (France) : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants » (démocratie représentative) « ou par la voie du référendum » (démocratie directe).
Le référendum peut prendre plusieurs formes : il peut s'agir d'un référendum législatif ou constituant (qui sont les deux formes les plus utilisées). L'initiative du référendum appartient alors aux institutions représentatives. Dans certains cas, cependant, il existe également un référendum d'initiative populaire, ce qui est le cas en Suisse ou en Italie par exemple. Comme son nom l'indique, l'initiative appartient alors aux citoyens[44].
En France, depuis la révision constitutionnelle du , même si cette initiative populaire n'existe toujours pas formellement, il est possible de la distinguer au travers de l'articulation de deux articles de la Constitution. Il s'agirait alors pour les citoyens de faire usage de leur droit de pétition (article 72-1 alinéa 1), puis de voter sur cette réforme locale au travers du référendum local (article 72-1 alinéa 2). Il n'est donc pas exclu « que la pétition ait pour objet de demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée délibérante de la question de l’organisation d’une consultation des électeurs » sur un sujet précis relevant de la compétence d’une collectivité territoriale[45].
Démocratie participative
Dans la démocratie participative, les citoyens sont associés aux décisions prises par les représentants. Ainsi, la démocratie participative permet aux citoyens de participer directement à la décision publique, ou d’être consultés en dehors des échéances électorales[46].
Démocratie liquide
Cyberdémocratie
La cyberdémocratie consiste à utiliser le web comme moyen d'expression et de décision pour et par le peuple. Le média internet est une solution aux différents freins engendrés par la démocratie directe, tels que la multitude des citoyens et leur dispersion géographique.
La cyberdémocratie cherche à répondre à l'idéal démocratique selon lequel tous les citoyens participent aux propositions, aux créations et à la mise en œuvre des lois.
Expressions voisines
L'expression « démocratie populaire » est utilisée pour désigner des régimes politiques à parti unique suivant une doctrine communiste. Cette expression, tombée en désuétude après la chute de l'URSS, apparaît encore sous des formes modifiées, par exemple dans l'expression « république populaire de Chine ».
Il existe différentes formes de démocraties, mais elles reposent toutes sur quelques principes fondamentaux et communs. On peut décliner ces principes de diverses manières. En effet il n'y a pas d'institutions précises mais des principes incontournables qui doivent être formulés dans des lois et s’incarner dans des institutions. Dans son livre Le commencement de l’infini, David Deutsch rappelle que tout système démocratique consiste à faciliter « l’élimination sans violence des mauvaises politiques et des mauvais gouvernements »[47].
Un rempart contre la tyrannie
En premier lieu, un État démocratique se dote d'institutions visant à protéger la population de toute forme de dictature. Ce principe apparait dès le début de la démocratie athénienne. « Le terme « démocratie », depuis la démocratie athénienne, est le nom traditionnel que l'on donne à une Constitution qui doit empêcher une dictature, une tyrannis »[1]. Cette exigence resta constamment présente durant toute l’époque où la démocratie fut le principal système politique en vigueur à Athènes, c’est-à-dire de −507 à −322[48]. Au fil du temps, les Athéniens ont mis en place de multiples dispositifs contre la tyrannie. « Dans les démocraties, les lois protègent les citoyens. Contre qui ? C’est clair, contre les dirigeants politiques et les magistrats, qui, dans leur relation avec les citoyens doivent respecter les lois démocratiques. »[48] écrit Mogens Hansen dans son livre intitulé La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène.
Cet impératif se retrouve dans de nombreux textes, y compris des inscriptions sur des stèles. Ces textes condamnent toute action ou propos qui encourage à renverser la démocratie par la force et la violence. Il y a deux lois célèbres qui font référence (en −410 et en −336). Pour se rapprocher de cet impératif, il existe de multiples procédés qui se renforcent mutuellement. Le plus atypique est l'ostracisme.
L’ostracisme
Le but de l’ostracisme était en effet d’éviter le retour de la tyrannie. L’ostracisme offrait la possibilité aux citoyens de bannir pour de longues années toute personne pouvant mettre en danger la démocratie du fait de sa popularité politique. On inscrivait le nom de celui qui semblait le plus dangereux pour l’État. Ce dispositif indique clairement que la démocratie se méfiait de toute dérive dictatoriale. En effet, une personnalité politique qui est trop populaire peut facilement renverser le régime en influençant les gens et mener à une tyrannie. Au siècle de Périclès « la fonction de l’ostracisme était précisément de ne pas permettre la montée au pouvoir d’un dictateur populiste. »[49]. De même l’eisangelia était une procédure qui donnait la possibilité de mettre en accusation un magistrat.
L’égalité des droits entre les citoyens
La démocratie doit donc protéger les citoyens contre l’arbitraire ou l’abus du pouvoir. Cela repose en premier lieu sur une égalité des droits entre les citoyens. Toute démocratie implique en effet un système politique où tous les citoyens sont soumis aux mêmes lois. Hansen[48] précise que dès le départ le mot démocratia est équivalent au mot isonomia qui désigne l’égalité des droits politiques entre les citoyens, voire de l’iségoria qui était une égalité des chances. On retrouve cette caractéristique notamment chez Hérodote qui écrit : « On constate toujours et partout que l’égalité entre les citoyens est un avantage précieux : soumis à des tyrans, les Athéniens ne valaient pas mieux à la guerre que leurs voisins, mais libérés de la tyrannie, leur supériorité fut éclatante. »[50]. Ce texte indique que ce principe d’égalité devant la loi est nécessairement au cœur de tout système démocratique car il empêche que le pouvoir soit exercé selon le bon vouloir des dirigeants.
D’autre part, que l’on soit riche ou pauvre, intellectuel ou paysan, les responsabilités sont ouvertes à tous et chacun a, par le vote, le même poids pour accepter ou rejeter des décisions politiques ou la désignation des gouvernants. Hansen écrit que « les différents aspects de l’égalité invoqués par les démocrates eux-mêmes revenaient à l’égalité des droits, grâce à laquelle tous les citoyens pouvaient avoir des chances égales et une égale protection de la loi »[48].
La division du pouvoir
La démocratie est aussi un moyen de se protéger contre l’abus de pouvoir en créant des institutions qui puissent contrôler et diviser le pouvoir. Par exemple, au temps de Démosthène on a vu coexister 7 institutions différentes : L’Assemblée, les nomothètes, le tribunal du peuple, les collèges de magistrats, le conseil des Cinq Cents, la Boulè et le dispositif qui s’appelle « le citoyen qui le désire parmi tous les citoyens qui en ont le droit ». On peut aussi ajouter les dispositifs au sein des dèmes et des tribus. Les démocraties modernes ont également plusieurs strates d’institutions mais surtout elles ont institué la séparation des pouvoirs judiciaires, législatif et exécutif qui n’existait pas dans l’Antiquité et qui constitue maintenant un principe incontournable pour diviser le pouvoir.
La rotation des gouvernants
Aristote, dans le livre VI de La politique, énonce les éléments caractéristiques d’une constitution démocratique : les magistrats ont un mandat à durée limitée, il n’est pas renouvelable, leurs pouvoirs sont limités, on effectue une rotation, il y a un tirage au sort ou une élection, les citoyens peuvent siéger comme jurés. Hansen précise « Quand Aristote définit la liberté politique qui règne dans un État par le fait d’« être tour à tour gouverné et gouvernant », il pense à la rotation des magistrats et non à une quelconque rotation dans le fonctionnement de l’Assemblée »[48]. D’une part, tout citoyen doit pouvoir prétendre aux fonctions de dirigeant. Chacun doit avoir la possibilité d’occuper un poste au pouvoir. D’autre part, chacun exerce son pouvoir de juge.
L'élection ou le peuple comme juge
La démocratie n’est pas et ne sera jamais le gouvernement de tout le monde à la fois. Non seulement c’est impossible à effectuer à l’échelle d’une ville et encore moins d’un État, mais le résultat serait une absence de décisions politiques. Ce sont les travaux d’Arrow qui ont montré la situation absurde dans laquelle mènerait un système qui reposerait sur la synthèse des opinions. Cela empêcherait toute discussion et mènerait à une impossibilité de changer d’avis. Plus grave, cela condamnerait toute recherche de nouvelles solutions. Aucune synthèse ne permet de créer de nouvelles solutions ou de faire face à de nouveaux problèmes.
Dès l’Antiquité, on remarque que les citoyens ne sont pas appelés à formuler chacun leur solution politique. Ils choisissent ou rejettent des décisions, des projets formulés par le conseil. Ces idées peuvent être proposées par n’importe qui mais elles doivent être rédigées et présentée aux citoyens. D’après Thucydide, Périclès avait insisté sur cette idée essentielle de jugement du peuple : « bien que rares soient les gens capables de concevoir un projet politique, nous sommes néanmoins tous à même de le juger »[1].
C’est pourquoi, en démocratie, les électeurs sanctionnent et évaluent les décisions prises et ils choisissent par leur vote les prochaines solutions à prendre. Ces solutions sont des tentatives pour résoudre des problèmes politiques. En effet, faire une moyenne des opinions de chacun ne permet pas d'aboutir à une décision parfaite, qui n’existe pas en politique. Il s’agit toujours de choisir un moindre mal entre plusieurs décisions possibles. D’autre part, réaliser une synthèse de toutes les opinions serait une tâche impossible et mènerait à des paradoxes, à des situations insolubles, c’est-à-dire à une absence de décision.
Les citoyens sont donc avant tout des juges. Quand on parle de gouvernement par le peuple cela veut dire que les gouvernements sont soumis au jugement du peuple. Chaque citoyen doit pouvoir participer à la désignation ou au rejet des gouvernants. Deutsch l’illustre par l’exemple des États-Unis. « La déclaration d’indépendance des États-Unis et la constitution américaine mentionnent ainsi toutes les deux le droit du « peuple » à faire certaines choses, par exemple à changer de gouvernement »[47].
La démocratie donne ainsi les moyens aux citoyens de surveiller les actions de ceux qui gouvernent par l'élection régulière. Cette fonction est primordiale. Popper précise même que la fonction essentielle et importante des élections est moins de choisir de nouveaux gouvernants que d’empêcher, sans violence et par le jeu démocratique, les mauvais gouvernants de rester au pouvoir.
La protection des libertés individuelles
La démocratie permet la préservation de la liberté individuelle en acceptant pour unique souverain les lois qui en sont les garantes. Aucun groupe, aucune classe, aucune majorité ne peut s’arroger la souveraineté. Ce sont les lois appliquées à tous sans distinction de groupe, d’origine ou de classes qui sont souveraines. À l’époque de Démosthène, Eschine déjà insistait sur cette caractéristique dans son ouvrage Contre Timarque. La protection des citoyens par la loi est le sceau de la démocratie. Il parle des lois contraignant les gouvernants et non pas des gouvernés. Alors que la monarchie ou l’oligarchie sont dirigées par le bon plaisir des chefs « les États démocratiques le sont au contraire par les lois qui garantissent la sécurité des citoyens d’un État démocratique et de sa constitution ».
Un régime qui autorise sa propre suppression
Quand on considère les démocraties antiques ou modernes, on constate que le remplacement de la démocratie par un autre régime peut être réalisé légalement. Un régime dictatorial ne peut être remplacé que par la violence. En effet, si l'on considère les lois athéniennes, on remarque que rien n’empêchait les gens de défendre un autre système politique mais elles interdisaient de fomenter des attaques contre elles. À Sparte, au contraire, quiconque louait une autre constitution que celle de la cité était sévèrement condamné. Il n’y avait pas de liberté d’expression ni de liberté de choisir un autre régime politique. Au contraire, la démocratie autorise sa propre destruction sans violence si les citoyens le décident, car une démocratie est régie selon des lois applicables à tous. L’égalité devant la loi est une marque nécessaire à tout système démocratique. Eschine oppose ainsi la démocratie et les autres systèmes : « Les oligarques et ceux qui gouvernent selon le principe de l’inégalité doivent se protéger des hommes capables de renverser l’État par la force des armes, mais nous, dont la constitution est fondée sur l’égalité et le droit, nous devons écarter ceux dont la parole ou la conduite porte atteinte à la loi ». La démocratie rend souveraine les lois.
Les indices démocratiques de nos jours
De nos jours, on utilise non seulement les principes énoncés plus haut pour déterminer si un système est ou non démocratique, mais on dispose aussi d’indices permettant d’évaluer le degré démocratique d’un système politique. Les pays ayant un haut indice de démocratie respectent quelques principes de base :
- séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) ;
- souveraineté du peuple ;
- élection des représentants ;
- coexistence de plusieurs partis politiques ;
- égalité des droits ;
- respect des libertés (d'expression, d'association, de la presse, etc.).
Origines
Cités-États sumériennes
Inde ancienne
À l'époque d'Alexandre le Grand (IVe siècle av. J.-C.), Quinte-Curce et Diodore de Sicile[source insuffisante] ont évoqué les peuples de guerriers des Sabarcae ou Sambastai qui auraient eu « une forme de gouvernement démocratique »[51].
Antiquité méditerranéenne
La démocratie prend ses racines principales dans les réformes engagées autour de la cité d'Athènes dans la Grèce antique autour du Ve siècle av. J.-C. Bien que la démocratie athénienne soit aujourd'hui considérée comme ayant été une forme de démocratie directe, elle faisait coïncider deux organisations politiques très différentes :
- une Boulè regroupant environ 500 citoyens tirés au sort, chargés de recueillir les propositions de loi présentées par les citoyens, puis de préparer les projets de loi ;
- d'autre part, l'assemblée des citoyens (Ecclésia), exemple type de la démocratie directe.
Tous les citoyens athéniens avaient le droit de prendre la parole et de voter à l'Ecclésia, où étaient votées les lois de la cité. Les femmes, les esclaves, et les métèques n'étant pas considérés à cette époque comme citoyens n'avaient donc aucun droit politique. Des 250 000 habitants d'Athènes, seuls 40 000 environ étaient citoyens et, sur ces 40 000, tous les hommes riches (tous les citoyens de la première et deuxième classes, environ 5 000) et la plupart des thètes (citoyens de la quatrième classe, environ 21 000) participaient aux réunions de l'Ecclesia. Seuls les citoyens de la deuxième classe ont souvent envoyé une autre personne aux réunions.
Moyen Âge
Au Moyen Âge, de nombreux systèmes sont fondés sur les élections et/ou une Assemblée, comme l'élection du Gopola au Bengale[52], la Communauté Lituano-polonaise, l'Althing islandaise, le Vétché dans les pays slaves, les Things scandinaves, et la cité marchande autonome de Sakai au Japon (XVIe siècle). Pour autant, ces systèmes dans lesquels la participation demeure souvent réservée à une minorité, pourraient tout aussi bien être qualifiés d'oligarchies. La grande majorité des régions dans le monde du Moyen Âge sont gouvernées par une seigneurie, suivant un principe féodal, lequel commence au XIIe siècle à inclure des poches de système communal[53].
En 1188, dans la péninsule ibérique, le nouveau roi du royaume de León, Alphonse IX, convoque un conseil royal (es), auquel les représentants élus des principales villes sont ajoutés pour la première fois avec voix et vote. Cette mesure a été considérée comme le premier exemple de parlementarisme moderne dans l’histoire de l’Europe occidentale[54].
Le Parlement d'Angleterre naît avec les restrictions du pouvoir royal mises en place dans la Magna Carta. Le premier parlement élu est le Parlement de Montfort en Angleterre en 1265. Là encore seule une petite minorité dispose d'une voix : le Parlement est élu par quelques pour cent de la population (moins de 3 % en 1780[52]), et le système présente des dispositions problématiques, telles que les municipalités corrompues. La convocation du Parlement dépend du bon vouloir du roi ou de la reine (le plus souvent lorsque celui ou celle-ci a besoin d'argent).
De nombreuses régions aux frontières des grands États conservent un fonctionnement démocratique. Entre France et Espagne se tiennent ainsi les républiques pyrénéennes.
Du XVIIe au XIXe siècle
En Angleterre, après la Glorieuse Révolution de 1688, la charte des droits de 1689 codifie certains droits et augmente l'influence du Parlement. L'électorat augmente lentement et le Parlement prend de plus en plus de pouvoir jusqu'à ce que la Monarchie devienne une simple figure de proue.
Bien qu'ils ne soient pas décrits comme étant une démocratie par leurs Pères fondateurs[55], les États-Unis d'Amérique se considèrent comme la première démocratie libérale, dans la mesure où l'engagement constitutionnel (1788) fonde les principes naturels de liberté, d'égalité devant la loi, et s'oppose aux régimes dits aristocratiques au sens contemporain, bien qu'étymologiquement l'aristocratie soit le gouvernement par les élites (aristoi).
Selon la formule d'Abraham Lincoln (16e président des États-Unis de 1860 à 1865) prononcée lors du discours de Gettysburg, la démocratie est « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Jean-Jacques Rousseau se prononce pour la démocratie directe, mais sa conception de la démocratie n'est pas celle de la démocratie antique. Il rejette certes l'idée de démocratie représentative : « La souveraineté ne peut être représentée, par la même raison qu'elle ne peut être aliénée ; elle consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté générale ne se représente point » ; « toute loi que le peuple en personne n’a pas ratifiée est nulle »[56], mais il estime que la rédaction des lois ne doit pas incomber une assemblée populaire : « une grande troupe formée en tumulte peut faire beaucoup de mal. Dans une assemblée nombreuse, quoique régulière, si chacun peut dire et proposer ce qu’il veut, on perd beaucoup de temps à écouter des folies, et l’on peut être en danger d’en faire »[57].
En France Emmanuel-Joseph Sieyès (corédacteur de la Constitution française) oppose le gouvernement représentatif, qu'il contribue à mettre en place, à la démocratie (qu'il rejette) dans son discours du :
« La France ne doit pas être une démocratie, mais un régime représentatif. Le choix entre ces deux méthodes de faire la loi, n’est pas douteux parmi nous. D’abord, la très grande pluralité de nos concitoyens n’a ni assez d’instruction, ni assez de loisir, pour vouloir s’occuper directement des lois qui doivent gouverner la France ; ils doivent donc se borner à se nommer des représentants. […] Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants » (Chapitre « Sur l’organisation du pouvoir législatif et la sanction royale »[58]).
Sieyès fut un contradicteur des théories de Rousseau. Emmanuel-Joseph Sieyès, lui, était opposé à la démocratie au sens littéral du terme qui permettrait à des concitoyens de s'occuper des lois. Ce dernier était aussi contre le suffrage universel et pour l'élection par suffrage censitaire, car seuls les citoyens actifs, qui s'enrichissent, méritaient de voter selon lui ; et cet élément à la fois ploutocratique et aristocratique fut introduit dans la Constitution française.
En France, l'Assemblée nationale issue de la Révolution de 1789 est établie sur la base des principes libéraux, déclinés en la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et en réaction aux excès de la monarchie absolue de l'Ancien Régime. Le suffrage universel y apparaît plus d'un demi-siècle plus tard, en 1848, sous la Deuxième République (1848-1852), jusqu'au Coup d'État du de Napoléon III trois ans plus tard, qui débouche sur l'établissement du Second empire.
Dans les deux cas, le droit de vote est limité sur la base de la fortune (suffrage censitaire), aux hommes (pas de droit de vote des femmes, sauf dans quelques États, avant 1920 aux États-Unis, avant 1944 en France), à un corps politique exclusif des personnes des autres races ou des colonisés (exclusion sur base de la couleur de peau aux États-Unis et exclusion des colonisés en France). Par ailleurs, tant les États-Unis que la France connaissent l'esclavage, respectivement jusqu'en 1865 (abolition plus tôt dans certains États) et en 1848 (avec une abolition de 1794 à 1802), les discriminations en matière politique ayant en réalité perduré beaucoup plus longtemps.
C'est au milieu du XIXe siècle que les partisans du régime représentatif le qualifient de démocratie, retirant au mot « démocratie » sa signification d'origine. Il s'agit là d'une stratégie électorale, initiée par des candidats aux élections comme Andrew Jackson aux États-Unis, qui se répand en 10-15 ans et tous les candidats se mettent à se dire démocrates. Ils sont conscients à ce moment-là que ce changement de sémantique est porté par une stratégie électorale, parce que le terme de démocratique parle aux plus pauvres : on peut dire que ce sont les premiers discours « populistes »[4].
Pour John Dewey (1859–1952), philosophe américain, la démocratie est avant tout une manière de vivre[59].
XXe siècle et XXIe siècle
Le XXe siècle est celui qui mit à l'épreuve les pays démocratiques dont la plupart étaient âgés d'à peine plus de 100 ans. La montée des totalitarismes allemand et italien, l'instabilité d'autres pays européens comme l'Espagne ou le Portugal ont menacé à travers le monde la pérennité de ce système de gouvernance. Ce siècle a également vu la démocratie s'imposer dans un nombre croissant de pays pour devenir majoritaire de nos jours. Winston Churchill dans son discours à la Chambre des communes en 1947 disait : « Le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple : voilà qui reste la définition souveraine de la démocratie »[60].
- Évolution du nombre de pays ayant un score supérieur à 8 entre 1800 et 2014 sur l'échelle Polity.
- Évaluation de Freedom House du nombre de pays dans les différentes catégories, sur la période étudiée, 1973–2014 :
- Libre
- Semi-libre
- Non libre
- L'Indice de démocratie de l'Economist Intelligence Unit publié en , plus le pays est vert, plus il est considéré démocratique, la Norvège étant le pays le plus démocratique à 9,93), tandis que (la Corée du Nord étant le moins démocratique à 1,08).
- Évaluations politiques des pays selon l'étude Freedom in the World de Freedom House, en 2016 :
- Libre
- Semi-libre
- Non libre
- Les pays en bleu sont appelés « démocraties électorales » dans l'étude Freedom in the World [PDF] de Freedom House en 2010.
- Carte du monde présentant les données du rapport Polity pour l'année 2011. Une couleur bleue indique une démocratie.
- En vert, régimes qui se désignent eux-mêmes comme démocratie.
La fin de l'URSS et des démocraties populaires liées
Mikhaïl Gorbatchev, dirigeant l'URSS depuis 1985, considéré moins autoritaire que ses prédécesseurs, mène une politique de réformes économiques (perestroïka) et politiques (glasnost). Cela a pour effet de réveiller les contestations des États membres de l'URSS, ce qui cause l'effondrement des régimes communistes d'Europe de l'Est, la fin des démocraties populaires et la dislocation de l'URSS.