Révolution hongroise de 1956
révolte contre le régime communiste hongrois en 1956 / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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L'insurrection de Budapest ou révolution de 1956 (en hongrois 1956-os forradalom) est la révolte populaire spontanée contre le régime communiste hongrois et ses politiques imposées par l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) qui dura du au .
Date |
– (18 jours) |
---|---|
Lieu | République populaire de Hongrie |
Issue | Victoire soviétique, écrasement de la révolte. |
Union soviétique
République populaire de Hongrie (23–27 octobre puis 4–10 novembre) |
Insurgés hongrois République populaire de Hongrie (27 octobre–4 novembre) |
Nikita Khrouchtchev Iouri Andropov Gueorgui Joukov Ivan Koniev Ivan Serov Ernő Gerő András Hegedüs János Kádár |
Imre Nagy Pál Maléter Gergely Pongrátz |
31 500 hommes 1 130 chars[1]. |
Nombre inconnu de soldats, miliciens et civils armés. |
(Pertes soviétiques uniquement) 722 morts 1 251 blessés[2] |
2 500 morts (est.) 13 000 blessés (est.)[3] |
La révolte commença par une manifestation étudiante qui rassembla des milliers de personnes à travers le centre-ville de Budapest pour rejoindre le Parlement hongrois. Une délégation étudiante entrée dans le bâtiment de la radio nationale afin de diffuser ses revendications fut arrêtée. Lorsque sa libération fut demandée par la foule, la Államvédelmi Hatóság (ÁVH, police politique du régime) ouvrit le feu depuis le bâtiment. Les nouvelles se répandirent rapidement et des émeutes éclatèrent dans toute la capitale.
La révolte s'étendit rapidement ailleurs en Hongrie et entraîna la fuite du gouvernement hors de la capitale, auprès des troupes soviétiques. Des milliers de personnes s'organisèrent en milices populaires pour affronter les troupes de l'ÁVH et l'Armée rouge. Des commissaires politiques et des membres de l'ÁVH furent passés à tabac, emprisonnés ou exécutés tandis que les prisonniers politiques étaient libérés et armés. Des conseils improvisés luttèrent contre le contrôle municipal du parti communiste au pouvoir et demandèrent des changements politiques. Des symboles politiques (étoiles rouges, statues de Staline, armoiries communistes au centre du drapeau national) furent enlevés ou détruits. Un nouveau gouvernement communiste, qui, après avoir dissous formellement l'ÁVH, déclara son intention de se retirer du pacte de Varsovie et promit d'organiser des élections libres, se mit en place. À la fin du mois d'octobre, les combats avaient pratiquement cessé et une certaine normalité était revenue.
Après avoir annoncé sa volonté de négocier le retrait des forces soviétiques, le Politburo changea d'avis et décida d'écraser la révolution. Le , une importante armée soviétique envahit Budapest et les autres régions du pays. La résistance hongroise continua jusqu'au . Plus de 2 500 Hongrois et 700 Soviétiques furent tués lors du conflit et 200 000 Hongrois fuirent en Autriche et de là, vers l'Occident en tant que réfugiés. Les arrestations se poursuivirent durant plusieurs mois. En , le nouveau gouvernement pro-soviétique avait supprimé toute opposition publique. Les actions soviétiques furent critiquées par certains marxistes occidentaux mais renforcèrent l'emprise soviétique sur l'Europe centrale.
Le débat public sur cet événement fut interdit en Hongrie durant plus de 30 ans, mais avec l'assouplissement puis l'effondrement des régimes communistes des années 1980, il fit l'objet d'intenses études et débats. Le est devenu un jour de fête nationale en Hongrie.
Après avoir récupéré une partie des territoires perdus à la suite du traité de Trianon, au détriment de la Tchécoslovaquie et de la Roumanie, la Hongrie rejoignit les puissances de l'Axe et fit la Seconde Guerre mondiale aux côtés de l'Allemagne, de l'Italie, de la Bulgarie et, à partir de 1941, de la Roumanie. Elle participa ainsi à l'invasion de la Yougoslavie et à celle de l'Union soviétique. Cependant, à partir de l'été 1944, les forces soviétiques et roumaines franchirent les frontières hongroises et le gouvernement de l'amiral Horthy entama des négociations d'armistice avec les Alliés. Les Allemands envahirent alors le pays et mirent en place un régime partisan de la poursuite de la guerre, dirigé par Ferenc Szálasi. Les forces allemandes et hongroises furent finalement battues en 1945 et l'armée soviétique, secondée par des forces roumaines, tchécoslovaques et yougoslaves, occupa le pays.
Occupation de l'après-guerre
Après la guerre, seule l'Armée rouge occupa la Hongrie, ramenée à ses frontières de 1938 par le traité de Paris de 1947. La Hongrie était alors encore une démocratie multipartite, et les élections de 1945 avaient abouti à la mise en place d'un gouvernement de coalition mené par le Premier ministre Zoltán Tildy[4]. Cependant, le pays se trouvait déjà de facto dans la sphère d'influence de l'Union soviétique[5] et le Parti des communistes de Hongrie, favorable aux Soviétiques, mais qui n'avait obtenu que 17 % des voix, divisa le gouvernement en appliquant la « tactique du salami »[6],[7].
Après les élections de 1945, le portefeuille du ministère de l'Intérieur, qui supervisait l'Autorité de protection de l'État (Államvédelmi Hatóság ou ÁVH), fut transféré du Parti civique au Parti communiste[8]. L'ÁVH employa l'intimidation, les fausses accusations, l'emprisonnement et la torture pour éliminer toute opposition politique[9]. La brève période de multipartisme arriva à son terme et le Parti communiste fusionna avec le Parti social-démocrate pour devenir le Parti des travailleurs hongrois qui se présenta seul aux élections de 1949. La république populaire de Hongrie fut proclamée la même année[7]. En 1949, l'Union soviétique signa un traité d'assistance mutuelle avec la Hongrie qui lui permettait de maintenir une présence militaire et de fait de contrôler la politique du pays[10].
Le Parti communiste hongrois entreprit le remplacement de l'économie capitaliste par une économie planifiée en menant des nationalisations massives sur le modèle soviétique. Cela entraîna une stagnation économique, des bas niveaux de vie et un profond malaise[11]. Les écrivains et les journalistes furent les premiers à critiquer le gouvernement et ses politiques dans des articles en 1955[12]. Le , les étudiants de l'université technique reformèrent l'association MEFESZ qui avait été interdite[13] et organisèrent le lendemain une manifestation qui mena à la révolte[14].
Répression politique et déclin économique
La Hongrie devint un État communiste sous la direction de l'autoritaire Mátyás Rákosi[15]. L'autorité de sûreté de l’État commença une série de purges qui toucha plus de 7 000 dissidents qui furent accusés d'être des « titistes » ou des « agents occidentaux » et durent avouer lors de procès-spectacles avant d'être enfermés dans un camp à l'est du pays[16],[17].
De 1950 à 1952, l'ÁVH déplaça de force des milliers de personnes pour acquérir les propriétés et y loger les membres du parti et pour mettre fin à la menace de la classe intellectuelle et « bourgeoise ». Des milliers de personnes furent arrêtées, torturées, emprisonnées (parfois en Union soviétique) voire exécutées comme László Rajk, le fondateur de l'ÁVH[16],[18]. En une seule année, 26 000 personnes furent déplacées de force en dehors de Budapest et durent travailler dans de terribles conditions dans les fermes collectives où beaucoup moururent[17].
Le gouvernement Rákosi politisa complètement le système éducatif hongrois pour remplacer les classes éduquées par une « intelligentsia laborieuse »[19]. L'apprentissage du russe et les cours de politique communiste devinrent obligatoires à tous les niveaux d'enseignement. Les écoles religieuses furent nationalisées et les chefs religieux furent remplacés par des partisans du gouvernement[20]. En 1949, le chef de l'Église catholique hongroise, le cardinal József Mindszenty fut arrêté et condamné à la prison à vie pour trahison[21] Sous Rákosi, le gouvernement hongrois était parmi les plus répressifs d'Europe[7],[18].
L'économie hongroise d'après-guerre souffrit de nombreux défis. La Hongrie avait accepté de payer des réparations de guerre d'une valeur de 300 millions de dollars à l'Union soviétique, à la Tchécoslovaquie et à la Yougoslavie tout en prenant en charge le maintien des garnisons soviétiques[22]. La Banque nationale de Hongrie estima en 1946 le coût des réparations à « entre 19 et 22 % du PNB »[23]. En 1946, la monnaie hongroise subit une violente dépréciation qui entraîna les niveaux d'hyperinflation les plus élevés jamais connus[24]. La participation de la Hongrie au COMECON soviétique l'empêchait de commercer avec l'Occident ou de participer au plan Marshall[25].
Malgré une augmentation du PNB par habitant dans le premier tiers des années 1950, le niveau de vie diminua. La mauvaise gestion de l'économie générait des pénuries pour les produits de base, ce qui entraîna un rationnement du pain, du sucre et de la viande[26]. Les contributions obligatoires aux emprunts d'État diminuaient encore les revenus personnels. Par conséquent, le revenu réel des ouvriers en 1952 était seulement des deux tiers de ce qu'il était en 1938 alors qu'en 1949, la proportion était de 90 %[27].
Événements internationaux
La mort de Joseph Staline le entraîna une période de libération relative au cours de laquelle la plupart des partis communistes européens devinrent plus modérés. En Hongrie, le réformateur Imre Nagy remplaça Mátyás Rákosi, « le meilleur disciple hongrois de Staline », au poste de Premier ministre[28]. Cependant, Rákosi restait Secrétaire général du parti et fut capable de saper les réformes de Nagy. En , Nagy fut discrédité et dut quitter ses fonctions[29]. Après le « discours secret » de Khrouchtchev de qui dénonçait Staline et ses protégés[30], Rákosi fut destitué de son poste de secrétaire et remplacé par Ernő Gerő le [31].
Le , l'Union soviétique créa le pacte de Varsovie qui liait la Hongrie à l'Union soviétique et aux voisins d'Europe centrale et orientale. Parmi les principes de l'alliance figuraient le « respect pour l'indépendance et la souveraineté des États » et « la non-interférence dans leurs affaires internes »[32].
En 1955, le traité d'État autrichien établit la neutralité et la démilitarisation de l'Autriche[33]. Cela souleva les espoirs hongrois de devenir également neutre et en 1955, Nagy considéra la « possibilité pour la Hongrie d'adopter un statut neutre sur le modèle autrichien »[34].
En , un soulèvement des ouvriers polonais à Poznań fut écrasé par le gouvernement, ce qui entraîna des dizaines de morts parmi les protestataires. En réponse à la demande populaire, le gouvernement nomma le communiste réformateur Władysław Gomułka, récemment réhabilité, en tant que Premier secrétaire du parti ouvrier unifié polonais en avec pour mission de négocier des concessions commerciales et une réduction du nombre de troupes avec le gouvernement soviétique. Après quelques jours d'intenses négociations, les Soviétiques acceptèrent les demandes réformatrices de Gomułka le [35]. Les nouvelles de ces concessions obtenues par les Polonais, connues sous le nom d'octobre polonais, encouragèrent de nombreux Hongrois à espérer des concessions similaires et ce sentiment contribua largement au climat politique tendu qui prévalait en Hongrie dans la seconde moitié du mois d'[36].
Avec le contexte de guerre froide de l'époque, la politique américaine envers la Hongrie en particulier et envers le bloc communiste en général évolua à partir de 1956. Les États-Unis espéraient encourager les pays d'Europe de l'Est à s'émanciper de l'emprise soviétique d'eux-mêmes mais souhaitaient également éviter un affrontement militaire avec l'URSS qui pourrait dégénérer en guerre nucléaire. Pour ces raisons, les stratèges américains cherchèrent à réduire l'influence soviétique en Europe de l'Est avec d'autres méthodes que la politique de « rollback » (« marche-arrière »). Cela aboutit au développement de la politique d'« endiguement » et à des mesures de guerre économique et psychologique et finalement à des négociations directes avec l'URSS concernant le statut des États du bloc communiste. À l'été 1956, les relations entre la Hongrie et les États-Unis commencèrent à s'améliorer. Au même moment, les Américains répondirent favorablement aux ouvertures hongroises concernant une possible expansion des relations commerciales bilatérales. Le désir hongrois en faveur de meilleures relations était en partie attribuable à la situation économique catastrophique du pays. Cependant, le rythme des négociations était ralenti par le ministre des Affaires étrangères hongrois qui craignait que ces meilleures relations avec l'Ouest n'entraînassent l'affaiblissement du pouvoir communiste en Hongrie[37].
Début de l'agitation sociale
Le départ de Rákosi en encouragea les étudiants, les journalistes et les écrivains à être plus actifs et critiques sur la politique nationale. Les étudiants et les journalistes commencèrent une série de forums intellectuels examinant les problèmes que devait affronter la Hongrie. Ces forums, appelés cercles Petőfi, devinrent très populaires et attiraient des milliers de participants[38]. Le (date symbolique de l'exécution du Premier ministre Lajos Batthyány lors de la révolution hongroise de 1848), László Rajk, qui avait été exécuté par le gouvernement Rákosi fut ré-inhumé lors d'une cérémonie qui rassembla les dirigeants de l'opposition[39].
Le , les étudiants universitaires à Szeged ignorèrent l'association étudiante communiste officielle, la DISZ, et ré-établirent la MEFESZ (Union des étudiants universitaires hongrois), une association démocratique autrefois interdite par la dictature de Rákosi[13]. En quelques jours, les étudiants de Pécs, Miskolc et Sopron firent de même. Le , les étudiants de l'université polytechnique et économique de Budapest rédigèrent une liste de seize points concernant des demandes de réformes politiques[40]. Après avoir entendu que l'union des écrivains hongrois se préparait à exprimer sa solidarité avec les mouvements réformateurs en Pologne en déposant une gerbe aux pieds de la statue du général Bem d'origine polonaise et héros de la révolution hongroise de 1848, les étudiants décidèrent d'organiser une manifestation parallèle en soutien[36],[41].