Grand Prix automobile d'Allemagne 1957
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Le Grand Prix d'Allemagne 1957 (XIX Grosser Preis von Deutschland), disputé sur le Nürburgring le , est la soixante-deuxième épreuve du championnat du monde de Formule 1 courue depuis 1950 et la sixième manche du championnat 1957. La course est également ouverte aux monoplaces de Formule 2, qui bénéficient d'un classement séparé.
Nombre de tours | 22 |
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Longueur du circuit | 22,810 km |
Distance de course | 501,820 km |
Météo | temps chaud et ensoleillé |
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Affluence | plus de 100 000 spectateurs |
Vainqueur |
Juan Manuel Fangio, Maserati, 3 h 30 min 38 s 8 (vitesse moyenne : 142,937 km/h) |
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Pole position |
Juan Manuel Fangio, Maserati, 9 min 25 s 6 (vitesse moyenne : 145,184 km/h) |
Record du tour en course |
Juan Manuel Fangio, Maserati, 9 min 17 s 4 (vitesse moyenne : 147,320 km/h) |
Le championnat du monde
Couru depuis 1954 sous la réglementation Formule 1 2,5 litres (moteur 2 500 cm3 atmosphérique ou 750 cm3 suralimenté, carburant libre[1], le championnat du monde des conducteurs est cette saison encore dominé par Juan Manuel Fangio, déjà titré à quatre reprises, qui s'est imposé en Argentine, à Monaco et en France au volant de sa Maserati. Le pilote argentin a toutefois marqué le pas au Grand Prix de Grande-Bretagne, où Stirling Moss a donné à Vanwall sa première victoire internationale. Néanmoins, avec encore douze points d'avance sur le pilote de la Scuderia Ferrari Luigi Musso, Fangio pourrait en cas de succès au Nürburgring s'assurer, quelle que soit l'issue des deux dernières manches, une cinquième couronne, si son adversaire ne dépassait pas la quatrième place. Bien qu'également inscrite au calendrier mondial, l'épreuve des 500 miles d'Indianapolis, courue en mai sous la formule USAC, est l'apanage des spécialistes américains de la discipline et n'a aucun impact sur l'attribution du titre de champion du monde.
Le circuit
C'est à l'initiative du Docteur Creutz, alors conseiller du Land d'Adenau et président de la section locale de l'ADAC, que l'on doit la réalisation du Nürburgring, au cœur du massif de l'Eifel. Après approbation du projet en , les travaux débutèrent deux mois plus tard pour s'achever au printemps 1927. Pendant ces deux années, deux mille cinq cents ouvriers participèrent à la construction d'un des plus grandioses circuits au monde[2]. Inauguré officiellement le , le circuit comprend deux tracés principaux, la boucle sud (7,7 km) et la boucle nord (22,8 km). Cette dernière est la plus couramment utilisée pour les grandes épreuves internationales. Son parcours très accidenté, comportant près de 180 virages (la plupart aveugles), a la réputation d'être le plus difficile et le plus technique de la saison. En 1956, Juan Manuel Fangio s'était approprié le meilleur tour à la moyenne de 141,19 km/h au volant de sa Ferrari, un record qui devrait être nettement amélioré après le récent resurfaçage de la majeure partie de la piste[3].
Formule 1
- Ferrari 801 "Usine"
Bien que dérivée de la compacte Lancia D50 de 1954, la Ferrari 801 est devenue au fil des évolutions apportées par la Scuderia Ferrari la monoplace la plus lourde du plateau, l'abandon des réservoirs latéraux ayant entraîné un élargissement du châssis, avec usage de tubes renforcés, portant le poids à 650 kg. Le moteur V8 semi-porteur, alimenté par quatre carburateurs Solex, développe environ 280 chevaux à 8500 tr/min. La vitesse de pointe frôle les 290 km/h. L'équipe aligne trois de ces modèles, confiés à Luigi Musso, Peter Collins et Mike Hawthorn, la quatrième voiture, dévolue à Maurice Trintignant, n'ayant pu être préparée à temps pour l'épreuve[3].
- Maserati 250F "Usine"
Juan Manuel Fangio, Jean Behra et Harry Schell disposent des trois 250F 'Lightweight', versions allégées à empattement long apparues en début de saison[4]. Ces voitures de 620 kg sont équipées d'un moteur six cylindres en ligne alimenté par trois carburateurs Weber développant 270 chevaux à 8000 tr/min. Mécontent de son statut de quatrième pilote, l'Argentin Carlos Menditéguy, engagé sur un modèle 1956, a déclaré forfait. Giorgio Scarlatti dispose quant à lui d'une des premières 250F construites, mais bénéficiant des évolutions apportées en 1956. Bien que courant sur sa monoplace personnelle, le pilote espagnol Francisco Godia fait également partie de l'équipe officielle. De son côté, la Scuderia Centro Sud a engagé deux voitures pour Hans Herrmann et Masten Gregory, tandis que les Britanniques Bruce Halford et Horace Gould courent à titre privé[3].
- Vanwall VW "Usine"
Après sa retentissante victoire à Aintree, la première d'un constructeur britannique en championnat du monde, Tony Vandervell a reconduit la même équipe en Allemagne, Tony Brooks et Stuart Lewis-Evans épaulant Stirling Moss, premier pilote. Les trois châssis sont ceux déjà utilisés en Grande-Bretagne, à peine modifiés. Ces voitures ultra modernes ne pèsent que 580 kg, et grâce à leur carrosserie très profilée associée à un moteur quatre cylindres à injection de 285 chevaux atteignent une vitesse de pointe de 300 km/h. Autre atout face à leurs rivales italiennes, elles bénéficient d'un freinage très endurant grâce à leurs quatre disques Dunlop[5].
- BRM P25 "Usine"
Si le constructeur de Bourne bénéficie des services de Behra (vainqueur du Grand Prix de Caen cette saison) et de Schell pour les courses hors-championnat, l'équipe ne dispose que d'un seul pilote de premier plan pour les épreuves mondiales. Sur ce tracé difficile et dangereux, les dirigeants n'ont pas pris le risque de faire appel à des seconds couteaux et n'ont engagé qu'une seule voiture pour Ron Flockhart. Ce dernier n'est malheureusement pas entièrement rétabli de sa sortie de route survenue à Rouen quatre semaines auparavant, et l'équipe britannique doit renoncer à faire courir sa légère (550 kg) et rapide P25 animée par un moteur quatre cylindres développant plus de 270 chevaux[6].
Formule 2
- Cooper T43 "Usine"
Depuis le début de l'année, les petites Cooper dominent les épreuves de Formule 2, catégorie tout récemment réapparue, réservée aux monoplaces de 1 500 cm3. Pesant 350 kg, et équipées d'un moteur quatre cylindres Coventry Climax en position centrale arrière, ces voitures disposent d'une puissance de 140 chevaux à 7000 tr/min et sont capables d'atteindre 240 km/h. Roy Salvadori dispose d'une T43 engagée par l'usine. En association avec l'usine, Rob Walker engage une voiture identique pour Jack Brabham. Trois T43 privées sont également présentes aux mains de Tony Marsh, Brian Naylor et Dick Gibson, tandis que l'Australien Paul England pilote une T41 de l'année passée[3].
- Porsche 550 "Usine"
Porsche, spécialiste de la catégorie sport, a inscrit deux modèles 550 RS (des biplaces auxquelles on a adapté un poste de pilotage central[7]) dans la catégorie F2. Elles sont confiées aux pilotes officiels de la marque Umberto Maglioli et Edgar Barth. Face aux petites monoplaces britanniques, elles sont handicapées par leur poids (530 kg), leur carrosserie profilée leur permettant cependant d'atteindre la même vitesse de pointe avec les 140 chevaux fournis par leur moteur à quatre cylindres à plats, refroidi par air, que leur excellente boîte de vitesses à cinq rapports permet d'exploiter au mieux[3]. Engagé à titre privé, le pilote amateur néerlandais Carel Godin de Beaufort pilote sa Porsche 718 RSK personnelle[8].
- Ferrari Dino 156 "Usine"
La Scuderia Ferrari avait également engagé sa nouvelle monoplace de formule 2 (moteur V6 placé à l'avant, environ 180 chevaux) pour Maurice Trintignant, mais cette voiture, tout comme sa 801 de F1, n'a pu être apprêtée à temps pour la course, le pilote français se retrouvant à pied[3] !
- Lotus 12
Le pilote Dennis Taylor avait prévu d'aligner en Allemagne sa Lotus 12 personnelle. Cette monoplace de moins de 350 kg, équipée de freins à disques et de jantes en magnésium, utilisant le même moteur Climax que les Cooper mais en position avant, aurait pu se montrer compétitive sur le 'Ring', mais le Britannique a finalement annulé son engagement[3].
Les essais qualificatifs se déroulent les vendredi et samedi précédant la course. Les concurrents peuvent toutefois tourner librement dès le jeudi, ce qui va permettre à l'équipe Vanwall, dont c'est la première apparition sur le 'Ring', de dégrossir les réglages pour cette piste spécifique. Cependant, il ne faut que quelques tours à Tony Brooks et Stuart Lewis-Evans pour s'apercevoir que les monoplaces britanniques sont totalement inadaptées au circuit ; d'importantes vibrations se font sentir, les suspensions encaissent très mal les bosses et les pilotes ont d'énormes difficultés à maîtriser les réactions brutales de leurs voitures. Si les temps réalisés semblent acceptables (à environ deux secondes du record établi l'année précédente), les dégradations subies après seulement quelques tours sont extrêmement inquiétantes : les vibrations ont cassé les rétroviseurs, les carrosseries sont fissurées et les amortisseurs ont surchauffé ! D'importantes adaptations seraient nécessaires et les chances de succès de l'équipe de Tony Vandervell paraissent sérieusement compromises, faute de temps et de moyens sur place[3].
Séance du vendredi 2 août
Il fait beau et chaud lorsque débute la première séance qualificative. Les pilotes Vanwall sont les premiers à prendre la piste. Il ne faut cependant pas longtemps à Stirling Moss et à ses coéquipiers pour constater que malgré l'intervention de leurs mécaniciens, les voitures vertes restent très délicates à piloter sur cette piste. Malgré quelques modifications destinées à adoucir le comportement, les vibrations sont toujours présentes, rendant la tenue de route aléatoire. Bien que les plus rapides dans la longue ligne droite, les pilotes ne peuvent faire mieux que 9 min 45 s au tour, loin des monoplaces italiennes. Les châssis se sont à nouveau fissurés après quelques tours et Moss, récent vainqueur en Grande-Bretagne, ne peut masquer son inquiétude.
Chez Maserati, il a suffi de monter des triangles de suspensions renforcés pour adapter les 250F 'Lightweight' aux montagnes russes de l'Eifel. D'emblée, Juan Manuel Fangio, qui adore le circuit, se montre très à l'aise, améliorant nettement son record de l'année précédente. Dans un style très spectaculaire, contrôlant ses dérives à l’accélérateur et plaçant sa voiture avec une précision extrême, il établit un premier temps de référence, en 9 min 34 s, à plus de 143 km/h de moyenne. Alors que ses adversaires commencent à s'inquiéter du niveau de performance atteint par le champion argentin, ce dernier améliore aussitôt, réalisant un époustouflant 9 min 25 s 6 (145,2 km/h) qui laisse ses principaux rivaux pantois ! Mike Hawthorn, le mieux à même de lui donner la réplique au sein de la Scuderia Ferrari, a beau donner son maximum sur ce circuit qu'il connaît parfaitement, il ne peut que constater l'immense supériorité du 'Maestro' : son temps de 9 min 37 s 8, s'il lui vaut la seconde place du jour, le relègue à plus de douze secondes du nouveau record (officieux) de la piste. Et parmi les autres concurrents, aucun n'est descendu sous les 9 min 40 s ! En Formule 2, Roy Salvadori s'est révélé le plus rapide au volant de sa Cooper, devançant de près de cinq secondes la Porsche d'Edgar Barth[3].
Journaliste pour la revue The Motor, le journaliste britannique Rodney Walkerley avouera avoir eu le souffle coupé en assistant au passage de Fangio sous la passerelle, dans le virage à gauche au bout de la longue ligne droite : « Fangio jaillit de la passerelle avec un son semblable à une explosion, le pied à fond après l'avoir à peine soulevé deux cents mètres plus tôt ; il prit la courbe en dérapage total, se battant avec les roues tout du long et disparut, incroyablement plus rapide que n'importe qui d'autre à un point tel qu'il fit paraître Mike Hawthorn lent, ce qu'il n'était certainement pas[10]. »
Séance du samedi 3 août
Au cours de la seconde séance qualificative, également ensoleillée, Fangio ne cherche pas à améliorer son temps de la veille. Les pilotes Ferrari se montrent plus rapides que le vendredi. Reparti à l'assaut, attaquant au maximum, Hawthorn va réussir un excellent chrono, à moins de trois secondes de l'Argentin, s'assurant une place en première ligne au côté de Fangio. Son coéquipier Peter Collins améliore également, occupant longtemps le troisième rang, avant que Jean Behra ne s'intercale entre les deux Ferrari, en fin de session. Les Vanwall se montrent toujours aussi rétives, mais Tony Brooks va pourtant parvenir à réaliser un très probant cinquième temps, au prix d'un courageux effort qui lui vaut une place à la corde de la seconde ligne sur la grille, ayant devancé de cinq secondes son coéquipier Stirling Moss, premier pilote de l'équipe. Barth a quant à lui amélioré de plus de dix secondes son temps de la veille, une performance qui le place en tête des formules 2, devant Salvadori.
Résultats
Pos. | Pilote | Écurie | Temps | Écart |
---|---|---|---|---|
1 | Juan Manuel Fangio | Maserati | 9 min 25 s 6 | - |
2 | Mike Hawthorn | Ferrari | 9 min 28 s 4 | + 2 s 8 |
3 | Jean Behra | Maserati | 9 min 30 s 5 | + 4 s 9 |
4 | Peter Collins | Ferrari | 9 min 34 s 7 | + 9 s 1 |
5 | Tony Brooks | Vanwall | 9 min 36 s 1 | + 10 s 5 |
6 | Harry Schell | Maserati | 9 min 39 s 2 | + 13 s 6 |
7 | Stirling Moss | Vanwall | 9 min 41 s 2 | + 15 s 6 |
8 | Luigi Musso | Ferrari | 9 min 43 s 1 | + 17 s 5 |
9 | Stuart Lewis-Evans | Vanwall | 9 min 45 s 0 | + 19 s 4 |
10 | Masten Gregory | Maserati | 9 min 51 s 3 | + 25 s 7 |
11 | Hans Herrmann | Maserati | 10 min 00 s 0 | + 34 s 4 |
12 | Edgar Barth | Porsche (F2) | 10 min 02 s 2 | + 36 s 6 |
13 | Giorgio Scarlatti | Maserati | 10 min 04 s 9 | + 39 s 3 |
14 | Roy Salvadori | Cooper-Climax (F2) | 10 min 06 s 2 | + 40 s 6 |
15 | Umberto Maglioli | Porsche (F2) | 10 min 08 s 9 | + 43 s 3 |
16 | Bruce Halford | Maserati | 10 min 14 s 5 | + 48 s 9 |
17 | Brian Naylor | Cooper-Climax (F2) | 10 min 15 s 0 | + 49 s 4 |
18 | Jack Brabham | Cooper-Climax (F2) | 10 min 18 s 8 | + 53 s 2 |
19 | Horace Gould | Maserati | 10 min 20 s 8 | + 55 s 2 |
20 | Carel Godin de Beaufort | Porsche (F2) | 10 min 25 s 9 | + 1 min 00 s 3 |
21 | Francisco Godia | Maserati | 10 min 32 s 3 | + 1 min 06 s 7 |
22 | Tony Marsh | Cooper-Climax (F2) | 10 min 48 s 2 | + 1 min 22 s 6 |
23 | Paul England | Cooper-Climax (F2) | 11 min 08 s 4 | + 1 min 42 s 8 |
24 | Dick Gibson | Cooper-Climax (F2) | 11 min 46 s 4 | + 2 min 20 s 8 |
1re ligne | Pos. 4 | Pos. 3 | Pos. 2 | Pos. 1 | |||
Collins Ferrari 9 min 34 s 7 |
Behra Maserati 9 min 30 s 5 |
Hawthorn Ferrari 9 min 28 s 4 |
Fangio Maserati 9 min 25 s 6 | ||||
2e ligne | Pos. 7 | Pos. 6 | Pos. 5 | ||||
Moss Vanwall 9 min 41 s 2 |
Schell Maserati 9 min 39 s 2 |
Brooks Vanwall 9 min 36 s 1 |
|||||
3e ligne | Pos. 11 | Pos. 10 | Pos. 9 | Pos. 8 | |||
Herrmann Maserati 10 min 00 s 0 |
Gregory Maserati 9 min 51 s 5 |
Lewis-Evans Vanwall 9 min 45 s 0 |
Musso Ferrari 9 min 43 s 1 | ||||
4e ligne | Pos. 14 | Pos. 13 | Pos. 12 | ||||
Salvadori Cooper F2 10 min 06 s 0 |
Scarlatti Maserati 10 min 04 s 9 |
Barth Porsche F2 10 min 02 s 2 |
|||||
5e ligne | Pos. 18 | Pos. 17 | Pos. 16 | Pos. 15 | |||
Brabham Cooper F2 10 min 18 s 8 |
Naylor Cooper F2 10 min 15 s 0 |
Halford Maserati 10 min 14 s 5 |
Maglioli Porsche F2 10 min 08 s 9 | ||||
6e ligne | Pos. 21 | Pos. 20 | Pos. 19 | ||||
Godia Maserati 10 min 32 s 3 |
Beaufort Porsche F2 10 min 25 s 9 |
Gould Maserati 10 min 20 s 8 |
|||||
7e ligne | Pos. 24 | Pos. 23 | Pos. 22 | ||||
Gibson Cooper F2 11 min 46 s 4 |
England Cooper F2 11 min 08 s 4 |
Marsh Cooper F2 10 min 48 s 2 |
Si les pilotes privés et ceux de Formule 2 ont d'emblée choisi d'effectuer l'intégralité de la course sans repasser par les stands, les trois équipes principales ont quant à elles longtemps tergiversé sur la meilleure stratégie de course à adopter, le nouveau revêtement du circuit laissant responsables et pilotes dubitatifs quant à la longévité des pneumatiques.
Au sein de la Scuderia Ferrari, on a finalement jugé les pneus Englebert capables de tenir 500 kilomètres et le directeur sportif Romolo Tavoni, en accord avec ses pilotes, table sur une course non-stop. La même stratégie a été adoptée par l'équipe Vanwall, les légères monoplaces britanniques usant généralement peu leurs gommes. Disposant de pneus Pirelli Stelvio à carcasse croisée et gomme tendre, l'équipe officielle Maserati a prévu un ravitaillement et changement de roues aux alentours de la mi-course pour ses quatre pilotes : le directeur sportif Nello Ugolini, qui craint une usure trop importante des pneus avec le plein de carburant, a préféré opter pour un départ avec des réservoirs à moitié pleins ; il table sur un arrêt d'environ trente secondes et a demandé à ses pilotes de pointe, Juan Manuel Fangio et Jean Behra, d'exploiter le gain de poids pour prendre le maximum d'avance dans la première partie de la course, afin de repartir des stands avec un retard raisonnable sur leurs adversaires, l'avantage des pneus neufs devant leur permettre de repasser en tête en fin de course[12]. Ce n'est pas la première fois que l'équipe Maserati adopte cette tactique risquée : quatre ans plus tôt, à l'occasion du Grand Prix de France, il s'en était fallu de très peu pour que cette stratégie ne permît à la Maserati de José Froilán González de battre l'invincible Ferrari 500 de Mike Hawthorn.