Maquis de Saint-Mards-en-Othe
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Durant la Seconde Guerre mondiale, en France, le maquis de Saint-Mards-en-Othe est un maquis situé au bois de Villiers, à côté du bois de l'Alleu[1], dans l'Aube en France (à un peu plus de 25 kilomètres de Troyes, et à 20 kilomètres de Saint-Florentin)[2], recentré en à La Lisière-des-Bois, hameau de Saint-Mards-en-Othe.
Les Allemands, après le débarquement de Normandie du , cherchent à éradiquer les maquis, craignant la menace qu'ils représentent pour les lignes de communication et de ravitaillement de leurs armées s'opposant à l'avance des Alliés. L'attaque du maquis de Saint-Mards, le , figure parmi les premiers actes de ratissage des maquis dans cette région ; la forêt d'Othe aussi bien auboise qu'icaunaise étant une plaque tournante de la Résistance intérieure française[3].
À la fin des années 1930 bien avant le remembrement, le Pays d'Othe est une région naturelle de France de collines boisées, et bloc crayeux qui s'étire sur 60 km de long et 20 km de large, et dont le point culminant est de 288 mètres à Maraye-en-Othe . C' est un pays rural, peu densément peuplé abritant une population essentiellement agricole pratiquant une polyculture où les labours céréaliers s’accompagnent de vergers, de pommiers à cidre, d’élevage bovin et de betteraves à sucre, « À la ville » les usines textiles sont à Estissac, et surtout à Aix-en-Othe capitale du Pays d'Othe.
Dans ce pays boisé et enclavé, |la guerre voit les besoins en bois augmenter pour le chauffage et pour l'alimentation des automobiles fonctionnant au gazogènes. Sur ces terres restées à l'écart des axes de communication, la Résistance est bien présente : réunions, entrepôts de tabac clandestins[4]... En outre, le tissu forestier a la capacité de protéger les maquisards des repérages aériens de la Luftwaffe.
Avec l'instauration du service du travail obligatoire (STO) par la loi du , la Résistance prend enfin corps et les premières actions ont lieu principalement, à partir de la ferme de Gabriel Couillard[5] ; ferme sur le territoire de La Lisière des bois, hameau de Saint-Mards-en-Othe (au hameau des Boulins, Ernest René Ménessier est arrêté le , le maquis des Boulins étant sous les ordres des lieutenants Collot et Flamand[6],[7],[8],[9],[10] et au hameau La Perrière de Maraye-en-Othe ; à Vauchassis ; à Bucey-en-Othe)
Des parachutages avaient eu lieu près de Troyes à Rouilly-Saint-Loup, à Prugny ; des résistants avaient été arrêtés[3]. En 1943, un responsable résistant, Édouard Baudiot[alpha 1] dit Marius, cultivateur à Torvilliers, ne se fait pas prendre, il est alors chargé par Jean Moulin de chercher d'autres endroits où parachuter[3] : la région de Saint-Mards-en-Othe est finalement choisie comme nouveau lieu de parachutage. Baudiot fait la connaissance de Gabriel Couillard dit Bihel et de Fernand Ibanez dit Nando (clandestin dès 1940, il participe activement à la structuration de la résistance en Pays d'Othe)[12]. La ferme des Couillard à la Lisière-des-Bois sert beaucoup à la Résistance qui s'organise peu à peu en maquis. Les premiers maquisards arrivés appartiennent surtout au Bureau des opérations aériennes (BOA)[alpha 2]. Le premier maquis se trouve au lieu-dit « le Petit Pommier d'Argent » ; un deuxième, dans les bois communaux de Saint-Mards-en-Othe au bout d'un terrain de parachutage puis un troisième dans le Bois de Villiers près de Maraye-en-Othe et à la fin les deux maquis [St-Mards et Villiers] sont regroupés au début de car il y a des « mouches » qui risquent de les dénoncer. Ce maquis est alors dirigé par Jean-Marie Raynaud, dit Francœur qui est responsable régional du BOA[3].
Les maquis ne sont pas « fixes » : ils sont temporaires. Les maquisards dormant dans des lits de feuillages et de branchages investissent la forêt ; et l'intendance est assurée par ceux restés aux villages et aux fermes. Quant aux soins, un médecin résistant, Bardin, d'Aix-en-Othe se déplace[alpha 3]. Le BOA retient alors trois terrains autour de Saint-Mards-en-Othe (au Champion, à La Lisière des Bois, à Vaucouard) faciles d'accès, plats, larges de 200 à 250 mètres et longs de 500 à 800 mètres, entourés de bois pour se dissimuler. Dix-sept parachutages sont effectués en tout soit 45 tonnes de matériel. À chacun d'eux correspond une phrase code, annoncée à la radio, confirmée ensuite le soir, et désignant le lieu choisi pour l'opération du jour. Le contenu des containers est distribué entre la forêt d'Othe, Troyes et Paris. Ils sont envoyés à Paris, dans des carmions des Ponts et Chaussées, et aussi de la Compagnie des Grands Moulins[13].
Il était interdit de redistribuer du matériel aux francs-tireurs et partisans pour des raisons d'appartenance politique mais parfois, les dirigeants du BOA donnaient du matériel à leur voisin bourguignon (Baudiot et Francœur refusent de suivre les directives du Bureau central de renseignements et d'action (ou B.C.R.A.) interdisant de fournir des armes aux F.T.P)[14] Saint-Mards-en-Othe est un village de France avec un monument commémoratif du BOA et du FTP[15],[16]
La ferme des Couillard accueille en tout seize aviateurs de différentes nationalités dont les avions avaient été abattus en mission : Australiens, Britanniques, Indiens, Américains et Canadiens rejoignent la Résistance[3],[N 1] Quand les maquisards ne réceptionnent pas des « saboteurs » de la Royal Air Force, tel Robert Rodriguez, qui partent détruire les communications de Troyes et sa région (opération ROSE)[17]
Une importante activité de sabotage des voies ferrées et des dépôts d'essence de Troyes et de son agglomération avait été menée auparavant par le maquis FTP de Sevy près de Chailley dans l'Yonne. Plus tard, en 1944, Robert Loffroy[18] veut élargir la libération de villages jusqu'à Aix-en-Othe ; il en est dissuadé à Bérulle, lors d'un entretien avec les maquisards de Saint-Mards le ; il donne l'ordre d'évacuer les villages qui avaient été « libérés ». Mi-, l’État-major FTP ordonne au maquis de Suy de préparer son départ pour rallier un important rassemblement en voie de constitution à Saint-Mards-en-Othe. Cent quatre-vingt maquisards quittent les bois de Sévy dans l’après-midi du . Une colonne à pied, sous la direction de Gagnière, prend la direction de Saint-Mards-en-Othe, distant d’une quinzaine de kilomètres, accompagnée de quelques véhicules, camions et voitures. En fin d’après-midi, le transfert s’achève sans que les forces allemandes ne soient intervenues[19],[20] Le lendemain, à l'aube arrivent les maquisards de Rigny-la-Nonneuse[21]. Le , le maquis du bois des Boulins à Rigny est attaqué : la ferme des Boulins est incendiée mais la quasi-totalité des hommes réussit à rejoindre le maquis de Saint-Mards[22],[23].
Le Sipo-SD troyen et ses agents français montent une opération contre le maquis. Grâce à ses age9nts français, les Allemands connaissent l'emplacement des maquisards, et leurs forces. Les rénégats Pigné, Debeaune et Kerseck guident les troupes. Le au matin, une colonne allemande composée de prisonniers de guerre ukrainiens et russes volontaires[24], commandés par quelques officiers SS monte à l'assaut du maquis : 237 maquisards BOA et FTPF font face à plus de mille soldats. Le maquis occupe une position forte, une colline avec un grand bois, des prés et des champs tout autour du mamelon. Il possède fusils, fusils-mitrailleurs, mitraillettes, mitrailleuses, grenades et, ce qui est exceptionnel, neuf bazooka et dix-sept torpilles. Ces hommes vont se battre de sept heures trente du matin à six heures du soir[25].
Les premiers éléments allemands arrivent par la route de Maraye-en-Othe, surprennent six maquisards et en tuent quatre. Un autre détachement venu de la Belle Fayte tue six maquisards parmi lesquels l’Anglais George Mamoutoff dit Léon[26],[27], lieutenant SAS qui se fait tuer sur son fusil-mitrailleur Bren pour couvrir le repli[28]. Aux alentours de huit heures trente, une seconde colonne motorisée venant par la route de Vosnon, se déploie sur la colline pour prendre le maquis en tenaille. Ils sont accueillis par un feu nourri du poste de garde de Montaigu, les obligeant à reprendre l'attaque par leur chemin de Cortillat où ils installent leur poste de commandement. Très vite, le combat devient inégal, les maquisards étant inférieurs en nombre. Ordre est donné de se replier. Les Ukrainiens et Russes rampent sans bruit avec des feuillages sur leur casque pendant que, 100 mètres derrière, d'autres arrivent en hurlant. C'est pour ça qu'il y a eu autant de tués[3]. Au soir, 27 résistants ont été tués dont quelques blessés achevés. Le 615e Ostbataillon du major Schrade et le Sicherheitsregiment 199 de Gelling[29] ont perdu une quarantaine d’hommes dont cinq ou six officiers. Depuis le clocher de l'église de Nogent-en-Othe des résistants sont abattus.
Les maquisards se dispersent ; certains gagnent les autres maquis F.T.P du pays d'Othe qui sont alors dispersés en petits groupes plus discrets , d'autres rejoignent Troyes , d'autres Sormery, Chaource ou encore le maquis de Montcalm à Mussy-sur-Seine[30]
Persuadés que des résistants rescapés se cachent vers Sormery et Chailley, les Allemands vont attaquer le maquis Horteur (en cours de création) de Chailley le . Puis, ils s'en prennent à la population civile du hameau de la Rue Chèvre de Sormery : 29 otages sont rassemblés, quatre résistants faits prisonniers sont massacrés, dont un rescapé des combats de Saint-Mards-en-Othe et le lieutenant Cormeau du maquis Horteur[31]. Seize otages sont transférés à Auxerre[32]. Vers 13 h 30, des camions de la Wehrmacht sont montés vers le maquis par la route de Chailley. Le maquis n’a alors d’autre choix que de décrocher au plus vite.
Des perquisitions ont encore lieu le et le dans les bois de Saint-Mards-en-Othe pour mettre le feu aux cabanes montées par les maquisards. Toute la population du hameau de la Lisière des Bois est rassemblée sur la place du hameau, en qualité d'otage ; en instituant ce climat de terreur, les Allemands veulent réduire les possibilités de reformer un maquis[32].
Les résistants de Saint-Mards tués, sont recherchés et retrouvés mutilés, crâne défoncé, parties génitales coupées, couchés face contre terre. Ils sont enterrés clandestinement : « Dès le , les habitants de La Lisière-des-Bois et de Saint-Mards sont allés dans la forêt pour se rendre compte de l’importance du massacre. Ils ont attendu la nuit pour regrouper les corps et les ensevelir ensemble après avoir mis un bracelet avec leur nom au bras de ceux qui furent identifiés le jour même »[33].
Un monument est érigé sur la route de la Mivoie[34], commémorant l'attaque de . Inauguré le , c'est un monument vertical en pierre calcaire blanche, une inscription surmontée d'une croix de Lorraine : « Aux morts du Maquis de Saint-Mards-en-Othe / Les BOA et FTPF / ». Deux bas-reliefs latéraux complètent l'ensemble, représentant deux scènes de maquisards au combat, sur lesquels descendent les parachutes qui se balancent dans le ciel[35].
Le hameau de La Lisière des Bois reçoit une citation nationale et la Croix de guerre avec étoile de bronze.
À l'initiative de Fernand Ibanez et du comité du Pays d'Othe de l'ANACR (Association nationale des anciens combattants et résistants) un « chemin de la mémoire » est créé qui part de Nogent-en-Othe, et va sur les lieux du maquis[36]
En juin 2015, un 26e nom est gravé sur le monument de la Mivoie, celui de Charles Elies[37],[38], parmi les deux noms inconnus[39].
Gilbert Couillard qui fut résistant du maquis de Saint-Mards-en-Othe et son fidèle historiographe est mort au mois d'août 2018. Selon sa volonté, ses cendres ont été dispersées en forêt d'Othe, sur le lieu du poste de commandement du maquis[40].
Fernand Ibanez meurt le . Ses cendres sont dispersées autour du monument de la Mivoie[41],[alpha 4],[alpha 5].
La rue principale de Saint-Mards-en-Othe porte les noms de Gabriel et Marguerite Couillard[44].
Bibliographie
- Charles Tillon, Les F.T.P.: La guérilla en France, FeniXX - 392 pages (numérisation de l'édition de 1967) (assez fantaisiste, Tillon parle de 200 Allemands tués)
- Albert Ouzoulias (colonel André) Les bataillons de la jeunesse, FeniXX - 538 pages (numérisation de l'édition de 1967)
- Roger Bruge, 1944, le temps des massacres. Les crimes de la Gestapo et de la 51e brigade SS, Albin Michel, 1994.
- Sébastien Touffu, Études des structures des principaux mouvements de Résistance auboise, mémoire de DEA, Université de Bourgogne, Dijon, 1997[45]
- Gilbert Couillard, Un adolescent dans la tourmente. De la Résistance en forêt d’Othe, Nîmes, Comédia, 2001 (ISBN 978-2-9538876-0-0)
- Sylvain Boulouque, Christian Lambart, Pascal Girard, Anne Ribowski, Sébastien Touffu, Rémi Dauphinot, Jean-Claude Steib La Résistance dans l'Aube, Éditeur CRDP de Champagne-Ardenne, AERI 2010, CD-Rom (ISBN 978-2-86633-482-6)[46]
- Jean Lefèvre, Le maquis de Saint-Mards-en-Othe et les maquisards du bois de l'Alleu, Académie troyenne d'études cartophiles, 2016, 36 pages.
Articles connexes
Liens externes
- La Résistance dans l'Aube Bulletin de liaison des professeurs d'histoire et de géographie de l'académie de Reims, mars 2004
- crdp/ de Reims Christian Lambart et Sébastien Touffu
- 20 juin 1944 : les combats de Saint-Mards-en-Othe et le massacre de la Rue Chèvre, ARORY
- Gilbert Couillard sur France 3
- Ernest René Mennessier sur GénéaFrance
Notes
- Le BOA est créé par Jean Moulin en avril 1943 pour organiser les parachutages en zone Nord..
- Autres :
- ADIRP de l'Aube >>> « Ce fut le destin de Robert Brown et de Charles Roberson. Ils allèrent de la ferme des Jeanson à Baudement, à celle de Varsovie (maquis Camuset) puis à Marcilly-sur-Seine (maison de l’instituteur) et enfin au maquis du Pays d’Othe » Malheureusement ils furent déportés à Buchenwald, mais en revinrent.
Références
- Le maquis du hameau des Boulins au nord-est de Maraye en Othe est sous les ordres des lieutenants Collot et Flamand. Le 12 juin, le groupement compte 112 hommes, mais à la suite d'une dénonciation le groupe est attaqué, décroche et rejoins le maquis de la Grande-Jaronnée à la limite de l'Yonne pdf Les FTPF / maquis à ne pas confondre avec celui de Rigny-la-Nonneuse.
- Une rue de Maraye-en-Othe porte le nom d'Ernest Ménessier et cette notice bibliographique de l'amicale de Flossenburg porte son nom.
- Le site de l'arrêté du 22 mars 2018 portant apposition de la mention « Mort en déportation » sur les actes et jugements déclaratifs de décès le donne mort à Flossenburg : texte : Mennessier (Ernest, René), né le 23 novembre 1894 à Maray-en-Othe [sic (Aube), décédé le 20 août 1944 à Flossenburg (Allemagne)].
- Félix Mazure, Hubert Mazure, Deux lycéens chez les Fantômes de Patton, FeniXX - 189 pages (numérisation de l'ouvrage de 1946).
- Robert Bailly, Occupation hitlérienne et résistance dans l'Yonne (et zones limitrophes), A.N.A.C.R.-Yonne, 1984, p. 318
- « Entourée de hêtres se dresse une stèle de pierre surmontée d'une plaque sur laquelle est gravé : « FTPF-BOA à ceux qui choisirent le combat de la Résistance pour la liberté de la France. Vous qui passez, souvenez-vous ». » L'Est-Éclair du 19 juin 2009 (cette page n'existe plus, on peut cependant y accéder par la fonction Archive).
- Biographie de Robert Loffroy dans Le Maitron en ligne.
- Roger Bruge, page 148 : « Ils ont été sortis des camps de prisonniers de guerre où ils croupissaient depuis leur capture, se battant chaque jour pour quelques épluchures et du jour au lendemain, ils ont été habillés, réarmés ».
- Albert Ouzoulias (colonel André) Les bataillons de la jeunesse, FeniXX - 538 pages (numérisation de l'édition de 1967).
- Roger Bruge 1944, le temps des massacres. Les crimes de la Gestapo et de la 51e Brigade SS, Albin Michel, 1994, p. 92-93 : « Relevé au cimetière de Saint-Mards-en-Othe dans les années 50, Mamoutoff, mort à l'âge de 20 ans, fils de Vladimir et Rolly Mamoutoff, de Londres, repose aujourd'hui dans le carré britannique du cimetière militaire de Choloy (Meurthe-et-Moselle), à 3 km à l'ouest de Toul ».
- Michel Roche, L'Aube dans la guerre 1939-1945, Horvath, 1985 - 223 pages p. 168.
- Musée de la Résistance en ligne // Joël Drogland, La mémoire des représailles consécutives aux attaques de maquis (consulté le 16 juillet 2020).
- Témoignage de Huguette Morvand.
- MemorialGenWeb.org - Saint-Mards-en-Othe : monument commémoratif du maquis, avec photo.
- s.d François Marcot, La Résistance et les Français. Lutte armée et maquis. Colloque international de Besançon 15-17 juin 1995, Volume 617, Université de Franche-Comté,Université de Bourgogne, Presses Univ. Franche-Comté, , p. 477, 549 pages.
- Figure de la Résistance auboise, Gilbert Couillard s’est éteint à 92 ans L'Est-Éclair du 29 août 2018 (consulté le 25 août 2019)
- « Hommage à Fernand Ibanez », sur le site de la mairie de Saint-Mards-Othe, (consulté le ).
- « Fernand Ibanez, le décès d’un grand résistant aubois », sur le site du quotidien L'Est-Éclair, (consulté le ).
- « Trouver une boite à lettres jaune de La Poste », sur le site commercial d'un anonyme (consulté le ).