Première guerre du Haut-Karabagh
guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan pour le contrôle du Haut-Karabagh (1988-1994) / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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La guerre du Haut-Karabagh, appelée aussi première guerre du Haut-Karabagh et appelée en Arménie guerre de libération de l'Artsakh[36], est le premier et le plus ancien des conflits post-soviétiques : elle a eu lieu entre et dans l'enclave arménienne du Haut-Karabagh, en Azerbaïdjan du Sud-Ouest, entre les Arméniens de l'enclave, alliés à la république d'Arménie, et la république d'Azerbaïdjan à laquelle cette région autonome était rattachée. Le , défilent à Erevan un million de personnes, revendiquant le rattachement du Haut-Karabagh à l'Arménie. Le parlement de l'enclave, qui vote l'union avec l'Arménie le , et un référendum accordé à la population déterminent un même souhait. La demande d'union avec l'Arménie, qui s'est développée vers la fin des années 1980, a commencé pacifiquement mais ensuite, avec la désintégration de l'Union soviétique, le mouvement devient un conflit violent entre les deux groupes ethniques, aboutissant ainsi à des allégations de nettoyage ethnique par les deux camps[37],[38].
Date |
– (6 ans, 2 mois et 26 jours) |
---|---|
Lieu | URSS 1988-1991, Haut-Karabagh, Arménie et Azerbaïdjan |
Casus belli |
Refus de l'Union soviétique d'unifier la RSS d'Arménie avec le Haut-Karabagh |
Issue | Victoire militaire arménienne. Cessez-le-feu en vigueur jusqu'en 2020. |
Changements territoriaux | Le Haut-Karabagh devient une république de facto indépendante, non reconnue par la communauté internationale. Des négociations prennent place entre les deux nations pour décider de l'avenir de la république. |
Affrontements civils et guérilla (1988-1991) Oblast autonome du Haut-Karabagh Guerre conventionnelle (1991-1994)
Soutenu par : Russie[10],[11] |
Affrontements civils et guérilla (1988-1991) Guerre conventionnelle (1991-1994) Volontaires :
Soutenu par : Pakistan[19] Iran[20],[21] Israël[22],[23] Ukraine[24] |
Artur Mkrtchian (en) Georgi Petrossian (en) Karen Babourian (hy) Robert Kotcharian Leonard Petrosian Samvel Babaian (en) Arkady Ter-Tadevossian Kristapor Ivanian (en) Seyran Ohanian Monte Melkonian † Levon Ter-Petrossian Vazgen Sargsian Vazgen Manoukian Serge Sarkissian Gurgen Dalibaltayan Norat Ter-Grigoriants (en) Jirair Sefilian Tatoul Krpeian (en) † Anatoly Zinevytch (en) Léonid Azgaldian (en) Mirza Abaïev † |
Aïaz Mutalibov Yagub Mammadov Issa Gambar Aboulfaz Eltchibeï Heydar Aliyev Mahammad Asadov † Isgandar Hamidov Tofig Ismayilov † Valeh Barchadli (en) Souret Husseïnov Zoulfi Hajiyev (en) † Safar Abiyev Rahim Gaziyev (en) Dadach Rzayev (en) Mammadrafi Mammadov (en) Zaour Rzayev (en) Rovchan Javadov (en) Alakram Hoummatov (en) Gulbuddin Hekmatyar[12] Chamil Bassaïev[12],[25],[26] Salman Radouïev[26] |
10 000 8 000 |
30 000 hommes (en 1993)[27] 1 000 à 3 000 hommes[12] 300 hommes[28] 200 hommes[29] |
5 856[30] à 6 000 morts[10] 196 disparus[30] 20 000 blessés[31] |
11 557[32] à 30 000 morts[30] 3 171 disparus[33] 22 000[34] à 50 000 blessés[10] |
Batailles
- Guerre de 1988-1994
- Affrontements de Mardakert de 2008
- Affrontements de 2010
- Affrontements de Mardakert de 2010
- Affrontements de 2012
- Affrontements de 2014
- Destruction d'un hélicoptère en 2014
- Guerre d'Avril
- Affrontements de 2018
- Affrontements de juillet 2020
- Guerre de 2020
- Opération Farukh
- Guerre de 2023
Cette guerre est le premier, le plus ancien et le plus récurrent des conflits post-soviétiques, et l'un des plus importants en nombre de morts et en pertes de propriété[39], du moins jusqu'à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022. Tout comme le mouvement sécessionniste parcourant les républiques baltes d'Estonie, de Lettonie et de Lituanie, le mouvement a favorisé et symbolisé la dislocation de l'URSS. Lorsque l'Azerbaïdjan déclare son indépendance de l'URSS (30 août 1991), le Haut-Karabagh réagit en faisant sécession de l'Azerbaïdjan le 2 septembre 1991, ce qui entraîne à son tour une réaction de l'Azebaïdjan qui supprime l'autonomie de l'enclave arménienne le 26 novembre 1991. Ces événements sont le résultat final d'un « ressentiment éprouvé par les membres de la communauté arménienne du Haut-Karabagh envers les limitations imposées par les autorités soviétiques et azerbaïdjanaises concernant la liberté culturelle et religieuse »[40] et du différend territorial historique concernant l'Artsakh[41]. Selon diverses analyses, la différence religieuse entre chrétiens et musulmans n'est pas significative dans le conflit[42].
Des combats de grande ampleur ont lieu vers la fin de l'hiver 1992-1993. La médiation internationale de plusieurs groupes comme l'OSCE ne parvient pas à trouver une résolution du conflit qui satisfasse les intérêts des deux parties. Au printemps 1993, grâce au soutien russe, les forces arméniennes occupent les régions voisines à l'enclave, en dépit des menaces d'intervention de la Turquie[43]. En 1994, vers la fin de la guerre, les Arméniens contrôlent 14 % du territoire azerbaïdjanais, dont l'enclave du Haut-Karabagh représente 5%, et les régions adjacentes 9 %[10],[31]. Le conflit a fait 400 000 réfugiés arméniens d'Azerbaïdjan et 800 000 réfugiés azéris d'Arménie et du Karabagh[44]. Un cessez-le-feu est signé en à Bichkek avec la médiation russe. Des négociations entre les deux pays impliqués, sous la supervision du groupe de Minsk de l'OSCE, ont lieu ensuite. Malgré ce cessez-le-feu, des escarmouches meurtrières éclatent cependant de manière régulière le long de la frontière, les derniers en date en 2020 et en 2021-2023, avec cette fois des succès pour l'Azerbaïdjan et l'évacuation des trois quarts du territoire occupé depuis 1993 par l'Arménie[45].
La souveraineté sur le Haut-Karabagh est toujours disputée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Appelé aussi Artsakh (en arménien : Արցախ) par les Arméniens, son histoire s'étend sur plusieurs siècles, au cours desquels il fut contrôlé par divers empires. Le débat se concentre cependant sur l'histoire de la région après la Première Guerre mondiale. L'Empire russe se désintègre en novembre 1917 et les Bolcheviks prennent le pouvoir. L'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie, les trois « nations » du Caucase précédemment sous contrôle russe, déclarent leur indépendance et forment la république démocratique fédérative de Transcaucasie, dissoute après trois mois d'existence[10].
Guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
Des combats commencent ainsi entre les républiques d'Arménie et d'Azerbaïdjan dans trois régions spécifiques : le Nakhitchevan, le Zanguezour (région arménienne actuelle de Syunik) et le Karabagh. L'Arménie et l'Azerbaïdjan se querellent au sujet des frontières entre les deux pays au niveau de ces trois régions. Les Arméniens du Haut-Karabagh tentent de déclarer l'indépendance mais ne peuvent établir de contact avec la République d'Arménie[10], d'autant que l'Empire ottoman occupe la région, secondé par des armées allemandes. Après la défaite de l'Empire ottoman lors de la Première Guerre mondiale, des troupes britanniques occupent le Caucase du Sud en 1919. Le commandement britannique impose provisoirement Khosrov bei Sultanov (désigné par le gouvernement azerbaïdjanais) comme gouverneur-général du Karabagh et du Zanguezour, en attendant une décision finale à la conférence de paix de Paris (1919)[46].
Division soviétique
Deux mois plus tard, les Britanniques se retirent et la onzième armée russe envahit le Caucase : au bout de trois ans, les républiques caucasiennes forment la république socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie au sein de l'Union soviétique. Les Bolcheviks créent ensuite un comité de sept membres, le Bureau du Caucase (le Kavburo), qui, sous la supervision de Staline, alors commissaire du Peuple pour les nationalités, doit appliquer dans la région le découpage ethnique de type soviétique, avec des républiques et des régions autonomes[47]. Ce comité vote par quatre voix à trois en faveur d'une annexion du Karabagh à la République socialiste soviétique d'Arménie. Toutefois, des protestations de la part des dirigeants azerbaïdjanais, notamment le dirigeant du parti communiste d'Azerbaïdjan, Nariman Narimanov, ainsi qu'un soulèvement anti-soviétique à Erevan en 1921 dégradent les relations entre la Russie et l'Arménie. Cette situation conduit le comité à revenir sur sa décision et à attribuer le Karabagh à la république socialiste soviétique d'Azerbaïdjan en 1921, pour incorporer l'oblast autonome du Haut-Karabagh à la RSS d'Azerbaïdjan en 1923[10], la laissant avec une population arménienne à 94 %[48],[49]. La capitale, auparavant Chouchi (Շուշի), est remplacée par Khankendi, en arménien Stepanakert (Ստեփանակերտ).
Les académiciens arméniens et azéris ont spéculé sur cette décision, qui serait une application par la Russie du principe diviser pour régner[10]. Il en irait de même avec l'exclave du Nakhitchevan, séparée par l'Arménie du reste de l'Azerbaïdjan. D'autres ont aussi supposé que la décision était un geste du gouvernement soviétique pour contribuer à maintenir de « bonnes relations avec la Turquie d'Atatürk »[50]. L'Arménie a toujours refusé de reconnaître cette décision et a continué à en contester la légalité durant les décennies de gouvernement soviétique[10].
Durant la période soviétique, les Arméniens du Karabagh se sentent l'objet de discriminations variées de la part de l'Azerbaïdjan. Les autorités azerbaïdjanaises restreignent les liens entre l'enclave et l'Arménie et poursuivent une politique de « désarménisation » dans la région et de peuplement azéri, déplaçant des populations arméniennes en dehors de l'oblast et négligeant ses besoins économiques[51]. Le recensement de 1979 montre que la population de l'enclave s'élève à 162 200 individus, dont 123 100 Arméniens (75,9 %) et 37 300 Azéris (22,9 %)[52], ce que les Arméniens ne manquent pas de comparer aux chiffres de 1923 (94 % d'Arméniens). Des villages arméniens ont également été démantelés (85 en 1980), ce qui n'est le cas d'aucun village azéri[53].
Mikhaïl Gorbatchev devient secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique en , et entreprend ses réformes de perestroïka et de glasnost. La glasnost, ou « ouverture », augmente les libertés individuelles, les citoyens pouvant alors exprimer leurs doléances vis-à-vis du système soviétique et de ses dirigeants. Capitalisant sur ce principe, les dirigeants du Soviet régional du Karabagh votent l'unification de la région autonome avec l'Arménie le [54]. Les dirigeants arméniens du Karabagh se plaignent en effet de n'avoir ni livres en arménien dans les écoles, ni télévision[55]. Ils dénoncent aussi la tentative par le secrétaire général du parti communiste d'Azerbaïdjan, Heydar Aliyev, d'« azérifier » la région, d'augmenter l'influence et le nombre des Azéris du Haut-Karabagh et de réduire, dans le même temps, sa population arménienne (en 1987, Aliyev descend en grade et devient le secrétaire général du Politburo du Parti communiste azerbaïdjanais)[56]. En 1988, la population arménienne du Karabagh a diminué et ne représente plus que trois quarts de la population totale[57]. Le mouvement est dirigé par des personnalités arméniennes populaires et par des membres de l'intelligentsia russe, comme le dissident et prix Nobel de la paix Andreï Sakharov. Avant la déclaration, les Arméniens ont manifesté et organisé des grèves ouvrières à Erevan pour demander une unification avec l'enclave, provoquant des contre-manifestations à Bakou.
Face à ces évènements, Gorbatchev déclare que les frontières entre les républiques ne changeraient pas, en vertu de l'article 78 de la Constitution soviétique[58]. Gorbatchev déclare également que d'autres régions de l'Union soviétique souhaitent des changements territoriaux, et que retracer les frontières au Karabagh pourrait établir un dangereux précédent. Les Arméniens, quant à eux, considèrent la décision du Kavburo de 1921 avec dédain et estiment qu'en vertu du principe d'autodétermination reconnu dans la constitution, ils sont en train de corriger une erreur historique[58]. De leur côté, les Azéris ne peuvent comprendre ces appels visant à leur faire abandonner une partie de leur territoire et s'alignent sur la position de Gorbatchev[59].
Soumgaït
Des heurts ethniques se produisent bientôt entre Arméniens et Azéris au Karabagh. Le , près de la ville d'Askeran (entre Stepanakert et Agdam), une confrontation directe entre Azéris et Arméniens dégénère rapidement. Durant les altercations, pendant lesquelles 50 Arméniens sont blessés, un policier de la région, censément arménien, tue deux jeunes Azéris. Le , lors d'un discours à la télévision centrale de Bakou, le vice-procureur soviétique, Alexandre Katusev, mentionne la nationalité des victimes.
Le clash d'Askeran est le prélude au pogrom de Soumgaït, où les tensions, déjà vives, prennent une tournure atroce lors d'une série de manifestation débutant le même jour[60]. Prenant la parole lors des manifestations, des réfugiés azéris de la ville arménienne de Kapan accusent les Arméniens de « meurtres et d'atrocités incluant des viols de femmes et des mutilations sur leur poitrine »[60]. Après quelques heures, un pogrom est lancé contre les résidents arméniens de Soumgaït, petite ville à 25 km au nord de Bakou comptant 2 000 réfugiés azéris d'Arménie[61]. Il en résulte la mort de 32 personnes selon les statistiques soviétiques officielles[61], mais de nombreux Arméniens pensent que ces chiffres sont en deçà de la réalité, étant donné que la presque totalité de la population arménienne a quitté Soumgaït après le pogrom. Sur une période de trois jours de violence, les Arméniens sont battus, violés et tués dans les rues et appartements de la ville, avant l'arrivée, le 1er mars, des forces soviétiques qui mettent fin aux émeutes[62].
La façon dont se sont déroulées les tueries a des répercussions parmi les Arméniens qui ressentent que le pogrom de Soumgaït est soutenu par les officiels gouvernementaux pour intimider les personnes impliquées dans le mouvement au Karabagh. Une lente escalade de la violence se produit après le massacre de Soumgaït, lorsque Gorbatchev décide finalement d'envoyer des troupes soviétiques en Arménie en septembre 1988. En , on estime que plus de 100 personnes ont été tuées depuis que l'idée de l'unification avec le Karabagh a été relancée en [63]. La question est temporairement mise à l'écart à la suite du tremblement de terre qui dévaste, le , les villes arméniennes de Léninakan (actuellement Gyumri) et Spitak et fait 25 000 tués[64],[65].
Les tentatives de Gorbatchev de stabiliser la région sont vaines vu l'intransigeance égale des parties. Les Arméniens refusent de laisser la question s'effacer, malgré les gestes de Gorbatchev, incluant la promesse d'une somme de 400 millions de roubles destinée à la diffusion de livres en arménien et de programmes télévisés au Karabagh. En même temps, l'Azerbaïdjan refuse toujours de céder tout territoire à l'Arménie. En outre, les onze membres du Comité Karabagh nouvellement formé, dont le futur président arménien Levon Ter-Petrossian, sont emprisonnés lors du chaos suivant le séisme, ce qui polarise les relations entre l'Arménie et le Kremlin ; les Arméniens perdent confiance en Gorbatchev et le méprisent encore plus en raison de sa mauvaise gestion du séisme et de sa position sans compromis sur le Haut-Karabakh[66].
Janvier noir
Le conflit interethnique commence à peser sur les populations des deux pays, forçant la majorité des Arméniens d'Azerbaïdjan à se réfugier en Arménie et la majorité des Azéris d'Arménie à en faire de même en Azerbaïdjan[41]. La situation au Haut-Karabagh devient telle qu'en , le gouvernement central à Moscou prend temporairement le contrôle de la région, un geste bien accueilli par de nombreux Arméniens[10]. Pendant l'été 1989, les dirigeants du Front populaire d'Azerbaïdjan et leurs sympathisants toujours plus nombreux parviennent à faire instaurer par la RSS d'Azerbaïdjan un blocus ferroviaire et aérien à l'encontre de l'Arménie, asphyxiant son économie (85 % de l'acheminement des marchandises ayant lieu par chemin de fer) — ce qui isole également le Nakhitchevan du reste de l'Union soviétique[41]. L'interruption du trafic ferroviaire vers l'Arménie est également due aux attaques de militants arméniens sur le personnel azéri des trains entrant en Arménie, qui refuse dès lors de l'assurer[59].
En janvier 1990, un autre pogrom contre des Arméniens, à Bakou, force Gorbatchev à décréter l'état d'urgence et à envoyer des troupes du MVD pour restaurer l'ordre. Un couvre-feu est établi, et les affrontements entre les soldats et les militants du Front populaire d'Azerbaïdjan sont fréquents ; lors d'un d'entre eux, 120 Azéris et 8 soldats sont tués à Bakou[67]. Toutefois, à ce moment, le Parti communiste d'Azerbaïdjan est en train de s'effondrer, et l'ordre tardif d'envoyer des troupes a plus à voir avec son maintien au pouvoir qu'avec la protection de la population arménienne de la ville[68]. Les événements, connus sous le nom de « Janvier noir », marquent également les relations entre l'Azerbaïdjan et la Russie.
Les combats s'étendent à d'autres villes azerbaïdjanaises et au Nakhitchevan, où sept personnes (dont quatre soldats) trouvent la mort et des centaines d'autres sont blessées lorsque les unités soviétiques tentent d'arrêter les attaques contre les Arméniens[69].
Opération Anneau
Au printemps 1991, Gorbatchev fait organiser un référendum à l'échelle nationale sur son projet de transformation de l'Union soviétique. Des dirigeants nouvellement élus et non communistes sont arrivés au pouvoir dans certaines républiques de l'Union, comme Boris Eltsine en Russie, Levon Ter-Petrossian en Arménie et Ayaz Mutalibov en Azerbaïdjan. L'Arménie et cinq autres républiques boycottent le référendum (l'Arménie tient son propre référendum et déclare son indépendance le , à l'inverse de l'Azerbaïdjan)[41].
Alors que de nombreux Arméniens et Azéris du Karabagh se lancent dans une course à l'armement (en acquérant des armes des caches disséminées dans tout le Karabagh) afin de se défendre, Mutalibov obtient le soutien de Gorbatchev pour le lancement d'une opération militaire conjointe (dans ce cas, avec les unités spéciales azerbaïdjanaises OMON de la police) afin de désarmer les militants arméniens de la région. Connue sous le nom d'« Opération Anneau », elle provoque le déplacement forcé des Arméniens des villages de la région de Chahoumian. Elle est perçue à la fois par les officiels du Kremlin et par le gouvernement azerbaïdjanais comme un moyen pour intimider les populations arméniennes et leur faire abandonner leur désir d'unification[41].
L'opération se révèle contre-productive par rapport à son but originel. La résistance arménienne initiale inspire des volontaires qui arrivent en masse d'Arménie, et l'opération ne fait que renforcer l'idée parmi les Arméniens que la seule solution au conflit du Karabagh passe par un conflit armé ouvert[10]. Monte Melkonian, un Arméno-Américain qui a servi dans des groupes révolutionnaires dans les années 1980 et qui deviendra plus tard un des commandants les plus célèbres de la guerre, plaide pour que le Karabagh soit « libéré » et avance que s'il restait dans les mains azéries, la région de Syunik serait ensuite annexée par l'Azerbaïdjan et que le reste de l'Arménie suivrait, concluant que « la perte de l'Artsakh pourrait être la perte de l'Arménie »[70]. Velayat Kuliev, écrivain et vice-directeur de l'Institut de Littérature d'Azerbaïdjan, conteste ceci : « Dernièrement, les nationalistes arméniens, y compris certaines personnes assez influentes, ont recommencé à parler de la « Grande Arménie ». Il ne s'agit pas simplement de l'Azerbaïdjan. Ils veulent annexer des portions de la Géorgie, de l'Iran et de la Turquie »[71].
Alors que la désintégration de l'Union soviétique devient une réalité pour les citoyens soviétiques à l'automne 1991, les deux parties cherchent à acquérir des armes stockées dans des caches militaires du Karabagh. L'avantage initial est à l'Azerbaïdjan. Pendant la Guerre froide, la doctrine soviétique de défense du Caucase avait élaboré une stratégie selon laquelle l'Arménie serait une zone de combat dans le cas où la Turquie, membre de l'OTAN lancerait une invasion par l'ouest. Ainsi, en Arménie soviétique, seules trois divisions avaient été établies, et aucun terrain d'aviation militaire, alors qu'en Azerbaïdjan étaient situés cinq divisions et cinq terrains. En outre, l'Arménie n'avait environ que 500 voitures de munitions en comparaison des 10 000 de l'Azerbaïdjan[72].
Quand les forces MVD commencent à se retirer, elles lèguent aux Arméniens et aux Azerbaïdjanais un vaste arsenal de munitions et de véhicules de combat. Les forces gouvernementales envoyées trois années plus tôt par Gorbatchev se composent d'hommes provenant d'autres républiques de l'Union soviétique, dont beaucoup n'ont aucune envie de rester plus longtemps. La plupart sont pauvres, de jeunes conscrits, et beaucoup vendent leurs armes aux deux parties pour obtenir du liquide, voire de la vodka, certains essayant même de vendre des tanks et des véhicules armés (de type APC). Les caches d'armes, non gardées, conduisent les deux parties à blâmer et à moquer la politique de Gorbatchev, en tant que cause ultime du conflit[73]. Les Azerbaïdjanais achètent une grande quantité de ces véhicules, comme le rapporte leur ministre des Affaires étrangères en novembre 1993 : 286 tanks, 842 véhicules armés, et 386 pièces d'artillerie[10]. Plusieurs marchés noirs apparaissent également, où l'on retrouve notamment des armes de l'Ouest[74].
D'autres preuves montrent également que l'Azerbaïdjan reçoit une aide militaire substantielle et des provisions de l'Iran, de la Turquie et de plusieurs États arabes[70]. La majorité de l'armement est de fabrication russe ou provient des pays de l'ancien bloc de l'Est, laissant toutefois de la place à de l'improvisation des deux côtés. La diaspora arménienne parvient à fournir une importante somme d'argent, et même à pousser en 1992 au Congrès des États-Unis un projet intitulé « Section 907 du Freedom Support Act » en réponse au blocus azerbaïdjanais de l'Arménie et renforçant l'interdiction de toute aide militaire des États-Unis en faveur de l'Azerbaïdjan[75]. Alors que l'Azerbaïdjan accuse les Russes d'avoir au début aidé les Arméniens, il a été dit que « les combattants azéris dans la région [étaient] de loin mieux équipés en armement soviétique que leurs opposants »[73].
Lorsque Gorbatchev démissionne de son poste de Secrétaire général le , les dernières républiques, y compris l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie, déclarent leur indépendance, et l'Union soviétique s'éteint le . Cette dissolution fait disparaître tous les obstacles qui empêchaient l'Arménie et l'Azerbaïdjan de se lancer dans une guerre à grande échelle. Un mois auparavant, le , le parlement azerbaïdjanais annule le statut d'oblast autonome du Karabagh et renomme sa capitale Khankendi. En réaction, le a lieu un référendum au Karabagh, sur initiative de parlementaires, boycotté par la communauté azérie locale ; les Arméniens votent massivement en faveur de l'indépendance. Le , la région déclare son indépendance de l'Azerbaïdjan[41].
Le retrait des forces soviétiques de l'Intérieur n'est que temporaire. En , les États ex-soviétiques se regroupent au sein de la Communauté des États indépendants (CEI). Alors que l'Azerbaïdjan reste à l'écart, l'Arménie, redoutant une invasion par la Turquie en cas d'escalade du conflit, adhère à la CEI afin d'être couverte par sa clause de sécurité collective. En , les forces de la CEI avancent, établissent leur quartier général à Stepanakert, et prennent un rôle légèrement plus actif dans le maintien de la paix. Elles incluent d'anciennes unités de la quatrième armée soviétique[47].