Manifestations de la place Tian'anmen
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Les manifestations de Tian'anmen se déroulent entre le et le sur la place Tian'anmen à Pékin, la capitale de la république populaire de Chine. Elles se concluent par une vague de répression, parfois englobée sous l'expression de massacre de la place Tian'anmen[1].
Date |
– (1 mois et 20 jours) |
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Localisation | Place Tian'anmen, Pékin |
Participants | Étudiants, ouvriers, résidents locaux, intellectuels pro-démocratie et réformistes |
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Revendications | Égalité sociale, liberté d'expression, liberté de la presse |
Types de manifestations | Occupation de la place Tian'anmen, manifestations, grèves de la faim |
Coordonnées | 39° 54′ 12″ nord, 116° 23′ 30″ est |
Morts | Entre 241 (officiels chinois) et 10 000 (Union soviétique, Royaume-Uni, États-Unis) |
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Blessés | 7 000 – 10 000 |
Arrestations | Plusieurs milliers |
Cet événement politique, le plus important de l'après-révolution culturelle, prit la forme d’un mouvement d'étudiants, d'intellectuels et d'ouvriers chinois, qui dénoncent la corruption et demandent des réformes politiques et démocratiques. La contestation s'étend à la plupart des grandes villes, comme Shanghai, et aboutit à Pékin à une série de grandes manifestations et de grèves de la faim organisées sur la place Tian'anmen. Après plusieurs tentatives de négociation, le gouvernement chinois instaure la loi martiale le et fait intervenir l'armée le .
La répression du mouvement provoque un grand nombre de victimes civiles (de quelques centaines à dix mille selon les sources), et de nombreuses arrestations dans les mois suivants. Plusieurs dirigeants politiques favorables au mouvement sont limogés et placés en résidence surveillée, notamment le secrétaire général du Parti communiste chinois, Zhao Ziyang. Le gouvernement expulse les journalistes étrangers et contrôle strictement la couverture de l’événement par la presse chinoise. À l'étranger, la répression provoque une condamnation générale du gouvernement chinois[2].
Les manifestations de Tian'anmen ont été un moment critique dans l'histoire moderne de la Chine. Les réformes politiques de la Chine depuis 1986 lancées par Deng Xiaoping et Zhao Ziyang ont échoué et se sont terminées de façon spectaculaire, avec des réformistes comme Zhao démis de leurs fonctions[3],[4]. Le programme « Réforme et ouverture » s'est arrêté après les manifestations et n'a repris qu'après la tournée d'inspection de Deng Xiaoping dans le Sud en 1992[5],[6].
En Chine, ce mouvement social, le plus important de l'après-révolution culturelle[7], est connu sous le nom de « mouvement du 4 juin » (chinois simplifié : 六四运动 ; chinois traditionnel : 六四運動) ou simplement « 6 – 4 » (六四). Cette désignation est calquée sur celle de deux autres manifestations : celle du (nommée le « mouvement du 4 mai ») et celle du (le « mouvement du 5 avril »). Cependant, le terme officiel utilisé par le gouvernement de la république populaire de Chine est « troubles politiques du printemps et de l'été 1989 » (春夏之交的政治風波).
Autres désignations : « massacre de la place Tian'anmen » (天安門大屠殺), « massacre du 4 juin » (六四大屠殺) ou encore « massacre de Pékin » (北京大屠殺). En France, on parle également de « printemps de Pékin », par analogie avec le Printemps des peuples ou avec le printemps de Prague[8].
L'expression « » étant taboue et censurée, les internautes chinois en ont inventé une autre, «35 mai», pour contourner cette censure chinoise de l'Internet[9].
Boluan Fanzheng
À partir de la fin des années 1970, la république populaire de Chine est dirigée par Deng Xiaoping, qui a su placer ses fidèles à la tête du PCC et de l'État. À la fin des années 1970, Deng Xiaoping a lancé le programme «Boluan Fanzheng» (en chinois : 拨乱反正) qui tentait de corriger les erreurs de la révolution culturelle[10].
Réforme et ouverture
Deng Xiaoping a lancé le programme « Réforme et ouverture » à la fin de 1978. Deng a notamment convaincu le PCC de moderniser le pays en lançant les « Quatre Modernisations » (industrie, agriculture, sciences et technologies et défense nationale) et en ouvrant le pays aux investissements étrangers[11].
Au premier semestre de 1986, Deng a appelé à plusieurs reprises à la relance des réformes politiques, car de nouvelles réformes économiques étaient entravées par le système politique d'origine, et le pays avait connu une tendance croissante à la corruption et aux inégalités économiques[12],[13].
Zhao Ziyang, un réformiste de premier plan, a été nommé par Deng pour prendre en charge les réformes politiques depuis 1986.
En 1989, ce climat politique relativement ouvert encourage des professeurs de l’enseignement supérieur, des intellectuels et des étudiants à réclamer la « cinquième modernisation », celle de la démocratie et du multipartisme, déjà réclamée lors du printemps de Pékin (1979). Ces intellectuels sont également influencés par la glasnost mise en œuvre en URSS par Mikhaïl Gorbatchev[14]. Des étudiants dénoncent l’insécurité qui règne sur les campus, le manque de débouchés et le népotisme, en faveur des enfants des membres du Parti[15]. Des enseignants regrettent de ne pas être mieux payés. Des pétitions circulent qui réclament la libération des prisonniers politiques[15].
Vivement réprimées à l'origine, ces idées reçoivent, vers le milieu des années 1980, un accueil plus favorable de la part des réformistes proches de Deng Xiaoping, notamment Hu Yaobang et Zhao Ziyang, secrétaire général et Premier ministre chinois jusqu'en 1987.
Conflit interne au sein du Parti communiste
À l'intérieur du Parti communiste chinois, deux lignes s'affrontent à la fin des années 1980. Derrière Deng Xiaoping, certains[Qui ?] demandent une accélération des réformes, tant économiques que politiques. À l'opposé, et face à la montée de l'inflation provoquée par la libéralisation des prix[15], les adversaires traditionnels de Deng Xiaoping, notamment l'économiste Chen Yun, prônent un arrêt des réformes, voire un retour au contrôle de l'État. Jusqu'en 1986, Deng Xiaoping s'entoure principalement de réformistes, notamment Hu Yaobang et Zhao Ziyang. Cependant, les manifestations étudiantes de 1986-1987 renforcent les partisans d'un arrêt des réformes et poussent Deng Xiaoping à limoger Hu Yaobang[16], alors secrétaire général du Parti, et à prendre comme Premier ministre Li Peng[17], un protégé de Chen Yun.
L'ancien Premier ministre, Zhao Ziyang, proche de Hu, prend la tête du Parti[17]. La direction chinoise se trouve alors divisée entre deux tendances : réformistes (avec Zhao) et conservateurs (avec Li). Les dissensions entre ces deux groupes jouent un rôle déterminant dans le mouvement de 1989. Ces divergences au sommet se retrouvent également à l'intérieur de la société. La seconde moitié des années 1980 voit une accélération de l'inflation et une augmentation du chômage[18], situation qui oppose des ouvriers, souhaitant un retour à l'ancien système, à plusieurs intellectuels, qui, eux, souhaitent une accélération des réformes.
Mouvement démocratique chinois
Dans les années 1970, la jeunesse chinoise exprime sa « soif de liberté et d'indépendance »[19] comme lors du manifeste de Canton contre la révolution culturelle en 1974 ou lors du Printemps de Pékin en 1978 et son mur de la Démocratie.
Plusieurs mouvements semblables aux manifestations étudiantes de 1989 se déroulent en 1983, 1985, puis au cours de l'hiver 1986-1987[20].
Au-delà des demandes de réformes politiques, les principales revendications portent alors sur la liberté d'association (création de syndicats étudiants indépendants) et sur la transparence (notamment sur les revenus des cadres et de leur famille)[21].
Déclenchement : décès de Hu Yaobang
L'ancien secrétaire général du Parti communiste chinois, Hu Yaobang, limogé en 1987, meurt le , des suites d'une crise cardiaque[22]. Il est admiré pour le courage dont il a fait preuve à la fin de la révolution culturelle et le rôle qu'il a joué dans les réformes. Des manifestations spontanées ont lieu dans tout le pays et le gouvernement organise en son honneur des funérailles nationales le 22 avril[23].
Les 16 et 17 avril, d'autres rassemblements spontanés se font jour place Tian'anmen, demandant la réhabilitation politique de Hu Yaobang[22],[21]. Le 18, quelques milliers d'étudiants et de civils se rendent sur la place, où ils organisent un sit-in devant le Grand Palais du Peuple (l'assemblée nationale). C'est la première grande manifestation. Un seul journal national, le Quotidien des Sciences et Technologies (科技日报) en rend compte le lendemain. Le dans la soirée, quelques milliers d'étudiants tentent de pénétrer au Zhongnanhai, lieu de résidence du gouvernement. Ils sont repoussés par la police[21]. Les campus se couvrent d’affiches réclamant la poursuite des réformes et critiquant Deng Xiaoping[15].
Dans la nuit du 21 au , veille des funérailles officielles de Hu Yaobang, quelque 100 000 étudiants se dirigent vers la place Tian'anmen, où ils s'installent, avant qu'elle ne soit bouclée par la police. L'important rassemblement, interdit par les autorités, a lieu devant le monument aux héros du peuple. Une délégation demande à assister aux obsèques. À Pékin, ces rassemblements sont pacifiques, mais apparaissent des slogans réclamant une réforme politique, reprenant en cela ceux des manifestations de 1986-1987, qui avaient provoqué la chute de Hu Yaobang. Le , les étudiants demandent à voir Li Peng, considéré comme le rival de Hu Yaobang. Le même jour, des manifestations dégénèrent en province à Xi'an et Changsha[21].
À Shanghai, le , le World Economic Herald (世界经济导报), magazine proche des réformistes, prépare pour son numéro à paraître le 24 avril un dossier consacré à Hu Yaobang, dans lequel un article de Yan Jiaqi doit rendre compte de la manifestation du à Pékin, et demander une réévaluation du limogeage de Hu.
Le , un responsable du parti communiste de Shanghai demande à son rédacteur en chef, Qin Benli, de modifier ou supprimer cet article. Comme celui-ci refuse, il se tourne vers le secrétaire du Parti, Jiang Zemin, qui intervient alors pour le faire interdire. Entretemps, quelques exemplaires sont diffusés, les autres paraissant avec une page blanche. En représailles, l'éditeur en chef est limogé[15], et le magazine est mis sous tutelle du parti communiste de Shanghai.
Cortèges de protestation et grève de la faim
Le 26 avril, un éditorial du Quotidien du Peuple[24] qualifie les manifestations étudiantes de « troubles à l'ordre public », fait d'un « très petit nombre ». Toute nouvelle manifestation est interdite[15]. Dès le soir du 26, l'agitation est forte dans les universités de la capitale, notamment à l'université de Pékin et à l'université Renmin de Chine. Les étudiants refusent la tutelle des associations universitaires, qui sont entre les mains du Parti communiste chinois, fondent leur propre association autonome et se choisissent des représentants.
Les jours suivants, de grandes manifestations ont lieu à Pékin. Le 27 avril, elles rassemblent quelque 50 000 personnes[15]. Le mouvement dénonce pêle-mêle la corruption, les inégalités sociales et l'absence de libertés[19]. Il s'étend également en province, et se développe lorsque les ouvriers le rejoignent, afin de remettre en cause la corruption du régime et de protester contre l’inflation, le chômage et le luxe, dans lequel vivent les cadres du PCC[15].
Le , la manifestation commémorative du Mouvement du 4 Mai se mêle à celle des étudiants et se déroule dans le calme et la bonne humeur[15]. D’autres grandes manifestations s'organisent dans les grandes villes du pays comme Ürümqi, Shanghai et Chongqing.
Plus tard, le mouvement touche Hong Kong, Taïwan et les communautés de la diaspora chinoise en Amérique du Nord et en Europe. Peu après, le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev doit effectuer à Pékin sa première visite en tant que chef d'État, ce déplacement entraîne la présence de nombreux journalistes étrangers, venus couvrir le moment historique. La visite tourne court. Pire, Gorbatchev doit être escorté par des chemins détournés pour éviter qu'il ne voie les manifestations[25].
Le 12 mai, les étudiants entament une grève de la faim illimitée sur la place Tian'anmen, grève qui finira par concerner plus de 1 000 personnes[26].
Les manifestations et les grèves s'étendent à certains lycées d'autres villes et de nombreux étudiants font le voyage jusqu'à Pékin. Dans l'ensemble, la manifestation de la place Tian'anmen est bien organisée, avec, chaque jour, des marches d'élèves, venus des différents lycées de Pékin, qui témoignent de leur solidarité par le boycott des cours. En chemin et une fois arrivés, ces élèves chantent L'Internationale, l'hymne socialiste mondial[27]. Les étudiants font même parfois preuve de surprenants gestes de respect envers le gouvernement, par exemple en aidant la police à arrêter trois hommes originaires de la province du Hunan, Yu Zhijian (en), Yu Dongyue et Lu Decheng (en), qui ont jeté de la peinture sur le portrait de Mao Zedong trônant au Nord de la place[28],[29]. Ces trois jeunes gens seront ensuite condamnés à des peines de prison, respectivement la perpétuité, 20 et 16 ans de réclusion[30]. Deux d'entre eux, Yu Zhijian et Lu Decheng, seront libérés au bout de dix ans, et Yu Dongyue le sera après une détention de dix-sept ans.
Grèves de la faim
Les étudiants décident d'entamer une grève de la faim. Cette décision marque un tournant décisif dans l'histoire des manifestations de 1989. La grève commence le 13 mai et comptera plus de mille participants[15],[31]. Cette grève assure au mouvement l'appui d'une large partie de la population.
À Pékin, des manifestations de soutien, regroupant des étudiants, des ouvriers, des cadres et même parfois des policiers, ont lieu presque tous les jours, réunissant, à partir du 15 mai, plusieurs centaines de milliers de personnes[15]. La presse nationale, encore relativement libre de couvrir les événements, sans devoir propager la ligne du parti, rend compte des pourparlers, qui sont tenus dans la soirée du 18 mai entre le Premier ministre Li Peng et les chefs de file étudiants.
Au cours de ces entretiens, Wuer Kaixi, Wang Dan et autres accusent ouvertement le gouvernement d'être trop lent à réagir, et Li Peng est personnellement pris à partie pour son manque de sincérité dans la conduite de véritables discussions. Les pourparlers ne donnent que bien peu de résultats, mais permettent aux représentants étudiants d'apparaître à la télévision nationale chinoise[32].
Devant l'ampleur du mouvement, le parti communiste cherche quelle réponse lui apporter. La ligne officielle est que « l'agitation » est le fait d'une minorité, qu'il convient d'isoler du reste des étudiants. Deng, inquiet, déclare « nous devons être fermes. J'ai dit de nombreuses fois que nous avons besoin de stabilité si nous voulons nous développer. Comment pouvons-nous progresser lorsque les choses sont dans un tel désordre ? »[33].
Alors que les grèves de la faim se poursuivent, de nombreuses organisations politiques et civiles expriment leur préoccupation envers les étudiants et la sympathie que beaucoup éprouvent pour leurs prises de position. La Croix-Rouge chinoise mobilise un important personnel pour apporter une assistance médicale aux grévistes de la faim. Quelques tentatives de négociation avec le gouvernement et la direction du parti n'apportent que peu de résultats.
En raison de la visite de Mikhaïl Gorbatchev, les médias étrangers sont présents en grand nombre, leur couverture des manifestations est exhaustive et, de façon générale, favorable aux manifestants. Le Comité permanent du bureau politique du parti communiste de Chine, avec les anciens du parti (des anciens fonctionnaires du gouvernement et du parti à la retraite, mais encore influents), entretiennent d'abord l'espoir que les manifestations seront de courte durée, ou alors que des réformes cosmétiques et quelques enquêtes devraient satisfaire les protestataires. Ils veulent, si possible, éviter la violence et s'appuient dans un premier temps sur l'appareil du parti pour essayer de persuader les étudiants de retourner à leurs études.
Obstacle de taille à cette action, la direction elle-même soutient bon nombre des revendications étudiantes, en particulier le souci de la corruption. Cependant, le fait qu'il existe autant de programmes que de manifestants ne permet au gouvernement ni de savoir avec qui négocier, ni sur quelles revendications discuter. La confusion et l'indécision des manifestants trouvent leur corollaire dans celles du gouvernement, ce que relaient les médias officiels.
Parmi les plus hauts dirigeants, le secrétaire général Zhao Ziyang penche fortement pour une approche en douceur, tandis que Li Peng plaide plutôt en faveur de la répression.
En définitive, la décision d'intervenir par la force est prise par un groupe d'anciens du Parti, qui voient dans l'abandon du régime du parti unique un retour du chaos de la révolution culturelle[34]. Bien que la plupart de ces personnalités n'aient pas de postes officiels, elles sont à même de contrôler l'armée. Deng Xiaoping est président de la Commission militaire centrale et, à ce titre, peut déclarer la loi martiale. Yang Shangkun le président de la république populaire de Chine, malgré le rôle symbolique de son titre depuis la constitution de 1982, est juridiquement le commandant en chef des forces armées. Les sages du parti estiment que de longues manifestations représentent une menace pour la stabilité du pays. Les manifestants sont perçus comme des partisans du « libéralisme bourgeois », qui tire les ficelles en coulisses, et certains éléments au sein du parti se voient, eux, accusés de poursuivre des ambitions personnelles[35].
Dans et hors des frontières
Au début du mouvement, les médias chinois ont une occasion rare de diffuser des actualités sans censure. La plupart des médias d'actualité sont libres d'écrire et de rendre compte de ce qui se passe à leur guise, en raison de l'absence de contrôle des gouvernements centraux et locaux. Les nouvelles se propagent rapidement à travers le pays.
D'après les médias chinois, les étudiants et les travailleurs de plus de 400 villes, y compris en Mongolie-Intérieure s'organisent à leur tour et commencent à protester[36]. La population se rend également dans la capitale, pour rejoindre la manifestation sur la place Tian'anmen. Les étudiants de l'université de Shanghai descendent également dans la rue pour commémorer la mort de Hu Yaobang et pour protester contre certaines des politiques prônées par les dirigeants du pays. Dans de nombreux cas, ces comités sont soutenus par le parti des universités. Jiang Zemin, alors secrétaire municipal du parti communiste, s'adresse aux manifestants et exprime sa compréhension en tant qu'ancien étudiant, lui-même agitateur avant 1949. Mais en même temps, il ne tarde pas à purger les dirigeants du parti communiste qui soutiennent les étudiants et à envoyer des forces de police pour contrôler la rue[réf. nécessaire].
À Hong Kong, le , plus de 300 000 personnes se rendent à l'hippodrome de Happy Valley pour un rassemblement appelé « chansons démocratiques consacrées à la Chine ». De nombreuses célébrités de Hong Kong y chantent et expriment leur soutien aux étudiants de Pékin.
Le lendemain, 1,5 million de personnes, soit le quart de la population de Hong Kong, avec, à leur tête, Martin Lee, Szeto Wah et d'autres représentants, défilent à travers la ville. Partout dans le monde, notamment lorsque s'y trouve une communauté chinoise, rassemblements et protestations sont organisés. De nombreux gouvernements, comme ceux des États-Unis et du Japon, émettent des avertissements, recommandant à leurs ressortissants de ne pas se rendre en république populaire de Chine.
Dernières négociations
Les dirigeants chinois sont partagés. La faction conservatrice, menée par Li Peng, mais regroupant des responsables militaires tels que Yang Shangkun, désire une mise au pas autoritaire des contestataires.
Deng Xiaoping, bien qu'étant l'initiateur des réformes politiques et économiques, se range du côté des conservateurs, car il craint que les contestations ne mettent un frein aux réformes. Les réformistes, autour de Zhao Ziyang, souhaitent une solution négociée et pacifique. Tout au long du mois de mai, les contacts se succèdent et l'opinion générale dans les milieux estudiantins est qu'une solution sera trouvée[réf. nécessaire]. Cela semble confirmé lorsque Zhao Ziyang, accompagné de Li Peng, prononce le discours suivant :
« Étudiants, nous arrivons trop tard. Nous en sommes désolés. Vous parlez de nous, vous nous critiquez, c'est légitime. Je ne viens pas ici pour vous demander de nous pardonner. Ce que je veux vous dire, c'est que certains de vos camarades sont déjà très faibles, après sept jours de grève de la faim, et qu'ils ne peuvent continuer ainsi. Plus la grève de la faim dure, plus elle risque de provoquer des dégâts permanents à leur santé. Ils sont en danger, et le plus important, aujourd'hui, c'est que vous consentiez à mettre fin rapidement à la grève de la faim. Je sais que vous observez cette grève pour que le parti et le gouvernement donnent une réponse satisfaisante aux questions que vous leur avez adressées, mais il me semble que le dialogue entre nous est déjà amorcé, et que certaines de vos questions ne pourront être résolues que par un long processus. Par exemple, vos questions sur la nature de ce mouvement et sur les responsabilités sont, à mon avis, des points que nous pourrons finalement résoudre, et sur lesquelles nous parviendrons finalement à une vision commune. Cependant, vous devez comprendre que la situation est complexe et qu'il nous faudra du temps. Vous ne pouvez, alors que la grève de la faim entre déjà dans son septième jour, vous obstiner à demander des réponses satisfaisantes à vos questions pour y mettre fin.
Vous êtes encore jeunes, avez de nombreux jours devant vous, vous devez vivre en bonne santé, pour pouvoir voir le jour où la Chine aura réalisé ses quatre modernisations. Vous n'êtes pas comme nous, qui sommes déjà vieux, et pour qui cela n'a plus d'importance. Votre pays, vos parents, se sont donné du mal pour vous envoyer à l'Université ! Vous avez dix-neuf, vingt ans, et vous voulez, comme ça, sacrifier vos vies ? Étudiants, soyez un peu raisonnables. La situation actuelle est déjà très grave, vous le savez, le parti et l'État sont très inquiets, toute la société est en désarroi. D'autre part, Pékin est la capitale, mais partout, la situation s'aggrave jour après jour. Cette situation ne peut durer. Étudiants, vous êtes plein de bonnes intentions, vous voulez le bien de votre pays, mais si cette situation s'étend, si on en perd le contrôle, cela aura toutes sortes de conséquences néfastes.
Enfin, je vous dirai cette seule chose. Si vous cessez la grève de la faim, le gouvernement n'en profitera pas pour mettre fin au dialogue, certainement pas ! Les questions que vous avez posées, nous continuerons à les discuter. Les choses avancent lentement, mais reconnaissez que nous sommes en train de progresser sur certaines questions. Mais aujourd'hui, je voulais seulement vous voir et vous dire ma pensée. J'espère que vous pourrez réfléchir calmement à ces questions. Dans des situations confuses, on ne peut réfléchir calmement à ces choses. Vous êtes pleins d'énergie, car vous êtes jeunes. Mais nous aussi avons été jeunes, nous avons manifesté, nous nous sommes couchés au travers des routes, sans réfléchir du tout aux conséquences. Finalement, je vous supplie sincèrement, étudiants, de réfléchir calmement à la suite. Beaucoup de choses peuvent être résolues. Et j'espère que vous mettrez rapidement un terme à la grève de la faim. »
— Zhao Ziyang, le 19 mai 1989
Après ce discours, chacun est persuadé de l'imminence d'une solution négociée. Les appels à l'arrêt de la grève de la faim, voire à l'évacuation de la place Tian'anmen, se multiplient chez les étudiants[réf. nécessaire]. Un communiqué émanant du gouvernement est prévu pour le soir, ce qui, pense-t-on, doit mettre un terme pacifique au mouvement.
Loi martiale
Au cours de la journée du , Zhao Ziyang, favorable à un règlement négocié du conflit, est mis en minorité par les partisans d'une ligne dure, menés par Li Peng, avec le soutien de Deng Xiaoping. Ce dernier reproche à Zhao son manque de discipline, à la suite du discours qu'il a fait aux étudiants. Ce même soir, Deng signe l'ordre de loi martiale.
Un haut gradé de l'armée, refusant de suivre cet ordre, est défait de son rang et envoyé à l'hôpital pour « retrouver sa santé ». Huit autres généraux affirment leur opposition à la loi martiale mais ils ne parviennent pas à l'empêcher[37]. Finalement, à travers les haut-parleurs de la place Tian'anmen, Yuan Mu, porte-parole du gouvernement, annonce aux étudiants la proclamation de la loi martiale.
Zhao Ziyang est immédiatement limogé et placé en résidence surveillée où il restera jusqu'à sa mort. Ses proches collaborateurs tombent en disgrâce.
Autour de Li Peng se retrouvent le président de la République, Yang Shangkun, et son frère Yang Baibing, très proches de l'Armée populaire de libération. Sitôt après l'annonce, des soldats de la 38e armée, chargée de la défense de Pékin, prennent position autour de la capitale. À Pékin, les étudiants demeurent sur la place et dressent des barrages aux portes de la ville. Le , l’armée recule devant les manifestants pacifistes[15]. Chai Ling prend la direction de la coordination étudiante autonome.
Le 30 mai, une statue de la Déesse de la Démocratie, rappelant la statue de la Liberté de New York[15], est érigée sur la place par les étudiants de l'Académie des Beaux-Arts.
Répression
Environ 200 000 militaires de vingt-deux divisions provenant de treize corps d'armée ont été transférés, depuis l'état de siège, dans la région de Pékin, devant l'impuissance de la police armée du peuple à juguler les manifestations.
Les soldats et les chars des 27e et 28e armées de l'Armée populaire de libération sont envoyés pour prendre le contrôle de la ville de Pékin. La 27e armée est dirigée par le fils de Yang Shangkun[38]. Lors d'une conférence de presse, le président américain George H. W. Bush annonce des sanctions contre la république populaire de Chine, à la suite des appels à l'action des membres du Congrès, tels que le sénateur américain Jesse Helms. Le président se réfère à des renseignements qu'il a reçus, selon lesquels existent une certaine désunion dans les rangs militaires chinois et même la possibilité d'affrontements au sein de l'armée.
Les rapports indiquent également que les unités 27 et 28 viennent de l'extérieur ,car l'Armée populaire de libération des provinces locales est considérée comme sympathisante de la protestation et de la population de la ville. Les auteurs de ces rapports apportent des éléments corroborant la thèse que la 27e armée est la principale responsable des décès de civils. Après son attaque sur la place, la 27e aurait établi des positions défensives à Pékin — non pas destinées à contrer un soulèvement civil, mais comme pour se défendre contre de possibles attaques émanant d'autres unités militaires.
Le chef de station du KGB à Pékin envoie le au matin le rapport suivant au directeur du KGB[39] :
- Sont engagées : au début, des troupes de cinq corps d'armée qui forment la région militaire de Pékin :
- le 24e corps d'armée (basé à Chengde, au nord de Pékin, province du Hebei, qui encercle la région de Pékin) et leur 1re division blindée (Tianjin),
- le 38e régiment, état-major à Shijiazhuang (Hebei), dont la 13e brigade de cavalerie (chars),
- le 63e corps d'armée (état-major de Taiyuan dans la province de Shanxi),
- le 65e corps d'armée (état-major de Zhangjiakou, dans le Hebei),
- les forces spéciales de protection du gouvernement et des dirigeants : l'unité centrale des gardes (57003) dépendant de la région militaire, sous commandement de la Commission centrale militaire.
- Comme la situation s'est aggravée ces derniers jours, les soldats de Pékin ont reçu des renforts de régiments de la région militaire de Lanzhou (contrôlant les districts militaires du Shaanxi, Gansu, Qinghai, Níngxià et du Xinjiang) :
- le 21e corps d'armée, régiment de la région militaire de Lanzhou, basé à Baoji (Shaanxi),
- les unités spéciales 84835 (Qingtongxia, région autonome du Níngxià),
- des unités arrivant de Hohhot (Mongolie-Intérieure),
- des régiments de défense des gardes-frontières qui dépendent du Gonganbu,
- la brigade no 205 avec des Ouïgours et des Mongols,
- des unités de la police armée populaire.
À noter que les chars qui tiraient sur les soldats de la région militaire de Pékin appartenaient au 21e corps d'armée. Ils ont affronté notamment des blindés de la 6e division appartenant au 38e corps d'armée.
Alors que la rumeur se répand selon laquelle des centaines de milliers de soldats se rapprochent des quatre coins de la ville, les Pékinois envahissent les rues pour leur barrer la route, comme ils l'avaient fait deux semaines auparavant. Le peuple de Pékin érige des barricades à chaque grand carrefour. Les manifestants brûlent des bus publics et les utilisent comme barrages routiers. Vers 10 h 30, près des immeubles de Muxidi (qui abritent les hauts fonctionnaires du parti et leurs familles), les manifestants hurlent contre les soldats et certains leur jettent des pierres.
Une colonne de véhicules est incendiée alors qu'elle tente de briser les barricades. Puis les soldats commencent à tirer à balles réelles sur les manifestants. Certaines personnes sont touchées dans leurs appartements[40],[15]. Les combats se poursuivent dans les rues qui entourent la place, les manifestants avançant à plusieurs reprises vers l’Armée populaire de libération (APL) et construisant des barricades avec des véhicules, tandis que les chars de l'APL forcent le passage, tirant à l'aveugle.
Beaucoup de blessés sont sauvés par des conducteurs de rickshaw qui se sont aventurés dans le no man's land séparant les soldats et la foule, et conduisent les blessés dans des hôpitaux. Après l'attaque, la couverture télévisée montre en direct de nombreuses personnes portant un brassard noir en signe de protestation, la foule occupant les boulevards, ou encore s'attarde sur des véhicules ou des barricades encore fumantes. En quelques occasions, des officiers sont extraits des chars, puis battus, voire tués par les manifestants[41]. Les universitaires Alain Roux et XiaoHong Xiao-Planes évoquent un bilan d'« une trentaine de soldats […] lynchés ou brûlés vifs »[42].
Pendant ce temps, l'APL établit systématiquement des postes de contrôle tout autour de la ville, poursuivant les manifestants et fermant l'accès du quartier universitaire. Sur la place elle-même, un débat s'instaure entre ceux, y compris Han Dongfang, qui veulent se retirer pacifiquement, et ceux qui, comme Chai Ling, souhaitent rester sur la place. Vers 1 h 00, l'armée atteint la place Tian'anmen et attend les ordres du gouvernement. Les soldats ont pour consigne de ne pas ouvrir le feu, mais aussi d'évacuer la place avant 6 h 00 — sans exception ou retard. Ils font une dernière offre d'amnistie, valable si les quelques milliers d'étudiants restants se retirent.
Vers 4 h 00 du matin, les chefs de file étudiants soumettent la question à un vote : quitter la place, ou rester et en subir les conséquences[41]. Les transports de troupes blindés sillonnent les routes, tirant vers l'avant et sur les côtés. Des affrontements (tirs d'artillerie notamment) opposent aussi, selon le général Eyraud, ancien attaché militaire en Chine, la 27e et la 38e armées[38]. Cela conforte l'idée que les divisions de la société chinoise n'épargnent pas l'armée.
La reporter de la BBC Kate Adie parle de «tirs à l'aveugle» sur la place. Le journaliste Charlie Cole, témoin oculaire des événements, voit lui aussi des soldats chinois tirer dans la foule avec des fusils d'assaut de type 56, près d'un blindé venant d'être incendié, son équipage tué, de nombreux civils sont atteints[43]. Les étudiants cherchant refuge dans des autobus en sont extraits par des groupes de soldats et battus à coups de matraque.
Même ceux qui tentent de quitter la place Tian an Men sont assiégés et battus. Les meneurs, dont certains ont tenté d'ériger des barricades de fortune devant les blindés, déclarent avoir « supplié » les étudiants de ne pas utiliser d'armes (comme des cocktails Molotov) contre les soldats. Entre-temps, de nombreux étudiants, semble-t-il, hurlent : « Pourquoi nous tuez-vous ? ».
Vers quatre ou cinq heures le matin du , Charlie Cole déclare avoir vu des chars investir la place, broyant indifféremment véhicules et personnes[43],[15]. À 5 h 40 le , la place est vidée. Le matin du , des manifestants tentent de pénétrer sur la place qui reste interdite et sont abattus par les soldats, qui leur tirent dans le dos, lorsqu'ils prennent la fuite. Ces faits se répètent à plusieurs reprises[44]. Selon Alan Donald, ambassadeur du Royaume-Uni à Pékin, les blindés ont « roulé sur les corps à de nombreuses reprises, faisant comme une « pâte » avant que les restes soient ramassés au bulldozer. Restes incinérés et évacués au jet d’eau dans les égouts »[45].
Dans les jours qui suivent, l'armée occupe Pékin, des affrontements sporadiques ont encore lieu la nuit. Le mouvement étudiant est également réprimé en province et une purge sévère a lieu dans tout le pays[15].
La répression est immortalisée dans les médias occidentaux par des séquences vidéo et des photographies devenues célèbres, telle celle de « l'homme de Tian'anmen » ou « Tank Man ». C'est un homme seul, vêtu d'une chemise blanche, debout devant une colonne de chars qui tente de quitter la place. Prise le , alors que la colonne approche d'une intersection sur l'avenue Chang'an (avenue de la Paix éternelle), la séquence montre l'homme sans arme au beau milieu de la rue, arrêtant la progression des blindés. Comme le conducteur de char tente de le contourner, « Tank Man » se déplace selon sa trajectoire, continue de défier la colonne pendant quelques instants, puis grimpe sur la tourelle du char de tête afin de parler aux soldats. Après son retour à sa position initiale, l'homme est tiré sur le côté par un groupe de personnes, dont l'identité divise les témoins oculaires[46]. Témoin de ce face-à-face, Jan Wong est convaincue que ce groupe est constitué de citoyens, voulant l'aider à fuir, tandis que le journaliste Charlie Cole estime que « Tank Man » a probablement été exécuté après avoir été enlevé par la police secrète, hypothèse s'appuyant sur le fait que jamais le gouvernement chinois ne pourra le présenter pour faire taire les protestations[43]. Le magazine Time l'appelle le « rebelle inconnu » ; l'homme est plus tard cité parmi les 100 personnes les plus influentes du XXe siècle. Le tabloïd britannique Sunday Express rapporte qu'il s'agirait d'un étudiant de 19 ans du nom de Wang Weilin, mais la véracité de cette affirmation est discutable. Dans un discours prononcé devant le Club du Président en 1999, Bruce Herschensohn — ancien assistant spécial du président Richard Nixon — a indiqué qu'il aurait été exécuté 14 jours plus tard. Dans Le Blues de la Chine rouge : ma Longue Marche de Mao à maintenant, Jan Wong écrit que l'homme est toujours vivant et se cache en Chine continentale. La dernière déclaration officielle du gouvernement de la RPC sur « Tank Man » vient de Jiang Zemin lors d'une entretien de 1990 avec Barbara Walters. Interrogé sur son sort, Jiang a répondu que, selon lui, le jeune homme n'a pas été tué[47].
Après la vague de répression à Pékin le , les manifestations se poursuivent dans une grande partie du pays pendant plusieurs jours. D'autres manifestations sont signalées à Canton, où, sur une plus grande échelle, à Shanghai, associées à une grève générale. On manifeste également à l'étranger, comme à Hong Kong, alors colonie britannique, où la population arbore à nouveau la couleur noire en signe de protestation. Toutefois, le gouvernement reprend rapidement le contrôle.
S'ensuit une purge politique au cours de laquelle des fonctionnaires ayant organisé ou toléré les manifestations sont démis de leurs fonctions, et les dirigeants étudiants emprisonnés.
Selon Amnesty International[48], au moins 300 personnes ont été tuées le dans la ville de Chengdu, où les troupes utilisent contre les civils des grenades assourdissantes, des matraques, des couteaux et des aiguillons électriques destinés au bétail. Les hôpitaux ont ordre de ne pas accepter les étudiants et, la seconde nuit, le service ambulancier est arrêté par la police[49].
L'explication officielle donnée par le gouvernement est que la majorité des manifestants étaient des criminels et des voyous, sans lien avec les étudiants, et que l’armée est intervenue pour sauver le socialisme en Chine[15]. Selon d'autres sources, ce sont en majorité de jeunes étudiants qui ont participé au mouvement. Le fait qu'un nombre important d'étudiants aient été arrêtés dans les jours suivant les événements du semble corroborer cette thèse. Selon le gouvernement, le seul endroit où les étudiants étaient majoritaires en 1989 était la place Tian'anmen, où étaient braquées toutes les caméras accourues pour filmer l'arrivée de Gorbatchev. Dans toutes les autres villes, Changsha, Xi'an, Taiyuan, Urumqi, etc., ce sont des ouvriers, des chômeurs, des lycéens, des travailleurs migrants, des voleurs, des anonymes qui ont « conduit » le mouvement. Les étudiants de Pékin n'étaient que la minorité que les gouvernants ont tenté de récupérer par la négociation.
Nombre de morts
Le nombre de morts et de blessés demeure incertain en raison des grandes divergences entre les différentes estimations. Selon Nicholas D. Kristof du New York Times, si des Pékinois soupçonnent les troupes d'avoir brûlé de nombreux corps pour détruire toute preuve des massacres, il n'y a cependant aucun indice permettant de dire que cela s'est produit[50]. Certaines des premières estimations sont fondées sur des rapports de la Croix-Rouge chinoise qui font état d'un chiffre de 2 600. Cependant, cet organisme dément avoir jamais fourni un tel chiffre[50].
Selon un rapport de Frontline de PBS, ce chiffre a rapidement été écarté, sous la pression du gouvernement[51], qui, lui, avance les chiffres de 241 morts, dont des soldats, et de 7 000 blessés[51].
James Miles se demande si les médias ont été exacts. Il écrit sur BBC News[52] : « There was no Tiananmen Square massacre, but there was a Beijing massacre. », ce qui se traduit en français par : « Il n'y a pas eu de massacre de la place Tiananmen, mais il y a eu un massacre à Pékin. ». Il accrédite l'estimation de Nicolas D. Ktistof ci-dessous.
Selon Nicholas D. Kristof, « le véritable nombre de décès ne sera probablement jamais connu, et il est possible que des milliers de personnes ont été tuées sans laisser de preuves. Mais en se fondant sur les indices qui sont désormais disponibles, il semble plausible que près de cinquante soldats et policiers ont été tués, ainsi que de 400 à 800 civils »[50]. Le gouvernement soutient qu'il n'y a pas eu de victimes sur la place Tian'anmen proprement dite, bien que les vidéos prises à l'époque aient enregistré des coups de feu. Le Comité central du Parti communiste chinois et le Conseil d'État font valoir que les statistiques de base sont les suivantes : « Cinq mille soldats et officiers de l'APL blessés, et plus de deux mille personnes (en regroupant les étudiants, les Pékinois, et les émeutiers) ont également été blessés ». Des commentateurs chinois font remarquer que ce déséquilibre évident dans le nombre de blessés remet en question la compétence militaire de l'APL. Ils précisent également que personne n'est mort sur la place Tian'anmen[citation nécessaire][53]. Yuan Mu, le porte-parole du Conseil d'État, indique qu'un total de 23 personnes sont mortes, pour la plupart des étudiants, avec un certain nombre d'autres personnes qu'il qualifie de « voyous »[54]. Pour Chen Xitong, maire de Pékin, deux cents civils et plusieurs dizaines de soldats sont morts[55]. D'autres sources font état de 3 000 civils et 6 000 soldats blessés[56]. En mai 2007, le membre de la Conférence consultative politique du peuple chinois en provenance de Hong Kong, Chang Ka-mun, précise qu'entre 300 et 600 personnes ont été tuées sur la place Tian'anmen. Il ajoute qu'« il y avait des voyous armés qui n'étaient pas étudiants »[57].
Selon Jay Mathews, qui était le premier chef de bureau du Washington Post à Pékin, « quelques personnes ont pu être tuées par des tirs aveugles dans les rues près de la place, mais tous les témoignages avérés considèrent que les étudiants qui restaient sur la place lorsque les troupes sont arrivées étaient autorisés à la quitter paisiblement. Des centaines de personnes, en majorité des travailleurs et des passants, moururent cette nuit-là dans le reste de la ville »[58].
Le correspondant de CBS News, Richard Roth, qui avait été arrêté sur la place dans la nuit du 3 au , rapporte n'avoir vu aucun cadavre, senti aucune odeur de gaz lacrymogène lorsqu'une jeep de l'armée, chargée de lui faire quitter les lieux à l'aube, avait traversé la place, occupée par des milliers de soldats, nombre d'entre eux assis par terre. Dans son journal personnel, il écrit : « But if there was a "massacre" here, in this place, where are the victims? » (« Mais s'il y a eu là, en cet endroit, un massacre, où sont les victimes ? »)[59].
Dans son bilan du massacre, l'ambassadeur américain James Lilley note que les diplomates du département d'État américain ont vu les troupes ouvrir le feu sur des gens désarmés. Ces derniers, se fondant sur les visites effectuées dans les hôpitaux à la périphérie de Pékin, avancent le chiffre de plusieurs centaines de morts[60].
Se focaliser sur les décès de la place Tian'anmen ne donne pas, en soi, une image exacte du carnage et de leur nombre global, des civils ayant été visés par des tirs dans les rues adjacentes. En outre, selon leur propre témoignage, des étudiants auraient été victimes de tirs, après avoir quitté la place, en particulier dans la zone proche de la salle de concert de Pékin[50].
Estimations du nombre de décès provenant de différentes sources, par ordre décroissant :
- plus de 10 000 morts (dont des civils et soldats) - Union soviétique[61], Royaume-Uni, États-Unis[62] ;
- 7 000 décès - OTAN[61];
- 4 000 à 6 000 civils tués, mais personne ne sait vraiment le chiffre exact - Edward Timperlake[63] ;
- plus de 3 700 tués, à l'exclusion des disparitions ou des décès secrets et ceux privés de soins médicaux - transfuge de l'APL citant un document circulant parmi les officiers[63] ;
- 2 600 décès officiels dans la matinée du (chiffre révisé par la suite) - Croix-Rouge chinoise[55],[64]. Un officiel anonyme de la Croix-Rouge chinoise estime, qu'au total, 5 000 personnes ont été tuées et 30 000 blessées[65] ;
- près de 1 000 morts, selon Amnesty International et certains des participants de la protestation, tel que rapporté dans un article du Time[55],[66]. D'autres déclarations d'Amnesty International font mention de plusieurs centaines de morts[67]. Liu Xiaobo, le futur Prix Nobel de la paix, était présent sur place. Il estime aussi à 1 000 le nombre des victimes[68] ;
- 300 à 1 000 selon un diplomate occidental à partir des estimations compilées[50] ;
- 400 à 800 plausibles selon le journaliste du New York Times. Il a développé cette estimation en utilisant l'information du personnel hospitalier et des médecins, et d'un « responsable médical avec des liens dans la plupart des hôpitaux »[50] ;
- 727 dont 14 soldats selon Zhang Wanshu, ancien dirigeant de l'agence Xinhua[69] ;
- entre 180 et 500 blessés, selon un document déclassé de la NSA qui se réfère aux estimations des premières victimes[70] ;
- 241 morts, dont des soldats, et 7 000 blessés, selon le gouvernement chinois[51] ;
- 186 morts formellement identifiés confirmés à la fin de - professeur Ding Zilin des Mères de Tian'anmen[64],[71]. La liste des Mères de Tian'anmen comprend des personnes dont le décès n'est pas directement imputable à l'armée, comme une personne qui s'est suicidée après l'incident du [72].