Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet
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La loi no 2009-669 du favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi Hadopi 1 ou loi création et internet[Note 1] est une loi française qui vise principalement à mettre un terme aux partages de fichiers en pair à pair lorsque ces partages se font en infraction avec la législation sur les droits d'auteur. Cette loi comporte six chapitres et deux volets : le volet de riposte graduée et le volet d'amélioration de l'offre licite. La récidive est punie de manière croissante et le législateur parle de « riposte graduée ». Cette loi a créé la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), organisme indépendant français de régulation, puis complétée par la loi Hadopi 2 du .
Titre | Loi no 2009-669 du favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet |
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Abréviation | LCI |
Pays | France |
Type | Loi ordinaire |
Branche | Propriété intellectuelle |
Législature | XIIIe législature de la Ve République |
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Gouvernement | Gouvernement François Fillon (2) |
Adoption | Assemblée nationale : 12 mai 2009, Sénat : 13 mai 2009 |
Promulgation | 12 juin 2009 |
Lire en ligne
La sanction la plus lourde prévue par cette loi était la coupure de l'accès à internet. Après une demande de l'ONU en 2011, le gouvernement français a abrogé cette sanction en 2013[1].
Cette loi fait suite à la directive européenne 2001/29/CE transposée en droit français par la loi DADVSI qui cherche spécifiquement à protéger les droits d'auteur sur Internet. Elle a été complétée par une nouvelle loi, dite « Hadopi 2 » qui a été adoptée par le Sénat le [2].
Après des passages devant de multiples instances de l'État (dans l'ordre, la Cnil, le Sénat, l'Assemblée nationale, une commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale une deuxième fois), le Conseil constitutionnel en déclare certaines mesures clés contraires à la constitution, et la loi est promulguée, sans celles-ci, le .
La loi Création et Internet, avec ses articles non conformes à la constitution, avait pour but de :
- créer une autorité publique indépendante[3], la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) ;
- instaurer une sanction administrative punissant spécifiquement le défaut de surveillance de son accès à l'Internet contre l'utilisation de celui-ci par un tiers pour la diffusion d'une œuvre auprès du public sans l'accord de ses ayants droit (obligation créée par la loi DADVSI mais alors non assortie de sanctions) ;
- mettre en œuvre ces sanctions selon la méthode de la « réponse graduée » : un courriel d'avertissement en guise de premier rappel à la loi, puis un courrier d'avertissement par lettre recommandée, et la coupure de la connexion Internet en dernier ressort ;
- faire de cette autorité un intermédiaire entre l'ayant droit, chargé de fournir les adresses IP des équipements informatiques suspectés de téléchargement illicite et le fournisseur d'accès à Internet, chargé d'identifier les abonnés et de procéder in fine à la coupure de leur accès à l'Internet.
La décision du Conseil constitutionnel interdit cette coupure, si elle n'est pas prononcée par un tribunal judiciaire, après débat contradictoire.
Les coûts d'application de la nouvelle loi, y compris après sa mise en conformité avec la constitution, sont estimés par le ministère de la Culture à 6,7 millions d'euros[4]. Les fournisseurs d'accès sont en désaccord total avec ces estimations ; d'après eux, les coûts atteindront plusieurs dizaines de millions d'euros[Note 2] (100 millions selon La Fédération française des télécoms). De plus, les internautes recevraient l'injonction d'installer sur leur ordinateur un logiciel de sécurisation payant et non interopérable[Note 3],[5],[6].
Genèse du projet
La loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (DADVSI), votée le , prévoyait la mise en place d'une « réponse graduée », transformant en simple contravention la mise à disposition du public d'œuvres protégées sans l'autorisation de leurs ayants droit, qui constitue actuellement un délit, sanctionné de peines pouvant aller jusqu'à 300 000 euros d'amende et trois ans de prison.
Afin d'introduire un dispositif qui s'ajoute aux sanctions pénales, la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, confie, le , à Denis Olivennes, patron de la Fnac, une mission ayant pour but de proposer une nouvelle modalité de « réponse graduée », compatible avec la décision du Conseil constitutionnel, après consultation des acteurs de la propriété intellectuelle et de l'Internet. Denis Olivennes présente le résultat de sa mission le dans un rapport où il propose principalement la création d'une autorité administrative qui gèrerait un système de messages d'avertissements puis de sanctions non pénales destinées à prévenir et, en cas de multiples récidives, à sanctionner le « téléchargement illégal[7] ».
Ses propositions sont reprises dans les « accords Olivennes », renommés après coup « accords de l'Élysée », signés, en , par 46 entreprises et organisations représentatives du monde de la culture (cinéma, musique, télévisuel) et de l'Internet (fournisseurs d'accès)[8]. Les FAI s'y engagent à couper l'accès de leur client, et à filtrer leurs accès. Ce texte sert donc de base à la loi Hadopi.
Ces accords sont dénoncés peu de temps après par plusieurs entreprises signataires, comme Free[9],[10], Orange[11], SFR et Numéricable[12].
À ces entreprises contestataires, il faut rajouter Dailymotion, qui refusa de parapher le texte, qui comme Xavier Niel de Free, dénonce les conditions dans lesquelles ces accords ont été signés : ils ont été prévenus vingt-quatre heures avant la signature, ils n'avaient pas la possibilité de garder le texte avec eux, et Xavier Niel estime que chaque signataire a très bien pu signer pour un texte différent[13],[14].
Projet de loi
Consultation de la Cnil
Conformément à l’article 11.4 de la loi de 1978, la Cnil doit être « consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l’égard des traitements automatisés[15] ».
En , la Cnil, à la suite d'une décision du Conseil d'État[16] annulant les refus d'autorisation de collecter les adresses IP dans le cadre de la lutte contre les téléchargements illégaux, opposés par la Cnil à des sociétés d'auteurs[17], a permis dans certaines conditions aux ayants droit de faire effectuer des constats de contrefaçon et de conserver les adresses IP associées.
En , la Cnil est consultée sur le projet de loi Hadopi. Bien que gardé secret par le gouvernement, le rapport de la Cnil a été révélé par La Tribune[18]. Ses positions sont confirmées plus tard par son président[19]. Plusieurs reproches à la loi s'y font jour :
- constatant que le seul motif du gouvernement est de préserver les revenus de l'industrie du loisir, elle déplore le manque d'études démontrant clairement le rôle du partage de fichiers dans la perte de revenus de cette industrie qui est par ailleurs en pleine mutation vers les formats numériques ;
- la coupure de la connexion à l'Internet pourrait aussi couper le téléphone et la télévision ;
- la surveillance des employés par leur employeur imposée par la loi comporte un risque de surveillance individualisée ;
- l'Hadopi pourra accéder à des données personnelles sans l'intervention d'une procédure judiciaire, ce que le Conseil constitutionnel a déjà rejeté[20] ;
- l'Hadopi pourra accéder à des données de trafic personnel, ce qui peut porter atteinte à la vie privée ;
- les plaignants auront le choix entre trois procédures pour porter plainte ;
- la limite entre la vie privée et la surveillance de l'Internet n'est pas clairement définie ;
- l'envoi de courriers par la Haute autorité n'est pas obligatoire ; la connexion peut être directement coupée. Ce choix dans la sanction pourrait être arbitraire.
En conclusion, elle émet un avis critique sur ce projet de loi et estime qu'il n'offre pas « les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d’auteur[21] ».
Parallèlement, l'Arcep rappelle que les opérateurs de téléphonie ont l'obligation de maintenir l'accès aux services d'urgence, ce qui nécessitera un temps d'adaptation des réseaux des FAI, afin de séparer la téléphonie de l'Internet pour les offres groupées[22].
Alex Türk, président de la Cnil mais aussi sénateur, malgré l'avis défavorable de son institution, va voter « pour » le projet Hadopi[23], en première lecture comme lors du vote final du .
Discussions au Parlement
Le , le projet de loi[24] est présenté en Conseil des ministres par Christine Albanel, puis déposé au Sénat. Le , Michel Thiollière, auteur du rapport sur le projet de loi DADVSI pour le Sénat puis à la commission mixte paritaire, a été nommé rapporteur par la Commission des affaires culturelles du Sénat. Le gouvernement a déclaré l'urgence sur ce projet de loi le , limitant les débats à une lecture par Chambre. Le texte est adopté à l'unanimité en 1re lecture par le Sénat le .
Le , le texte est examiné à l'Assemblée nationale où il a été modifié puis il est adopté le par 16 députés[25]. Il n'y a pas de deuxième lecture au Sénat, puisque la procédure d'urgence a été déclarée par le gouvernement[26].
Le , en raison de la procédure d'urgence, une commission mixte paritaire composée de 7 députés et de 7 sénateurs élabore un texte commun.
Le , le texte commun est adopté par le Sénat puis rejeté par l'Assemblée nationale avec 21 votes contre et 15 votes favorables. Jean-François Copé, président du groupe UMP qui n'était pas présent lors du vote, dénonce un « coup » des socialistes[27],[28]. Selon les députés Patrick Bloche et Lionel Tardy, le texte proposé par Christine Albanel n'a pas convaincu les députés de la majorité et s'est heurté à la forte mobilisation de l'opposition[29]. La secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, et le député Nicolas Dupont-Aignan dénoncent le passage en force du gouvernement[29].
Le , le texte revient devant l'Assemblée nationale pour une première séance, les débats sont houleux et la majorité estime qu'après quarante heures de débats, il n'y a plus lieu de discuter mais de voter[30],[31]. Des députés de la majorité opposants au texte, Christian Vanneste (rapporteur du projet de loi DADVSI) et Lionel Tardy, sont privés de micro durant cette séance par le président du Groupe UMP, Jean-François Copé[32].
Le texte du projet de loi a déjà fait entre-temps l'objet de plus de 500 amendements[33] dont 200 amendements votés en seulement vingt minutes, un rythme de vote dénoncé par Christian Paul[31].
Le vote final a eu lieu le . Il y a eu 557 votants, 529 votes exprimés, la majorité absolue était donc fixée à 265. 296 députés ont voté pour, 233 contre. La majorité a principalement voté pour (284 pour et 6 contre (17 abstentions)) et la gauche contre (1 pour et 190 contre (6 abstentions))[34],[35].
Le , au lendemain de son adoption par l'Assemblée, le Sénat vote également le texte dans les mêmes termes par 189 voix contre 14[36],[37].
Conseil constitutionnel
Le , le Conseil constitutionnel est saisi sur 11 griefs d'inconstitutionnalité[38],[39]. Le gouvernement de son côté présente ses arguments[40]. Le , le Conseil rend sa décision[41]. Selon lui, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; […] eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services » (point 12), « eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait […] confier les pouvoirs (de restreindre ou d'empêcher l'accès à internet) à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins » (point 16), « l'article L. 331-38 opère un renversement de la charge de la preuve et institue une présomption de culpabilité, en méconnaissance des exigences résultant de l'article 9 de la Déclaration de 1789 » (point 18). Pour ces raisons, il déclare (article 1) contraires à la Constitution les articles autorisant la coupure de l'accès à l'Internet hors d'une décision judiciaire. En revanche, le premier volet est validé sous réserves : la collecte et le traitement des données devront faire l'objet d'une autorisation de la part de la CNIL[42].
Le Conseil Constitutionnel considère également, concernant le filtrage « que l’article L. 331-32 a pour seul objet de favoriser l’utilisation des moyens de sécurisation; qu’il revient au pouvoir réglementaire de définir les conditions dans lesquelles ce label sera délivré ; […] que [ces] dispositions […] ne sont pas entachées d’incompétence négative » (point 35) et « qu’en permettant aux titulaires […] et aux personnes habilitées à les représenter, de demander que le tribunal de grande instance ordonne, à l’issue d’une procédure contradictoire, les mesures [de blocage], le législateur n’a pas méconnu la liberté d’expression et de communication » (point 38). Le Conseil, déclarant non conformé à la constitution de ce fait deux passages de l'article L331-32, ouvre donc une réserve d'interprétation en décidant que les filtres doivent être définis par un « pouvoir réglementaire », non par la HADOPI, et en soumettant ces mesures au recours judiciaire[43],[44],[45].
Promulgation
Le , le président Nicolas Sarkozy promulgue les articles conformes à la constitution de la loi[46].
Union européenne
Le , le Parlement européen adopte une résolution qui engage les États membres à « éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à l'Internet ». Une résolution n'a pas force de loi mais indique la volonté du Parlement.
En , le projet de loi est notifié à la Commission européenne, qui n'a pas émis de réserves, car il ne présente pas de contradiction avec les directives européennes qui ont cours.
Le paquet télécoms est un ensemble de directives qui devront obligatoirement être transposées dans les lois de chaque pays membre. À l'origine, ce paquet n'a pas l'intention de réguler les contenus des réseaux de télécommunications, mais uniquement de régler des problèmes de concurrence communautaire.
En , la Commission européenne tente de rajouter au paquet télécoms, des modifications validant le concept de riposte graduée[47].
Le , en première lecture du paquet télécoms, le Parlement vote à 88 % pour l'amendement 138 qui dit : « Aucune restriction ne peut être imposée à l'encontre des droits fondamentaux et des libertés des utilisateurs finaux, sans décision préalable des autorités judiciaires, notamment conformément à l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur la liberté d'expression et d'information, sauf si la sécurité publique est menacée. » Selon les interprétations de ses rédacteurs (Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit et Zazana Roithová) et les opposants au texte de loi Hadopi, cet amendement empêcherait de confier à une autorité publique le droit de couper l'accès à l'Internet à un individu, sans le recours à un juge, et donc à un débat contradictoire.
Le , le président Nicolas Sarkozy envoie une lettre au président de la Commission, M. José Manuel Barroso, lui demandant de retirer l’amendement. Mais le , la Commission européenne rejette officiellement la demande du président français, ne voulant pas privilégier un État membre par rapport aux autres. Le , la Commission européenne annonce retenir l'amendement 138.
Le , la France alors chargée de la présidence de l'Union européenne, décide de retirer cet amendement avant de présenter le texte au Conseil de l'Union européenne[48].
En , il est annoncé que l'amendement 138 sera de nouveau présenté au Parlement européen en deuxième lecture, sous le numéro 46[49]. Cette fois, il est présenté par la rapporteuse elle-même. Dans sa version finale, l'amendement insiste encore plus sur l'obligation d'un jugement équitable avant toute coupure d'Internet[50].
Le , le rapport Stavros Lambrinidis est voté. Il recommande de créer une directive européenne interdisant la surveillance automatisée de l'Internet et considère le droit à l'éducation par l'Internet comme fondamental. Le rapport Medina Ortega, qui préconisait le principe de riposte graduée, est reporté sine die.
Le , le paquet télécoms est soumis au vote de la Commission ITRE. La présentation de l'amendement 46 à l'Assemblée Européenne est accepté à 40 voix pour et 4 contre[51].
Le , un nouveau compromis sur l'amendement 46, devant satisfaire la Grande-Bretagne et la Pologne, est trouvé[52]. Le compromis est validé le par le Conseil de l'Union européenne mais le texte original de l'amendement 138 est déposé en parallèle par des députés qui jugent le compromis trop ambigu[53].
Du au , le paquet télécoms passe en deuxième lecture à l'Assemblée européenne. Le , après plusieurs rebondissements quant à l'ordre des deux amendements concurrents, l'amendement reprenant le texte original de l'amendement 138 est voté à 404 voix pour et 57 voix contre. L'amendement 46 résultant du compromis avec le Conseil tombe (car sans objet, puisque le texte a été modifié par l'amendement concurrent)[54]. Les 12 et , le texte est examiné par le Conseil de l'UE.
Projet de loi complémentaire
Présentation en Conseil des ministres
Le , le projet de loi complémentaire est présenté en Conseil des ministres par la Garde des Sceaux nouvellement nommée Michèle Alliot-Marie. L'étude d'impact[55], qui accompagne le texte, a permis au Conseil d'État d'approfondir son examen critique[56]. Le projet « autorise les agents de la Haute autorité (HADOPI) à constater les infractions et à recueillir les observations des personnes concernées. Il permet à la justice de recourir à des procédures simplifiées par la voie d’ordonnances pénales et devant le tribunal correctionnel siégeant à juge unique. Les atteintes au droit d'auteur et aux droits voisins commises sur l'Internet pourront être sanctionnées par la suspension de l'abonnement[57] ». Le Ministère de la Culture n'est plus directement impliqué[58].
Le gouvernement ayant décrété l'urgence sur ce projet de loi, il n'est prévu qu'une unique lecture dans les deux chambres.
Sénat : lecture unique
Le , le projet de loi est déposé, avec le no 498, devant le Sénat pour y être discuté les 8 et [59], le rapporteur étant de nouveau Michel Thiollière[60]. Le texte a été voté au Sénat le et transmis à l'Assemblée nationale le sous le no 1831[59].
Assemblée nationale : lecture unique
Exclue de la loi Hadopi 1, la surveillance des courriels avait été réintroduite au Sénat à la surprise de nombreux députés qui ont adopté le en commission des affaires culturelles un amendement de l'UMP Lionel Tardy les excluant de nouveau du projet de loi, et un second amendement prévoyant que le seul abonnement Internet coupé soit celui sur lequel l'infraction a été constatée[61].
La lecture devait commencer le pour se terminer dans la semaine, mais la faible mobilisation des députés UMP (et l'usage du coup du rideau, par l'opposition) lors de la dernière réunion de la Commission des affaires culturelles pour l'étude des amendements a rendu illusoire la possibilité d'un vote en juillet, qui se trouve donc repoussé par Bernard Accoyer à septembre[62].
Le , le texte est adopté à 285 voix contre 225[63]. Son passage en commission mixte paritaire est alors planifié pour le .
Conseil constitutionnel
Le , le conseil constitutionnel valide le texte, ne déclarant contraire à la constitution que le point considéré mineur des dispositions de la loi permettant au juge de statuer par ordonnance pénale sur la demande de dommages et intérêts[64],[65].
Décrets d'application
Le décret no 2009-1773 du 31 décembre 2009 institue la création de la Hadopi, ainsi que la composition du collège.
Une autorité publique indépendante : l'Hadopi
Le projet de loi propose la création d'une autorité publique indépendante[3], la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ou « Hadopi », autorité publique indépendante chargée de la surveillance des droits d'auteur sur l'Internet. Elle remplacerait l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), créée par la loi DADVSI (2006).
Cette Haute Autorité aurait plusieurs missions. Elle serait chargée du suivi de l'interopérabilité des dispositifs de DRM, de l'élaboration d'études sur la question des droits d'auteur (« offre légale », liens contrefaçon - vente en ligne, etc.) et de la surveillance des droits d'auteurs sur l'Internet[66]. Elle aurait également pour mission d'évaluer les techniques de filtrage et tatouage des contenus : « L'Hadopi évalue (…) les expérimentations conduites dans le domaine des techniques de reconnaissance des contenus et de filtrage par les concepteurs de ces technologies, les titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés et les personnes dont l’activité est d’offrir un service de communication au public en ligne. »[67]
Il est aussi prévu de faire de cette autorité un intermédiaire entre l'ayant droit (chargé de fournir les adresses IP des abonnés suspectés d'avoir manqué à l'obligation de surveillance) et le fournisseur d'accès à Internet (chargé d'identifier les abonnés et de procéder in fine à la coupure de leur accès à l'Internet).
Lors de la présentation du budget 2009 du ministère de la Culture, un budget de fonctionnement hors personnel de 6,7 millions d'euros a été prévu[68].
L'indépendance de cette Haute Autorité est contestée par les opposants au projet de loi, considérant que le président de l'Hadopi sera nommé par le pouvoir exécutif, via décret[69].
Réponse graduée ou mécanisme de « désincitation »
La loi Création et Internet ne remplacerait pas les sanctions existantes prévues en matière de contrefaçon, punie par le code pénal. Elle rajouterait à ces sanctions un dispositif parallèle. La mise en œuvre des sanctions serait graduelle et aurait lieu en trois étapes selon la méthode dite de la « riposte graduée », deux étapes préventives puis éventuellement une étape finale répressive : d'abord un courrier d'avertissement par courrier électronique, puis un courrier d'avertissement par lettre recommandée, et enfin la suspension de l'abonnement à l'Internet. C'est le titulaire de l'abonnement qui recevrait ces courriers.
La durée de suspension temporaire de l'abonnement serait assortie de l'interdiction de se réabonner pendant cette durée. Elle était initialement envisagée pour une période complète d'un an. Le Conseil d'État, dont l'avis n'est connu que du gouvernement, aurait réduit cette sanction à une durée comprise entre 3 mois et 1 an[70]. L'internaute pourrait ramener la durée de cette suspension entre 1 et 3 mois en acceptant de « transiger » avec la Haute Autorité, sous la forme d'un engagement à ne pas renouveler son comportement ; pour cela il doit déclarer qu'une action illégale a bien eu lieu et qu'il en est lui-même l'auteur (personnellement en tant que détenteur de l'abonnement) . Et plutôt que d'offrir à l'internaute la possibilité de saisir le tribunal administratif face à une décision de suspension, le Conseil d'État aurait jugé préférable de lui donner accès à l'ordre judiciaire (tribunaux de police ou d'instance)[70].
La suspension de l'abonnement à l'Internet n'en suspend pas le paiement auprès du fournisseur d'accès ; dans le cas d’offres « triple play », la coupure ne doit donc pas avoir d'incidence sur les services de télévision ou de téléphonie[71]. Avec la possibilité d'autres poursuites par les ayants droit, le principe d'une double peine s'instaure donc, pour l'internaute sanctionné, selon les opposants à la loi.
Le projet de loi prévoit également que le rapprochement entre les adresses IP et l'identité des titulaires de ligne pourra être effectué par les fournisseurs d'accès à l'Internet à la demande de la Haute Autorité, et non plus seulement du juge judiciaire comme c'est actuellement le cas dans les procès engagés sur le fondement du délit de contrefaçon.
Les eurodéputés participent au débat quant à la suspension de l'accès à l'Internet sans décision judiciaire. Ainsi, l'amendement 138 de la réforme européenne du Paquet Télécom, adopté le contient : « en appliquant le principe selon lequel aucune restriction ne peut être imposée aux droits et libertés fondamentaux des utilisateurs finaux de l'Internet sans décision préalable des autorités judiciaires, notamment conformément à l'article 11 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne concernant la liberté d'expression et d'information, sauf lorsque la sécurité publique est menacée, auquel cas la décision peut intervenir ultérieurement[72] ». Écarté du Paquet Télécom par le Conseil de l'Union européenne, l'amendement est réintroduit sous le numéro 46 par le rapporteur et ancienne ministre de la culture, Catherine Trautmann, dans son projet de recommandation pour la deuxième lecture. Le , une résolution[73] a été adoptée par le Parlement européen à 314 voix contre 297, enjoignant aux États membres de « reconnaître que l'Internet est une vaste plate-forme pour l'expression culturelle, l'accès à la connaissance et la participation démocratique à la créativité européenne, créant des ponts entre générations dans la société de l'information, et, par conséquent, à éviter l'adoption de mesures allant à l'encontre des droits de l'homme, des droits civiques et des principes de proportionnalité, d'efficacité et d'effet dissuasif, telles que l'interruption de l'accès à l'Internet. »
L'internaute est tenu de protéger son accès à l'Internet : il y aurait l'instauration d'une sanction administrative punissant spécifiquement le défaut de surveillance de son accès internet (obligation créée par la loi DADVSI mais alors non assortie de sanctions).
Responsabilité des propriétaires de bornes Wi-Fi
Cette loi rend responsable les intermédiaires mettant à disposition des accès gratuits à l'Internet. Les accès Wi-Fi gratuits ou payants sont très développés dans les restaurants, les bars, les hôtels, les bibliothèques, les jardins publics, les universités et dans de nombreux autres lieux par l'intermédiaire d'acteurs privés, publics ou associatifs. Cette loi demande la mise en place de moyens techniques pour empêcher l'accès à des œuvres protégées.
Afin de résoudre ce casse-tête technique et juridique, le Conseil général des technologies de l'information a proposé de réunir une autorité chargée de définir une liste blanche des sites accessibles : « Siégeraient au sein d’une telle instance chargée de définir la liste blanche de ces sites : la CNIL, le CSA, l'Hadopi, voire le FDI, l’Acsel ou le GESTE[74]. »
Toutefois, la ministre de la Culture a écarté l'idée des listes blanches, estimant les débits des points d'accès Wi-Fi trop faibles pour être confortables aux téléchargements illégaux[75].
Les systèmes de partage de connexion par Wi-Fi, tel que FON ou les bornes disponibles sur la box de SFR (mais ces systèmes permettent l'identification de l'internaute par un système d'authentification, ils ne sont donc sans doute pas concernés.
Le FreeWiFi des Freebox ne soulève aucune ambigüité car l'adresse IP publique[76] allouée à la carte Wi-Fi est distincte de celle de l'abonné dont la freebox est utilisée, et le lien avec l'abonné « fautif » peut être fait sans ambigüité ni danger pour celui dont la Freebox a servi de relai).
Mesures incitatives et pédagogique
Le projet de loi prévoit l'instauration d'un label, attribué par la Hadopi, afin que les internautes puissent repérer les sites de téléchargement légaux[77].
La loi demande aux enseignants de sensibiliser leurs élèves aux conséquences du téléchargement illicite et inscrit cette information dans le brevet informatique et internet.
Recours en cas de sanction
Le projet de loi indique que les recours ne sont possibles qu'après une décision de sanction[78]. L'internaute incriminé par un courriel d'avertissement ne disposera que de la date et l'heure de l'infraction supposée. Il « peut adresser, s'il le souhaite, des observations à la commission de protection des droits et obtenir, s'il en formule la demande expresse, des précisions sur le contenu des œuvres ou objets protégés concernés par le manquement qui lui est reproché[79] » et ne pourra la contester avant d'avoir été sanctionné et en aucun cas connaître son accusateur[80]. Il prévoit que les modalités de ces recours, telles que le sursis à exécution de la sanction ou les juridictions compétentes, seront fixées par décret.
Le système électronique et automatisé de la Haute Autorité ne fait pas intervenir de juge en premier lieu. C'est à la charge de l'internaute de prouver son innocence, seulement après avoir encouru les sanctions.
Des collectifs[81] et des politiques[82] dénoncent cette inversion de la charge de la preuve, ainsi que la maîtrise technique indispensable pour se prémunir de tout risque d'être hors-la-loi[83].
Atteindre l'objectif, avancé par Christine Albanel, de 1 000 coupures par jour[84] signifie, mathématiquement, n'accorder que 25,20 secondes à chaque décision[85]. L'Hadopi sera chargée de déterminer si la sanction de coupure reste proportionnée. En outre, l’appel ne sera pas suspensif de la sanction.
Autres dispositions
Chronologie des médias
La loi Création et Internet révise la chronologie des médias : elle abaisse de six à quatre mois le délai après lequel une œuvre cinématographique peut faire l'objet d'une édition en vidéo[86]. Elle prévoit des accords entre professionnels pour établir les délais de diffusion à la télévision et par la vidéo à la demande.
Exploitation des œuvres des journalistes
Concernant les journalistes de presse écrite, l’article 20 de la loi du prévoit que leurs œuvres peuvent être utilisées par leur titre sur tous les supports (papier, internet, téléphones mobiles, etc.). Pendant une période de référence déterminée par un accord collectif, cette utilisation a pour seule contrepartie le salaire (article L.132-37). Au-delà, une rémunération est due, également déterminée par un accord collectif (article L.132-38).
En dehors du titre de presse, toute utilisation doit faire l’objet d’un accord préalable. Si cette utilisation a lieu au sein d’une « famille cohérente de presse », au sein d’un groupe de presse, un accord collectif doit déterminer ses contours (article L.132-39).
Faute d’accord dans un délai fixé par la loi, la Commission des droits d'auteur des journalistes (CDAJ), qui réunit les syndicats de journalistes et les patrons des médias, sous le régime du paritarisme, a pour mission d'aider les partenaires sociaux à trouver une issue. Présidée par un haut magistrat, elle peut imposer un arbitrage (article L.132-44).
Communication d'œuvres numérisées
La loi DADVSI avait autorisé les bibliothèques, centres d'archives et de documentation à numériser des œuvres sous droits à des fins de conservation, mais ces œuvres numérisées ne pouvaient être consultées. La loi Création et Internet en autorise la communication à des fins privées, exclusivement dans les locaux de l'institution et sur des terminaux dédiés[87].
Presse en ligne
La loi définit la notion de « service de presse en ligne » et rend ces services éligibles aux avantages accordés à la presse écrite (exonération de contribution foncière, aides pouvant être attribuées par la Commission paritaire des publications et des agences de presse.
Ce projet de loi, favorisant une vision restrictive de la propriété intellectuelle (cf. brevet logiciel) va dans le sens contraire des revendications des mouvements pour le logiciel libre. Ces mouvements s'opposaient dès 1998 au Digital Millennium Copyright Act aux États-Unis. Ce texte a été retranscrit en Europe sous la forme de la EUCD, puis en France sous la forme de la loi DADVSI. Ce militantisme s'exprime notamment sur le site La Quadrature du net, par des acteurs qui étaient déjà présents sur les sujets précédents (par exemple à travers le site eucd.info).
Dès l'annonce du rapport Olivennes, le , le débat était déjà lancé[88], autour de tous les éléments d'actualité touchant au projet (comme des communiqués traitant des textes en préparation ou votés, des analyses, des arguments et des déclarations des promoteurs ou détracteurs de la loi, etc.).
Côté officiel, également avant la présentation du projet de loi, c'est le Parlement européen qui a été le premier à le critiquer[89]. Ses membres ont en effet voté un amendement au rapport Cult (ou Bono), proposé par les eurodéputés Christofer Fjellner (M) et Michel Rocard (PS)[90] affirmant qu'il fallait « éviter de prendre des mesures qui entrent en contradiction avec les libertés civiques et les droits de l'homme, et avec les principes de proportionnalité, d'efficacité et de dissuasion, telle que l'interruption de l'accès à l'Internet[91]. »
Consultées par la ministre de la Culture, l'Arcep et la Cnil ont émis des avis critiques[89]. Le Conseil d'État, qui aurait demandé au Gouvernement de modifier certaines dispositions, a émis un avis favorable[70].
Certains parlementaires français et européens prédisent que cette loi impliquerait une course aux armements entre les autorités et les internautes et que l'on doit ainsi s'attendre à une utilisation plus courante des réseaux chiffrés et/ou privés[92]. Ils soulignent aussi que le principe de « label Hadopi », censé être affiché sur les offres légales, qui pourrait être instauré par cette loi entraînerait vraisemblablement une distorsion de la concurrence entre les offres l'ayant reçu et les autres[93].
Les opérateurs et entrepreneurs de l'Internet sont également sceptiques ou hostiles au projet de loi[94]. Certains[95] s'inquiètent de son coût de mise en œuvre pour le contribuable français. Le , La Quadrature du Net, collectif créé en opposition à ce projet de loi, a publié un rapport de 42 pages[96] et une synthèse de 2 pages[97] expliquant Hadopi.
Le 19 juin 2008, Jean-Baptiste Soufron et Aziz Ridouan publient une note pour le think tank Terra Nova pour critiquer le projet de loi et dénoncer un texte "coupé de toute réalité"[98].
Le , veille de l'examen de cette loi par le Sénat, Philippe Aigrain (informaticien, chercheur, et ancien chef du secteur technologie du logiciel à la Commission européenne) publie un ouvrage qui propose un moyen technique pour rémunérer les créateurs à partir d'une contribution créative fixe[99], avec l'intention affichée d'enrichir ce débat avec une alternative concrète au principe de riposte graduée[100].
S'inspirant des actions menées en Australie et en Nouvelle-Zélande contre des propositions de loi équivalentes, et qui auraient mené au retrait de ces propositions[101], la Quadrature du Net organise à partir de fin un « black-out du net », invitant les détracteurs du projet de loi Hadopi à habiller de noir leurs sites internet, blogs et avatars, et à interpeller leur député à ce sujet.
Le , l'association April dénonce la menace qui planerait sur le logiciel libre par une discrimination possible à l'encontre des auteurs, éditeurs et utilisateurs de logiciels libres, ainsi qu'une révision de certains amendements provenant de dispositions de la loi DADVSI[102].
L'échec du de la majorité, par l’absentéisme des députés de l'UMP durant le vote à l’Assemblée nationale, fait face à une médiatisation importante. Alain Bazot, président de l'UFC Que choisir dénonce le l’absence massive des députés de la majorité : « la plupart des opposants au texte, de la majorité, n’étaient pas dans l’hémicycle hier et ont donc participé implicitement à son rejet. Une sorte d’absence complice (…) »[103]. Le suivant, Jean-François Copé déclare vouloir la présence à Paris des députés « du mardi matin au jeudi soir », malgré le fait que « nous ne sommes plus au temps du député godillot »[104]. Pour lui, les parlementaires de la majorité doivent suivre la ligne du parti mais il revendique cependant une liberté de débat et d'expression et s'en porte garant[105].
Ce même jour, Jean-François Copé réagit dans une lettre ouverte : il fustige le coup de théâtre du et déclare « Je n'élude pas ma responsabilité dans ce couac ». Puis, il rebondit sur sa volonté de régulation : « Pour moi, la liberté devient la loi de la jungle lorsqu'il n'y a pas de régulation. Sur les marchés financiers comme sur Internet ! » et donne son avis sur différents points du projet de loi[106].
Le , l'UFC Que choisir demande que le second examen du projet de loi s'appuie sur des études d'impact sérieuses faites par une entité indépendante, l'Arcep, afin de définir concrètement les enjeux et les contraintes techniques ou économiques : il y a trop d'« angles morts » dans le dispositif et les questions techniques sont éludées à l'Assemblée nationale[107].
Le , le responsable du pôle innovation Web de TF1 a été licencié en raison son opposition à ce projet de loi[108],[109]. Il avait informé le par courriel privé sa députée (Françoise de Panafieu) de son opposition à ce projet de loi. Le ministère de la Culture et de la Communication, dirigé par Christine Albanel, a informé la direction de TF1 de l'opinion de cet employé quant à ce projet de loi.
De nombreux opposants et supporter au texte de loi mettent en cause les députés. Le , dans un article de Libération, les députés socialistes responsables du rejet de la LCI du s’expliquent dans un communiqué en réponse à une lettre ouverte de producteurs indépendants du cinéma et de la musique[110] et assument leur position politique : « On ne s’excuse pas d’avoir rejeté Hadopi[Note 4],[111] »
À l'inverse le site et journal Bakchich remet en cause la compétence technique et l'information des députés[112], mettant en doute leur capacité à légiférer en connaissance de cause sur le sujet.