Téhéran
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Téhéran (/te.e.ʁɑ̃/ ; en persan : تهران, Tehrân, /teh.ˈɾɒːn/ Écouter) est la capitale et la plus grande ville de l'Iran. Située dans le nord du pays, au pied des monts Elbourz, la ville donne son nom à la province dont elle est également la capitale. Téhéran a vu sa population multipliée par quarante depuis qu'elle est devenue la capitale à la suite du changement de dynastie de 1786. En 2015, la ville comptait environ 9 millions d'habitants, et l'agglomération plus de 15 millions. La ville possède un métro (actuellement avec sept lignes) et un dense réseau autoroutier.
Téhéran تهران (fa) | |
Héraldique |
|
Administration | |
---|---|
Pays | Iran |
Province | Téhéran |
Maire | Alireza Zakani |
Indicatif téléphonique international | +(98) |
Démographie | |
Gentilé | Téhéranais |
Population | 8 846 782 hab. (septembre 2015) |
Densité | 12 896 hab./km2 |
Population de l'agglomération | 15 232 564 hab. (septembre 2015) |
Géographie | |
Coordonnées | 35° 40′ 51″ nord, 51° 24′ 50″ est |
Altitude | 1 100 à 1 980 [1]. m |
Superficie | 68 600 ha = 686 km2 |
Localisation | |
Liens | |
Site web | www.tehran.ir |
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Cette croissance très importante de Téhéran est principalement due à l'amélioration des conditions de vie ainsi qu'à l'attraction exercée sur les habitants des provinces. Elle a connu une forte accélération à partir de 1974, à la suite de la forte hausse du prix du pétrole lors du premier choc pétrolier. Les banlieues de la ville ont alors crû très rapidement ; finalement la pression immobilière a eu raison de la politique de développement urbain fixée en 1969.
Téhéran accueille près de la moitié de l'activité industrielle du pays : industrie automobile, équipements électriques et électroniques, armement, textiles, sucre, ciment et produits chimiques. La ville et son bazar sont le pôle de commercialisation des tapis et meubles produits dans l'ensemble du pays.
L'origine du nom de Téhéran est encore discutée, et plusieurs interprétations sont disponibles. Une des étymologies populaires est que le nom de la ville viendrait de Tah + rān, qui signifie « celui qui chasse ou qui pousse (les gens) » ou « qui creuse[2] ». Pour le Général Albert Houtum-Schindler, il s'agit d'une dérivation du terme Tir-ān, basé sur l'élément Tir. Cet élément a le sens de « plaine, plain désertique », qui est rapproché de Shemrān par Schindler[3]. L'historien et linguiste Ahmad Kasravi a la même idée et oppose Tahrān, « endroit chaud » à Shemrān, « endroit froid[4] ». L'orientaliste Vladimir Minorski propose de son côté une autre explication en se fondant sur la signification de tah qui signifie « fond, profondeur » dans des dialectes iraniens, qui serait associé au nom de la ville de Ray, ce qui voudrait dire que Téhéran signifie « qui est derrière Ray[5] ». Xavier de Planhol, professeur émérite de géographie, souligne dans l'Encyclopædia Iranica que ces propositions semblent conjecturelles et qu'il est vain de chercher l'origine du nom de la ville. Même l'orthographe de son nom a changé, puisque avant le XXe siècle, Téhéran s'écrivait avec un ṭāʾ (ﻃ) alors qu'elle s'écrit maintenant avec un tāʾ (ﺕ), qui est censé mieux représenter la prononciation de ses habitants[6].
Situation et site
- Téhéran et sa région.
- Carte de Téhéran en 1996.
- Image satellitaire de la ville.
Téhéran est située dans une plaine qui descend en pente vers le sud au pied des monts Elbourz. La ville a une altitude de 1 100 m au sud et 1 200 m au centre à 1 700 m au nord. La ville et ses banlieues couvrent une superficie de 86 500 ha[7].
La fondation de la ville s'est initialement circonscrite à la limite de deux zones qui ont les caractéristiques des plaines : la zone haute est composée de graviers grossiers et perméables, et la zone basse est composée de dépôts alluviaux plus fins et plus imperméables. La zone où est construite Téhéran fait la transition entre le désert stérile (kavir) et la chaine montagneuse de l'Elbourz[6].
La ville ne dispose pas de très importantes ressources en eau. Elle est située à égale distance de deux importants bassins hydrographiques qui collectent les eaux qui viennent des montagnes situées en amont. Ces deux bassins sont celui de Karaj à l'ouest et celui du Jājerud, à une trentaine de kilomètres à l'est, qui alimente Varamin et les villages environnants. Entre les zones urbaines de Karaj et Varamin, il n'y avait dans le passé qu'une seule ville importante, Ray, qui se trouvait à la jonction des routes entre les deux bassins[6].
Les quartiers du nord de la ville, situés en hauteur sur les contreforts de l'Elbourz, sont moins pollués et un peu plus frais en été. Ce sont les quartiers résidentiels de la population aisée de la capitale. La majorité des ambassades étrangères s'y trouvent ainsi que le palais et le parc de l'ex-Chah. Vers le sud, en contrebas, et vers le désert, se trouvent les quartiers plus populaires et industriels. C'est à l'extrême sud de l'actuelle agglomération que se trouve le site de Ray (Rhagès). Ray a longtemps été la capitale régionale et est le lieu de naissance du calife abbasside Hâroun ar-Rachîd en 766.
La ville étant au pied des montagnes, une télécabine relie la sortie nord de l'agglomération au mont Tochal à 3 966 m. Plus à l'est et à 50 km du centre de Téhéran se trouve le mont Damavand dont le cône garde quelques traces de neige jusqu'en juillet et culmine à 5 671 m.
- Téhéran vers le nord depuis Borj-e Milad, en avril 2019.
- Téhéran par une journée de printemps sans pollution.
Climat
La situation de Téhéran, entre montagnes et bassin désertique, a une grande influence sur le climat de la ville. Téhéran a un climat de steppe. La carte climatique de Köppen-Geiger classe le climat de Téhéran de type BSk [8]. Le climat des montagnes est plutôt frais et semi-humide, alors que les zones sud de la ville, presque en contact direct avec le désert du Dasht-e Kavir sont chaudes et sèches. Les mois les plus chauds sont les mois d'été (mi-juin jusqu'à mi-septembre), avec des températures maximales moyennes comprises entre 35 et 40 °C. Les mois les plus froids sont les mois de décembre et janvier, avec une température moyenne d'environ 1 °C.
Les précipitations sont d'environ 200 mm par an, concentrées (par ordre décroissant) en hiver, au printemps et à l'automne. L'été est très sec. Il neige, parfois en abondance durant les mois d'hiver.
Le climat de Téhéran est influencé par trois principaux facteurs géographiques :
- le Dasht-e Kavir, situé au sud de la métropole, introduit des vents chauds et de la poussière dans la ville.
- la chaîne montagneuse de l'Elbourz, située au nord de la ville, arrête les pluies venant de la mer Caspienne.
- les nuages de mousson de l'ouest et la présence de la chaîne montagneuse atténuent en partie les effets du climat désertique.
La différence de température existant entre les montagnes et les plaines fait circuler l'air des montagnes vers les plaines pendant la nuit, et des plaines vers les montagnes pendant le jour[7].
Mois | jan. | fév. | mars | avril | mai | juin | jui. | août | sep. | oct. | nov. | déc. | année |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Température minimale moyenne (°C) | −2,7 | 0 | 3,8 | 9,8 | 14,4 | 18,8 | 22,2 | 21,6 | 17,7 | 11,6 | 6,1 | 0,5 | 10,2 |
Température maximale moyenne (°C) | 7,2 | 10 | 15 | 21,6 | 27,7 | 33,6 | 37,2 | 36,1 | 32,2 | 24,4 | 17,2 | 10,5 | 22,7 |
Record de froid (°C) | −20,5 | −15,5 | −8,8 | −2,2 | 2,7 | 7,7 | 13,8 | 11,1 | 7,7 | 3,3 | −7,2 | −12,2 | −20,5 |
Record de chaleur (°C) | 18,3 | 22,7 | 29,4 | 32,7 | 37,2 | 41,6 | 42,7 | 42,7 | 38,8 | 33,8 | 28,8 | 20 | 42,7 |
Nombre de jours avec gel | 20,5 | 15,6 | 5,1 | 0,1 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 2,7 | 15,5 | 59,5 |
Précipitations (mm) | 45 | 38 | 45 | 35 | 12 | 2 | 2 | 2 | 2 | 7 | 20 | 30 | 240 |
Nombre de jours avec précipitations | 3,7 | 3,2 | 3,6 | 3 | 1,2 | 0,3 | 0,3 | 0,3 | 0,3 | 0,8 | 1,7 | 2,6 | 21 |
Diagramme climatique | |||||||||||
J | F | M | A | M | J | J | A | S | O | N | D |
7,2 −2,7 45 | 10 0 38 | 15 3,8 45 | 21,6 9,8 35 | 27,7 14,4 12 | 33,6 18,8 2 | 37,2 22,2 2 | 36,1 21,6 2 | 32,2 17,7 2 | 24,4 11,6 7 | 17,2 6,1 20 | 10,5 0,5 30 |
Moyennes : • Temp. maxi et mini °C • Précipitation mm |
Risques naturels
Une grande faille est située sous la chaîne de l'Elbourz, au pied de laquelle est située Téhéran. Plusieurs failles de dimensions plus petites sont situées dans les plaines au sud de la ville. Téhéran est donc exposée à des tremblements de terre, qui se sont déroulés selon des cycles d'environ 150 ans[9]. Aucun séisme majeur n'ayant eu lieu à Téhéran depuis plus de 175 ans, des spécialistes estiment qu'un tremblement de terre important pourrait avoir lieu à Téhéran dans un futur proche[10]. D'après une étude menée en 1999-2000, un tel séisme pourrait causer entre 120 000 et 380 000 morts[11].
Géographie administrative
La métropole de Téhéran, dont la superficie a beaucoup augmenté au cours de la seconde moitié du XXe siècle s'étend maintenant sur plusieurs départements de la Province de Téhéran : le département de Téhéran contient la majorité de la ville, qui s'étend aussi sur les départements d'Eslamshahr, de Ray et du Shemiranat. Le terme « métropole » ou « agglomération » utilisé ici n’a pas de valeur administrative. Il est utilisé dans un sens géographique, pour désigner la ville de Téhéran et sa région urbaine, ce qui correspond à la municipalité de Téhéran et à la province de Téhéran[12].
Le département (ou shahrestān) de Téhéran est bordé par le département du Shemiranat au Nord, de Damavand à l'Est, d'Eslamshahr, Pakdasht et Ray au Sud et des départements de Karaj et Shahriar à l'Ouest.
La municipalité de Téhéran (shahrdāri) est divisée en 22 arrondissements (mantagheh) municipaux, disposant chacun de son centre administratif. Les arrondissements sont numérotés pour être identifiés, comme sur le plan ci-contre. Téhéran est divisée en 112 quartiers (nāhiyeh) dont les principaux sont rappelés ci-après[13] :
Abbas Abad, Afsariyeh, Amir Abad, Bagh Feiz, Baharestan, Darakeh, Darband, Dardasht, Dar Abad, Darrous, Dibaji, Djannat Abad, Elahiyeh, Evin, Farmanieh, Gheytarieh, Gholhak, Gisha, Gomrok, Hasan Abad, Jamaran, Javadiyeh, Jomhuri, Jordan, Lavizan, Nazi Abad, Niavaran, Park-e Shahr, Pasdaran, Punak, Ray, Sadeghiyeh, Shahrara, Shahr-e ziba, Shahrak-e Gharb, Shemiran, Tajrish, Tehranpars, Vanak, Velenjak, Yaft Abad, Zafaraniyeh, etc. Ces quartiers correspondent à des divisions administratives dépendant d'un arrondissement.
Bien que séparées administrativement, Ray, Shemiran et Karaj sont souvent considérées comme faisant partie de la métropole de Téhéran.
Origines
Téhéran était jadis un village situé à sept ou huit kilomètres de la grande ville historique de Ray. C’était l'un des premiers villages du Nord de cette ville dont les habitants se réfugiaient à Shemiran, Qasran et dans les piémonts de l’Elbourz afin de fuir la chaleur du Sud désertique. Des traces de peuplement datant du Néolithique et même de périodes antérieures ont été découvertes sur le site de Téhéran et à Ray (comme le site de Cheshm-e Ali, situé dans le centre de Ray)[6].
L'histoire de Téhéran est mieux connue à partir du moment où son nom est mentionné des écrits historiques, comme ceux de Yāqut, qui mentionne la ville en 1220[6]. Les écrits de Zakariyā Mohammad Qazvini, datant de 1275, permettent de mieux connaître la ville à cette époque. Tous deux la décrivent comme étant une « ville commerciale » (qurā) voire une « ville commerciale importante » (qariyaton kabiraton), divisée en douze quartiers (mahaleh). Qazvini ajoute que chaque quartier est dirigé par un ancien[14]. Selon lui, les anciens se faisaient la guerre et les habitants hésitaient à aller dans un autre quartier que le leur[15]. À cette époque, la ville possède une physionomie particulière qui frappe ces deux auteurs. En effet, l'habitat troglodyte ou semi-troglodyte est courant dans Téhéran, offrant ainsi aux habitants un refuge contre l'insécurité régnant dans la ville. Ce type d'habitat se retrouve aussi dans le Nord de l'Iran afin de combattre les rigueurs de l'hiver[6].
L'économie de la ville à cette époque est basée sur le commerce de fruits et légumes qui poussent dans les jardins de la ville, alimentés par les cours d'eau en provenance de l'Alborz et des systèmes d'irrigation traditionnels (comme le qanat et le kariz).
Émergence des fonctions urbaines
Téhéran commence à prendre plus d'importance après la destruction de Rhagès (Ray) par les Mongols en 1228. Téhéran souffre aussi de l'invasion mongole, mais le déclin de Ray pousse ses habitants à venir s'installer à Téhéran qui offrait plus de commodités avec ses jardins et ses canaux d'irrigation. En 1340, Hamd-Allah Mostawfi décrit Téhéran comme une « petite ville importante », mais pas aussi peuplée qu'auparavant[16]. Au XIVe siècle, c'est Varamin qui est la ville la plus importante de la province mongole, composée de quatre départements, dont celui de Téhéran. Ray faisant à cette époque partie du district de Téhéran, et la prééminence de Téhéran sur Ray semble dater de cette époque.
Don Ruy Gonzáles de Clavijo, un ambassadeur castillan, est probablement le premier Européen à visiter Téhéran, s'y arrêtant en , lors d'un voyage vers Samarcande (aujourd'hui en Ouzbékistan et qui était alors la capitale mongole). Il décrit Téhéran comme une grande ville (gran ciudad), équipée d'une résidence royale (posada). Ray est décrite comme une ville abandonnée (agora deshabitada). La résidence royale est une résidence Timouride, et il apparaît que le palais a été construit au Nord de Téhéran[17]. Le site exact de la ville Timouride peut être reconstitué d'après l'emplacement de certains Imamzadehs : la limite Sud de la ville était à cette époque à l'Imamzadeh Sayyed Esma'il (construit avant 1481 et actuellement le plus vieux monument de la ville, situé dans le quartier de Chaleh Meydān), et la limite Nord-Ouest était le palais Timouride, situé à l'emplacement actuel du Palais du Golestan.
À partir de la période Timouride, la ville de Téhéran se développe vers le Nord, à la recherche d'air et d'eau plus purs. Ce mouvement profond est depuis cette époque une constante du développement historique de Téhéran, tendance qui a façonné la géographie sociale de la ville[6]. C'est également à partir de cette époque que Téhéran acquiert toutes les principales fonctions urbaines.
Transformation en capitale
Shah Tahmasp, second souverain de la dynastie safavide, fait construire en 1553-1554 un bazar ainsi qu'un mur d’enceinte avec 114 tourelles (selon le nombre de sourates du Coran)[6]. Les raisons du choix des safavides pour Téhéran sont multiples : le fait qu'un ancêtre des Safavides, Sayyed Hamza, soit enterré à Ray ou que Téhéran soit depuis plusieurs siècles un refuge pour les Chiites ont eu une importance ; mais c'est surtout les situations historiques qui ont poussé les safavides à fortifier Téhéran. Shah Tahmasp avait déjà été obligé de déplacer sa capitale de Tabriz à Qazvin à cause des menaces ottomanes. La ville de Téhéran fortifiée, située à 150 km à l'Est de Qazvin, offrirait alors un bon refuge en cas de danger pressant[6]. Xavier de Planhol souligne que la muraille était excessive et disproportionnée par rapport aux besoins d'une petite ville : elle s'étendait sur 8 km de long, entourant une surface de 4,5 km2, alors que la population n'excède pas 15 000 à 20 000 personnes à cette époque. Les descriptions en parlent alors comme d'une grande ville, qui a des grands jardins emplis de toutes sortes de fruits[18].
À l'époque des Safavides, Téhéran est un centre administratif régional, qui accueille un beğlerbeği et un gouverneur de province. Cependant, la ville ne compte ni grande mosquée, ni fabrique, ni autre trace d'urbanisation de la part des Safavides.
Chah Abbas II réside aussi à quelques reprises à Téhéran et s'y fait construire une résidence appelée Chāhār bāgh. Chah Suleyman y fait construire un secrétariat impérial (Divān Khāneh) dans le centre de la ville (Chenārestān). C’est en ce lieu que l’ambassadeur du Sultan ottoman Ahmet III rencontre en 1721 Chah Sultan Hossein, dernier roi de la dynastie safavide avant l'invasion afghane. À la fin du XVIIIe siècle, Téhéran n'est donc plus une petite ville provinciale mais a déjà pris de l'importance pour les souverains iraniens.
En 1722, les troupes de Mir Mahmoud Hotaki occupent Ispahan et l’Iran entre dans une période de troubles dont souffrent aussi Téhéran et sa région.
Sous la dynastie des Zand, Téhéran devient un centre militaire alors que les tribus Zand et Qadjar se battent pour prendre le pouvoir dans le pays. Entre 1755 et 1759, Muhammad Karim Khân envisage de faire de Téhéran la capitale du pays ; il fait construire des bâtiments dans l'enceinte du quartier royal (Khalvat-e Karim Khani par exemple). Le quartier royal acquiert alors toutes les caractéristiques de l'Arg, quartier royal fortifié[19]. Finalement, Karim Khan préférera nommer Shiraz capitale du pays.
À la mort de Karim Khan en 1779, Téhéran est disputée entre Qafur Khan (fidèle aux Zands) et Agha Mohamad Khan Qajar. La ville tombe aux mains d'un allié des Qajars en 1785, et Agha Mohamad Khan Qajar, premier roi de la dynastie, rentre dans la ville le et en fait sa capitale[19]. Téhéran doit son statut de capitale de l'Iran à l'époque Qadjare à des préoccupations géostratégiques : les Russes menacent les frontières Nord du pays et les Turcomans celles du Nord-Est. Téhéran bénéficie d'une situation privilégiée au carrefour de la route Est-Ouest qui longe le piémont de l'Elbourz et des voies menant aux oasis de l'Iran central et aux bassins du Fars.
En 1797, Téhéran a toujours l'apparence d'une ville neuve et compte peu d'habitants. Un voyageur européen, G.E. Olivier, parle d'une ville de 15 000 habitants dont 3 000 soldats, s'étendant sur 7,5 km2 dont seule la moitié est construite, l'autre étant encore occupée par des jardins et vergers[20].
Fath Ali Shah (1797 - 1834) est le premier bâtisseur de Téhéran. Il embellit l'Arg (quartier royal) et fait construire l'Emarat Bādgir et le Takht-e Marmar (palais de Marbre) au sein de celui-ci. Il construit également de nombreux bâtiments importants comme la Mosquée du Shah (Téhéran) (Masjed-e Shah) à l'intérieur du Bazar et le Palais de Negarestan et de Lalezar. La ville attire de plus en plus d'habitants et la population double en 20 ans. Cependant, en 1834, à la fin de son règne, les constructions ne sont toujours pas achevées[19].
Sous Mohammad Shah (1835 - 1848) ont lieu les premières constructions en dehors des murailles. Des résidences princières et royales sont construites dans le Nord de Téhéran. De plus, des mosquées et des imamzadeh sont construits dans l'enceinte de la ville. Les témoignages des voyageurs étrangers qui sont passés à Téhéran à l'époque décrivent encore une ville « sans attraits[19] ».
Nasseredin Shah (1848 - 1896) fait passer réellement Téhéran du statut de ville provinciale à celui de capitale. En 1868, la ville abrite 155 736 personnes, concentrées dans les vieux quartiers[21]. En 1870 - 1871, il détruit les anciennes fortifications pour en faire construire de nouvelles. La nouvelle muraille prend alors une forme d'octogone irrégulier de 19,2 km de circonférence, et percée de 12 portes monumentales ornées de céramiques. Nasseredin Shah fait rénover de nombreux bâtiments et les qanats pour approvisionner la capitale en eau. Il mène de plus de grands travaux de type hausmanniens en perçant dans le centre de grandes avenues rectilignes et carrossables. De grandes places sont aussi construites, comme la place Tupkhāneh (place des canons, 275 m × 137 m)[19]. À la fin du règne de Nasseredin Shah, Téhéran a connu un remodelage important, et la ville s'étend alors sur 18,25 km2.
Téhéran, à l'époque des Qajars, se concentre autour du Bazar qui constitue le cœur de la ville. À quelques pas se trouve la cité royale (Arg-e-sāltanati) avec la résidence du Chah et la cour. Au début du XXe siècle, Téhéran compte pratiquement 250 000 habitants, dont la majorité réside en dehors des murailles.
Téhéran, capitale des Pahlavis
Avec la prise de pouvoir de Reza Shah Pahlavi en 1925, l'État devient un acteur majeur de l'architecture de Téhéran, dont la modernisation fait partie intégrante du programme voulu par le nouveau roi pour son pays[22]. Les murailles construites par Nasseredin Shah sont détruites en 1932, laissant la place à des larges boulevards rectilignes ; une seule des portes subsiste à ce jour. Reza Shah fait appel à des architectes iraniens et étrangers pour construire de nombreux bâtiments officiels pendant les années 1930. On peut citer Nikolaï Markov qui construit le lycée Alborz, André Godard qui construit le Musée national d'Iran, Maxime Siroux pour certaines facultés de l'Université de Téhéran, Mohsen Forughi pour la Bank-e Melli et la faculté de Droit de l'université de Téhéran, Vartan Avanessian pour le complexe d'appartements Reza Shah et l'école pour orphelins Vartan[22]. De nombreux bâtiments étatiques nouveaux voient alors le jour : la poste, le bureau de télégraphe, le bureau de police, le ministère des Affaires étrangères, la gare de Téhéran, etc.
Après les travaux d'agrandissement et de modernisation de la ville, sa superficie passe à 46 km2 ce qui représente onze fois celle qu'elle avait pendant la période de Fath Ali Shah. Les nouvelles artères de la ville permettent la circulation automobile et transforment le tissu urbain.
En 1943, la ville accueille la Conférence de Téhéran, qui réunit le président américain Franklin D. Roosevelt, le chef d'État soviétique Joseph Staline et le Premier ministre britannique Winston Churchill. Cette conférence préfigure les décisions qui seront prises à l'issue de la Conférence de Yalta. Elle garantit l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Iran.
La ville se développe fortement après la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement à partir des années 1960. En 1966, la famille royale délaisse le quartier royal du centre de Téhéran pour aller s'installer à Niavaran ; la ville qui grandit devient plus étouffante et les souverains vont s'installer définitivement dans les quartiers Nord (les résidences du Nord étaient auparavant des résidences temporaires pour l'été)[23]. Rey et Shemiran, devenues des banlieues de Téhéran, sont regroupées administrativement la même année.
Le premier plan d'urbanisme de Téhéran est défini en 1969. Il privilégie un développement de la ville sur un axe Est-Ouest, qui contraste avec la tendance Nord-Sud observée depuis plusieurs siècles. Le plan d'urbanisme prévoit la création de nouveaux quartiers d'habitation (Shahrak), de nouveaux quartiers industriels à l'Ouest de la ville vers Karaj, le déplacement du centre commercial et administratif en dehors des limites de la vieille ville, ainsi que la création d'un réseau d'autoroutes intra-urbaines plutôt dense, sur le modèle de Los Angeles[23].
Dans les années 1970, l'économie de l'Iran est dopée par le « boom » pétrolier et les constructions nouvelles se font à un rythme rapide : construction de nouveaux quartiers comme celui d'Ekbatan, du métro, des autoroutes, etc. Mohammad Reza Shah veut alors faire de Téhéran une ville à vocation internationale et prévoit des constructions à la hauteur de ses ambitions. À partir de 1975, les Pahlavi entament la construction d'une ville ultra-moderne de 554 ha au sein de Téhéran, nommée Shahestan Pahlavi (« cité royale Pahlavi »). Cette ville, destinée à devenir le centre et le symbole du pouvoir des Pahlavis, ne verra pas le jour : le projet s'arrête au stade de l'achat et de la viabilisation des terrains à cause de problèmes budgétaires et de la révolution iranienne[23].
En 1977, le gouvernement doit abandonner le plan d'urbanisme de 1969 : les limites de la ville définies par la planification sont atteintes et la pression immobilière est de plus en plus forte.
En 1978, la révolution iranienne débute à Téhéran, à la suite d'une manifestation réprimée par l'armée en septembre. C'est au cours cette révolution qu'a lieu la crise iranienne des otages, qui débute le et dure 444 jours. Plus d'une cinquantaine d'otages restent enfermés dans l'ambassade américaine jusqu'au . Les bâtiments de l'ambassade sont depuis occupés par les iraniens, qui l'ont surnommé le « nid d'espions ». Les « étudiants de la ligne de l'Imam » (le groupe ayant organisé la prise d'otage) a depuis publié un ouvrage contenant les documents de la CIA et du département d'État récupérés dans l'ambassade sous le titre de Documents from the U.S. Espionage Den (Asnad-i lanih-'i Jasusi). Certains de ses documents sont toujours classifiés « secrets » ou « confidentiels[24] ».
Émergence des banlieues et transformation en métropole
Jusqu'aux années 1975-1980, Téhéran n'avait pas de banlieue urbaine, mais seulement une ville satellite, Karaj et une banlieue rurale composée de gros bourgs[25]. La population migrante de la première période de développement urbain (1955-1970) s'est entassée dans des constructions misérables en périphérie du centre, surtout dans le Sud de la ville. Suivant la tendance commencée au XIXe siècle, le Sud accueille les classes pauvres, le Nord les riches, et les classes moyennes s'installent à l'Est et surtout à l'Ouest de la ville.
La zone industrielle Téhéran-Karaj se développe très rapidement le long de la première autoroute construite en Iran, et les ouvriers en provenance du Nord-Ouest de l'Iran préfèrent s'installer autour de Karaj, qui devient en quelques années une banlieue populaire servant de satellite à la capitale. Dans les années 1970, Téhéran est une ville compacte, sans banlieue urbaine : on passe sans transition du désert ou des vallées de montagne à la pollution de la capitale[25].
L’expansion économique qui suit le « boom » pétrolier de 1974 provoque notamment une accélération du développement urbain de Téhéran. Le prix très élevé des logements ne permettent pas de loger les ouvriers venant principalement des provinces de l'Azerbaïdjan et du Kurdistan. Les classes moyennes ne trouvent pas non plus à se loger dans l'espace central. Tous ces habitants à la recherche d'un logement commencent donc à s’installer dans les villages de la périphérie, en dehors des limites administratives de Téhéran, là où des règles différentes s'appliquent en termes de permis de construire. La ville de Téhéran essaye alors de limiter l'expansion anarchique en détruisant les maisons construites illégalement. À l’été 1977, à Téhéran, les nombreux bidonvilles se rebellent contre les expulsions, défiant la terreur entretenue par la police politique, la Savak, et ses innombrables réseaux d'informateurs[26]. La révolution iranienne a trouvé là son origine immédiate, à la suite d'incidents graves dans le Sud de Téhéran[27].
Durant la période révolutionnaire, la « rurbanisation » de la région de Téhéran s'accentue, et l'habitat révolutionnaire se développe à la périphérie des villes[28]. Les nouveaux téhéranais construisent des logements sans permis, sur des terrains squattés ou achetés sans formalité. Les bâtiments sont modestes, mais de qualité honorable, organisés selon un plan d'ensemble souvent cohérent. Bernard Hourcade note que cette émergence des banlieues ne donne pas lieu à la construction de bidonvilles, sauf quelques petits îlots. Téhéran s'entoure d'une banlieue de villages habités par des citadins depuis la révolution iranienne, et certains des villages deviennent de véritables agglomérations de 200 000 habitants en quinze ans[25].
Le « Grand Téhéran » est créé en 1986, mais sa gestion reste assez incohérente[25]. Il n’existe aucune structure administrative ou financière à cette échelle, ce qui crée des difficultés entre la mairie de Téhéran et les banlieues qui n’ont pas de réalité administrative. Dorénavant, le développement du Grand Téhéran est mieux planifié. Des villes nouvelles ou lotissements (shahrak), destinés à accueillir des dizaines de milliers de personnes et financés par les administrations ou les coopératives de logement voient le jour à trente ou quarante kilomètres du centre de Téhéran[25]. Pour limiter l'afflux des migrants, les autorités de Téhéran y interdisent la construction d'usines, ce qui pousse les entrepreneurs à s'établir aux limites de la ville, influençant ainsi la répartition de la population. L'émergence de la banlieue de Téhéran est plus une conséquence de la redistribution de la population dans la région urbaine qu'une conséquence de l'augmentation de la population[25]. En effet, la nouvelle banlieue proche de Téhéran est peuplée non par des migrants récents, mais par des habitants des quartiers misérables du Sud, qui voient dans ce déplacement en banlieue, pour un habitat de meilleure qualité, une promotion sociale. Néanmoins, ces banlieues restent marginales dans la mesure où les infrastructures et les équipements collectifs restent insuffisamment développés. La guerre Iran-Irak et les conflits internes qui l'ont suivie ont bloqué la planification urbaine. De plus, la république islamique a renforcé le pouvoir des bāzār et du clergé en ville.
En , Téhéran est touché pour la première fois depuis le début de la Guerre Iran-Irak en 1980. Les irakiens lancent des bombes aériennes et des missiles sol-sol sur la ville, dans le cadre d'attaques sur les centres urbains importants de l'Iran (ils attaquent également d'autres villes d'Iran avec de l'artillerie à longue portée). D'autres attaques auront lieu en 1988 au cours de ce qui a été appelé la « Guerre des villes » : 190 missiles sont lancés par les irakiens sur Téhéran pendant une période de six semaines. Cette attaque a eu lieu en réponse au bombardement de Bagdad par les iraniens ; les dégâts humains et matériels ont été peu importants, mais les attaques ont fait fuir temporairement près de 30 % de la population de la ville, en particulier vers le Nord de l'Iran[29].
Bernard Hourcade note que la migration des populations vers les banlieues constitue une prise de distance avec le système politique dominant, comme le montrent les mouvements sociaux et les émeutes qui ont éclaté dans les banlieues d'Eslāmshahr en 1995[25].