Falun Gong
discipline spirituelle originaire de Chine / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Le Falun Gong (chinois simplifié : 法轮功 ; chinois traditionnel : 法輪功 ; litt. « pratique de la roue de la loi »[1]), dont le nom officiel est Falun Dafa (法轮大法 / 法輪大法, grande loi de la roue de la loi[2]), est un mouvement spirituel inspiré du qigong, créé par Li Hongzhi. Son enseignement combine la pratique de la méditation, avec des exercices aux mouvements lents et souples, ainsi que le travail sur soi à travers ce qu'il appelle les trois principes fondamentaux : l'authenticité, la bonté et la tolérance. En dépit du fait que les universitaires occidentaux le considèrent comme un nouveau mouvement religieux (NRM), les adeptes refusent catégoriquement cette classification[3],[4].
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Nom original |
Falun Dafa |
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Nature | |
Lien religieux |
Personnages importants | |
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Lieux importants | |
Principaux ouvrages |
Zhuan Falun |
Date d'apparition | |
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Modernité |
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Créé en 1992, le Falun Gong est d'abord rapidement reconnu et soutenu par les autorités chinoises. Sa popularité s'accroît grâce à des témoignages de guérisons et d'amélioration de la santé, le mouvement atteignant entre deux et soixante millions de pratiquants fin 1994. Les autorités chinoises exercent alors des pressions pour rendre la pratique payante et renforcer l'influence du Parti communiste chinois (PCC) sur cette dernière, mais sans succès.
Le PCC, dirigé alors par Jiang Zemin, devient par conséquent hostile au Falun Gong et commence en 1999 la répression de cette pratique sur le territoire de la république populaire de Chine (RPC). Le Bureau 610 est créé, afin de coordonner cette répression et les pratiquants sont dénoncés et arrêtés à travers la Chine. Lors de leur emprisonnement, ils sont sujets à de mauvais traitements ainsi qu'à des prélèvements d'organes non consentis.
Le Falun Gong continue d'être pratiqué clandestinement en Chine. Il s’est également développé en dehors de la Chine.
Dans ses écrits, Li Hongzhi affirme que des extra-terrestres sont présents sur Terre, tient des propos apocalyptiques et critique le métissage[5],[6],[7]. The Epoch Times, un journal proche de l'organisation, a soutenu le président Donald Trump et relaie les théories conspirationnistes de QAnon et de la droite américaine contre le Parti démocrate parce que celui-ci est perçu comme assez favorable à la Chine communiste[8].
Le , Li Hongzhi, un maître de qi gong du nord-est de la Chine, donne son premier séminaire public sur le Falun Gong dans la ville de Changchun. Il présente le Falun Gong comme une pratique issue des « traditions ancestrales millénaires de developpement personnel[9] » et participe à la renaissance du qi gong, combattu pendant la révolution culturelle. Selon David Palmer, Li Hongzhi associe à cette pratique une doctrine moraliste et apocalyptique[10]. David Ownby constate lui que l'aspect apocalyptique est inspiré des écrits bouddhistes populaires et n'est pas mis en avant dans le discours de Li Hongzhi, avant le début de la répression de 1999. Même après cette date, il reste marginal parmi les pratiquants d'Amérique du Nord au moins[11].
Dans le contexte culturel de la Chine, le Falun Gong est généralement décrit comme un système de qi gong, nom moderne donné à l’ancien terme « xiulian » (chinois : 修炼 ; pinyin : xiū liàn ; litt. « cultivation-pratique »), signifiant cultiver l’esprit et en même temps exercer le corps[12]. Les traditions orientales ne considèrent pas le corps et l’esprit comme indépendants et enseignent à les harmoniser en travaillant sur l’un comme sur l’autre. De multiples variétés de « cultivation-pratique » se retrouvent partout dans l'histoire chinoise. Elles sont issues des traditions bouddhistes, taoïstes et confucéennes et recouvrent également le domaine des arts martiaux internes[13],[14]. Richard Madsen, professeur à l’Université de Californie à San Diego, souligne que la culture traditionnelle chinoise a une « interprétation profonde de la matière et de l'esprit, du corps et de l’âme[15] ». Selon Zhao Yuezhi, analyste principale et professeur à l’Université Simon Fraser au Canada, « le Falun Gong, comme d’autres formes de qi gong, met l’accent sur l'unité de guérison physique et spirituelle, contrairement à la distinction faite en Occident entre médecine et spiritualité. Pour amener à l’amélioration de la santé, les exercices physiques doivent être accompagnés par la cultivation morale et les exercices spirituels permettant de concentrer l'esprit. Dans le cas du Falun Gong, les valeurs à cultiver sont authenticité (chinois : 真 ; pinyin : zhēn), bonté (chinois : 善 ; pinyin : shàn) et tolérance (chinois : 忍 ; pinyin : rěn)[16]. » Benjamin Penny, professeur d'histoire chinoise à l'Université nationale australienne, souligne aussi l’importance de ces valeurs dans le Falun Gong[17] et écrit : « la meilleure façon de décrire le Falun Gong est de l’assimiler à un système de cultivation. Les systèmes de cultivation sont une caractéristique de la vie chinoise depuis au moins 2 500 ans et probablement beaucoup plus longtemps[18]. » David Ownby a aussi qualifié le Falun Gong de « nouveau mouvement religieux[4] », catégorisation qui, selon Helen Farley, fait consensus parmi les universitaires occidentaux[3]. Cette dernière affirme que les pratiquants de Falun Gong refusent cette catégorisation. David Ownby explique que ce refus vient simplement du fait qu’en Chine seuls cinq dogmes sont reconnus comme religion, le bouddhisme, le taoisme, l’islam, le protestantisme et le catholicisme[19] : « Quand les pratiquants du Falun Gong disent « nous ne sommes pas une religion », il ne s’agit pas d’un commentaire érudit sur la nature profonde de leurs pratiques comparées à d’autres considérées plus « religieuses ». L’affirmation renvoie davantage au contenu de la Constitution de la république populaire de Chine qui ne reconnaît le statut de « religion » qu’à cinq dogmes : le bouddhisme, le taoïsme, l’islam, le protestantisme et le catholicisme. L’interprétation de cette remarque devient alors très facile: le pratiquant renonce tout simplement à revendiquer un statut qui, il le sait parfaitement bien, ne lui sera jamais accordé dans son pays. Un statut dont il ne voudrait de toute façon pas, renvoyant à un concept importé qui le laisse indifférent. »
En Occident, vu la difficulté à lui trouver un équivalent, le Falun Gong est généralement vu comme une pratique ou un mouvement spirituel. Aux États-Unis, dans la Résolution 605 votée le 16 mars 2010 par la Chambre des représentants des États-Unis demandant l'arrêt immédiat de la persécution du Falun Gong en Chine, ce dernier est qualifié de « mouvement spirituel » et de « discipline spirituelle traditionnelle chinoise »[20]. En Europe, dans la Résolution du Parlement européen du 12 décembre 2013 sur le prélèvement d'organes en Chine, le Falun Gong est considéré comme une « pratique spirituelle[21] ». Edward McMillan-Scott, vice-président du Parlement européen, parle d'« exercices spirituels[22] » et d'un « mouvement spirituel[23] ». Amnesty International décrit le Falun Gong comme un « mouvement qui pratique une méthode de méditation associée à des exercices respiratoires[24] » ou un « mouvement spirituel[25] ». Human Rights Watch indique que le Falun Gong est « une forme de qigong, un ancien système chinois d'exercice de respiration profonde, parfois combiné avec de la méditation[26] ».
La méthode du Falun Gong vise le bien-être physique et mental. Elle se compose de deux éléments complémentaires : la pratique des exercices pour travailler sur le corps et la cultivation de l’esprit et du cœur, appelée aussi l'élévation du xinxing (chinois : 心性 ; pinyin : xīn xìng).
Exercices
Le Falun Gong propose quatre exercices simples en position debout et une méditation en position assise. Comme dans beaucoup de méthodes de qigong, ces exercices utilisent des mouvements lents et souples, voire des postures immobiles et sont destinés à débloquer les méridiens, purifier le corps et accroître la concentration. Ces exercices constituent l'aspect du Falun Gong qui ressemble le plus au qigong. Même s'ils sont nécessaires, ils sont considérés comme secondaires par rapport à l'élévation du xinxing[27].
Le premier exercice, appelé « Bouddha étend ses mille bras », est destiné à faciliter la libre circulation de l'énergie dans le corps et à ouvrir les méridiens. Le second exercice, « Position debout du Falun », consiste en quatre postures statiques, chacune similaire à la tenue d’une roue invisible, pendant une période de temps prolongée. L'objectif de cet exercice est d’augmenter le niveau d’énergie. Le troisième, « Relier les deux pôles cosmiques », comporte trois séries de mouvements permettant d'expulser la mauvaise énergie du corps (par exemple, l’énergie pathogène ou qi noir) et la remplacer par de la bonne énergie. Grâce à la pratique de cet exercice, le pratiquant est censé nettoyer et purifier son corps. Le quatrième exercice, « Le circuit céleste du Falun », vise à faire circuler l'énergie librement dans tout le corps. Contrairement aux quatre premiers, le cinquième exercice est effectué assis en position du lotus ou du demi-lotus pour les débutants. Appelé « Renforcer les pouvoirs divins », c'est une méditation destinée à être maintenue aussi longtemps que possible et il est considéré par Li Hongzhi comme l'exercice le plus avancé[27].
Les exercices du Falun Gong peuvent se pratiquer individuellement ou en groupe pendant une durée variable en fonction des besoins et de la disponibilité de chacun[28]. Ils sont enseignés gratuitement par des bénévoles[29]. Les pratiquants de Falun Gong sont invités à lire les livres de Falun Gong et à pratiquer les exercices de façon régulière, de préférence quotidiennement[29].
Principes
L'élévation du xinxing est censée être atteinte, d'une part, en harmonisant sa vie avec les trois principes qui constituent la nature fondamentale de l'univers : authenticité, bonté et tolérance ou Zhen-Shan-Ren[30],[31] et, d'autre part, en abandonnant les pensées et comportements négatifs[32]. Le perfectionnement de soi selon ces trois principes est considéré comme essentiel dans la pratique du Falun Gong[33].
Le Falun Gong met en avant deux autres principes : la vertu (chinois : 德 ; pinyin : dé) et le karma (chinois : 业 ; pinyin : yè) dans le sens de karma négatif[34]. La première est obtenue en faisant de bonnes actions et en supportant la souffrance, le second s'accumule en commettant de mauvaises actions. La vertu d'une personne détermine sa bonne fortune et sa capacité à s'élever spirituellement. Inversement, un karma important apporte la souffrance, la maladie et la séparation d'avec la nature de l'univers[34]. L’élévation spirituelle est accomplie par l'élimination du karma et l'accumulation de la vertu[35].
Enseignements
Le Falun Gong enseigne que l’être humain possède originellement la même nature Zhen-Shan-Ren que l’univers[36]. Toutefois, les êtres humains sont « tombés » dans un monde d’illusion et de souffrance après avoir développé de l'égoïsme et accumulé du karma[37]. Afin de retrouver sa « nature originelle », il faut s'assimiler à la nature de l’univers, abandonner les mauvaises pensées et actions et rembourser le karma[38].
Pour éliminer le karma, les pratiquants, dans leur vie quotidienne, doivent faire preuve de tolérance et de patience lorsqu'ils rencontrent des difficultés[39]. Avant d'être surmonté, le stress vécu au quotidien par les pratiquants peut aussi contribuer à la réduction du karma[40]. L'élévation spirituelle est également atteinte en abandonnant les attachements. Avoir des biens matériels n’est pas un problème, par contre être attaché aux choses matérielles en est un[32]. Il est recommandé d’abandonner les addictions telles que le tabagisme ou la consommation d'alcool car elles constituent aussi des attachements[41]. Un intérêt excessif pour la politique pourra aussi devenir un attachement au pouvoir et à l'influence dans le monde. Selon Hu Ping, un intellectuel et rédacteur en chef du plus vieux magazine dissident chinois, « Le Falun Gong ne traite que de la purification de l'individu par l'exercice, et n'aborde pas les préoccupations sociales ou nationales. Il n'y a pas de suggestions ou même de sous-entendu mentionnant un modèle de changement social »[42].
D'après David Ownby, les principes guidant vers une élévation spirituelle ne constituent pas dans le Falun Gong un ensemble de préceptes et de règles, mais plutôt une base de connaissances que chacun va comprendre et aborder en fonction de son propre vécu et de sa propre situation[43]. Le travail sur soi n'est pas égoïste et vise au contraire à traiter les autres avec compassion et bienveillance[44]. Stephen Chan, professeur à l’Université de Londres, dresse un parallèle entre le Falun Gong et le bouddhisme en affirmant que les deux partagent la même doctrine principale de bonté et de compassion inconditionnelles envers les autres[45].
Le Falun Gong se fait l'écho des traditions chinoises selon lesquelles les êtres humains sont reliés à l'univers par l'esprit et le corps. Li Hongzhi incite à remettre en question « les mentalités conventionnelles » relatives à la nature et la genèse de l'univers, à l'espace-temps et au corps humain[46]. Le Falun Gong s'appuie sur les traditions d’Asie de l'Est et sur la médecine traditionnelle chinoise, critique les limites que s’impose elle-même la science moderne et voit la science traditionnelle chinoise comme un système ontologique totalement différent et tout aussi valable[16]. Cependant, il emprunte des idées scientifiques modernes pour présenter une partie de son enseignement - notamment en faisant des références à la théorie atomique et l'énergie nucléaire[47]. Selon David Ownby, « Li Hongzhi présente sa vision à la fois comme un retour à une tradition spirituelle perdue ou négligée, et comme une contribution majeure à la science moderne », tandis que de nombreux intellectuels chinois qui ont commencé à pratiquer le Falun Gong, affirment qu’en expliquant la relation de la science aux « grandes structures cosmiques et questions existentielles », Li Hongzhi a rendu la science plus importante que jamais[48]. Cet avis est partagé par Richard Madsen[49].
Textes
Le premier recueil des enseignements, Falun Gong de Chine ou tout simplement Falun Gong, a été publié en . C’est un texte d'introduction qui traite du qigong, des principes de la pratique et de la cultivation du xinxing. Le livre fournit ainsi des illustrations et des explications sur les exercices et la méditation[27] et Li Hongzhi y développe la spiritualité du mouvement, expliquant notamment que les pratiquants peuvent développer leurs pouvoirs supernaturels au travers du Falun, entité intelligente qu'il a lui-même implantée dans leur abdomen[50]. Le corps principal de l'enseignement est décrit dans Zhuan Falun (zh) (转法轮), publié en . Le livre est divisé en neuf leçons et est basé sur les transcriptions écrites des conférences que Li Hongzhi a données dans toute la Chine au cours des trois années précédentes[51]. Ces deux livres, écrits en chinois, ont depuis été traduits en 38 autres langues.
Symboles
Le symbole de la pratique est le Falun (Roue du Dharma, ou Dharmachakra en sanskrit). Le titre du recueil principal des enseignements du Falun Gong, Zhuan Falun, signifie littéralement « Tourner la Roue de la Loi »[52]. Ce symbole est présent dans le bouddhisme depuis sa naissance il y a environ 2 500 ans. Dans le Falun Gong, il est une représentation miniature de l'Univers[53]. Cette « Roue de la Loi » contient à la fois un grand et quatre petits swastikas, qui sont la marque particulière des bouddhas, ainsi que quatre petits Taiji (symboles yin-yang), représentant le Tao[53].
Organisation
Les enseignements du Falun Gong incluent un point fondamental : le Falun Gong est destiné à être « sans forme », n’ayant que peu ou pas d’organisation formelle[54],[55],[56]. Il n'existe aucune liste ou registre des pratiquants ; ces derniers sont libres de participer à la pratique et de suivre les enseignements à leur propre rythme. Les pratiquants ne doivent pas imposer aux autres ce qu'il faut croire ou comment se comporter[29],[42],[57]. Le fondateur du Falun Gong, Li Hongzhi, n'intervient pas dans la vie personnelle des pratiquants qui n'ont que peu ou pas de contact avec lui, sauf à travers l'étude de ses enseignements[29],[58].
Selon Craig Burgdoff, professeur en théologie, il n'existe pas de hiérarchie dans le Falun Gong, et l'accent n'est pas mis sur la discipline dogmatique, la seule chose soulignée étant le besoin d'un comportement moral strict[58]. L’organisation est décentralisée avec des associations régionales, des clubs universitaires et des réseaux d'« assistants » ou « contacts locaux » présents dans plus de soixante-dix pays en dehors de la Chine continentale. Ces « contacts locaux » sont des bénévoles qui ne bénéficient d’aucun privilège, autorité ou titre, quel que soit le moment où ils ont commencé la pratique[59],[58].
Les séances d’exercices et de méditation sont décrites comme des groupes informels de pratiquants qui se réunissent habituellement dans les parcs pendant une à deux heures[29],[55],[60]. Les séances d'étude en groupe se tiennent généralement le soir dans des résidences privées, dans des salles de classe d’universités et d’établissements du secondaire, où les pratiquants lisent, discutent le contenu des enseignements et échangent leurs expériences[61]. Les individus qui sont trop occupés, isolés ou qui préfèrent tout simplement la solitude peuvent choisir de pratiquer seuls[62]. Bien que la participation dans toutes les activités de Falun Gong est gratuite, quand il y a des dépenses importantes à couvrir - comme pour la location de matériel pour des conférences de grande envergure - les coûts sont défrayés par des bénévoles relativement aisés[60],[62].
L’absence de structure hiérarchique est remplacée par l'utilisation intensive d'Internet permettant de former une communauté virtuelle des pratiquants. En particulier, et surtout depuis le lancement de la persécution en Chine, des communications électroniques et plusieurs sites de publication et d'information constituent le principal moyen de coordination des activités et de diffusion des enseignements de Li Hongzhi[63],[55],[64].
Organisation en Chine continentale
À partir de 1993, conformément aux exigences de la Société de recherche scientifique sur le qigong de Chine (SRQC), le Falun Gong a été organisé en un réseau national de centres d'assistance, « stations principales », « branches », « stations d'orientation » et sites de pratique locale, reflétant la structure de la SRQC ou même celle du Parti communiste[65],[66]. Les assistants de Falun Gong étaient sélectionnés parmi les bénévoles qui enseignaient les exercices, organisaient des cours et diffusaient les écrits de Li Hongzhi. La Société de recherche de Falun Dafa donnait des conseils aux étudiants sur les techniques de méditation, fournissait des services de traduction et coordonnait la pratique à l’échelle nationale[65].
Les tentatives des autorités chinoises de renforcer leur contrôle sur le Falun Gong ont provoqué l’effet inverse. Après son départ de la SRQC en 1996, le Falun Gong reste hors de la règlementation gouvernementale[67]. En se retrouvant sous une surveillance accrue des autorités, il a réagi en adoptant une structure organisationnelle plus décentralisée et souple[29]. En 1997, la Société de recherche de Falun Dafa a été officiellement dissoute, ainsi que les « principales stations » régionales[68],[69]. Cependant, les pratiquants ont continué à s'organiser au niveau local, étant connectés au moyen des communications électroniques, des réseaux interpersonnels et des sites d'exercices de groupe[29]. Les deux sources, celle du Falun Gong ou celle du gouvernement chinois, ont affirmé qu'il y avait quelque 1 900 stations d'orientation et 28 263 sites locaux d'exercices de Falun Gong dans le pays jusqu’en 1999[70].
À partir de juillet 1999, en réponse à la répression, le Falun Gong a été forcé à la clandestinité. La structure organisationnelle est devenue encore plus informelle en Chine et Internet est devenu un moyen important de communication entre les pratiquants[71]. Les autorités chinoises ont cherché à dépeindre le Falun Gong sous les traits d'une organisation hiérarchisée et bien financée. James Tong, professeur à l’université du Michigan, écrit qu'il était dans l'intérêt du gouvernement de procéder ainsi afin de justifier sa répression : « Plus on pouvait faire apparaître le Falun Gong comme organisé, plus la répression du régime au nom de l'ordre social était justifiée »[72]. Il conclut que les allégations du Parti manquaient « de preuves substantielles à la fois internes et externes », et qu’en dépit des arrestations et de la surveillance, les autorités n’ont jamais « répondu de manière crédible aux réfutations du Falun Gong »[73].
Médias et présence en ligne
Fondée à l'initiative de pratiquants américains du Falun Gong, la chaîne New Tang Dynasty Television diffusée aux États-Unis, en Europe et en Asie (y compris en Chine, via Internet ou satellite) est initialement destinée à être le porte-parole du mouvement. Le Falun Gong s'est également investi dans d'autres médias, dont une radio (Son de l'espoir) et un journal (The Epoch Times). Dépassant le simple relais du mouvement, ces médias agissent comme une voix d'opposition au gouvernement chinois[74]. Ces médias permettent également l'organisation de séances publiques d'enseignement du fondateur Li Hongzhi[75]. De manière générale, le Falun Gong prétend ne pas contrôler ces médias, en dépit du fait qu'ils soient administrés par des adeptes et reprennent la voix du mouvement[75].
Le Falun Gong a également su développer sa présence en ligne. falundafa.org, site principal pour les non-pratiquants, est traduit en plus de quarante langues. Si initialement chaque version linguistique a sa propre apparence pour cibler des publics de cultures différentes (rapprochement avec le bouddhisme sur la version anglaise mais pas sur la version japonaise par exemple), l'ensemble des versions sont uniformisées en 2012 pour donner l'impression d'un mouvement international et multiculturel. Aux côtés de ce site, d'autres sont destinés aux pratiquants, comme fr.minghui.org, et assure les liens entre des communautés dispersées. Depuis la répression chinoise, le Falun Gong existe ainsi essentiellement comme une communauté en ligne réunissant des groupes locaux de quelques dizaines de personnes[75].
Démographie
On ne peut pas évaluer avec certitude le nombre de pratiquants de Falun Gong car il n'y a pas d'inscription, donc pas de « registres »[76]. En dehors de la Chine, le Falun Gong est pratiqué par des centaines de milliers, voire des millions de personnes à travers le monde[77]. Les plus grandes communautés se trouvent à Taïwan et dans les villes nord-américaines. Les enquêtes démographiques menées par Palmer et Ownby ont mis en évidence que l'âge moyen des pratiquants était d'environ 40 ans[78]. Parmi ceux ayant répondu à l’enquête, 56 % étaient des femmes et 44 % des hommes. 80 % étaient mariés. Les enquêtes ont révélé que les personnes interrogées étaient très instruites : 9 % détenaient un doctorat, 34 % avaient un diplôme de niveau bac + 5, et 24 % avaient un diplôme de niveau bac + 3 à bac + 4[78].
Selon les sources occidentales, le gouvernement chinois, avant juillet 1999, estimait le nombre de pratiquants du Falun Gong à près de 60 ou 70 millions dans tout le pays, un chiffre rivalisant avec le nombre d'adhérents au Parti communiste[79],[80],[81],[82],[83]. Au moment de la répression en juillet 1999, la plupart des membres du gouvernement chinois déclarèrent que le nombre de pratiquants se situait aux alentours de 2 ou 3 millions[69],[84], même si quelques publications fixaient le chiffre à environ 40 millions[65],[85]. La plupart des estimations venant du Falun Gong à la même période évaluaient le nombre total de pratiquants en Chine de 70 à 80 millions[86],[65],[87]. D'autres sources estiment que les effectifs du Falun Gong en Chine avaient atteint un pic se situant entre 10 et 60 millions de pratiquants[88].
Les enquêtes démographiques menées en Chine en 1998 déterminèrent que les pratiquants étaient en majorité des femmes et des personnes d’âge mûr[89]. Le Falun Gong dépassait les barrières ethniques et sociales et attirait différents types de population, y compris des jeunes étudiants, des bureaucrates, des intellectuels et des responsables du Parti communiste[90]. Les enquêtes en Chine dans les années 1990 révélèrent qu'entre 23 % et 40 % de pratiquants avaient obtenu un diplôme universitaire ou un autre diplôme de haut niveau d’étude. Ces pourcentages étaient plusieurs fois plus élevés que la moyenne de la population[29].
À partir de juillet 1999, date qui marque le début de la persécution du Falun Gong par les autorités, le nombre de pratiquants en Chine est difficile à confirmer, bien que certaines sources estiment que des millions peuvent continuer à le pratiquer en privé[91].
Profils des adeptes
Selon une étude menée par David Ownby, les pratiquants sont intéressés par ordre décroissant d'importance par la doctrine sur le fonctionnement de l'Univers, la possibilité d’élévation spirituelle, les bienfaits pour la santé, les exercices et Li Hongzhi[92]. L'enquête de Scott Lowe a constaté que les enseignements spirituels du Falun Gong et la possibilité d’acquérir une bonne santé étaient les raisons les plus courantes pour commencer la pratique. Plusieurs répondants ont conclu que d'autres formes de qigong « manquent de profondeur, sont esotériques et superficielles », tandis qu’ils ont caractérisé le Falun gong comme étant le « système le plus complet, efficace et universel de cultivation spirituelle »[86].
De manière plus générale, le gain rapide d'adeptes du Falun Gong dans les années 1990 et le maintien de certains en dépit de la répression est à mettre en lien avec la persistance d'un besoin religieux dans la société chinoise. Mettant en avant un salut universel face aux influences jugées néfastes de la science, de l'État et de l'argent, le mouvement parvient à englober des profils variés en dépit de son sectarisme et de son dogme singulier[93].
Création et essor du Falun Gong
Le Falun Gong est présenté au public par Li Hongzhi au printemps 1992. C'est alors la fin du « boom du qigong », une période pendant laquelle des milliers de disciplines spirituelles ont proliféré à travers la Chine. Entre mai 1992 et décembre 1995, Li Hongzhi organise des conférences et des séminaires d'une durée de huit à dix jours dans toute la Chine à des prix relativement modestes[94]. Le 13 mars 1995, à l'invitation de l'ambassade de Chine en France, Li Hongzhi donne un séminaire de sept jours à Paris, suivi en avril d'une série de conférences en Suède[48],[27].
À l'époque, la Société de recherche scientifique sur le qigong de Chine (SRQC), organisme géré par l'État et administré par de hauts fonctionnaires du Parti communiste et du gouvernement, encadre la pratique, la diffusion et la recherche sur les différents qigong[95]. Ces derniers comptent parfois jusqu'à plusieurs millions de pratiquants[61],[96]. Le 30 juillet 1992, la Société de recherche de Falun Xiulian Dafa est établie comme succursale de la SRQC[97], et Li Hongzhi est autorisé à enseigner dans toute la Chine[98]. Le mois suivant, la SRQC transmet à Li Hongzhi une lettre émanant d'une organisation rattachée au Ministère de la santé, le remerciant pour les enseignements donnés aux policiers blessés pendant l'exercice de leurs fonctions[38],[48].
D'après David Ownby, professeur d'histoire et membre du Centre d'études de l'Asie de l'est à l'université de Montréal, Li Hongzhi est rapidement devenu une « star du mouvement du qigong[47] » et le gouvernement perçoit dans le Falun Gong un moyen efficace de réduire les frais de dépenses médicales, de promouvoir la culture chinoise et d'améliorer la moralité des Chinois. En 1992, l'organisateur du Salon d'Orient de la santé déclare que le Falun Gong et Li Hongzhi « ont reçu le plus d'éloges [de toutes les écoles de qigong] présentes et ont réussi à obtenir de très bons résultats thérapeutiques »[48]. Au Salon d'Orient de la santé de 1993, Li Hongzhi reçoit le titre de « Maître de qigong le plus acclamé », et le Falun Gong se voit décerner le « Prix d’or spécial » et le prix pour « Faire avancer les frontières de la science »[38]. En août 1993, la discipline obtient la reconnaissance de la SRQC[99], et une publication du Ministère de la sécurité publique remercia Li Hongzhi pour « promouvoir les traditions non-violentes du peuple chinois, préserver l'ordre social et la sécurité publique, et promouvoir la moralité dans la société »[100]. Devenue désormais l'une des plus importantes écoles de qigong en Chine, le Falun Gong compte fin 1994, selon différentes estimations, entre 2 et 60 millions de pratiquants[101]. Ces derniers sont issus de toutes les couches sociales et beaucoup sont fonctionnaires du PCC[86],[102]. Par la suite, des journaux publieront des reportages sur le succès du Falun Gong et les bienfaits de ses méthodes thérapeutiques[38],[94].
Le coût des stages, conférences, livres et cassettes d’enseignements du Falun Gong étaient plus bas que d'autres écoles de qigong, et en 1994, Li Hongzhi introduit la gratuité de l'enseignement de sa méthode[48].
Débuts des tensions avec le gouvernement
Des tensions avec la SRQC apparaissent dès 1995 quand les autorités chinoises veulent accroître leur influence sur le Falun Gong et intervenir dans son organisation[29]. Le Ministère de la santé publique, la Commission nationale des sports et la SRQC tentèrent d'approcher Li Hongzhi pour créer conjointement une association du Falun Gong, une offre que le fondateur de la pratique déclina. D'après David Palmer, la SRQC établit une nouvelle directive en 1996 tentant d'imposer à toutes les pratiques de qigong de créer des branches du Parti communiste au sein de leur organisation[61],[103] ; une exigence à nouveau rejetée par Li Hongzhi. En outre, selon Danny Schechter, du fait de la grande popularité du Falun Gong, des coûts très bas puis de la gratuité de son enseignement, certains maîtres de qigong accusèrent Li Hongzhi de les priver de leurs revenus; la SRQC demanda à ce dernier de régler cette situation[46].
Par la suite, le Falun Gong se retire de la SRQC car cette dernière « ne cherchait pas à comprendre le qigong, mais à en bénéficier financièrement »[103],[104]. Dès lors, le Falun Gong demeure hors du circuit fermé des relations personnelles et du financement établi par la SRQC, à travers lesquels les maîtres de qigong peuvent exister en bénéficiant de leurs liens avec les hauts fonctionnaires du Parti et le gouvernement[105]. Les pratiquants de Falun Gong restent hors de la surveillance du Parti et de la réglementation gouvernementale[104].
Des sources provenant du Falun Gong affirment que des membres de la SRQC ont alors commencé à colporter des rumeurs au sujet de Li Hongzhi et du Falun Gong auprès des autorités, les pressant de prendre des mesures pour limiter son succès grandissant[106]. Des articles affichant un certain scepticisme commencent à apparaître dans les médias de l'État[107].
Le , le Guangming Daily, un journal influent de l’État, publie un article polémique contre le Falun Gong dans lequel son livre principal, Zhuan Falun, est décrit comme un exemple de « superstition féodale »[48],[107]. L'auteur y écrit que l'histoire de l'humanité est une « lutte entre la science et la superstition », et appelle les éditeurs chinois à ne pas imprimer de « livres pseudo-scientifiques ». Jusque-là, le Falun Gong avait négocié avec succès l'espace entre la science et la tradition dans la représentation publique de ses enseignements, en évitant toute suggestion de superstition[108]. L'article est suivi par au moins une vingtaine d’autres dans les journaux d’État à travers tout le pays. Peu après, le 24 juillet, le département central de la propagande interdit toute publication des livres du Falun Gong (bien que cette interdiction n'ait pas toujours été appliquée)[107],[109].
Ces événements sont un défi important pour le Falun Gong, et ses pratiquants ne le prennent pas à la légère[110]. Des milliers d'entre eux écrivent au Guangming Daily et à la SRQC pour contester ces mesures, affirmant qu'elles violent la directive du « Triple non », émise en 1982 par Hu Yaobang, le Secrétaire général du Parti communiste d'alors, interdisant aux médias « d'encourager ou de critiquer les pratiques de qigong »[107]. Entre 1996 et 1999, quelque trois cents manifestations pacifiques ont lieu en protestation contre le traitement injuste des médias à l'égard de la pratique. Ces protestations ne sont ni condamnées ni interdites et la plupart des médias se rétractent et reviennent sur leurs positions[111],[68].
Manifestations à Tianjin et Zhongnanhai
En mai 1998, le physicien He Zuoxiu, membre de l'Académie chinoise des sciences et délégué de la Conférence consultative du peuple chinois, dénigre le Falun Gong au cours d'un talk-show retransmis à la télévision de Pékin. En réponse, des pratiquants de Falun Gong se rendent à la station de télévision et manifestent silencieusement pour demander une rétractation. Le journaliste responsable du programme a été, semble-t-il, licencié, et un programme favorable au Falun Gong a été diffusé quelques jours plus tard[112],[113],[114].
Entre-temps, alors même que la critique du qigong et du Falun Gong s’intensifie dans certains milieux, la pratique conserve un grand nombre de soutiens éminents au sein du gouvernement. Qiao Shi, le président récemment retraité du Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire, lance sa propre enquête sur le Falun Gong. Après des mois d'investigation, son groupe conclut que « le Falun Gong avait des centaines d'avantages pour les Chinois et la Chine, et pas un seul inconvénient »[115]. Toujours en mai 1998, la Commission nationale des sports de Chine lance sa propre enquête sur le Falun Gong. Se basant sur des entretiens avec plus de 12 000 pratiquants dans la province du Guangdong, dont 97,9 % disent que le Falun Gong a amélioré leur santé[116], le responsable de l’enquête déclare : « Nous sommes convaincus que les exercices et les effets du Falun Gong sont excellents. Le Falun Gong a remarquablement contribué à améliorer la stabilité et la moralité de la société. Ceci devrait être dûment reconnu »[100].
Un an plus tard, le , He Zuoxiu publie dans la revue éditée par l'université de Tianjin un article qui critique le Falun Gong comme superstitieux et potentiellement dangereux pour les jeunes[117]. Six mille pratiquants se rendent alors à l'université de Tianjin, devant le siège de la revue, pour exiger que celle-ci publie un désaveu de l'article. L'affaire se termine cette fois par l’arrivée de la police anti-émeute, des pratiquants sont battus et quarante-cinq sont interpellés[118],[119].
Le , à la suite de ces arrestations, dix mille pratiquants protestent calmement devant le Bureau central des pétitions situé à proximité du quartier gouvernemental de Zhongnanhai à Pékin. Pendant 13 heures, sans banderole ni slogan, ils demandent la libération des leurs et le droit de pratiquer librement[120]. Une délégation est reçue par le Premier ministre Zhu Rongji qui lui aurait assuré que les prisonniers seraient libérés et que personne ne serait inquiété[121]. Plus tard, David Ownby verra dans cette manifestation « un début spectaculaire à la fin du mouvement du qigong »[122], qui marque un tournant dans la politique du Parti communiste chinois à l'égard du Falun Gong[123].
Le Secrétaire général du Parti, Jiang Zemin, a été informé de la manifestation par le membre du Politburo Luo Gan[84], et aurait montré des signes d’irritation devant cette audace. C’était la plus importante manifestation en Chine depuis les manifestations de la place Tian'anmen dix ans plus tôt. Jiang Zemin a appelé à une action résolue pour éradiquer le Falun Gong[69], et aurait critiqué le Premier ministre Zhu Rongji, « trop mou » dans sa gestion de la situation[46]. Ce soir-là, Jiang Zemin a rédigé une lettre indiquant son désir de voir le Falun Gong « vaincu ». Dans cette lettre, il exprima ses inquiétudes devant l’ampleur et la popularité du Falun Gong, et en particulier du grand nombre de hauts fonctionnaires du Parti communiste pratiquant le Falun Gong[124]. Il a également laissé entendre que la philosophie morale du Falun Gong était en contradiction avec les valeurs du marxisme-léninisme, et constituait donc une forme de concurrence idéologique[125].