Les Papiers posthumes du Pickwick Club
livre de Charles Dickens / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Cher Wikiwand IA, Faisons court en répondant simplement à ces questions clés :
Pouvez-vous énumérer les principaux faits et statistiques sur Les Papiers posthumes du Pickwick Club?
Résumez cet article pour un enfant de 10 ans
Vous lisez un « article de qualité » labellisé en 2012. Il fait partie d'un « thème de qualité ».
Les Papiers posthumes du Pickwick Club, également connu sous le titre Les Aventures de Monsieur Pickwick (titre original anglais : The Posthumous Papers of the Pickwick Club, souvent abrégé en The Pickwick Papers [ðə 'pɪkwɪk 'peɪpəz]), est le premier roman de Charles Dickens. Il a été publié en feuilleton, de mars 1836 à octobre 1837.
Les Papiers posthumes du Pickwick Club Les Aventures de Monsieur Pickwick | ||||||||
Exemplaire dédicacé par Charles Dickens à Mary Scott Hogarth (Mary Hogarth from her most affectionate Charles Dickens), 1836 | ||||||||
Auteur | Charles Dickens | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pays | Angleterre | |||||||
Genre | Roman humoristique et picaresque | |||||||
Version originale | ||||||||
Langue | Anglais britannique | |||||||
Titre | The Posthumous Papers of the Pickwick Club | |||||||
Éditeur | Chapman & Hall | |||||||
Lieu de parution | Londres | |||||||
Date de parution | 1836-1837 | |||||||
Version française | ||||||||
Éditeur | Librairie Hachette | |||||||
Collection | Publié sous forme de feuilleton | |||||||
Lieu de parution | Paris | |||||||
Date de parution | 1887 | |||||||
Illustrateur | Se succèdent : Robert Seymour, R.W. Buss, et Hablot Knight Browne, dit Phiz | |||||||
Chronologie | ||||||||
| ||||||||
modifier |
En France, il est « traduit librement » par Eugénie Niboyet dès 1838 sous le titre Le Club des Pickwistes, roman comique[1]. Pour une traduction fidèle au texte original, il faut attendre 1887[2] avec la parution, en feuillets illustrés, des Aventures de Monsieur Pickwick, titre ayant persisté jusqu'à la réédition de 2006.
Signé Boz et publié en feuilleton de à , The Pickwick Papers connaît un succès quasi immédiat. Le premier numéro sort à environ 400 exemplaires ; au dernier, le tirage s'élève à 40 000[3]. Ainsi, comme il est dit dans l'un des premiers comptes rendus, Dickens s'est trouvé « catapulté vers la gloire comme une fusée » (« catapulted him to fame like a sky rocket »)[4], et l'ouvrage demeure à la première place dans le cœur des lecteurs de Dickens depuis de nombreuses décennies[5].
À l'instar de Miguel de Cervantes, Dickens a conçu un héros donquichottesque[6] dont les excentricités, loin d'agacer les lecteurs, le rendent aimable et touchant ; comme son prédécesseur espagnol, Dickens cloue au pilori ses détracteurs en les humiliant plus qu'il ne le fait du héros. Il existe un parallèle entre les deux personnages : Don Quichotte est entiché de chevalerie errante et Pickwick s'est amouraché de savoir itinérant, et chacun n'a de cesse de mener son combat selon un schéma devenu picaresque.
Malgré sa naissance accidentelle et sa structure épisodique, ce que Dickens a appelé « sa nature faite de pérégrination et d'exploration » (« perigrinatory and exploratory nature »)[7], The Pickwick Papers s'est peu à peu constitué en roman, encore que certains de ses éléments restent en dehors de l'intrigue principale, mais contribuent, selon David Parker, à approfondir son ultime signification[8]. Ce qui a commencé par une série d'épisodes comiques et relevant le plus souvent de l'anecdote gagne en envergure narrative, se transforme en intrigue et finit, surtout après l'introduction dans l'histoire de Sam Weller et les démêlés du héros avec la vraie vie, que représente ici la rigueur de la loi, par devenir, selon Davis, « une sorte de roman d'apprentissage comique où s'effrite l'innocence du protagoniste, qui apprend à donner la primauté au réel sur les principes » (« a kind of comic Bildungsroman in which the innocent protagonist learns to compromise principle and affirm life »). Et loin d'être diminué ou aigri par ses souffrances et ses épreuves, Pickwick, qui n'a rien renié, préserve et même renforce sa bonne humeur et son indulgence premières[9]. En conclusion, Davis souligne qu'avec The Pickwick Papers, Dickens devient, de journaliste, non seulement romancier, mais « le grand romancier comique de son siècle » (« the great comic novelist of his century »)[10].
Ce succès foudroyant engendre de nombreuses imitations, si bien que, comme l'écrit Paul Schlicke, « les Pickwick Papers ont gardé leur feuillage persistant » (« remained evergreen »)[11]. Ainsi, le premier roman de Dickens, ou du moins son héros, est universellement connu et « continue de recevoir l'hommage du plaisir des lecteurs et l'attention critique des érudits » (« to receive its meed of delight from readers, as well as scholarly and critical attention »)[11].
Enfin, comme le fait remarquer Chesterton dans son commentaire repris en préface de l'édition J. M. Dent and Sons Ltd, The Pickwick Papers constitue « une sorte de folle promesse, comme une vision prénatale de tous les enfants de Dickens » (« a kind of wild promise, a pre-natal vision of all the children of Dickens »), mais, ajoute-t-il — et cela n'est pas une opinion unanimement partagée —, il est à douter que Dickens se soit ensuite jamais hissé au même niveau (« To the level of 'The Pickwick Papers' it is doubtful if he ever afterwards rose »)[12],[13].
Qui vraiment a eu l'idée de The Pickwick Papers ? Au départ est l'offre faite en par l'artiste Robert Seymour, illustrateur et caricaturiste politique, populaire mais avec des embarras financiers, à la jeune maison d'édition Chapman & Hall d'une série de gravures sur bois traitant des « exploits sportifs » du Nimrod Club cockney, qu'il a observé lors de ses promenades dans les faubourgs encore ruraux du nord de Londres[14] et dont la maladresse, tant à la chasse, à la pêche qu'en d'autres activités, semble congénitale[9]. Ces estampes sont destinées à être publiées selon un rythme mensuel, avec un texte d'accompagnement. La veuve de Robert Seymour, Chapman & Hall, Dickens lui-même sont d'accord pour affirmer que l'idée originale émane bien de l'illustrateur : il s'agit de dépeindre avant tout graphiquement — le commentaire devant rester bref — des événements sportifs. C'est aussi Seymour qui choisit le Nimrod Club, dont les exploits vont être illustrés, et que Dickens délaissera ensuite sans jamais le renier. À l'origine, l'éditeur s'adresse à des sommités littéraires plus expérimentées qui déclinent son invitation[5].
Après cela, les avis diffèrent : Mrs Seymour s'octroie l'avantage d'avoir elle-même choisi le jeune chroniqueur, non pas tant sur son mérite qu'en raison de sa pauvreté, gage, selon elle, d'une collaboration assurée et docile. En réalité, bien plus vraisemblable, pense David Parker, est l'hypothèse selon laquelle le rédacteur en chef de la maison d'édition, que Seymour harcèle de plus en plus[14], n'a pas eu le temps de faire ou de terminer le travail lui-même et a donc recommandé Dickens, sur qui le récent succès des Sketches by Boz, publié selon le format mensuel projeté pour la nouvelle aventure, attire désormais l'attention de la critique et des lecteurs, et qui, d'ailleurs, s'apprête à en faire paraître une édition en deux volumes[14]. De toute façon, David Parker est d'avis qu'en cette affaire, la veuve Seymour exagère le rôle de son mari et que Dickens le minimise ; la seule chose qui est certaine, c'est que le projet de Seymour a déclenché un processus créateur chez le jeune écrivain qui, « sans l'avoir explicitement rejeté, l'a sublimé » (« […] he did not so much reject it as much as sublimate it »)[15].
Un « projet subalterne » (Paul Schlicke)
Le , donc, Chapman dépêche son jeune associé William Hall auprès de Dickens qui vient de fêter, trois jours auparavant, son vingt-quatrième anniversaire[9] et dont le premier volume de Sketches by Boz sort tout juste de chez John Macrone[N 1],[16], pour lui demander ce qu'il appelle « un petit quelque chose » (« a little something »)[17]. Dickens en est tout heureux, qui écrit le soir même à sa fiancée Catherine Hogarth : « Ils [Chapman and Hall] m'ont offert 14 £ par mois pour assurer la rédaction et la mise en œuvre d'une nouvelle publication dont ils ont l'idée, sous mon entière responsabilité ; ce sera mensuel et chaque numéro contiendra quatre gravures sur bois […] Ce n'est pas du gâteau comme travail, mais les émoluments sont trop tentants pour qu'on les refuse » (« They have made me an offer of 14 £ a month, to write and edit a new publication they contemplate, entirely by myself; to be published monthly and each number to contain four wood cuts […] The work will be no joke, but the emolument is too tempting to resist »)[5]. Le contrat est en effet signé début mars : 14 £ par numéro mensuel de 12 000 mots, le premier devant être proposé dans les trois semaines[9].
D'après Paul Schlicke, pourtant, c'est là du travail subalterne, à la solde de l'illustrateur et de l'éditeur qui ont déjà arrêté la plupart des décisions, ce que Dickens rappelle plus tard dans une préface de 1847 : « Mes amis m'ont dit que c'était une publication au rabais, qui allait mettre ma réputation montante en berne » (« My friends told me it was low, cheap form of publication, by which I should ruin all my rising hopes »)[5],[N 2],[17]. À en juger par le nombre de tâches qu'entreprend Dickens et celles qu'il continue d'assumer, sans doute a-t-il en effet quelque doute sur la réussite de l'entreprise : déjà journaliste parlementaire à plein temps au Morning Chronicle, il écrit trois pièces pour le théâtre, un pamphlet politique, reprend une seconde série des Esquisses de Boz, s'engage pour un roman (Gabriel Vardon, le futur Barnaby Rudge) et un livre pour enfants (auquel il finit par renoncer), signe un contrat avec Bentley pour deux autres romans et la gestion éditoriale du Bentley's Miscellany[5]. D'autant, précise David Paroissien, que dans ces premières décennies du siècle, la publication mensuelle n'a guère la cote, tant elle vise un public peu raffiné, les « vrais » auteurs préférant de loin les gros livres « à trois étages », les three-deckers, c'est-à-dire trois volumes[17].
La mainmise de Dickens
The Pickwick Papers, cependant, défie les pronostics des prudents confrères et devient, après quelques hésitations de la part des libraires de province[18], un véritable phénomène d'édition. C'est qu'entre-temps, Dickens a pris le projet en mains. « Dès le départ, écrit-il dans la préface de 1847, j'ai, après réflexion, fait remarquer que, bien qu'étant né et ayant été en partie élevé à la campagne, je n'avais rien d'un grand sportif, à l'exception de tout ce qui concerne la locomotion, que l'idée n'avait rien d'original, avait déjà beaucoup servi, et qu'il serait infiniment préférable que les gravures naquissent comme naturellement du texte, qu'il me fallait donc suivre mon propre chemin, avoir le champ plus libre pour les scènes et les gens de l'Angleterre, et que, de toute façon, je craignais fort que je n'en fisse sur ce point qu'à ma guise » (« I objected, on consideration, that although born and partly bred in the country I was no great sportsman, except in all kinds of locomotion, that the idea was not novel, and been already much used; that it would be infinitely better for the plates to arise naturally out of the text and that I should like to take my own way, with a freer range of English scenes and people, and I was afraid I should ultimately do so in any case »)[19]. « Dès le départ… », c'est-à-dire huit jours après que le projet lui eut été soumis, et déjà la machine Dickens est en marche[5]. « Mes vues ont prévalu, j'ai eu l'idée de M. Pickwick, et j'en ai écrit le premier numéro » (« My views being defferred to, I thought of Mr Pickwick, and wrote the first number »), poursuit-il[19]. Les rôles se sont donc inversés : ce n'est pas Dickens qui accompagne le travail de Seymour, mais ce dernier qui, « d'après les épreuves du texte, dessine le club et fait l'excellent portrait de son fondateur » (« from the proof sheets of which, Mr Seymour made his drawing of the Club and his happy portrait of its founder »[19].
Dickens promet le premier numéro pour le 1er mars, mais, le 4, il écrit à Catherine Hogarth que la tâche est lourde, « tant la matière est abondante » (« I had no idea there was so much in them »)[5]. Bref, la publication est effective le , et chaque mois se reproduisent jusqu'au terme la même hâte fébrile et la livraison de dernière minute ; mais sauf lors du drame de la mort de Mary Scott, les numéros paraissent à la date prescrite[5]. Au début, sans doute par prudence, car il connaît la réputation des publications échelonnées, écrit David Parker, Dickens omet le mot « roman » (novel), qui n'apparaîtra vraiment qu'après l'introduction de Sam Weller dans sa quatrième partie, au chapitre 10[15].
Le changement d'illustrateur
- Robert Seymour, de qui tout est parti.
- Couverture originale due à Robert Seymour.
- R. W. Buss, deuxième illustrateur de The Pickwick Papers.
- « Le rêve de Dickens » (R. W. Buss).
- Phiz, troisième illustrateur.
Le , soit exactement dix-huit jours après le mariage de Dickens avec Catherine Hogarth, l'illustrateur Robert Seymour, dépressif depuis six années, en retard pour ses estampes, harcelé par des créditeurs, écrit une lettre d'adieu à sa femme, gagne la petite tonnelle du jardin familial d'Islington[18] et se tire une balle dans le cœur[20]. Bien que les premières ventes ne soient toujours pas très bonnes[5], Dickens et Chapman & Hall décident de poursuivre l'aventure sur des bases un peu changées : désormais, Dickens touche 20 guinées par mois, soit 21 £, et fournit 32 pages imprimées au lieu de 24, les plaques passant de quatre à deux[18]. Comme le désire l'éditeur mais contre son gré, paraît-il[15], Dickens garde les références aux « activités sportives » du Nimrod Club, ne serait-ce que par l'attirail de chasse et de pêche qui orne encore les colis d'expédition[15].
Le nouvel illustrateur est Robert W. Buss (1804-1875)[21], mais, le travail qu'il réalise pour le troisième numéro n'étant pas jugé à la hauteur, il est sommairement remercié[N 3],[22]. C'est le jeune Hablot Knight Browne (1815-1882), âgé de vingt ans, qui le remplace, au détriment de Thackeray[N 4],[23] qui s'était porté candidat[10]. Il inaugure ainsi une collaboration de vingt-trois ans avec Dickens[24], et, pour l'occasion, afin de rester dans la veine du nom de plume de son employeur « Boz », il adopte, en accord avec Dickens, le pseudonyme qui le rendra célèbre, « Phiz »[10], abréviation argotique de physiognomy (physionomie, visage)[N 5],[25], mot très à la mode en cette première partie du XIXe siècle[N 6]. Browne jouit déjà d'une certaine renommée, car il vient d'être récompensé pour son estampe du John Gilpin de William Cowper (1731-1800) où un cavalier à la mine déconfite perché sur un cheval mors aux dents annonce bien des plans du futur Pickwick auquel il va collaborer[15],[26].
Le quatrième numéro, publié le , est donc remarquable à quatre titres : Hablot Knight Browne est aux commandes des illustrations ; au chapitre 10, Dickens présente Sam Weller dont l'adjonction, selon Paul Schlicke, fait d'emblée de Mr Pickwick, jusque-là simple cible de railleries, « un personnage authentiquement comique » (« an incomparable comic character »)[27] ; deux chapitres plus loin, Mrs Bardell, se méprenant sur l'annonce faite par Pickwick que son intention est de prendre Sam Weller à son service, se persuade qu'il l'a demandée en mariage et, ainsi, induit malgré elle un élément d'intrigue ; enfin, les Pickwickiens quittent le Kent et reviennent, au moins provisoirement, dans le Londres que Dickens connaît si bien[28]. De ce fait, sans cesser d'être un pot-pourri épisodique, The Pickwick Papers se mue en véritable roman[27], devient la coqueluche du public anglais et multiplie ses ventes par quarante[28]. À son amie Emily Jephson, alors en Irlande, Mary Russell Mitford exprime sa grande surprise qu'elle n'en ait point encore eu vent : « Trouve le moyen d'emprunter les Pickwick Papers, lui écrit-elle. C'est comme si tu n'avais jamais entendu parler de Hogarth […] Tu dois absolument lire les Pickwick Papers » (« Do take some means of borrowing the 'Pickwick Papers'. It seems like not having heard of Hogarth […] You must read the 'Pickwick Papers' »)[29].
Synchronisation saisonnière et rush final
À partir du sixième numéro qui est dû pour le mois d'août, Dickens a l'idée de synchroniser les événements racontés et la saison au cours de laquelle s'effectue la publication. Ainsi, le septième, programmé pour le , évoque Noël ; le douzième, prévu en mars, voit Sam Weller écrire un poème de Saint-Valentin à Mary, et Mr Pickwick est poursuivi pour rupture de bans[27].
Le , Dickens donne son accord à Richard Bentley pour assurer la gestion éditoriale du Bentley's Miscellany ; le 5, il démissionne du Morning Chronicle ; le 6, naît son premier enfant ; deux semaines plus tard, il est élu au Garrick Club. Le premier épisode d'Oliver Twist paraît chez Bentley le : désormais, jusqu'au double numéro de novembre, Dickens écrit simultanément deux romans. Pour cela, il divise chaque mois en deux parties dont il consacre la première à Bentley et la seconde à son Pickwick Club. Le , les Dickens quittent Furnival's Inn pour le 48 Doughty Street et, le , Chapman & Hall organise un dîner en l'honneur du romancier qui reçoit, outre un Shakespeare complet, un chèque de 1 500 £ ; et ce même mois, est donnée au théâtre de la Cité de Londres une adaptation de l'œuvre signée par Stirling, et en paraît aussi le premier compte rendu substantiel dans le Court Magazine du [27].
Malgré cette frénésie d'activités, les parutions se succèdent sans anicroche : seul à-coup, le décès brutal le de la jeune Mary Scott Hogarth qui plonge les Dickens dans un profond désespoir. Le couple s'enferme à Hampstead dans le nord de Londres, et, en juin, ni Pickwick ni Oliver Twist ne sont au rendez-vous. Un voyage d'une semaine en France, les premières vacances à Broadstairs en juillet, et, début octobre, afin de rattraper le temps perdu, Dickens est contraint, « en violation de [s]on intangible règle » (« in violation of my established usage »)[30], rapporte-t-il, d'écrire le soir pour venir à bout du numéro double de Pickwick qui paraît le 30[27]. Dès lors, la popularité du roman devient « phénoménale »[29], les pauvres se cotisent ou vont se faire lire les pages, les bourgeois mêlent les feuillets sommairement brochés aux riches et respectables reliures de cuir de leur bibliothèque ; bref, écrit Edgar Johnson, « sans doute aucune œuvre n'a jamais, ni avant ni depuis, suscité un enthousiasme aussi ardent et universel dans toute l'histoire de la littérature » (« It is doubtful if any other single work of letters before or since has ever aroused such wild and widespread enthusiasm in the entire history of literature »)[31].
Publication
Aussi étrange que cela puisse paraître, « originalité à la fois plaisante et inhabituelle » (« the pleasant and uncommon fact »), pas une seule ligne contractuelle n'a été signée ni avant ni pendant la publication, ce que constatent les participants au dîner organisé le chez Degex's à Leicester Square pour en célébrer l'achèvement[32]. Seules deux lettres ont été échangées entre Chapman & Hall et Dickens, la proposition et son acceptation, encore que les contacts, lors de la progression des travaux, aient été constants entre auteur, illustrateurs et éditeurs[27]. Ce manque juridique est évoqué lors du dîner du 18 et, à l'initiative de John Forster, un acte officiel est signé le 24, selon lequel Dickens reçoit un tiers des droits d'auteur après cinq ans et s'engage à écrire un nouveau roman (ce sera Nicholas Nickleby[33]).
Calendrier des parutions
Les épisodes du roman ont été publiés par Chapman & Hall selon le calendrier suivant :
Numéro | Date | Chapitres |
---|---|---|
I | 1-2 | |
II | 3-5 | |
III | 6-8 | |
IV | 9-11 | |
V | 12-14 | |
VI | 15-17 | |
VII | 18-20 | |
VIII | 21-23 | |
IX | 24-26 | |
X | 27-28 | |
XI | 29-31 | |
XII | 32-33 | |
XIII | 34-36 | |
XIV | 37-39 | |
XV | 40-42 | |
XVI | 43-45 | |
XVII | 46-48 | |
XVIII | 49-51 | |
XIX-XX | 52-57 |
Accueil
- Voltaire, auteur de contes dans la lignée desquels se tiendraient The Pickwick Papers.
Chapman & Hall compte sur environ 500 ventes par mois. De fait, sur les 1000 premiers numéros imprimés, à peine la moitié est écoulée. Le succès commence avec le quatrième, si bien qu'en , le tirage passe à 14 000 pour grimper jusqu'à 40 000 à la fin de l'année. Comme l'écrit Robert L. Patten, « Chapman & Hall sont tombés sur une mine d'or » (« Chapman and Hall had stumbled on a gold mine »)[34]. Pickwick devient en effet un phénomène dont s'emparent le public, la presse et le monde théâtral : avant même qu'il ne soit terminé, il fait l'objet de quatre adaptations scéniques et de bon nombre d'imitations. D'ailleurs, Dickens s'imite lui-même, d'abord en utilisant Sam, Tony et M. Pickwick dans l'éphémère Horloge de Maître Humphrey, puis en organisant deux lectures publiques, dont l'une, consacrée au procès imposé au héros par la veuve Bardell, est un grand classique jusqu'à la fin de sa carrière. Enfin, en marge, mais révélateur d'un engouement sans précédent, fleurit tout un commerce parallèle avec, offert à la vente par les boutiques ou les colporteurs, un attirail de chapeaux, pipes, cigares, capes, tissus, canes, figurines de porcelaine, recueils de chansons, fascicules de blagues, tous estampillés « Pickwick »[35].
Devant ce succès, Chapman & Hall publie l'ouvrage en un volume le ; Bradbury and Evans en font deux tomes en 1858, et, en 1867, Chapman and Hall en présente une ultime édition, revue et corrigée par l'auteur. De l'autre côté de l'Atlantique à Philadelphie, chez Lea and Blanchard, en Inde à Calcutta, aux antipodes en Tasmanie, sur le continent en Europe, par exemple à Leipzig, paraissent très vite des copies piratées[27] et d'après Robert L. Patten, au moins 96 éditions ont paru en Angleterre et 127 en Amérique[31] ; parmi cette masse, l'édition la plus érudite et la plus scientifique reste, selon lui, celle de 1986 de Clarendon Press, dirigée par James Kinsley[36]. Tout compris, éditions bon marché incluses, dont celle de 1847 qui est un grand succès, à la fin de 1878, sans compter les traductions qui fleurissent en Europe, 1 600 000 exemplaires ont été vendus en Grande-Bretagne et outre-Atlantique[35].
La critique non plus n'a jamais fait relâche : Percy Fitzgerald (en) à lui seul a rédigé cinq volumes d'études pickwickiennes, avec notes, commentaires, énigmes, doutes, dont le plus célèbre est son livre de mémoires publié en 1903[37] ; G. K. Chesterton déclare en 1906 que « Pickwick a quelque chose de plus noble qu'un roman » (« something nobler than a novel »)[38], « comme si les dieux étaient partis en promenade à travers l'Angleterre » (« a sense as of the gods gone wandering in England »)[31], et l'édition J. M. Dent and Sons de 1954 reproduit une de ses analyses en guise d'introduction[39] ; W. H. Auden, quant à lui, renchérit sur Chesterton en affirmant dans un célèbre essai que le roman est « le mythe revisité de la chute de l'homme » (« a mythic retelling of the Fall of Man »)[40]. Certes, d'autres critiques prétendent que la structure distendue du livre n'en fait pas un roman et, se fondant sur cette analyse, A. E. Dyson ne l'inclut pas parmi les œuvres romanesques de Dickens dans son The Inimitable Dickens, préférant le considérer comme une sorte de conte philosophique dans la veine de ceux de Voltaire[41],[35].
Il est opportun de présenter les personnages avant d'aborder le détail de l'intrigue, tant son foisonnement de farce philosophico-comique itinérante risque de rester obscur, à moins que ses principaux acteurs ne soient déjà connus. Telle est d'ailleurs la méthode proposée par la plupart des éditions du livre : ainsi, celle de J. L. Dent and Sons, qui reprend en guise d'introduction le texte déjà mentionné de G. K. Chesterton[42], en donne la liste juste avant le premier chapitre, avec une répartition par sexe. Dans la colonne de gauche figurent les personnages masculins, dans celle de droite les personnages féminins, distinction s'expliquant sans doute par le fait qu'effectivement, ce sont les hommes, dans cette histoire, qui jouent les premiers rôles et restent de bout en bout, la veuve Bardell exceptée, les principaux moteurs de l'action. En tête cependant, chapeautant les deux colonnes, figurent le nom du fondateur du Pickwick Club, Samuel Pickwick, et celui des adhérents de l'« Association des membres correspondants », Augustus Snodgrass, Tracy Tupman et Nathaniel Winkle[43].
Toutefois, The Pickwick Papers comprend en tout soixante personnages masculins et vingt-deux féminins, qui participent directement à l'intrigue. S'y ajoutent seize personnages relevant des histoires rapportées lors des digressions, soit un total de quatre-vingt-dix-huit, auquel se joint le narrateur lui-même[42]. À ce compte, c'est l'un des plus populeux romans de Dickens, ce qui rend sans intérêt d'en dresser ici la liste complète.
Personnages principaux
Ils forment la petite cohorte des voyageurs :
- Ce bon M. Pickwick dans ses œuvres : le punch et la brouette (Fred Barnard).
- « Une vision prénatale de tous les enfants de Dickens » (G. K. Chesterton), présentée par Sam Weller à son maître.
- Les quatre voyageurs : Tracy Tupman, Nathaniel Winkle, Samuel Pickwick et Augustus Snodgrass.
Samuel Pickwick
D'où vient-il ?
D'où vient Mr Pickwick, le doyen de l'assemblée, à la retraite après une belle carrière dans les affaires ? Dickens a écrit que l'idée du personnage lui est venue avant celle du roman. « J'ai eu l'idée de M. Pickwick » (« I thought of Mr Pickwick »), écrit-il dans sa préface de 1847[44], et le reste a suivi.
Quant au nom, il a été emprunté à un certain Moses Pickwick, transporteur assurant la liaison Bath-Londres et propriétaire d'hôtels à Bath, notamment l'auberge du Cerf blanc (White Hart)[45], intégrée au chapitre 35 lorsque les Pickwickiens se rendent en cette ville[46]. Le personnage de Pickwick change au cours de l'histoire, mais Dickens se défend de l'avoir vraiment voulu : plutôt que M. Pickwick, remarque-t-il dans la même préface, c'est le regard que lui porte le lecteur qui a varié, tant il est vrai que l'habitude qu'on acquiert des gens, surtout lorsqu'ils sont aussi originaux et capricieux que M. Pickwick, « oblige à y regarder de plus près et à reconnaître le meilleur de leur être sous les traits superficiels » (« it isn't before we are better acquainted with him that we usually begin to look below these superficial traits, and to know the better part of him »)[44].
De ce fait, l'adjectif pickwickien (Pickwickian)[N 7],[46], outre la référence au Pickwick Club (voir le § suivant), s'est pris à signifier, comme l'explique Paul Davis, « tout mot désobligeant ayant perdu ses connotations péjoratives » (« an uncomplimentary word that has lost its derogatory connotations ») ; ce miracle sémantique dérive, certes, de sa première acception quelque peu forcée, lorsque, pour se tirer d'affaire après avoir traité M. Pickwick de humbug (fumiste), Blotton l'assure que le sens attribué est « à la Pickwick » (Pickwickian)[46]; mais son sens s'est épaissi du fait que M. Pickwick, de toujours éminemment sympathique, soit en plus devenu, quoique sur le tard, un sage.
Enfin, dans le roman, puis dans l'imagination populaire, le nom « Pickwickien » (Pickwickian) désigne une catégorie bien définie d'individus, les membres du Pickwick Club[46] ; d'où le nécessaire emploi de la majuscule française signifiant leur appartenance à un groupe s'assimilant à une ethnie, et au-delà, toute personne dont le physique ou le caractère, voire les deux, rappelle le personnage de Dickens.
Qui est-il ?
Samuel Pickwick : principal protagoniste, fondateur du Pickwick Club, visage lunaire, rasage impeccable, petites lunettes rondes comme sa face et puissant embonpoint, il diffère des autres membres. Son âge semble d'abord inopportun pour l'entreprise d'un Bildungsroman collectif, d'autant, précise Paul Davis, que, d'emblée, c'est lui qui définit, crée en quelque sorte, un nouveau monde, insolite et inouï[47], où tout est sens dessus dessous. Paradoxe vivant, cet homme d'affaires à la retraite, donc en principe averti, qui plus est observateur scientifique, certes autoproclamé, mais mentor honoré d'un groupe de gens plus jeunes que lui, se posant en représentant sincère de l'expérience et de la sagesse vécues, possède en réalité l'innocence et la naïveté d'un enfant que « sa bonté innée rend incapable de voir le monde autrement qu'en termes bienveillants et optimistes à l'extrême » (« his innate goodness makes him incapable of imagining the world in anything other than the most benevolent and optimistic terms »[48].
Ses accompagnateurs
- Augustus Snodgrass : homme dit « de poésie », qu'enveloppe un manteau lui-même « poétique » avec un col en fourrure de chien (chapitre 1), qui se prend en effet pour un poète, mais dont le narrateur se garde bien de citer ou de lui faire dire un seul de ses vers. Il s'éprend de Miss Emily Wardle, finit par l'épouser et vivre dans le bonheur conjugal à Dingley Bell (chapitre 57).
- Tracy Tupman : déjà à l'âge de la maturité et encombré d'une obésité peu obligeante, qui se considère comme le type même du romantique amoureux et transi. Sa passion dominante (ruling passion) est l'amour du « beau sexe »[49]. Dickens a cependant un faible pour lui : il lui octroie une ardeur et un enthousiasme juvéniles qui font merveille avec Rachel Wardle, il est vrai vieille fille à la cinquantaine passée, mais, une fois cette entreprise déjouée car jugée inopportune, il lui confère une sage rédemption en l'autorisant à se retirer dignement et se contenter de l'admiration des vieilles dames désargentées de Richmond (chapitre 57).
- Nathaniel Winkle : ami de M. Pickwick, soi-disant excellent cavalier et expert en armes à feu, qui se révèle dangereusement incapable de manier ses montures et ses fusils. Il épouse Miss Arabella Allen et se met peu à peu à ressembler à son vieux père, la calvitie en moins (chapitre 50). Seul véritable héritier des sportifs conçus par Robert Seymour[10], il a pour fonction de créer des situations apparemment inextricables où le comique côtoie le dangereux, le rire et le frisson faisant alors excellent ménage. Gaffeur impénitent, il suscite le courroux de son mentor, mais finit toujours par se faire pardonner. C'est un faire-valoir, un déclencheur d'épisodes insolites, un personnage que Dickens a épaissi par la constance même de son incorrigible maladresse et qu'il a fini par adouber en bon citoyen[50].
- Sam Weller vu en 1836 (H. K. "Phiz" Browne).
- Sam Weller vu vers 1890 (Kyd).
- Alfred Jingle par Fred Barnard.
- Sam Weller : ancien cireur de chaussures dans une auberge, promu valet de M. Pickwick, source inépuisable de conseils dispensés sous forme de proverbes et d'aphorismes devenus célèbres. Produit à la fois de la rue et du voyage (son père, Tony, est cocher), Sam combine le double savoir cockney du citadin et de la route campagnarde. Son entrée en scène change la donne du roman : tout aussi spirituel que Jingle mais bien plus cohérent (ses histoires ont queue et tête et comportent une morale), il a l'art de rendre service sans chercher à se faire valoir. Il devient peu à peu l'alter ego de Pickwick, et aussi son antidote, son expérience neutralisant l'innocence première de son maître[48]. Le couple Pickwick-Weller s'affirme progressivement comme le pivot de l'histoire, alors que le Pickwick Club se marginalise quelque peu. En somme, résume Paul Davis, avec Weller, Pickwick a trouvé son centre, les épisodes décousus se reliant au fur et à mesure que se gélifie l'alchimie liant les deux personnages[51].
- Alfred Jingle : pièce rapportée dès le premier jour et intégrée à l'histoire sans être toujours présent ; acteur, charlatan itinérant, remarquable par ses anecdotes incongrues au style « télégraphique » extravagant et décousu[48] ; à l'inverse des enflures rhétoriques de Pickwick, Jingle est capable de réduire l'existence à un minimum de sensations et leur rendu à quelques noms et verbes[48]. Il est aussi, et à ce tire il joue un rôle non négligeable dans l'action, l'auteur d'escapades un peu moins qu'honorables, car, doté d'une nature protéenne (protean), il gruge ses victimes en incarnant aussitôt, par ses dons de mime et de travestissement, le moindre de leurs désirs[48]. Contrairement à Weller, c'est un être sans morale, non par volonté délibérée mais par une disposition congénitale, la « carence du service à autrui » (« no notion of serving others »)[48]. Bien traité lui aussi en définitive, il finit sa carrière, toutes dettes payées, tout contentieux effacé, sous les palmes des cocotiers des Indes occidentales[52].
Comparses
Ils forment la garde-arrière à Londres ou, le plus souvent, sont rencontrés au cours du périple en province.
- Mr Wardle, le country squire, gentilhomme rural, propriétaire d'une ferme paradisiaque, Manor Farm à Dingley Dell, excellent ami de M. Pickwick.
- Joe, domestique chez les Wardle, gros gaillard qui s'empiffre et s'endort en tous lieux, toutes circonstances et à toute heure. Sa narcose pathologique a donné un nom à une forme du syndrome d'apnées du sommeil, le « syndrome de Pickwick ».
- Rachael Wardle, sœur de Mr Wardle, la vieille fille qui s'enfuit en compagnie de Mr Jingle.
- Job Trotter, domestique de Mr Jingle, rusé et hypocrite, dont la rouerie ne se décèle qu'au tout début d'une scène car, tel le caméléon, il change aussitôt sa couleur en docilité servile.
- Mr Perker, l'un des avocats de M. Pickwick.
- Mary, l'accorte servante (« a well-shaped female servant »), l'amour secret de Sam Weller qui lui compose un poème pour la Saint-Valentin.
- Mrs Bardell, veuve, propriétaire des appartements de M. Pickwick, créatrice de fâcheux quiproquos et instigatrice du procès.
- Emily Wardle, l'une des filles Wardle.
- Arabella Allen, amie d'Emily Wardle.
- Ben Allen, frère d'Arabella, étudiant en médecine prodigue et dissipé.
- Bob Sawyer, ami et camarade d'« études » de Ben Allen.
- Mr Serjeant Buzfuz, avocat de Mrs Bardell dans ses démêlés judiciaires avec M. Pickwick.
Le Pickwick Club de Londres décide en de fonder une association dite « de correspondance », dont quatre des membres partent en voyage pour rendre compte de leurs expériences.
Lors de leur première étape, les Pickwickiens se font rosser par un cocher qui les prend pour des espions, au milieu d'une foule hostile. Ils doivent leur salut à Alfred Jingle, qui voyage en leur compagnie jusqu'à Rochester. Jingle s'avère être un aventurier qui s'intéresse aux femmes riches et qui compromet Winkle auprès d'un irascible Dr Slammer, qui le provoque en duel.
À Chatham, les Pickwickiens assistent à des manœuvres militaires, au cours desquelles ils se font bousculer ; ils rencontrent aussi Mr Wardle, le country squire local qui les invite chez lui à Dingley Bell dans sa ferme de Manor Farm. Les invités finissent par arriver malgré un accident et, à Manor Farm, jouent aux cartes, courtisent les dames, entendent des histoires, chassent et regardent un match de cricket. Mr Tupman s'éprend de Rachel, la sœur de Mr Wardle restée vieille fille, tandis que Mr Snodgrass se trouve un faible pour sa fille Emily. Cependant, Tupman se fait supplanter par Jingle qui, son bagout aidant, prend la fuite avec Rachel. M. Pickwick et Mr Wardle les poursuivent jusqu'à Londres où, avec l'aide de l'avocat Perker, ils achètent Jingle et sauvent ainsi Rachel d'une union promise au désastre.
À Londres, M. Pickwick rencontre Sam Weller, cireur de bottes et bon à tout faire, qu'il engage aussitôt comme valet. Sam est un cockney averti des choses du monde, spirituel, intelligent, le poing aussi affûté que la langue. M. Pickwick explique à sa logeuse, Mrs Bardell, qu'il vient de prendre un domestique, mais sa façon alambiquée de présenter les choses la conduit à croire qu'il lui fait une proposition de mariage, et, rompue d'émotion, elle s'évanouit dans ses bras au moment même où arrivent les trois autres compères.
Tout au long du roman, le cocher Tony Weller, père de Sam, qui a eu le malheur d'épouser une veuve évangéliste, acariâtre et alcoolique, se livre à un commentaire indéfiniment recommencé sur les dangers matrimoniaux. Mrs Bardell, quant à elle, dépose plainte contre Mr Pickwick, pour manquement à sa promesse.
Entre-temps, les Pickwickiens se rendent à Eatansville, où ils assistent à une élection, dont la violence n'a d'égale que l'absurdité. Pickwick et Winkle logent chez Mr Pott, patron d'une gazette partisane, et Winkle se laisse entraîner dans les querelles de la maisonnée. Les Pickwickiens sont invités à une fête costumée donnée par une célébrité littéraire locale, Mrs Leo Hunter. Au cours des réjouissances, M. Pickwick tombe sur Jingle, qu'il poursuit jusqu'à la ville voisine. Jingle, apprend-il de son domestique, a des vues sur une jeune pensionnaire d'un établissement scolaire, et Mr Pickwick décide d'empêcher le forfait. Malheureusement, ce renseignement n'est qu'une ruse qui conduit Pickwick à une sérieuse déconvenue, ce qui lui cause une crise de rhumatismes.
Les Pickwickiens se rassemblent à Bury St Edmunds, où Mr Wardle donne une partie de chasse à laquelle M. Pickwick, suffisamment remis de ses émotions, peut participer. Il y apprend la démarche de Mrs Bardell auprès du cabinet Dodson and Fogg, deux avocats véreux. Aussi retourne-t-il à Londres pour prendre conseil.
Il a vent que Jingle se trouve à Ipswich, où il se rend aussitôt pour le démasquer. Un malentendu dans une auberge le conduit devant la justice, représentée localement par un petit tyran lui-même tyrannisé par sa femme, et à la fille duquel s'intéresse Jingle. Pickwick se tire d'affaire en révélant que Jingle n'est qu'un aventurier de bas étage.
Les Pickwickiens retournent chez les Wardle pour les célébrations de Noël et le mariage d'Isabella. Snodgrass courtise toujours Emily et Winkle s'éprend d'Arabella Allen, amie des filles Wardle.
Le jour de la Saint-Valentin de 1831 se déroule le procès de M. Pickwick ; la rhétorique de Serjeant Bufuz et les témoignages à charge lui valent un verdict de culpabilité et la condamnation aux dépens, qu'il refuse d'honorer.
Il lui reste deux mois de répit avant que Dodson and Fogg puissent le faire arrêter. Aussi en profite-t-il pour emmener ses compagnons à Bath, où Winkle s'embrouille avec une femme d'âge assez mûr et doit fuir jusqu'à Bristol ; il y apprend que sa bien-aimée Arabella est retenue cachée par son frère. Sam et Pickwick arrivent à la rescousse et s'arrangent pour que Winkle ait un contact avec sa belle et lui fasse part de ses intentions.
Les deux mois sont écoulés : Pickwick, de retour à Londres, est incarcéré à la prison de la Fleet, où il ne trouve que détresse, saleté et misère, et se voit brièvement en butte aux agissements de deux prédateurs. Il y découvre Alfred Jingle soumis à un régime abject et lui vient en aide, ordonne à Sam de quitter son service, mais ce dernier se fait lui-même arrêter pour dettes afin de rester auprès de lui. Accablé par l'immense détresse qui l'entoure, Pickwick reste reclus dans la chambre qu'il a louée et dont il ne sort que brièvement le soir. Il assiste ainsi à l'arrivée de Mrs Bardell, elle-même emprisonnée pour dettes, car elle ne peut payer ses avocats. Son cœur commence à fléchir, et bientôt, sollicité par Winkle qui a épousé Arabella et a besoin de son intercession auprès de son père et de son beau-frère, il décide de tout payer : son dû à la justice, celui de Mrs Bardell et les dettes de Jingle.
Sa mission auprès de Ben Allen à Bristol, fort aidée par de bonnes rasades d'alcool, tourne bien. Vient ensuite la rencontre avec Mr Winkle père à Birmingham, que la nouvelle du mariage semble irriter et dégoûter au plus haut point.
De retour à Londres, Pickwick paie Dodson and Fogg, envoie Jingle et son domestique aux Indes occidentales pour se refaire une vie, et apprend que Snodgrass s'apprête à enlever Emily. Il se fait l'interprète du couple auprès de Mr Wardle qui finit par donner sa bénédiction. Le mariage est célébré en la nouvelle demeure de Mr Pickwick. Sam Weller épouse l'accorte Mary qu'il courtise depuis longtemps. Le Pickwick Club est dissous, mais Samuel Pickwick devient le parrain des enfants de ses anciens compagnons de voyage[53].