Roms
groupe ethnique d'Europe, originaire du sous-continent indien / De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
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Pour les articles ayant des titres homophones, voir Rom, Rome (homonymie), Romme et Rhum.
Ne doit pas être confondu avec Roumains ou gens du voyage.
« Tsigane » et « Tzigane » redirigent ici. Pour les autres significations, voir Tzigane (homonymie).
Le mot Roms (parfois écrit Rroms[alpha 1]) désigne en français un ensemble de populations établies dans divers pays du monde, ayant une culture et des origines communes dans le sous-continent indien[3], également dénommées par les exonymes Tziganes / Tsiganes, Gitans, Bohémiens, Manouches, ou Romanichels (chacun de ces noms ayant sa propre histoire), ainsi que « gens du voyage », bien que l'immense majorité des Roms soit sédentaire ou sédentarisée. Leurs langues initiales font partie du groupe, issu du sanskrit, parlé au nord-ouest du sous-continent indien, et qui comprend aussi le gujarati, le pendjabi, le rajasthani et le sindhi. Minoritaires sur une vaste aire géographique entre l'Inde et l'océan Atlantique, puis sur le continent américain, les élites lettrées de ces populations ont adopté comme endonyme unique le terme Rom, signifiant en langue romani « homme accompli et marié au sein de la communauté »[4]. Deux autres dénominations, les Sintis et les Kalés, sont considérées tantôt comme des groupes différents des Roms[5], tantôt comme inclus parmi ces derniers[6].
(Tsiganes, Gitans, Bohémiens, Manouches, Kalé, Sinti, Romanichels)
Population totale |
15 millions dans le monde dont environ 5 à 12 millions en Europe (2010)[1]. (détails) |
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Langues | Romani et/ou langue(s) locale(s). |
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Religions | Majoritairement religions locales (catholicisme, orthodoxie, islam, etc.) avec apports endogènes (hindouisme). Existence récente d'une importante dynamique protestante évangélique interne[2]. |
Selon Ian Hancock, contrairement aux Kalés et aux Sintis, tous originaires du nord de l'Inde, les Roms seraient plus précisément issus de la ville de Canouge (Uttar Pradesh)[7], d'où les armées de Mahmoud de Ghazni les auraient déportés en 1018. Quoi qu'il en soit, ils sont présents en Europe dès le XIe siècle[8][réf. incomplète], et au XXIe siècle, les roms de tous les pays formeraient ensemble, selon une étude faite en 1994 pour le Conseil de l'Europe, la minorité « la plus importante en termes numériques »[9].
Terme Rom
Le terme de « Rom » est adopté par l'Union romani internationale (IRU) lors du premier Congrès international des Roms (Londres, 1971) qui a revendiqué le droit légitime de ce peuple à être reconnu en tant que tel et a officialisé la dénomination « Rom »[10].
Depuis cette date, beaucoup de Roms se désignent ou sont désignés par les noms rom (masculin), romni (féminin), roma (masculin pluriel) et romnia (féminin pluriel) qui, selon Bordigoni, signifient « hommes et femmes mariés et parents faisant partie d'un groupe de voyageurs, Gitans ou Tsiganes »[11], par opposition à gadjo (masculin), gadji (féminin) et gadjé (masculin et féminin pluriels), qui désignent tous les individus étrangers à la population rom, les « autres ». Les Gitans de la péninsule ibérique disent payo (masculin), paya (féminin), payos (masculin pluriel) à la place de gadjo, gadgi et gadjé, que les Gitans de France désignent aussi avec les mots paysan et paysanne[11].
Par ailleurs, des journalistes de The Economist ont reçu une brochure au pavillon « Rom »[12] de la Biennale de Venise 2007, qui excluait de ce terme « les Sintis, les Romungrés, les Gitans, les Manouches, etc.[13][source insuffisante]. Lorsqu'ils sont entendus dans leur sens étroit de sous-groupes qui s'excluent les uns des autres, ces différents termes posent des problèmes étymologiques, car on ne peut prouver de manière indiscutable leur filiation par rapport à « Sind », à « Égyptiens » et à « Manouches ». Cette notion de Rom au sens le plus restreint est également celle utilisée par le site internet du Larousse[14].
Une hypothèse propose que le mot Rom dériverait du nom du Dieu Rāma (nom d'un Avatâr de Vishnou)[15],[16]. Une étymologie remontant au mot sanskrit Dom, dont la signification elle-même pose problème et qui désigne une population de basse caste en Inde, a également été proposée par Ian Hancock[17], mais il la réfute lui-même en arguant de la « distance génétique » entre Roms et divers groupes de populations indiennes[17].
Les Roms sont désignés en France par d'autres noms traditionnels ou familiers, selon les pays d'où ils sont supposés venir : « Bohémiens », originaires des régions de la Bohême ; « Gitans », originaires d'Égypte, appellation traditionnelle très ancienne en France ; « Manouches » ; « Romanichels », originaires de l'Est de l'Europe, mentionnés dans la littérature au début du XIXe siècle, ils parlent le romani ainsi que les langues des pays où ils résident ; « Tziganes », etc.
D'autres appellations, d'origine scientifique, se sont diffusées récemment : Kalés (Gitans)[18], qui peuplent la péninsule Ibérique et l'Amérique latine et qui parlent le kaló, un mélange entre castillan ou catalan et romani ; Sintis (Manouches), qui peuplent l'Europe occidentale (France, Italie, Allemagne...), qui parlent le romani ainsi que les langues des pays où ils résident.
La nouvelle appellation administrative française gens du voyage, qui a remplacé celle de nomades, ne saurait être utilisée pour désigner les Roms, l'immense majorité de ceux-ci étant sédentaire[19],[20]. En outre, l'appellation gens du voyage regroupe des personnes qui ne sont pas roms ou ne se reconnaissent pas roms.
Autres dénominations
À diverses époques, la langue française a produit différents termes qui évoquent soit des sous-ensembles soit l'ensemble des populations roms.
Boyashs
Le mot Boyash ou Beash[21] vient du roumain băieș/băiaș, dérivé de baie, qui provient lui-même du hongrois bánya, « mine »[22] : c'était l'appellation générale des mineurs dans la Transylvanie médiévale[23].
Romanichel
Romanichel vient de l'adjectif romani (rom) et du nom čel (peuple, communauté, tribu)[24].
Manouches
Manouche est proche de manushya, qui signifie homme, être humain en sanskrit et en hindi, et vient du romani mnouche signifiant aussi « homme »[25]. Le Vocabulaire des Manouches d'Auvergne de Joseph Valet traduit Mānuš par Manouche et Mānušni ou Mānušeca par « femme manouche »[26]. Le mot « Manouches » est souvent utilisé en français pour désigner une population qui vit en France et qui a des caractéristiques communes avec les Sinté d'Allemagne : les expressions valštike Mānuš et gačkene Mānuš sont traduites respectivement « Sinté français » et « Sinté allemands » par Jean-Pierre Liégeois[27], et « Manouche originaire de France » et « Manouche originaire d'Allemagne » par Joseph Valet[26]. Mais en Champagne, il est fréquent que des Gadjé appellent « Manouches » toutes sortes de voyageurs manouches ou non manouches[28]. Dans le domaine musical, le « jazz manouche » a été popularisé par Django Reinhardt. Les Manouches « ne se reconnaissent pas en tant que Roms », indique Jean-Pierre Liégeois[29]. Nombre de patronymes manouches en région parisienne viennent d'Alsace.
Gitans
Gitans vient de l'espagnol gitano, qui lui-même est une déformation d'egyptiano, égyptien[30]. Pour Marcel Courthiade, « le mot Gitan désigne (…) exclusivement les Roms de la péninsule Ibérique, y compris ceux qui en sont repartis en direction de la France ou des Amériques », jugeant ainsi que « Le Temps des Gitans » est un mauvais choix de titre français pour le film yougoslave Dom za vešanje d'Emir Kusturica[31]. En revanche, Jean-Louis Olive constate que « sur le territoire français, en général, et dans divers pays européens, l'hétéronyme Gitans est employé de manière indifférenciée ou substitutive à l'allonyme Tsiganes qui s'applique ici aux Roms, aux Manouches ou aux Sinté[32] ».
Tsiganes ou Tziganes
Le terme Tsigane apparaît dans la langue française au début du XIXe siècle, probablement par calque du mot russe tsigan, lequel pourrait provenir, via l'ancien russe et le bulgare, du mot grec byzantin Atsinganos, qui est la prononciation populaire d'Athinganos : « qui ne touche pas » ou « qui ne veut pas être touché », littéralement les « intouchables »[33]. Ce mot désigne une secte de manichéens venus des Lycaonie et Phrygie byzantines[34] : l'élite de l'Église manichéenne, en effet, ne touche en aucun cas de la viande, du sang, ni du vin[35]. Néanmoins, le terme Athinganos n'a aucune étymologie attestée en langue grecque. Pour Paul Bataillard[36], le mot « Tsigane » provient du nom Σιγύνναι / Sigynnai[37], cité en 485 av. J.-C. par Hérodote pour désigner un peuple qu'il situe au-delà de l'Istros (le Danube), théorie protochroniste réfutée par D. S. Barrett[38]. Une autre hypothèse fait venir ce terme du persan Chaugan[39] (jeu servant à l'entraînement militaire des chevaux). Le terme de « Tsigane » est réapparu en France après la Seconde Guerre mondiale, car il était utilisé par les occupants allemands[40] (Zigeuner signifie « tsigane »). En décembre 2008[41], des associations se regroupent dans « l'Union française des associations tsiganes », ce qui permet au terme « tsigane » de conserver une légitimité sociologique et politique[42].
Égyptiens
Égyptien est un terme d'origine médiévale. Dans le français du XVIIe siècle, ce terme rappelle une ancienne légende selon laquelle les Roms seraient venus d'Égypte (Aigyptos : Αιγύπτοs en grec). Par exemple, Esmeralda, dans Notre-Dame de Paris, ou Zerbinette, dans Les Fourberies de Scapin, sont toutes deux surnommées « l'Égyptienne ». La traduction anglaise Egyptians a donné l'appellation en anglais Gypsy[43].
Bohémiens
Utilisée à partir du XVe siècle[44], plusieurs auteurs rapprochent l'appellation Bohémiens des lettres de protection de Sigismond, empereur du Saint-Empire, roi de Hongrie et de Bohème, dont se recommandent des groupes signalés à Deventer, Bruxelles, Châtillon-sur-Chalaronne et Mâcon autour des années 1420[45],[46]. C'est le terme le plus couramment employé en France du XVIe au XVIIIe siècle, et son usage décline au XIXe siècle lorsqu'apparaît le terme « tsigane » dans les milieux savants[47] et à mesure que les pouvoirs publics, qui ont officialisé le terme « nomade » en 1848 dans le contexte de la colonisation algérienne, l'appliquent aux familles mobiles en métropole[48].
Dénominations régionales
Le terme Boumians, que l'on rencontre parfois, est une forme occitane de Bohémiens. On rencontre également le terme de « camp-volants » dans le quart nord-est de la France, dans les régions de Bourgogne, de Champagne, des Ardennes, de Lorraine et de Franche-Comté[49].
Jan Yoors (en), qui a vécu de nombreuses années au sein des Roms au cours des années 1930, décrit les différentes populations Roms telles qu'elles lui ont été présentées par les siens, membres de la tribu des Lovara[50]. Tout d'abord, tous ne sont pas nomades et certains se fixent pour plusieurs générations en lieu donné, à l'instar des Cali ou Gitans d'Espagne (Calés) qui parlent une langue fortement influencée par l'espagnol ; on trouve également des tribus sédentaires en Serbie, en Macédoine, en Turquie et en Roumanie : ainsi, les Rudari ont « rompu tout lien avec leur passé » et ne parlent plus que roumain. Ensuite, il est fréquent que des vagabonds soient baptisés tsiganes alors qu'il s'agit uniquement « d'autochtones ayant pris la route » : ils sont certes nomades mais dans un périmètre restreint. Ce sont par exemple les Yéniches en Allemagne, les Shelta en Irlande ou les Tatars de Scandinavie. À ces populations se rajoutent ensuite les forains et les gens du cirque. Existe également une tribu apparentée aux Roms bien que très différente : les Sinti ou Manush, qui sont souvent des musiciens et des luthiers et qui se distingueraient des autres Roms par leur physionomie (plus petits et mats de peau), leur dialecte mâtiné d'allemand « pratiquement inintelligible aux autres tsiganes » ou encore leurs coutumes, comme le rite de l'enlèvement de la future épouse. Enfin, « les vrais Roms » se diviseraient uniquement en quatre grandes tribus : Lovara (Lovàris), Tshurara, Kalderasha (Kalderàšis) et Matchvaya. Ils diffèrent eux aussi par la langue, le physique, les métiers (les Lovara et les Tshurara, étant marchands de chevaux, se déplacent donc en roulotte ; les Kalderasha, les plus nombreux, sont chaudronniers et dorment sous la tente). Tous se considèrent néanmoins comme des « races tsiganes » à part entière et évitent de se mélanger[51].
Selon Jean-Pierre Liégeois, « les Tsiganes forment une mosaïque de groupes diversifiés et segmentarisés dont aucun ne saurait représenter un autre »[52]. Marcel Courthiade a proposé en 2003 une classification qui se caractérise notamment par le refus de la dichotomie « Vlax/non-Vlax » faite par d'autres linguistes[53] ; le terme « Vlax » provient du mot « Valaques » désignant, à l'origine, les locuteurs des langues romanes orientales, mais dont le sens a été ultérieurement élargi à beaucoup de populations nomades des Balkans (voir l'article Valaques). Les linguistes qui s'y réfèrent désignent par « Vlax » les groupes utilisant des mots empruntés aux langues romanes orientales, ou censés avoir transité par les régions valaques.
Sans que l'on puisse le démontrer formellement faute d'archives écrites, les noms de ces groupes (appelés endaja en langue romani, que l'on peut traduire par « clans ») ressemblent :
- à des toponymes (Karpatis = des Carpates ; Kirimìtikas = de Crimée ; Polskas = de Pologne ; Servìtkas = de Serbie) ;
- à des noms (souvent de métiers) tirés des langues slaves, du grec, du turc ou du roumain : Arabadjìs = « voituriers » en turc ; Boìašis de băieși = « sculpteurs d'auges et de baignoires » en roumain ; Boìadjis = « teinturiers » en turc ; Kalderàšis ou Kelderàris de căldărași ou căldărari = « chaudronniers » en roumain ; Krpàris de cârpari = « chiffonniers » en roumain ; Kókalàras de κοϰϰαλάρος, kokkalaros = « fossoyeur » en grec ; Lautàras de lăutar = « violoneux » en roumain ; Lovàris ; Olašski cigánis = « tziganes roumains » en slave ; Rómungros de rom ungur = « rom hongrois » en roumain ; Spoìtòrǎs = « crépisseurs » en roumain ; Tǎtarìtkas = « appartenant aux Tatars » en russe ; Ursàrǎs = « montreurs d'ours » en roumain et Xǎladìtkas = « appartenant à l'armée » en russe.
Selon Marcel Courthiade, on peut répartir les endajas dans les cinq ensembles ci-dessous, identifiés d'après les formes de la langue romani[53] :
- A) Groupes archaïques ou première strate :
- 1) sous-groupe balkanique : Yèrlis, Sepetçis, Erlides, Kalajdjis, Kovàčǎs ou Arabadjìs (dits aussi : Kovatchars), Bugurdjìs, Drïndars, Topanlìs, Konoplǎrǎs, Ajides, Mohadjèrǎs, Arlìs (dits aussi : Thare Gone), Kohranes, Mećkàrǎs, Kabudjis, Rupane Roms, Bamìðǎs, Baćòrǎs, Fićìrǎs, Spoitòrǎs, Xoraxanes (dits aussi : Caraques, peut-être du grec κοράϰια korakia), Kirimìtikas, Zargàras ;
- 2) sous-groupe carpatique : Ursàrǎs, Kiśinvcis, Gurvàras (dits aussi : Gábors), Karpatis ;
- 3) Vendetikas (sud de la Hongrie, Prekmurje et Burgenland) ;
- 4) sous-groupe balto-russe : Polskas, Xǎladìtkas, Tǎtarìtkas, Servìtkas, Ćuxnìtkas, Lalorìtkas, Finitikas ;
- 5) Kalés gallois (éteint)
- B) Groupes intermédiaires de la première strate (avec mutation) : Cerhàras, Colàras, Hoheres, Maćhàras ;
- C) Groupes anciennement séparés de la première strate :
- 1) sous-groupe Sinté|Sinto du nord (germanique) : Gàdjkene Sintis, Pràjśtika Sintis, Vàlśtika Sintis, Lalères et Sàstike Sintis ;
- 2) sous-groupe Sinté|Sinto du sud (italique) : Sintis Piémont|piemontais, Sintis Lombardie|lombards, Sintis Vénétie|vénètes ;
- 3) Roms des Abruzzes et de Calabre ;
- 4) Locuteurs de l'ibéro-romani : Calés catalans, Calés andalous, Calés basques, Calés occitans (ces derniers, éteints) ;
- 5) Locuteurs d'anglo-romani (en) ;
- 6) Roms Lajuses (Estonie) ;
- D) Groupes intermédiaires de la deuxième strate (caractérisés par le passé et copule de la première personne en « em ») : Gurbèturas, Filipidjies, Xandùrǎs, Kalpazàjas, Thamàrǎs, Ćergàruras, Djambàzuras, Madjùrǎs, Śkodrànǎs, Vlaxìčkos, Sastërnenqes ;
- E) Groupes récents ou troisième strate (similaire à la deuxième strate, mais avec mutation) : Boìadjis, Drizàrǎs, Kalderàšas, Kelderàsas ou Kelderàras (dits aussi Caldéraches), Krpàris, Kókalàras, Lautàras, Lovàris, Olašski cigánis et Rómungros.