Kabylie
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La Kabylie (en kabyle : Tamurt n Iqbayliyen, Tamurt n Leqbayel, Tamurt n Izwawen, en tifinagh: ⵜⴰⵎⵓⵔⵜ ⵏ ⵉⵇⴱⴰⵢⵍⵉⵢⴻⵏ, en arabe : بلاد القبائل), est une région historique située dans le Nord de l'Algérie, à l'est d'Alger.
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Kabylie Tamurt n Iqbayliyen (kab) | |
Villages kabyles devant les hauteurs du Djurdjura. | |
Localisation de la Kabylie | |
Administration | |
---|---|
Pays | Algérie |
Gouvernement - wilayas |
région sans unité administrative Tizi Ouzou, Béjaïa[note 1], Bouira, Boumerdès, Bordj Bou Arreridj, Jijel, Sétif[note 2],Mila, Skikda[note 3] |
Démographie | |
Population | 8 063 244 hab. (2018) |
Densité | 248 hab./km2 |
Langue(s) | kabyle (tasahlite, autres variantes du berbère)[1][note 4] arabe algérien (bougiote[note 5], djidjélien, autres variantes)[note 6] français (usages savants, médias)[note 7] arabe littéral (école, institutions)[note 8] |
Géographie | |
Coordonnées | 36° 36′ nord, 5° 00′ est |
Superficie | 32 486 km2 |
Divers | |
Fuseau horaire | UTC +1 |
Devise | « Ad nerrez wala ad neknu » (« Plutôt rompre que plier »)[note 9] |
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Terre de montagnes densément peuplées, elle est entourée de plaines littorales à l'ouest et à l'est, au nord par la Méditerranée et au sud par les Hauts Plateaux. Fonctionnant de manière tribale, elle tient son nom des Kabyles, population de culture et de traditions berbères, dont elle est le foyer. Son histoire a fait d'elle un pôle de résistance aux conquérants successifs, mais aussi le point d'appui de plusieurs entreprises dynastiques, et l'a placée au premier plan des mouvements pour la reconnaissance de l'identité amazighe (berbère) dans l'Algérie et l'Afrique du Nord contemporaines.
La variété de son écosystème en fait le siège d'une biodiversité protégée par plusieurs parcs nationaux. Son climat, modulé par le relief, peut comporter des hivers rigoureux et des étés arides. Le développement de l'agriculture, principalement arboricole, y étant limité par les conditions naturelles, la Kabylie est aussi, traditionnellement, le centre d'une importante production artisanale typique.
Outre son patrimoine historique, la région possède un patrimoine immatériel important, incluant une littérature orale, un équilibre et un mode de vie paysans qui restent à préserver. Dans l'Algérie indépendante, son économie connait des évolutions marquées par la création de groupes industriels publics ou privés et un intérêt pour son potentiel touristique[2].
Pour un article plus général, voir Géographie de l'Algérie.
Toponymie
En français, « Kabylie » dérive de « Kabyle », que l'étymologie la plus couramment admise fait dériver de l'arabe qabā'il[3], pluriel de qabila, « tribu ». Au sens premier, les Kabyles seraient donc simplement les « gens des tribus ». Dans l'histoire précoloniale de l'Afrique du Nord, la tribu est la forme d'organisation sociale qui s'est maintenue contre ou malgré toutes les tentatives de soumission des États (makhzen) émergents[note 10]. Les officiers français, successeurs du makhzen ottoman, se sont d'abord servis du terme pour distinguer moins une ethnie ou une région précises qu'un type d'adversaire particulièrement opiniâtre : le montagnard. Mais le mot fut aussi employé pour désigner de façon plus spécifique les seuls montagnards berbérophones ou encore, en un sens plus général, tous les Berbères sédentaires, voire tous les sédentaires d'Afrique du Nord[4].
L'introduction du toponyme semble due aux voyageurs européens : on n'en trouve pas de trace plus ancienne chez les auteurs d'expression arabe[5]. Les berbérophones de la région la nomment en kabyle « Tamurt n Leqbayel » (en tifinagh : ⵜⴰⵎⵓⵔⵜ ⵏ ⵍⵇⴱⴰⵢⵍ), « le pays des Kabyles »[6], Tamurt n Izwawen (Izwawen étant le nom originel des Kabyles[7]) ou plus simplement « Tamurt », qui signifie « la terre natale », « la patrie ». Les arabophones l'appellent « بَلَد القبائل » (prononcé [blæd ləqbæyəl] en arabe algérien), littéralement « pays des tribus »[5].
Les termes « Kabylie » et « Kabyle » se sont imposés au milieu du XIXe siècle au moment où, prenant possession de l’Algérie, les Français (militaires, administrateurs puis chercheurs) ont éprouvé le besoin d’identifier les différentes régions de la colonie et les populations qui y étaient établies[8].
Localisation
La dénomination « Kabylie » (au singulier ou au pluriel) était initialement appliquée à toutes les régions du Maghreb peuplées de Kabyles, dans tous les sens de ce terme, et avait donc la même polysémie que lui. On parlait ainsi de Kabylies de l'Ouarsenis, de la Saoura, du Maroc ou encore de Tunis[9],[10]. Mais elle prit à partir du milieu du XIXe siècle une signification plus précise, pour être progressivement réservée à l'ensemble d'un seul tenant que forment les montagnes telliennes entre Alger et Constantine, autour des massifs du Djurdjura, des Bibans et des Babors[11]. Le mot « Kabyle » se vit à son tour redéfini pour ne plus s'appliquer qu'à la population habitant ou originaire de la région ainsi circonscrite, alors plus largement berbérophone qu'aujourd'hui[12] et réputée berbère dans son ensemble, y compris dans sa composante orientale et arabophone, les Kabyles El Had'ra[13]. De fait, la géographie physique ne suffit pas, notamment vers l'est, à borner précisément cet espace souvent décrit comme une juxtaposition de « Kabylies ». Selon les auteurs, il peut encore s'étendre, en s'en tenant aux sources contemporaines, tantôt jusqu'au contact des confins algéro-tunisiens[14], tantôt jusqu'en vue d'Annaba[15], tantôt jusqu'à la péninsule de Collo[16],[17], cette dernière définition s'appuyant, au-delà de la géographie physique, sur une unité humaine marquée sinon partout par une même langue, du moins par un même mode de vie paysan[17].
L'usage courant, notamment local, connaît aussi des définitions plus resserrées, qui tendent à laisser de côté les territoires les plus arabisés : dans le kabyle des années 1950 déjà, le mot Aqbayli, bien que sans traduction géographique rigoureuse, renvoyait grossièrement à un espace circonscrit entre Thénia d'un côté, Sétif et Jijel de l'autre[18] ; périmètre qui ne retient, dans le découpage administratif de 1984, que les wilayas de Tizi Ouzou et Béjaïa, l'Est de celle de Boumerdès, le Nord de celles de Bouira, Bordj Bou Arreridj et Sétif et l'Ouest de la wilaya de Jijel[19],[20],[note 11]. Les cartes en circulation dans la mouvance régionaliste contemporaine ne dépassent pas le cadre de ces sept wilayas[21],[22]. Dans la sphère académique, l'étude de la région, selon une forme de métonymie, se restreint souvent de fait à sa partie nord-occidentale, la Grande Kabylie[23], élargie tout au plus jusqu'à l'ouest de Béjaïa pour incorporer la majeure partie de l'aire kabylophone actuelle[24]. La tendance se trouvait déjà chez les auteurs français du XIXe siècle, dont certains allèrent jusqu'à réserver à cette seule sous-région le nom de Kabylie. Mais ces derniers n'ont pas été suivis, et le sens donné au terme peut encore fortement varier d'un ouvrage à l'autre[25].
Relief et subdivisions
Composante de l'Atlas tellien située en bordure de la mer Méditerranée, la Kabylie tire son unité physique du relief montagneux qu'évoque son surnom traditionnel de Tamurt idurar, « le pays des montagnes ». L'altitude y connaît cependant des variations et des ruptures qui sont le support de plusieurs subdivisions. La principale est celle qui sépare Grande et Petite Kabylies. Sa délimitation usuelle, qui correspond à celle des dialectes « occidentaux » et « orientaux » du kabyle[26], passe dans sa partie méridionale sur les hauteurs du Djurdjura, recoupant ainsi une distinction traditionnelle, selon l'altitude des habitations, entre « ceux d'en-haut » (Seff Ufella) et « ceux d'en-bas » (Seff Wadda)[27] ; au nord, en revanche, elle n'a pas de support naturel nettement défini, mais suit une ligne de partage historique utilisée à diverses reprises : wilayas algériennes, départements d'Alger et de Constantine sous la colonisation française, beyliks de Médéa et de Constantine sous la régence d'Alger[28].
Grande Kabylie
La Grande Kabylie se distingue par son altitude des régions voisines et s'étend, du nord au sud, de la côte méditerranéenne jusqu'aux crêtes du Djurdjura. Trois ensembles montagneux en occupent la plus grande part[29] :
- dans le Nord, jusqu'à la mer, et dans l'Est, les hauts massifs boisés de la Kabylie maritime, région côtière qui culmine au mont Tamgout (1 278 m), et de l'Akfadou, qui marque le début de la Petite Kabylie ;
- dans le Sud, la chaîne calcaire du Djurdjura, surplombant au nord-ouest la dépression Draâ El Mizan-Ouadhia, au sud la vallée de l'oued Sahel-Soummam, et culminant au Lalla Khedidja (Tamgut Aâlayen), plus haut sommet de l'Atlas tellien (2 308 m)[30] ;
- entre les deux, bordées au nord par le bassin du Sebaou, jouxtant le Djurdjura au sud-est, profondément entaillées par de nombreuses gorges, les montagnes anciennes du massif Agawa, le plus densément peuplé, avec huit-cents mètres d'altitude moyenne[29]. C'est là que se trouvent Tizi Ouzou, principale ville de Grande Kabylie, et Larbaâ Nath Irathen, centre urbain le plus élevé de la région, à environ mille mètres d'altitude.
Le territoire de la Grande Kabylie recouvre aujourd'hui la wilaya de Tizi Ouzou et une partie de celles de Bouira et Boumerdès. Les expressions de « Haute Kabylie » ou de « Kabylie du Djurdjura » sont souvent employées comme synonymes de « Grande Kabylie », l'une ou l'autre de ces appellations pouvant aussi désigner, plus spécifiquement, la partie située au sud du Sebaou[31]. Les franges méridionales de la région, au sud du Djurdjura, autour de la vallée de l'oued Sahel, peuvent être considérées comme un ensemble à part, distinct des Grande et Petite Kabylies et centré sur la ville de Bouira[32].
Petite Kabylie
La Petite Kabylie gravite quant à elle autour de Béjaïa, l'antique Saldae, la plus grande ville de Kabylie, surnommée Bgayet n Lejdud (« Béjaïa des ancêtres »)[33]. Son territoire reprend en partie les contours de l'ancienne province de Bougie décrite par Ibn Khaldoun. Elle englobe la vallée de la Soummam jusqu'à la côte et se poursuit par la « Corniche kabyle », qui surplombe la Méditerranée entre Béjaïa et Jijel. Plus au nord, elle s'étend sur les versants du Djurdjura oriental et de l'Akfadou (point culminant à 1 623 m). Elle se prolonge vers le sud jusqu'à la chaîne des Bibans et vers l'est par celle des Babors, dont le mont éponyme est le plus haut sommet de la sous-région (2 004 m) et qui est elle-même bordée au sud par le Guergour. Les définitions les plus larges ajoutent à l'ensemble kabyle le massif de Collo, qui forme l'hinterland du cap Bougaroun, voire les montagnes qui bordent la plaine d'Annaba[15].
Par sa superficie, la Petite Kabylie n'est pas plus « petite », mais plus étendue que la Grande, si on ne la limite pas à la wilaya de Béjaïa. Toutefois elle est morcelée par le relief, à tel point qu'on parle aussi de plusieurs « Petites Kabylies »[24] : Kabylie de la Soummam, parfois rattachée, du moins pour son versant nord, à la Grande Kabylie ; Kabylie des Babors, parfois considérée comme « la » Petite Kabylie stricto sensu[14] ; Kabylies des Bibans et du Guergour[34], au sud des précédentes ; vers l'est, Kabylie orientale et Kabylie de Collo, souvent traitées en tout ou partie comme un ensemble à part, la première précédant[25] ou englobant[35], voire succédant[15] à la seconde, selon les auteurs.
L'expression de « Basse Kabylie », fréquemment utilisée comme équivalent de « Petite Kabylie », sert également à désigner une autre partie de la région, celle qui s'étend entre la Mitidja et la basse vallée du Sebaou. Premier sous-ensemble kabyle rencontré en venant d'Alger, c'est un espace de transition entre plaine et montagne[36]. Beaucoup moins étendue que ses voisines, la Basse Kabylie est aujourd'hui englobée dans la wilaya de Boumerdès.
Sommet | Altitude (m) | Chaîne |
---|---|---|
Lalla Khedidja | 2 308 | Djurdjura |
Ich n'Timedouine | 2 305 | Djurdjura |
Adrar n'Hayzer | 2 164 | Djurdjura |
Akouker | 2 192 | Djurdjura |
Azru U'gougane | 2 158 | Djurdjura |
La Dent du Lion | 2 150 | Djurdjura |
Babor Ameqran | 2 004 | Babors |
Tababort | 1 969 | Babors |
Tiruda | 1 967 | Djurdjura |
Azru Madene | 1 947 | Djurdjura |
Targa U'rumi | 1 926 | Djurdjura |
Ras Attroche Ameqrane | 1 942 | Babors |
Asswel | 1 917 | Djurdjura |
Takoucht | 1 896 | Babors |
Tala N’Chrouft | 1 885 | Babors |
Le mont Azrou n'Thour | 1 884 | Djurdjura |
Thazivert, Ath ikki | 1 789 | Akfadou |
Adhrar Ou'Mellal | 1 773 | Babors |
Tizi n'Ath Ouavane | 1 757 | Djurdjura |
Tala N’Chrouft | 1 685 | Babors |
Takintouch | 1 647 | Babors |
Ighil Ou'behri | 1 640 | Babors |
Thaletat | 1 638 | Djurdjura |
Tamezguida | 1 626 | Babors |
Tizi N'Kouilal | 1 585 | Djurdjura |
Azrou Taghat | 1 542 | Akfadou |
Kweryet | 1 500 | Djurdjura |
Climat
La Kabylie comporte plusieurs zones climatiques. Le littoral et la Kabylie maritime sont de climat méditerranéen. L'hiver y est plutôt doux comparé au reste de la région, avec une température de 15 °C en moyenne. La période estivale, rafraîchie par les vents marins, présente une température moyenne de 35 °C environ[37]. Sur les hauteurs, le climat est beaucoup plus rude, avec parfois des températures négatives et une neige abondante l'hiver et des étés très chauds, très secs, notamment vers le sud où la pluviométrie est moindre. Cependant, dans les parties les plus élevées, la température estivale est modérée par l'altitude. Dans les vallées intérieures, l'hiver est sensiblement identique à celui des hauteurs. Mais en été, du fait de l'enclavement ou de l'exposition aux vents du sud, les températures sont particulièrement élevées : c'est le cas à Tizi Ouzou, où la température peut atteindre les 46 °C quand elle est de 35 °C à Dellys, comme à Akbou, dans la vallée de la Soummam, couloir de passage du sirocco[38].
Hiver | Printemps | Été | Automne |
---|---|---|---|
Froid, neigeux et pluvieux | Ensoleillé avec des épisodes de pluie fréquents | Très chaud et sec, épisodes orageux | Très pluvieux avec du soleil parfois |
T° entre -5° et 15° | T° entre 20° et 35° | T° entre 30° et 45° | T° entre 15° et 25° |
La Kabylie bénéficie d'une pluviométrie relativement abondante qui a facilité le développement d'une agriculture typique. En Grande Kabylie, les régions intérieures sont plus arrosées en raison de l'ascension et de la décompression des vents humides : ainsi à Larbaâ Nath Irathen, la pluviométrie est de 1 059 mm contre 833 mm à Tizi Ouzou[37].
Une ligne de crête qui traverse la région en joignant l'Atlas blidéen, le Djurdjura, les Babors, le massif de Collo et l'Edough, sépare une zone nord très pluvieuse (plus de 800 mm de précipitations par an) d'une zone sud moins arrosée (de 600 à 800 mm par an). Cette différence de pluviosité aurait eu pour conséquence une végétation naturelle plus ou moins dense : aux versants nord, initialement couverts d'une forêt peu hospitalière, devenus plus tard terres de vergers, s'opposeraient ainsi des versants sud plus facilement et sans doute plus précocement peuplés, car plus immédiatement propices à la culture et à l'élevage. Ce facteur introduit un élément supplémentaire de distinction entre Grande et Petite Kabylies. En effet la première, si l'on en exclut le versant sud du Djurdjura (comme le fait le tracé de l'actuelle wilaya de Tizi Ouzou), se trouve entièrement en zone de forte pluviosité. Au contraire, en Petite Kabylie les orientations combinées du littoral et du relief ne laissent que peu de profondeur aux versants nord. Elles font plus de place aux zones moins humides, comme le Guergour et, plus à l'est, le Ferdjioua, qui s'étendent entre Babors et Hauts Plateaux[39].
Flore et faune
En raison des différences topographiques et climatiques dont elle est le cadre, la Kabylie possède une grande diversité d'espèces dont certaines sont endémiques. Elle abrite quatre des neuf parcs nationaux de l'Algérie septentrionale : le parc national du Djurdjura entre les wilayas de Tizi-Ouzou et Bouira, le parc national de Gouraya, à l'ouest de Béjaïa, le parc national de Taza, sur la Corniche kabyle, entre Béjaïa et Jijel[40] et le récent parc national de Babor-Tababort, créé par décret du 29 avril 2019, réparti sur les wilayas de Sétif, Béjaïa et Jijel. Les trois premiers parcs sont classées par l'UNESCO dans les « réserves de biosphère mondiales », zones modèles visant à concilier la conservation de la biodiversité et le développement durable[41].
La végétation, principalement méditerranéenne, prend les formes du maquis et de la forêt. Celle du parc du Djurdjura se compose en majorité d'une combinaison, variable selon l'altitude, de chêne vert et de cèdre de l'Atlas. Elle illustre les trois types d'essences méditerranéennes qui composent les forêts kabyles : essences à feuilles persistantes, dont les principales sont le chêne vert, le chêne-liège et le houx ; essences à feuilles caduques, au nombre desquelles l'érable à feuille obtuse, l'érable de Montpellier, l'érable champêtre, le merisier et le chêne zéen ; essences résineuses, telles le cèdre de l'Atlas, le pin noir, le pin d'Alep et l’if. Les forêts qui constituent le parc, comme celles d'Aït Ouabane et de Tigounatine, comptent parmi les plus riches de la région[42].
On retrouve dans le parc de Taza le chêne zéen et le chêne-liège, qui constituent avec le chêne afarès les essences principales de la forêt de Guerrouche[43]. Le parc de Gouraya se singularise par la présence d'euphorbes, très menacées ; on y trouve également des formations de garrigue où se côtoient le chêne kermès et l'olivier sauvage, accompagnés de quelques spécimens de pin d'Alep, de genévrier et d'absinthe[44].
S'agissant du chêne-liège et dans un pays qui représente lui-même plus de la moitié de la superficie occupée par cette essence sur la rive sud de la Méditerranée, la Kabylie et l'ensemble du Nord-Est algérien constituent la région des plus grandes subéraies : elles s'y étendent, le long du littoral, depuis Alger jusqu'à la frontière tunisienne et du bord de mer jusqu'à 1 200 m d'altitude[45]. La seule wilaya de Jijel peut atteindre jusqu'à 50 % de la production nationale de liège[46].
Les massifs kabyles abritent de nombreux mammifères sauvages parmi lesquels le macaque berbère (ou singe magot), espèce endémique d'Afrique du Nord, la mangouste, le chacal doré, la genette, le porc-épic, le sanglier, le chat sauvage et autrefois le lion (présence signalée jusqu'au début du 20e)[réf. nécessaire]; la hyène rayée, la belette, le renard roux, le lièvre brun et le hérisson d'Algérie sont signalés dans les parcs du Djurdjura et de Taza, le lapin de garenne à Taza et Gouraya et le lynx caracal à Gouraya et dans le Djurdjura, où la présence du serval est également probable. Les sommets de la région sont le gîte de plusieurs espèces de rapaces dont l'aigle de Bonelli, le vautour fauve, la chouette hulotte et le hibou grand-duc ; dans le Djurdjura se rencontrent encore le gypaète barbu et le percnoptère d'Égypte ; l'aigle royal et le faucon crécerelle, également présents à Taza ; et la buse féroce, signalée aussi à Gouraya[47],[48]. Les hauteurs de Petite Kabylie abritent en outre la sittelle kabyle, espèce de passereau endémique qui n'a été découverte qu'en 1975, sur le mont Babor[49], et retrouvée plus récemment, en 1989, dans la forêt de Guerrouche[43]. La salamandre algire, amphibien vulnérable, est présente dans le parc du Djurdjura[50].
Les eaux littorales kabyles présentent également une faune et une flore remarquables. L'aire marine du parc de Gouraya abrite quatre espèces protégées de mammifères marins : marsouin et dauphin communs, dauphin souffleur et cachalot[51] ; ses fonds recèlent six paysages d'intérêt international : encorbellements à Lithophyllum lichenoides[Lequel ?], trottoirs à vermets, bourrelets à Corallina elongata, forêts à Dictyopteris membranacea, herbiers tigrés à Posidonia oceanica et récifs-barrières à Posidonia oceanica[52]. Les eaux adjacentes au parc de Taza incluent le « banc des Kabyles », classé « aire spécialement protégée d’importance méditerranéenne » (ASPIM) par la convention de Barcelone : riches d'une communauté de corail en bon état de santé, elles abondent en plusieurs des espèces menacées répertoriées dans le cadre de la convention, ainsi qu’en espèces « bio-indicatrices » des eaux non polluées[53].
Répartition spatiale de la population
La population est nombreuse pour une région à dominante montagnarde et rurale, notamment en Grande Kabylie où se rencontrent pourtant les altitudes les plus élevées. Le phénomène n'est pas nouveau et il a particulièrement frappé les colonisateurs français. Il est d'autant plus original que la taille des localités de plaine est longtemps restée limitée, le gros village de montagne, niché sur les crêtes, étant la forme principale d'agglomération[24]. À l'est de la Soummam, l'habitat traditionnel se fait plus dispersé, prenant la forme de hameaux de clairière[14].
Toutefois l'exode rural a profondément modifié cette situation. Relayant une tradition pré-coloniale d'émigration temporaire, la colonisation française en a fait un phénomène massif, alimentant largement, dès le début du XXe siècle, les premières vagues d'émigration maghrébine vers la France ; après l'indépendance algérienne, le flux s'est orienté vers les grandes villes du pays, à commencer par sa capitale[54]. La population kabylophone a ainsi constitué une diaspora estimée à deux millions ou deux millions et demi de personnes (dont près d'un million en France) pour trois millions à trois millions et demi en Kabylie[55].
L'exode rural se poursuit vers les villes situées aux portes mêmes des montagnes kabyles, principalement Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa, Jijel, Constantine, Skikda et Annaba. Toujours très peuplée, la région est marquée par un dualisme qui oppose le monde du village ou du hameau, surtout habité de femmes, d'enfants et de personnes âgées, et celui de la ville, lieu des activités industrielles et de services, des équipements et des habitats collectifs, qui attire la majeure partie des hommes adultes[14]. Au début du XXIe siècle, les trois quarts environ de la population active masculine de Kabylie vivent en dehors de la région[56].
Transports et voies de communication
À l'intérieur de la région, les axes de communication terrestres tirent parti des dépressions du relief : la route d'Alger à Béjaïa passe par la vallée du Sebaou, celle de Béjaïa à Sétif emprunte sur huit kilomètres les gorges de Kherrata (Chabet El Akra, le « défilé de la mort »)[16]. Les montagnes kabyles représentent cependant un obstacle que contourne par le sud le tracé du grand projet d'autoroute Est-Ouest[57]. Son tronçon Alger-Constantine, aujourd'hui achevé, permet de desservir Sétif, Bordj Bou Arreridj et Bouira, ville à proximité de laquelle a été construit le viaduc d'Aïn Turk, le plus grand d'Afrique[58] ; néanmoins, en 2011, les pénétrantes autoroutières qui doivent en assurer la liaison avec Béjaïa[59] et Tizi Ouzou[60] sont encore à venir. Les lignes ferroviaires ont bénéficié à la fin des années 2000 d'une modernisation du matériel roulant, qu'illustre la mise en service en 2009 d'un autorail sur la ligne Béjaïa-Alger[61]. La ligne Tizi Ouzou-Alger, rouverte en juillet 2009 après être restée fermée depuis les années 1990 pour raison de sécurité, reste soumise aux aléas de l'hiver montagnard[62].
Les ports du littoral kabyle tiennent des rôles variables entre les échelons local et international. Le port de Béjaïa occupe le deuxième rang en Algérie par son volume d'activité, derrière celui d'Alger ; débouché important pour une partie de la production régionale (minerais, vins, figues, prunes ou liège), il a donné depuis les années 1960 une place grandissante au pétrole et aux produits pétroliers tirés du Sahara (les hydrocarbures représentent 86 % de ses exportations en 2005)[63]. En 2008, il a été intégré au projet européen des « autoroutes de la mer » (ADM), aux côtés de Gabès, Agadir et Haïfa[64]. Le port de Djendjen, non loin de Jijel, est destiné à devenir un hub portuaire de niveau mondial : en 2010, la voie rapide qui doit le relier à Sétif est en travaux et une liaison ferroviaire à grande vitesse est à l'étude[65]. À une échelle plus modeste, le port de Collo assure l'embarquement de la production locale de liège[16]. En matière de transport aérien, la région est reliée aux grandes villes étrangères via les aéroports de Béjaïa - Soummam - Abane Ramdane, de Sétif - et d'Alger - Houari Boumédiène.