Guerre d'Indochine
conflit armé en Indochine française entre 1946 et 1954 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La guerre d'Indochine ou guerre d'indépendance d'Indochine, également désignée au Viêt Nam comme la guerre de résistance antifrançaise ou encore la première guerre d'Indochine dans le monde anglo-saxon, est un conflit armé qui se déroule de 1946 à 1954 en Indochine française (ou Fédération indochinoise) : actuels Viêt Nam, Laos, et Cambodge.
Date |
- (7 ans, 7 mois et 3 jours) |
---|---|
Lieu | Indochine française |
Casus belli |
Décolonisation et guerre froide Révolution d'Août Bombardement de Haïphong |
Issue |
Victoire du Việt Minh[1],[2],[3],[4] :
|
Changements territoriaux | Partition du Viêt Nam entre Nord Viêt Nam et Sud Viêt Nam |
Union française
Soutenus par : |
Việt Minh Lao Issara (1945–49) Pathet Lao (1949–54)[6] Khmers issarak[7] Volontaires japonais Soutenus par : Chine Union soviétique République démocratique allemande[8],[9] Pologne[10] |
Union française : 190 000 Auxiliaires locaux : 55 000 État du Viêt Nam : 150 000[11] Total : ~400 000 |
125 000 réguliers, 75 000 régionaux, 250 000 forces populaires / irréguliers[12] Total : 450 000 |
Union française : 75 581 morts (dont 20 685 Français) 64 127 blessés État du Viêt Nam : 419 000 morts, blessés ou prisonniers[13] Total : ~560 000 morts, blessés ou prisonniers |
Việt Minh et alliés : 300 000 morts, 500 000 blessés, 100 000 prisonniers Total : 900 000 morts, blessés ou prisonniers + 150 000 civils tués[14] |
Guerre d'Indochine
Batailles
- Opération Masterdom
- Bataille de Hanoï
- Opération Léa
- Bataille de Phu Tong Hoa
- Bataille de la RC 4
- Bataille de Vĩnh Yên
- Bataille de Mao Khê
- Bataille de Nghia Lo
- Bataille de Hòa Bình
- Opération Lorraine
- Bataille de Na San
- Bataille de Muong Khoua
- Opération Atlante
- Opération Camargue
- Opération Hirondelle
- Opération Brochet
- Opération Mouette
- Opération Castor
- Bataille de Diên Biên Phu
- Opération D
- Bataille du col de Mang Yang
- Extension au Laos
Opposant l'Union française au Việt Minh, organisation politique indépendantiste et paramilitaire vietnamienne, créée en 1941 par le Parti communiste vietnamien, le conflit est précédé par une reconquête française des terres occupées par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale, débutée l'été 1945 marquée par une terrible famine dans le nord qui fit un million de morts selon le gouverneur général Jean Decoux, le double selon Hô Chi Minh[15], les Japonais ayant réquisitionné la récolte du Sud qui traditionnellement comblait la jointure entre récoltes au nord.
Le conflit a connu deux phases historiques : entre 1946 et 1949 une lutte de décolonisation sous forme de guerilla, puis une guerre de plus en plus directe et frontale de 1949 à 1954, avec l'aide matérielle et logistique des Américains, face à un ennemi qui a mis sur pied une véritable armée conventionnelle et formée avec le soutien de la Chine communiste depuis 1949.
En France métropolitaine, malgré la propagande et la censure, une partie de l'opinion s'oppose à la guerre, tandis que le Mouvement républicain populaire (MRP), seul parti qui la soutient inconditionnellement, est laminé dans les urnes dès 1951 et confronté au sceptiscisme de plusieurs de ses élus prestigieux.
Peu après la défaite française à Diên Biên Phu, à la suite des accords de Genève, la fin de la Fédération indochinoise donne lieu à la partition du territoire vietnamien en deux États : république démocratique du Viêt Nam et Sud-Viêt Nam.
La guerre d’Indochine fit plus de 500 000 victimes[16]. Un an après sa fin, des hostilités reprennent progressivement, qui deviennent la guerre du Viêt Nam (1955-1975), opposant le Sud-Vietnam appuyé financièrement et militairement par les États-Unis au Nord-Vietnam communiste soutenu par la Chine et l'URSS dans le contexte de la guerre froide. Ces hostilités culminent au début des années 1970 et s'achèvent par la Chute de Saïgon en avril 1975. Le Viêt Nam est réunifié en 1976 sous l'autorité du régime communiste de l'ancien Nord-Vietnam.
L'Indochine durant la période coloniale
En 1884, la France réunit la Cochinchine, l'Annam et le Tonkin (qui composent maintenant le Viêt Nam), ainsi que le Laos et le Cambodge au sein de l'Indochine française.
Lors de la Première Guerre mondiale, les « Annamites », nom donné aux Vietnamiens par les métropolitains jusqu’en 1945, aidèrent à l'effort de guerre sur la ligne de front et dans les usines françaises.
Dans les années 1920 et au début des années 1930, avec la révolte de Vinh et la mutinerie de Yên Bái (évoquées en 1992 dans le film français Indochine), les bagnes, comme le bagne de Poulo Condor, ont contribué à développer des nationalismes de tendances très diverses :
- les royalistes de la Cour de Huê, comme la famille de Ngô Đình Diệm : son père fonda l’École nationale « Quoc Hoc » de Huê fréquentée par Ngo Dinh Diem et le futur Hô Chi Minh. Le premier d'entre tous est certainement le prince Vinh San (1899-1945) intronisé sous le nom dynastique d'« Empereur Duy Tân » en 1907, détrôné en 1916, exilé à La Réunion par les autorités coloniales et mort mystérieusement le dans un accident d'avion en Afrique centrale, peu après la déclaration d'indépendance du Viêt Nam du ;
- les pro-Japonais, qui fondèrent le parti « Dai Viêt » à la suite de l’intellectuel nationaliste Phan Bội Châu, pionnier du nationalisme vietnamien du XXe siècle, exilé au Japon par l’administration coloniale française. Les Japonais soutenaient le prince Cuong pour devenir empereur du Vietnam à la place de Bao Dai ;
- les pro-Chinois du parti nationaliste VNQDĐ (Việt Nam Quốc Dân Đảng), proches du Kuomintang de Sun Yat-sen et Tchang Kaï-chek, qui lancèrent la révolte ratée de Vinh et la mutinerie de Yên Bái dans les années 1920 et 1930 ;
- les pacifistes de Phan Châu Trinh (grand-père de Nguyễn Thị Bình) ;
- les communistes du parti communiste indochinois (PCI) fondé en 1930 par Nguyen Ai Quoc (futur Hô Chi Minh) à Hong Kong. Au Viêt Nam, le PCI était le plus important des groupes nationalistes.
L'Indochine pendant la Seconde Guerre mondiale
Durant la Seconde Guerre mondiale, l'occupation par l'empire du Japon montra aux Vietnamiens les faiblesses de leur colonisateur : l'administration française, directement liée au gouvernement de Vichy, collabora avec le Japon impérialiste par de multiples concessions économiques et militaires. En effet, la faiblesse de la situation des forces françaises en place et leur isolement face aux Japonais ne laissaient guère le choix : négocier, se démettre ou se lancer dans un affrontement qui ne laissait aucun doute quant à l'issue [réf. nécessaire].
Cela contribua au développement du nationalisme vietnamien, qui luttait à cette époque contre les Japonais aux côtés des Alliés — Hô Chi Minh était alors un agent travaillant avec les États-Unis —, et à la déclaration d'indépendance de septembre 1945, après la révolution d'Août et la capitulation japonaise.
À l'époque de l’Armistice de 1940 et de la création du régime de Vichy, l’Indochine française était administrée par le général Georges Catroux (nommé en ), qui tentait de régler les problèmes avec le Siam et le Japon. Mais ses choix déplurent au nouveau gouvernement — notamment les facilités accordées aux Japonais — et il fut remplacé par l'amiral Jean Decoux. Finalement, étant complètement coupé de la France, avec des forces militaires insuffisantes sur l'ensemble de la péninsule, le nouveau gouverneur général de l'Indochine finit par céder, lui-aussi, de plus en plus aux Japonais. Ainsi, les armées japonaises furent autorisées à circuler librement de la frontière de Chine jusqu’au Siam (renommé Thaïlande en 1939). Le général Catroux rejoint le général de Gaulle sur son chemin de retour en France.
En , l'administration vichyste, qui était toujours en place, et l'armée française d'Indochine furent attaquées par les Japonais dans une opération appelée le coup de force du 9 mars 1945. Les postes militaires français à travers toute l'Indochine (Viet Nam, Laos, Cambodge) furent touchés. Les troupes japonaises prirent, par exemple, les citadelles d'Hanoï et de Langson et en massacrèrent les Européens et les troupes annamites malgré les promesses faites en cas de reddition. Certaines unités réussirent à se dégager et à entreprendre une remontée vers la Chine (la colonne Alessandri par exemple) ou à tenir la jungle (des hommes des Jedburghs ou de la Force 136, parachutés pour monter des maquis anti-japonais et entraînés par les Britanniques en Inde et en Birmanie, certains de ces hommes reprirent plus tard les villes de Vientiane et Savanaketh au Laos). Le gouvernement américain interdit à ses troupes basées en Chine d'intervenir. Seul le général Claire Lee Chennault, dirigeant les fameux Tigres volants, tentera, contre les ordres reçus, d'aider les troupes en retraite. Les civils français et les « Indochinois » sympathisants furent enfermés dans des camps de détention dirigés par la Kenpeitai (police ou gendarmerie militaire japonaise), torturés pour nombre d'entre eux, affamés et abandonnés. Les Japonais proclamèrent l'indépendance du Viêt Nam le , en maintenant l'autorité de l’empereur Bảo Đại et en maintenant Pham Quynh à la tête du gouvernement, puis, en le remplaçant quelques jours plus tard par Trần Trọng Kim[réf. nécessaire].
Par ailleurs, pendant la Seconde Guerre mondiale, l'état-major allié (américain) en Asie avait décidé en 1942 de séparer l'Indochine en deux zones géographiques de combat, étant entendu que le Nord du 16e parallèle sera occupé par les Chinois nationalistes de Tchang Kaï-chek et le Sud du 16e parallèle par les Britanniques. Cette séparation, approuvée ensuite par l'URSS, fut entérinée par les accords de Potsdam.
À la fin du conflit mondial
En 1945, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le conflit avec l’empire du Japon aboutit à la désorganisation complète de l’administration coloniale française en Indochine. Le Việt Minh, mouvement nationaliste fondé par le parti communiste indochinois, en profite pour prendre le contrôle d'une grande partie du territoire vietnamien à la faveur de la révolution d'Août qui aboutit à la proclamation par Hô Chi Minh, chef du parti, de l’indépendance de la république démocratique du Viêt Nam le .
Le Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO) reprend progressivement le contrôle de l’Indochine. L’État français repense ensuite le statut de la fédération au sein de la nouvelle Union française. Un conflit larvé se poursuit avec le gouvernement indépendantiste vietnamien, tandis qu’une solution diplomatique est recherchée en vain (conférence de Fontainebleau). Le haut commissaire d’Argenlieu suscite en l’autonomie de la Cochinchine ; c’est une entorse aux accords Hô-Sainteny.
En éclate l’affaire de Haïphong ; ce sont des affrontements liés à un contrôle douanier. Le bombardement du port par l'artillerie de l'Armée de terre française et ses trop nombreuses victimes civiles[17]. Cet épisode sera considéré par les historiens comme le début de la guerre et à sa suite plusieurs années de guérilla opposent alors le Corps expéditionnaire à l’Armée populaire vietnamienne, force armée du Việt Minh, qui passe progressivement à une guerre de mouvement de plus en plus audacieuse.
Retour des forces françaises (1945-1946)
Décision politique (mars 1945 - septembre 1945)
Le , le gouvernement provisoire de la République française déclara vouloir créer une Fédération indochinoise au sein de l'Union française. Il envoya dès le début de 1945 trois émissaires (Pierre Messmer, Jean Sainteny et Paul Mus) en Indochine, encore sous le contrôle de l'administration pétainiste. Largués en parachute par les Britanniques de Colombo, seul Paul Mus réussit à s'échapper au Yunnan, les deux autres étant faits prisonniers par les Japonais.
Le , le Japon signe officiellement sa capitulation. La conférence de Potsdam avait confié le désarmement japonais, en Indochine, aux Chinois nationalistes de Tchang Kaï-chek pour la partie Nord, et à la Grande-Bretagne pour la partie Sud. La France doit agir vite pour réaffirmer sa présence. Le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire, nomme l'amiral Thierry d'Argenlieu, Haut Commissaire de France et commandant en chef et le général Leclerc, commandant supérieur des troupes, avec pour mission de rétablir la souveraineté française sur l'Indochine libérée, mais, en faisant « du neuf », c'est-à-dire en construisant une Fédération indochinoise autonome au sein de la nouvelle Union française. La Marine est chargée de convoyer en Indochine les forces armées placées sous les ordres du général Leclerc.
Le , à Hanoï, sur la place Ba Dinh, en une cérémonie au rituel confucéen avec tous les corps constitués, Hô Chi Minh lut la déclaration d'indépendance, dont le préambule s'appuie sur la Déclaration d'indépendance des États-Unis et sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen[18]. L’empereur Bao Dai « choisit » de s'associer en tant que « conseiller spécial » du premier gouvernement de la république démocratique du Viêt Nam, assurant ainsi la continuité du pouvoir vietnamien et la légitimité de ce gouvernement. Ce geste vaudra à Bao Dai d'être exilé à Hong Kong par les autorités françaises, avant que ces mêmes autorités ne le ramènent de cet exil, peu de temps après, pour lui confier, à Saïgon, la création de l'État du Viêt Nam « indépendant ».
Débarquement français de septembre 1945
Les premiers débarquements alliés ont lieu à Saïgon du 5 au , avec la 20e division indienne du général Douglas David Gracey, complétée d'un détachement français symbolique, sous uniforme britannique, le 5e RIC, ex-Corps léger d'intervention.
La reconquête française commença vers la fin de l'été 1945, saison marquée par une terrible famine dans le nord qui fit un million de morts[19],[20]. Les Japonais avaient réquisitionné toute la récolte de riz. Traditionnellement, le riz du Sud venait combler les carences entre deux récoltes au nord. Les destructions et le pillage des Japonais d'une part, et la pénurie des moyens de transport d'autre part ne permirent pas de faire venir le riz en provenance du Sud en quantité suffisante.
Octobre 1945 : Leclerc et d'Argenlieu sont à Saïgon
Quatre mois plus tard l'autorité française est rétablie au protectorat du Cambodge et dans la colonie de Cochinchine (Sud du Viêt Nam actuel). Pour établir les bases de la Fédération indochinoise voulue par la France, il reste à reprendre le contrôle du Laos, de l'Annam (Viêt Nam central) et surtout du Tonkin (Nord du Viêt Nam), où Hô Chi Minh a proclamé à Hanoï le la république démocratique du Viêt Nam. L'amiral Thierry d'Argenlieu a pesé lui-même chaque mot[réf. nécessaire] de la convention signée le , à sa demande, par Jean Sainteny avec Hô Chi Minh, en plein accord avec le général Leclerc (accords Hô-Sainteny).
Les troupes françaises débarquèrent au port de Haïphong et entrèrent dans Hanoï sous la conduite du général Leclerc sans tirer un seul coup de feu, grâce aux négociations avec Hô Chi Minh qui avait été préconisées par Leclerc, qui alla jusqu’à recommander à la France d'utiliser le mot « indépendance » (Doc Lap). Hô Chi Minh a accepté cet accord pour se débarrasser de l'armée chinoise de Tchang Kaï-chek qui pillait le Tonkin et aurait vraisemblablement fini par supplanter le Việt Minh[21].
En juillet 1946, Leclerc rentre en France
Voici son diagnostic lucide sur la situation :
« J'ai recommandé au gouvernement la reconnaissance de l’État du Viêt Nam, il n'y avait pas d’autre solution. Il ne pouvait être question de reconquérir le Nord par les armes, nous n'en avions pas, et nous n'en aurions jamais les moyens. Rappelez-vous le Sud. Ici l'insuccès est certain… Il faut garder le Viêt Nam dans l'Union française, voilà le but, même s'il faut parler d'indépendance. À Fontainebleau doit être trouvée une solution garantissant à la France au moins le maintien de ses intérêts économiques et culturels… étant entendu que Hô Chi Minh persistera à vouloir se débarrasser de nous… Pour cela, tendez la corde, tirez dessus… mais surtout qu'elle ne casse jamais !… Il nous faut la paix[22] ! »
Rupture politique et militaire (novembre - décembre 1946)
Après le bombardement de Haïphong le par la marine française, qui marque un revirement total de la politique menée jusqu'alors par le gouvernement français vis-à-vis de la république démocratique du Viêt Nam, il apparaît clairement qu'Hô Chi Minh ne jouera plus l'option de la Fédération indochinoise. Le , l'insurrection de Hanoï marque le début de la guerre : le gouvernement de la république démocratique du Viêt Nam déclenche des hostilités dans tout le nord du Viêt Nam, et entre dans la clandestinité.
Déroulement « local » de 1946 à 1949
Les 6 000 victimes du bombardement de Haïphong
Le marque le début de la guerre d'Indochine au lendemain du bombardement du port de Haïphong le par la marine française.
D'après Paul Mus, conseiller politique d'Emile Bollaert Haut- Commissaire de mars 1947 à octobre 1948, citant l'amiral Robert Battet qui a mené l’enquête huit jours après, le nombre de morts se chiffre à 6 000, estimation la plus reprise[23],[24], principalement des civils[25].
Bataille de Hanoï
Le Việt Minh, dirigé par Hô Chi Minh, réagit à ce bombardement massif par le lancement d'une offensive ayant pour but la "libération" de la ville de Hanoï. À 20 heures, une explosion dans la centrale électrique de la ville annonce le début de l'insurrection. Des ressortissants français sont massacrés et des maisons pillées. C'est le lancement de la bataille de Hanoï en décembre 1946. Ho Chi Minh appelle tout le peuple vietnamien à se soulever contre la présence française :
« […] Que celui qui a un fusil se serve de son fusil, que celui qui a une épée se serve de son épée… Que chacun combatte le colonialisme. »
Demande infructueuse d'un soutien américain à la décolonisation (Nord)
Hô Chi Minh chercha alors le soutien des États-Unis par un télégramme à Harry S. Truman, mais celui-ci marquait un arrêt dans la politique de décolonisation de Roosevelt. L'Union soviétique ne disposait pas encore de l'arme nucléaire, et la Chine restait sous la férule de Tchang Kaï-chek. L’Indochine française de 1946 s'est alors retrouvée dans les prémices de ce qui participera plus tard à la guerre froide. C’est dans ce contexte local que les États-Unis ont été, petit à petit, impliqués en Indochine.
Aguerrie dans la guerre du peuple, l’armée populaire vietnamienne se fondait sur la mobilité des dispersions d’évitement et concentrations de frappe pour compenser sa faiblesse matérielle. C’était « le combat du tigre et de l’éléphant » annoncé par Hô Chi Minh : le tigre tapi dans la jungle allait harceler l’éléphant figé qui, peu à peu, se viderait de son sang et mourrait d’épuisement.
Cette fluidité permettait à la jeune armée populaire l’initiative du refus ou de l’acceptation des combats, de fixer ici et déplacer là les troupes françaises qui n’occupaient que les villes, les axes routiers, les voies d’eau et la ligne du chemin de fer trans-indochinois. Les pertes françaises devenaient de plus en plus grandes dans les attaques de convois de ravitaillement, de postes isolés et d’épuisantes patrouilles à la recherche d’un ennemi qui apparaissait et disparaissait comme des fantômes. Souvent, l’attaque d’un poste avait pour but la sortie d’une colonne de secours à détruire.
L’Armée populaire vietnamienne était à la base constituée des troupes locales d’autodéfense des hameaux et villages. Ces troupes locales étaient à la fois l’académie militaire et l’école de guerre, dont les membres méritants rejoignaient les troupes régionales qui opéraient dans des districts plus vastes. Une concentration de troupes locales pouvait prêter main-forte à un élément des troupes régionales, qui pouvaient également se disperser en troupes locales.
Le tournant de 1949 : la Chine s'implique pour soutenir le Nord
La France fonde en 1949 l’État du Viêt Nam, gouvernement central vietnamien proposant une alternative politique à Hồ Chí Minh, et le dote d'une force militaire, l’Armée nationale vietnamienne, afin de « vietnamiser » le conflit. Le Laos et le Cambodge sont également concernés par le conflit, le Việt Minh soutenant des mouvements indépendantistes moins importants, le Pathet Lao et les Khmers issarak. Les États-Unis, préoccupés par la victoire communiste en Chine et surtout en 1950 par guerre de Corée apportent à partir de 1949 un soutien matériel à la France, tandis que la république populaire de Chine aide officieusement le Việt Minh à partir de 1949 aussi.
La création de l'État du Viêt Nam par la France au Sud
En 1949, la France, voulant créer un contrepoids politique à la république démocratique du Viêt Nam proclamée à Hanoï en 1945 et au Việt Minh, créé à Saïgon un État du Viêt Nam « indépendant » sous la direction de l'empereur Bảo Đại ramené à cet effet de son exil de Hong Kong. La guerre de reconquête coloniale se transforme alors progressivement en une guerre civile[non neutre].
L’empereur Bao Dai a signé les accords franco-vietnamiens de décembre 1947 et juin 1948, négociés par le Haut-Commissaire Emile Bollaert, avec son nom civique « Vinh Thuy », n’engageant que lui-même en tant que citoyen, et non avec son nom dynastique « Bao Dai » qui pouvait engager tout le pays dont il était le souverain.
Un changement majeur en Chine devenue communiste
Lorsque le Parti communiste chinois de Mao Zedong prend le contrôle de la Chine continentale, le Kuomintang de Tchang Kaï-chek se réfugiant à Taïwan, la Chine devient un allié de la république démocratique du Viêt Nam et du Việt Minh.
Les immenses camps américains du Sud de la Chine deviennent des centres de détention, d'armement et d'entrainement des troupes du Việt Minh qui multiplie ainsi les divisions armées, alors que les gouvernements français envoient des renforts au compte-goutte.
L’arrivée de Mao Zedong à Pékin met fin à l'isolement diplomatique et militaire du Việt Minh et amplifie la menace communiste ressentie par les États-Unis.
La France concède théoriquement à l'État du Viêt Nam une souveraineté en matière de diplomatie, et crée une « armée nationale » sous commandement français et agissant comme force supplétive des forces françaises d'Indochine. La France accorde leur indépendance aux royaumes du Laos et du Cambodge, de la même façon qu'elle l'a accordée au Viêt Nam.
Le conflit au Viêt Nam s'amplifie
Avec l'expérience acquise au combat, l'Armée populaire vietnamienne inflige une série de revers aux troupes françaises dans la haute région de Cao Bang et Lang Son (bataille de la RC 4). Le projet initial de « reconquête coloniale » s'est épuisé dans un interminable enlisement, a entraîné une grande lassitude dans l'armée française d'Indochine et dans le gouvernement français, ainsi qu'une opposition croissante de l'opinion publique française à une guerre dont les enjeux étaient de moins en moins clairs, dès lors que le Viêt Nam, le Laos et le Cambodge étaient, au moins en théorie, devenus indépendants. La « reconquête coloniale » sortit des objectifs politiques.
À compter de 1950 : l'enlisement à grande échelle
À compter de 1950 et dès le début de l'année, le conflit est contesté par des actions violentes lors de la grève des dockers de 1949-1950 en particulier à Marseille mais aussi dans de nombreux ports de France. En , le Việt Minh lance l'offensive dans le Nord-Est du Vietnam ; c'est la terrible défaite française de la route coloniale no 4 (RC 4) dans les calcaires de Dong Khé, où l'armée française perd 7 000 hommes, tués, disparus et prisonniers, et une énorme quantité de matériel. La guerre d'Indochine a en fait été perdue en [réf. nécessaire], car les troupes françaises évacuèrent toute la région bordant la frontière chinoise et ne contrôlèrent plus au Tonkin que le delta du fleuve Rouge et quelques gros postes. La panique s'empara alors du gouvernement français à Paris. Le général de Lattre de Tassigny est envoyé en Indochine pour redresser la situation mais doit immédiatement faire face à des offensives Việt Minh. Il parvient à vaincre trois fois ses ennemis, notamment aux batailles de Vinh yen et de Mao khê, écartant définitivement toute menace sur Hanoï, mais ne peut les anéantir. Ayant assuré la construction d'une ligne de défense, de Lattre commence à chasser les Việt Minh du delta du fleuve Rouge et décide de lancer une contre-offensive dans la région de Hoa Binh, qu'il pense pouvoir être décisive mais, atteint d'un cancer de la hanche, il doit repartir pour la France. Sous l'égide de son successeur Raoul Salan, cette offensive, concluante au début (Giap échoue lors de la bataille de Na San, un camp fortifié français sur la route Hanoi-Diên Biên Phu que Giap essayait de couper), s'épuise d'elle-même : Hoa Binh doit être évacué en catastrophe. Elle doit être arrêtée sans résultat décisif. En France, de Lattre, qui doit défendre son projet d'envoyer des renforts en Extrême-Orient, voit sa santé se dégrader et meurt en .
Une guerre contre le communisme
Avec la guerre de Corée qui a focalisé l’anti-communisme vers l’Extrême-Orient, la France tente alors de transformer une guerre de reconquête coloniale dont elle a elle-même reconnu l'échec en proclamant l'indépendance du Viêt Nam, du Laos et du Cambodge, en croisade anticommuniste, cette fois-ci pour la « défense de l’Occident sur le Rhin et le Mékong ». Dès lors, la France fait en Indochine une guerre avec les dollars américains et les soldats des troupes françaises et coloniales. Le président Harry S. Truman signe avec l'État du Viêt Nam des accords d’aide militaire, que la France se charge de mettre en œuvre. Ainsi, les États-Unis, pourtant profondément anti-colonialistes, mais agissant maintenant dans le cadre de la guerre froide, mettent le doigt dans un engrenage qui s’avérera fatal (cette aide militaire continuera d'ailleurs après le départ des Français en 1955). Avec l’afflux de matériels militaires des deux côtés, les combats se sont évidemment intensifiés.
Avec l'argent et le matériel américains, mais aussi des légionnaires, en grande partie des Allemands de la Légion étrangère française dans la guerre d'Indochine, et aussi de nombreuses troupes d'Afrique, la France continue à mener une guerre s'inscrivant maintenant dans le cadre de la guerre froide, dans une suite de « scandales » et « d'affaires », dont certains ont aussi une dimension financière et d'enrichissements personnels, comme l'affaire des piastres[26],[27].
« En revanche, l’économie française tirait profit indirectement de la guerre. Grâce aux apports en devises américaines, non seulement elle n’était plus obérée par les charges militaires, mais encore elle pouvait poursuivre son effort d’investissement et ses achats à l’étranger. La plus grande partie des dollars donnés pour l’Indochine était affectée à l’équilibre des comptes. C’est ce qui faisait dire à un expert qu’on « avait transformé l’armée en une industrie d’expansion. C’est une des raisons pour lesquelles le gouvernement français s’opposait fermement à ce que l’aide financière américaine fût versée directement aux États associés, comme les Américains le souhaitaient… » »
— Yves Gras, Histoire de la guerre d’Indochine p. 489, Plon, Paris, 1979.
En 1952, l’armée populaire vietnamienne lance des attaques contre les fortins de la « Ligne De Lattre » derrière laquelle se sont retranchées les troupes françaises. Tout en continuant les coups de main et les embuscades, l’armée populaire se retire pour se préparer à des opérations à une plus grande échelle.
L'aide des États-Unis à la France ne suffit pas
En attendant que le général Dwight Eisenhower, du Parti républicain, devienne président des États-Unis en janvier 1953 et devienne le premier à avancer la « théorie des dominos » pour la défense de l'Indochine contre le communisme, dès , les États-Unis avaient créé le Military Assistance Advisory Group (en) (MAAG) pour regrouper les demandes d'aide française, conseiller en stratégie et entraîner les soldats vietnamiens[28]. L'aide américaine s'accroît considérablement cette année-là, tant en proportion des dépenses totales qu'en valeur absolue. Pour l'année fiscale américaine 1951-1952, le financement américain se montait à 330 millions de dollars, soit 20 % du coût de la guerre. En 1953-1954, ce financement monta à 785 M$ soit 41 % de l'effort de guerre. En tout, entre 1951 et 1954, les États-Unis déboursent 1,525 milliard de dollars[29] ( 15 milliards actuels).
Il y eut également des discussions entre les Français et les Américains sur la possibilité d'utilisation de trois armes nucléaires tactiques, bien que les rapports sur le niveau de probabilité, et sur qui en a fait la proposition soient vagues et contradictoires[30],[31]. Une des versions du plan proposé - opération Vulture (en) - prévoyait d'envoyer 60 B-29, B-36 et B-47 depuis des bases américaines, appuyés par 150 chasseurs lancés depuis des porte-avions de la septième flotte pour bombarder les positions du commandant Việt Minh Võ Nguyên Giáp, avec l'option d'utiliser jusqu'à trois armes atomiques. L'amiral Arthur W. Radford, chef d'état-major des armées des États-Unis, donne son accord à l'option nucléaire[32].
Le statu quo militaire
De son côté, la menace sur les centres importants étant écartée, le général Salan entreprend de prendre l'initiative. Il lance une série d'offensives, et ne connaît guère de défaites tactiques [réf. nécessaire], mais le CEF doit systématiquement se replier faute de moyens et d'avoir pu porter un coup décisif[réf. nécessaire].
Le général Navarre rapporte au gouvernement français qu’il n’y a pas de possibilité d’une victoire militaire étant donné la faiblesse des moyens du CEF, mais promet une grande offensive avec l’opération Castor, qui consiste à occuper l’ancienne piste d’aviation japonaise de Diên Biên Phu pour verrouiller le passage au Laos de l’armée populaire, opération militaire qui avait pour but politique de permettre à la France de négocier à Genève la fin de la guerre en position de force.
Malgré la présence du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient et de l’Armée nationale vietnamienne, la bataille de Diên Biên Phu est perdue en 57 jours. Les combats continuent avec intensité pendant trois mois.
Annonce des accords finaux
Le nouveau gouvernement, dirigé par Mendès France, promet alors de conclure les accords de Genève au plus tard au mois de , ce qui advient le .
Le général Gras conclut au sujet de Diên Biên Phu :
« il n'y a pas de places fortes imprenables lorsqu'on renonce à les secourir. Le camp retranché a fini par tomber, comme sont tombées, au cours de l'histoire, toutes les forteresses assiégées abandonnées à leur sort »
— Général Yves Gras, Histoire de la guerre d'Indochine, Éditions Denoël, 1992, p. 561.