Rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte
De Wikipedia, l'encyclopédie encyclopedia
Le rétablissement de l'esclavage par Napoléon Bonaparte au début du XIXe siècle fait référence à un ensemble de textes et d'événements militaires survenus entre 1802 et 1804, constituant une « avancée progressive vers le rétablissement de l'esclavage »[2] et de la traite négrière dans les premières années de pouvoir de Napoléon Bonaparte, et revenant à abroger le décret du qui avait aboli l'esclavage dans toutes les colonies sous la Révolution française.
Parmi les textes notables signés par Napoléon : la loi du qui maintient l’esclavage dans les colonies sous domination anglaise restituées à la France, et où l’abolition de 1794 n’avait pas été appliquée, à la suite du refus des propriétaires d’esclaves et via une alliance de ceux-ci avec l'Angleterre (Martinique, Tobago et Sainte-Lucie), mais aussi les arrêtés consulaires du 16 juillet 1802 et du 7 décembre 1802 qui rétablissent l’esclavage respectivement en Guadeloupe et Guyane (jusqu'alors les deux des trois territoires où l'abolition était effective)[3]. À la Réunion et Maurice, Napoléon avait déjà donné des assurances aux planteurs dès mars 1801, lors de son « virage idéologique » motivé également par des considérations stratégiques[4].
Dès son coup d'État de la fin 1799, Napoléon est influencé par le milieu colonial entourant son épouse Joséphine, créole issue d'une famille de planteurs esclavagistes, mais surtout par ses conseillers souvent issus des équipes du maréchal de Castries, ex-secrétaire d'État à la Marine[5]. Hésitant pendant deux ans, comme ses conseillers, face aux risques politiques et militaires, Napoléon décrète peu à peu l'esclavage dans toutes les colonies, y compris les trois récupérées après quelques années d'interlude anglais. À la Guadeloupe et Saint-Domingue, ce rétablissement s'effectue par la force, via trois expéditions, dont deux à Saint-Domingue, mobilisant les deux tiers de la flotte française et plusieurs dizaines de milliers de militaires[4]. La résistance armée des ex-esclaves est ainsi vaincue à la Guadeloupe après plusieurs milliers de morts mais victorieuse à Saint-Domingue, où vivaient près de la moitié des esclaves français, et qui devient en 1804 Haïti, deuxième ex-colonie indépendante, après les États-Unis. La France fut le seul pays au monde à rétablir l’esclavage dans toutes ses colonies, huit ans après avoir voté son abolition, également dans toutes ses colonies[4].
Cette politique était encore jugée sans imagination et calquée sur le modèle de l'Ancien Régime par l'historien Yves Benot en 1992[6], mais d'autres ont depuis synthétisé des archives révélant au contraire beaucoup d'hésitations et de calculs opportunistes entre 1800 et 1802, dans un « versant colonial » court mais intense de l'action napoléonienne, « longtemps occulté ou minoré »[7].
Ce rétablissement de l'esclave s'accompagne de la mise en place d'une politique de ségrégation et de discrimination à l'égard des gens de couleurs libres plus dure que sous l'Ancien régime[8]. Dans les colonies, le retour au système d'Ancien Régime abolit le décret du 4 avril 1792 leur donnant la citoyenneté. En métropole, l'arrêté consulaire du 2 juillet 1802 (13 messidor an X) renouvelle l’interdiction du territoire français prononcée en 1763 et en 1777 à leur encontre (ainsi qu'aux esclaves)[9]. Le Code civil est également modifié pour institutionnaliser la hiérarchie raciale, séparant trois classes : celle des blancs, celle des gens de couleurs libres d'avant 1789, et celle des esclaves. Enfin, les mariages mixtes sont interdits, répondant ainsi à une demande ancienne du lobby colonial que l’Ancien régime leur avait refusé[9].
Pendant les Cent-Jours, sous la pression des Britanniques et du Congrès de Vienne[10], Napoléon abolit officiellement la traite des Noirs (mais pas l'esclavage), par le décret du . Toutefois, cette abolition du trafic d'esclaves n'est pas appliquée car il est battu deux mois et demi après à la bataille de Waterloo, puis abdique, avant son exil à Sainte-Hélène, où il attribue ses décisions de 1802 aux pressions du lobby colonial[4]. Après lui, Louis XVIII, Charles X, et Louis-Philippe, confirmeront officiellement l'interdiction de la traite, qui perdurera néanmoins de façon clandestine. L'esclavage proprement dit, ne sera aboli définitivement dans les colonies françaises que par le décret du , adopté par le Gouvernement provisoire de la Deuxième République sous l'impulsion du député Victor Schœlcher.