Ville (États-Unis)
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Les États-Unis sont le troisième pays sur Terre pour la population urbaine, en valeur absolue[1]. Plus de 30 % des Américains vivent dans une métropole de plus de cinq millions d'habitants[2]. Ces agglomérations sont récentes et structurées en réseaux. Leur poids économique est considérable pour le pays. L'immigration, les mutations sociales et la mondialisation les ont façonnées.
Les critères pour définir les espaces urbains sont très complexes : tout d'abord, depuis 1900, une ville compte plus de 2 500 habitants agglomérés. Ensuite, les zones urbaines de référence ont changé plusieurs fois de nom au XXe siècle. Pour faire simple, le territoire américain se compose aujourd'hui d'aires métropolitaines (MSA et CMSA) et d'aires non métropolitaines (nonmetropolitan areas en anglais).
- District métropolitain : expression apparue dans la première moitié du XXe siècle pour désigner une ville de plus de 20 000 habitants[3].
- MSA = Metropolitan Statistical Area (aire urbaine statistique de référence) : expression apparue dans les années 1950 pour désigner un groupe de comtés autour d'une ville de plus de 50 000 habitants. Elles peuvent comprendre un ou plusieurs noyaux urbains (appelés places) et des banlieues. Elles sont classées en cinq niveaux selon leur importance démographique.
- la PMSA est le niveau inférieur de la MSA
- CMSA = Consolidated Metropolitan Statistical Area regroupe plusieurs MSA : exemple : San Francisco-San José-Oakland ou encore Los Angeles-Riverside-Orange County qui rassemble 14,5 millions de personnes.
Selon la taille et la nature de l'entité, on distingue également :
- city, la grande ville
- town, une petite ou moyenne ville. Le mot town est aussi utilisé pour désigner les villes-fantômes (Ghost Towns), les new towns des années 1960 et les quartiers centraux des grandes villes (Downtown).
- village diffère de statut suivant les États mais désigne généralement une municipalité. Dans l'État de New York par exemple, village est employé pour des hameaux et des regroupements ruraux.
- présents dans certains États, les boroughs (à ne pas confondre avec les cinq boroughs (arrondissements) qui composent la ville de New York) et les townships sont des entités politiques locales qui englobent généralement plusieurs communes au sein d'un comté.
Période coloniale
À l'époque coloniale, les centres urbains sont rares et peu peuplés. Les villes coloniales sont dépendantes de la métropole sur les plans politique, administratif et économique. Elles sont baptisées en l'honneur de personnages européens (Jamestown par exemple) ou de villes du vieux continent (La Nouvelle-Amsterdam pour la future New York).
Quelques dates de fondation : | |
---|---|
St. Augustine (Floride) | 1565 |
Jamestown (Virginie) | 1607 |
Plymouth (Massachusetts) | 1620 |
New York (État de New York) | 1625 |
Philadelphie (Pennsylvanie) | 1681 |
Détroit (Michigan) | 1701 |
La Nouvelle-Orléans (Louisiane) | 1718 |
Saint Louis (Missouri) | 1764 |
Chicago (Illinois) | 1770 |
Los Angeles (Californie) | 1781 |
Villes anglaises de la côte orientale
Sur la côte est, les treize colonies britanniques d'Amérique du Nord se développent en gardant des liens avec l'Angleterre. Les villes sont d'abord des ports maritimes bien abrités (Boston, New York) ou des ports fluviaux. Si la croissance démographique, alimentée par l'immigration, nourrit la croissance urbaine, 80 % des Américains sont des ruraux en 1860[4]. Elles sont fondées par des compagnies commerciales ou par des individus (William Penn pour Philadelphie, Francis Nicholson pour Williamsburg). Les institutions et la vie économique sont aux mains des élites marchandes ou militaires. Il n'existe aucune noblesse seigneuriale, à la différence de l'Europe. Les villes de la côte est sont construites autour d'un jardin ou d'un hôtel-de-ville. En Nouvelle-Angleterre, un type particulier d'agglomération voit le jour : les towns se distinguent par leur caractère champêtre. Les décisions sont prises par une assemblée des habitants, puis, après la Révolution américaine, par un conseil municipal élu.
Villes fondées par les Espagnols
En Nouvelle-Espagne, les colons fondent des bourgs qui se développent aux carrefours des pistes. Ils imposent leur présence par la construction d'un fort (presidio en espagnol) et d'une mission. La physionomie des villes espagnoles suit la loi des Indes de 1573 : le plan en damier s'organise autour d'une place (plaza). Les pueblos sont des villages ayant des fonctions de redistribution de produits agricoles et des centres de commerce.
Villes de la Louisiane française
Enfin, en Louisiane française, c'est aussi la fonction d'échanges qui stimule la croissance urbaine. Les autorités françaises aménagent des forts autour desquels grandissent des bourgs. La seule grande ville est alors La Nouvelle-Orléans.
Industrialisation et urbanisation au XIXe siècle
Dès la fin du XVIIIe siècle se met en place le plan orthogonal des centres-villes américains (cf. la Land Ordinance Act de 1785). La constitution des villes par blocs permet de reconstruire un quartier indépendamment de la ville.
La première Révolution industrielle touche les États-Unis dans la première moitié du XIXe siècle : elle entraîne la concentration des activités en ville et dans les zones portuaires. Les usines s'installent sur les cours d'eau de la moitié est. Les premiers grands magasins ouvrent leurs portes dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Les infrastructures de transport deviennent un élément déterminant de la croissance urbaine : New York voit sa population augmenter fortement après le percement du canal Érié. Pour Chicago, c'est l'ouverture du canal Illinois-Michigan en 1848 qui permet aux bateaux circulant sur les Grands Lacs de rejoindre le Mississippi. Le chemin de fer annonce la maîtrise du territoire américain et donne naissance à de nouvelles villes, en particulier dans l'Ouest. Beaucoup de municipalités s'endettent pour accueillir le train.
Le deuxième facteur d'extension urbaine est l'immigration : les villes de la côte Est sont les portes du Nouveau Monde. Ces immigrants venus d'Europe s'entassent dans des quartiers bien souvent insalubres, les tenements. Les anciens esclaves noirs du vieux sud, libérés des tâches agricoles par la mécanisation, partent pour les villes du Nord-Est et se rassemblent dans les ghettos. La pénurie de logements se fait sentir et les premiers règlements d'urbanisme sont pris par les municipalités. Ces dernières annexent les communes voisines.
L'urbanisation du pays s'accompagne d'un mouvement de création de municipalités, appelé incorporation. La fondation d'un nouveau pouvoir local est soumise au vote des deux tiers de la population concernée. Elle donne lieu à la rédaction d'une charte. Dans le même temps, certaines municipalités sont absorbées par une commune voisine plus peuplée : les raisons du rattachement sont diverses mais répondent en premier lieu au principe d'économie d'échelle. La municipalité absorbée peut alors mettre en place des infrastructures de transport et de voirie en liaison avec la grande ville proche. Par exemple, New York annexa à la fin XIXe siècle la municipalité de Brooklyn, qui devient alors un arrondissement (borough).
Le XIXe siècle est aussi marqué par des catastrophes qui détruisent des quartiers entiers : le grand incendie de Chicago (1871) ou les bombardements pendant la guerre de Sécession en sont quelques exemples. En 1906, le tremblement de terre de San Francisco déclenche des feux incontrôlables qui ravagent la cité. La ville américaine est également le lieu d'émeutes et de conflits sociaux.
À la fin du XIXe siècle apparaissent les premiers gratte-ciel dans les centres-villes de New York et de Chicago. Stimulée par l'invention de l'ascenseur et par l'utilisation de l'acier et du béton, cette architecture devait répondre au défi posé par le manque de place et la cherté des terrains. Les buildings devaient également refléter la puissance des entreprises qu'ils représentaient. Cette architecture transforme les centres et s'exporta dans le monde entier. Le plan adopté est en forme de damier, les rues s'élargissent et sont dotées de l'éclairage public. Les paysagistes dessinent de grands parcs tels que le Golden Gate à San Francisco, Central Park à New York ou encore Lincoln Park à Chicago. Les quartiers ont tendance à se spécialiser et les premiers quartiers d'affaires (Central business district) se forment autour des activités tertiaires supérieures. La bourgeoisie, enrichie par les activités industrielles et bancaires, fonde des institutions culturelles. Cette époque est également marquée par le mouvement architectural et urbanistique du City Beautiful. Plusieurs villes voulurent appliquer ce concept, qui s'inscrit dans la tendance des Beaux-Arts, mais Washington, D.C semble le plus abouti d'entre tous.
En 1900, les citadins américains représentent 39,6 % de la population totale[5].
Suburbanisation au XXe siècle
En 1920, la population urbaine dépasse la population rurale aux États-Unis[3]. La croissance des banlieues n'est pas un phénomène récent aux États-Unis. Entre 1900 et 1940, la part de la population américaine résidant dans les suburbs passe de 8 à 25 %[6]. Aussi, l'invention de l'automobile et sa démocratisation marquent une autre étape dans l'histoire urbaine des États-Unis. Elle conduit, avec le tramway et le chemin de fer, les classes moyennes à s'éloigner du centre-ville. L'individualisme, le déclin industriel et le rejet de la ville considérée comme un lieu de perdition, expliquent aussi la désaffection des centres. Dans certaines villes comme Los Angeles, les transports en commun sont progressivement délaissés. À partir des années 1950, les banlieues continuent à s'étendre grâce au réseau autoroutier : les Anglo-Saxons désignent ce phénomène par l'expression urban sprawl (« étalement urbain »).
Mais la révolution des transports n'est pas la seule raison du développement des périphéries urbaines aux États-Unis. Dans les années 1930 en effet, l'État fédéral encourage le développement d'un habitat résidentiel situé en banlieue. La tertiarisation de l'économie, l'émergence des technopôles et la multiplication des grands centres commerciaux dans les années 1970, accentua le phénomène. L'idéal américain de l'accès à la propriété et au pavillon avec jardin n'y sont pas non plus étrangers. L'image des villes-centres se détériore auprès des classes moyennes américaines. Les quartiers centraux concentrent les populations pauvres et récemment immigrées.
Dès le milieu du XXe siècle, les autorités entreprennent de sauver les centres-villes par une politique de rénovation (redevelopment plans en anglais) : dans la cité industrielle de Pittsburgh, la municipalité exige des efforts de la part des usines en matière de pollution atmosphérique et de revitalisation du centre-ville[7]. À Boston, les anciens entrepôts du Faneuil Market sont transformés en espace commercial et de loisirs. À Philadelphie, le centre historique est réaménagé et une université est créée (University City Center).
Depuis les années 1970, on assiste à la métropolisation de l'économie et des modes de vie. Les edge cities attirent les activités et les emplois : on passe des banlieues-dortoirs aux périphéries dynamiques. La suburbanisation des emplois provoque l'aggravation des déficits budgétaires des villes-centres : en 1975, la municipalité de New York se déclare en faillite car les rentrées d'argent ne sont plus suffisantes. Les quartiers intermédiaires sont partiellement rénovés et une partie des classes moyennes revient habiter près du centre.
On distingue aujourd'hui quatre grandes régions urbaines : la mégalopole du Nord-Est (BosWash), la côte californienne de San Francisco à San Diego, la région des Grands Lacs et le sud de Dallas à Miami. L'essor urbain touche alors les métropoles de la Sun Belt, dont la population augmente rapidement. La démocratisation des voyages en avion réduit les distances et favorise le développement de nouveaux centres urbains (comme Las Vegas ou Phoenix).
Différents modèles d'urbanisation sont théorisés par l'école de Chicago, tandis que l'histoire de Los Angeles, de New York, de Chicago et de Boston permet une mise en application des schémas.
Ville | État | Population (commune) | Population (agglomération)[8] | Superficie (km²) | Densité (hab./km²) | Photographie |
---|---|---|---|---|---|---|
New York |
État de New York | |||||
Los Angeles |
Californie | |||||
Chicago |
Illinois | |||||
Houston |
Texas | |||||
Washington, D.C. |
(capitale fédérale ; ne fait partie d'aucun État) | |||||
San Francisco |
Californie | |||||
Philadelphie |
Pennsylvanie | |||||
Dallas |
Texas | |||||
Détroit |
Michigan | |||||
Miami |
Floride | |||||
Phoenix |
Arizona | |||||
Boston |
Massachusetts | |||||
Atlanta |
Géorgie |
- Villes industrielles : souvent situées dans la Rust Belt. Détroit, Milwaukee ou Cleveland en font partie.
- Villes portuaires (parfois côtières) : New York, Chicago, Long Beach ou Oakland en font partie.
- Villes administratives : les capitales des États fédérés, en particulier celles qui ne sont pas les plus peuplées de l'État. Sacramento ou Tallahassee sont des exemples.
- Villes universitaires : Cambridge dans l'agglomération de Boston est la plus ancienne. Chicago en Illinois, Berkeley, Stanford et Palo Alto profitent de la présence de milliers d'étudiants en Californie. L'orientation scientifique de ces universités induit en parallèle des activités à haut niveau technologique (Silicon Valley, Route 128).
- Villes de jeu : Atlantic City, Las Vegas ou Reno.
- Villes touristiques : Los Angeles, Miami, San Francisco ou La Nouvelle-Orléans.
- Villes pénitentiaires : Huntsville, au Texas, compte 15 000 prisonniers dans sept établissements pénitentiaires différents (en 2008[9]), pour un peu plus de 35 000 habitants (en 2000), et en comptant les prisonniers[10]. Une famille d'Huntsville sur deux a un de ses membres qui travaille pour l'administration pénitentiaire locale, qui gère également 100 000 personnes en liberté conditionnelle et plus de 300 000 en liberté surveillée[9].
Plans
Le plan le plus fréquent pour les centres-villes américains est le plan en damier. Cependant, ce plan peut varier en fonction de la configuration du site (Boston), de l'histoire de la ville (Washington D.C.), etc. Le plan en damier n'est ni une nouveauté ni une exception de l'époque moderne : les villes antiques (Alexandrie, Pompéi) ou médiévales (les bastides) appliquaient déjà cette organisation et d'autres cités du continent américain l'ont adopté aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le plan orthogonal répond aux exigences de rapidité et de rationalisation de l'espace. Il suit en outre le modèle de la grille imposé par le Land Ordinance Act de 1785 à l'échelle du pays.
- Plan de Washington, D.C (1792).
- Manhattan (sud, 1879).
- La Nouvelle-Orléans (1888).
- Chicago (1878).
- Cleveland (1904)
Organisation et description des quartiers
Quartiers d'affaires
Les grandes villes américaines ont une structure et une organisation similaire, qui suit un modèle concentrique : au centre se trouve le quartier d'affaires (Central business district ou centre des affaires). Chaque quadrilatère formé par l'intersection des rues perpendiculaires constitue un bloc. La plupart des rues porte des numéros et une orientation (exemple : 33e rue nord). Cependant, de nombreuses rues reprennent des noms de type géographique ou historique (Columbus Street à San Francisco, Broadway à New York, etc.). Le centre des affaires est une concentration importante de gratte-ciel qui abritent des bureaux, des administrations, des hôtels, des magasins. À New York, il existe deux CBD à Downtown et Midtown. La nuit, le centre se vide avec la fermeture des bureaux.
Quartiers intermédiaires
Ils se trouvent autour du centre des affaires et sont constitués d'immeubles relativement anciens et peu élevés, d'usines et d'entrepôts. On distingue plusieurs types :
- friches industrielles ;
- entrepôts transformés en loft et en galeries d'art ;
- quartiers difficiles et ghettos ;
- habitat.
Périphéries
- Description : les banlieues résidentielles (suburbs) s'étalent dans la périphérie et accueillent les classes moyennes. L'habitat est en général pavillonnaire et les densités plutôt faibles (exurbanisation). On y trouve également des services, des centres commerciaux, des bureaux, des industries de pointe et des parcs d'activités dans les edge city.
- Les causes de l'étalement urbain : les périphéries s'étendent au détriment de l'espace rural, grâce aux infrastructures autoroutières. Cette tendance s'explique par la croissance démographique que connaissent les États-Unis. Contrairement à l'Europe, la partie occidentale du pays offre des espaces peu peuplés qui garantissent des réserves d'espace à bas coût pour le développement urbain. Les entreprises s'établissent en périphérie pour bénéficier de loyers et de coûts fonciers moins élevés qu'en centre-ville.
- Les villes qui se sont le plus étendues entre 1970 et 1990 sont Houston, Atlanta, Phoenix et Washington D.C.[11].
Les villes de New York et Los Angeles échappent en partie à ce modèle, parce qu'elles comptent plusieurs centres des affaires (Midtown et Financial District à New York).