Carte de l'Austrasie (752). Atlas classique de géographie ancienne et moderne, à l'usage des institutions et des autres établissements d'instruction publique, Claude-Joseph Drioux (1820-1898) & Charles Leroy (1844-1895), XIXesiècle.
Une partie variable de l'ouest de l'Allemagne comprenant au moins la Rhénanie.
L'Austrasie, comme son nom l'indique, est le royaume des Francs orientaux constitué à partir de l'ancien territoire des Francs Ripuaires, et créé de fait en 511, à la mort de Clovis, lorsque le territoire de celui-ci est partagé entre ses fils. Il est d'abord désigné comme Royaume de Reims, puis comme Royaume de Metz, du nom de ses capitales[3], puis est nommé pour la première fois Austrasie à la fin du VIesiècle par Grégoire de Tours[5], sous le règne de ChildebertII, fils unique de SigebertIer et Brunehilde.
Le royaume est d'abord dirigé par Thierry (ou Theudoric) (c. 492-534), puis par son fils ThibertIer (ou Theudebert), et son petit-fils Thibaut (ou Theudebald). L'ancien royaume de Clovis, augmenté du royaume de Bourgogne, est réunifié par ClotaireIer, vers 555, puis de nouveau partagé entre ses fils à sa mort. L'Austrasie échoit alors en 561 à SigebertIer. Souhaitant se rapprocher de ses immenses possessions rhénanes, Sigebert s'installe à Metz et y épouse Brunehilde en 566[3]. Ce mariage est évoqué dans le livre de Grégoire de Tours, et dans un poème de Venance Fortunat. La princesse y est alors présentée sous un jour favorable. Un long conflit dynastique va opposer Sigebert à son frère ChilpéricIer, souverain de Neustrie. Ce conflit ne se terminera qu'en 613, avec l'exécution de Brunehilde et de leurs petits-enfants par ClotaireII, fils de Chilpéric[3].
ClotaireII règne alors sur l'ensemble du royaume franc, et confie le royaume d'Austrasie à son fils DagobertIer, de 622 à 632. DagobertIer fixe la Loi ripuaire, ou Lex Ripuaria, inspirée par la Loi salique, et l'applique à l'ensemble du territoire austrasien[6]. En 629, il succède ensuite à son père, comme roi des Francs.
La famille aristocratique des Pépinides prend alors une importance croissante, gouvernant à travers la fonction de maire du palais et fondant de nombreux monastères, dans le cadre de la christianisation du royaume, et pour asseoir son pouvoir. Après le procès de Cannstatt[7], en 746, l'Austrasie absorbe le royaume Alaman, comprenant la majeure partie de l'Alsace, de la Suisse alémanique, du Bade-Wurtemberg en Allemagne et du Vorarlberg en Autriche.
Les Pépinides fondent ainsi la dynastie carolingienne: l’Austrasie disparaît finalement en 751 avec le dernier roi mérovingien, pour être intégrée dans le grand royaume franc, réuni par Pépin le Bref et son fils Charlemagne[3].
Royaume des Francs de l'est
À la mort de Clovis en 511, le royaume franc qu'il avait conquis fut partagé entre ses fils.
Théodoric, plus connu sous le nom de ThierryIer, reçut en part d’héritage le royaume de l’Est ou Austrasie. Les limites en sont mal connues, il s’agirait d'un territoire qui comprenait la Belgique première et la Belgique seconde, ce qui correspond aujourd'hui à la Lorraine, la Rhénanie, l'Alsace, la Champagne, la Belgique et la partie septentrionale des actuels Pays-Bas.
L’Austrasie incluait le territoire des Francs rhénans; en 534, un certain Mundéric, probable descendant du roi Sigebert le Boiteux, tenta de s'emparer du royaume, mais fut vaincu par Thierry[8].
ThierryIer fixe sa résidence principale à Reims[3].
Il est considéré comme le plus brillant des successeurs de ClovisIer et s’empresse de montrer son indépendance, frappant sa propre monnaie. L'empereur romain Justinien lui envoie des ambassadeurs. Mais il meurt tôt, en 547/548.
son fils Thibaut meurt en 555, laissant pour six ans l’est au pouvoir de ClotaireIer, fils de ClovisIer. Le «roi de Soissons» va réunir tous les royaumes francs sous un seul sceptre.
Reconstitution du royaume de Clovis au profit de ClotaireIer.
Règne de Sigebert et Brunehaut
À la mort de ClotaireIer en 561, le royaume est à nouveau réparti entre ses quatre fils. SigebertIer reçoit en héritage la partie orientale du royaume, avec Reims pour capitale. Son frère ChilpéricIer hérite de la Neustrie. En 566, Sigebert épouse Brunichildis, (Brunehilde ou Brunehaut), la fille du roi des Wisigoths, à Mettis (Metz), dont il fait sa capitale[3]. Chilpéric souhaita alors lui aussi une alliance royale; il répudia ses précédentes épouses, et obtint la main de Galswinthe, sœur de Brunehaut. Très vite lassé, il la fit étrangler. Ce fut le début d'un faide qui dura jusqu'en 613.
Après l'assassinat de Sigebert, tombé sous le coutelas des assassins guidés par l’intrigante Frédégonde, l'épouse de ChilpéricIer, Brunehilde doit gérer seule le pays, ce qu’elle fait avec toute son énergie en secondant son fils ChildebertII (575-597), puis son petit-fils, ThibertII (597-612). Brunehilde dirige avec une grande fermeté; ses préférences et ses rêves (notamment celui de reconstituer le grand empire romain d’Occident), malgré l’amitié marquée du grand évêque Grégoire de Tours, lui valent l’inimitié de ceux qu’elle voudrait réduire: les leudes austrasiens, dont Arnoul de Metz et Pépin de Landen dit l’Ancien. Finalement, un complot, initié par le fils de sa rivale Frédégonde, la fait tomber aux mains des Neustriens, après des luttes sanglantes entre les deux royaumes; elle mourra en 613, attachée vivante à la queue d’un cheval furieux. ClotaireII, roi de Neustrie, s’empare du pouvoir.
En 587, «Traité d'Andelot»: Le , Gontran, privé d’héritier mâle, promet de léguer à ChildebertII la totalité de ses domaines, ce qui rétablit la paix dans le royaume.
De 597 à 612: ThibertII (ou ThéodebertII) et la régente Brunehilde.
Lutte sans merci entre les deux rivales: Frédégonde, la reine de Neustrie, et Brunehilde, la reine d’Austrasie, qui voit son pouvoir contesté par les colombaniens et les leudes Austrasiens qui supportent mal de voir une femme aux rênes du royaume. Ces complots débouchent sur un traquenard dans lequel tombera l’ancienne arienne, qui se voit accusée par ceux qui l’ont trahie de tous les maux: régicide et infanticide.
En 613: SigebertII et son frère Corbus sont exécutés: saignés et fracassés contre un rocher.
Leur frère Mérovée ne doit son salut qu’au fait d’être tondu par son parrain (pour les Francs, «l'esprit» de chef guerrier - le mund - est symbolisé par le port de la longue chevelure), ce qui lui vaut la vie sauve et de finir sa vie dans un monastère colombanien.
Après l’exécution de Brunehilde, et l’assassinat de SigebertII, ClotaireII s’empare du pouvoir.
De 622 à 639: DagobertIer (né entre 604 et 609, mort le )
ClotaireII, désormais «roi des Francs» confie l’Austrasie à son fils DagobertIer, appuyé sur l'efficace Arnoul de Metz, son mentor, futur évêque de Metz à partir de 612. Le fils d'Arnoul, Ansegisel, épouse Begga, la fille de Pépin de Landen dit l’Ancien, dont sont issus les carolingiens. À la mort de son père ClotaireII, DagobertIer part pour Paris, nouvelle capitale, pour y devenir le roi de tous les Francs.
DagobertIer part donc devenir «roi des Francs» et confie SigebertIII, son fils âgé de 2 ans, à ses leudes Austrasiens, notamment Otto (Otton, Othon), «domesticus» (officier du palais faisant partie de la cohorte des antrustions); SigebertIII est éduqué par Pépin de Landen et l'évêque Kunibert de Cologne. La mort de Pépin l’Ancien en 639 porte les germes d'un conflit annoncé pour sa succession comme maire du palais, entre son fils GrimoaldIer et Otto. SigebertIII, âgé de moins de dix ans, doit faire face à une guerre contre le duc rebelle Radulf, qui mène les Thuringes à la révolte; contre toute attente, victime d'un traquenard, l'armée austrasienne, pourtant renforcée par les troupes d'Auvergne, subit un sérieux revers, et Radulf se proclame roi de Thuringe, après avoir signé un traité d'alliance avec les Wendes.
Le petit roi Sigebert doit même demander l'autorisation de repasser le Rhin à son vainqueur: le pouvoir royal, fragilisé, laisse la place à toutes les tentations.
Un an et demi plus tard, en 642, GrimoaldIer réussissait à faire assassiner Otto en armant le bras du duc Alaman Leutharius, et se proclamait «maire du palais»... Un maire du palais bien fourni en terres, ce qui faisait que sa puissance était sans commune mesure. SigebertIII, lui, n'était qu'un fils naturel contesté de DagobertIer et de Raintrude, sa concubine, «fruit des désirs frénétiques, donc diaboliques, de son père Dagobert», ainsi que le considérait l'évêque missionnaire Amand de Maastricht.
Dès lors, c'est GrimoaldIer, l'ambitieux fils de Pépin de Landen, qui à la mort de son père, en 643, gouverne de fait L'Austrasie, au nom de SigebertIII.
Grimoald, audacieux et sans limites, essaie même de substituer sa descendance à celle des Mérovingiens en faisant adopter Childebert par SigebertIII. (mais n'aurait-il pas «encouragé», perversion suprême, sa propre femme à entrer dans le lit de SigebertIII, ce qui ferait donc de Childebert le vrai fils de SigebertIII?).
Childebert devient donc «Childebert l'Adopté». Le coup de maître semble avoir réussi, car SigebertIII, fort pieux, est surtout intéressé par la fondation de monastères et d’églises (abbaye de Stavelot, Saint-Martin devant Metz).
Mais SigebertIII, est marié avec Himenechilde (ou Emnechilde), qui lui donne, contre toute attente, un fils légitime DagobertII, qui naît vers 646. Dès lors, pour que le masque tombe, il faudra faire preuve de patience: attendre que SigebertIII décède en 656, pour que GrimoaldIer s'empare de DagobertII, le fasse tondre (ce qui lui enlève sa qualité royale), et l'exiler dans un couvent irlandais.
Les leudes Austrasiens ne semblent pas accepter cet état de fait: tenus à l'écart depuis une vingtaine d’années, ils complotent, s'emparent de GrimoaldIer, qu'ils livrent à ClotaireIII, «le roi des Francs de Neustrie», qui le fait jeter en prison en 657; GrimoaldIer meurt entre le et le , assassiné sur ordre de ClovisII, le successeur de ClotaireIII. Le corps de celui-ci est à peine en terre, que l'évêque de Tours, Chrodobertus fait enlever son épouse, dont on nous dit qu’il l'oblige à prendre le voile, après l'avoir fait passer dans son lit... Passons sur quelques autres épisodes de ces luttes à répétitions, comme celui qui vit Vulfetrude, la fille de Grimoald, respectable abbesse de Nivelles, se faire voler toutes les terres qui appartenaient à son abbaye. En fin de compte, la branche mâle des Pépinides avait donc échoué.
ClovisII, roi en Neustrie, meurt peu après, laissant trois fils, dont deux lui succèdent: ClotaireIII (657 à 675) en Neustrie et en Bourgogne, ChildéricII (662 à 675) en Austrasie, assisté du maire du palais Wulfoald (Wolfuald) membre d’un clan hostile aux Arnulfiens.
Les Pippinides disparaissent pour longtemps de la scène politique d’Austrasie, pendant qu’en Neustrie, le maire du palais Ébroïn triomphait.
En 673, ChildéricII hérita de la Neustrie de son frère, mais fut rejeté par l’aristocratie d’Ile-de-France; il fut assassiné avec sa femme en 675, et le fidèle Wulfoald ne dut son salut qu’à sa fuite en Austrasie.
Childebert «disparaît» à son tour en 662... Entre-temps, DagobertII est totalement évincé des luttes de pouvoir: sa propre mère va accepter de devenir régente pour le compte de son neveu ChildéricII. celle-ci est assistée par Wulfoald qui possédait aussi un grand nombre de terres, et appuyé par le duc d'Alsace Etichon, dont le clan avait tout pour se poser en rival sérieux des Pippinides (connu aussi sous le nom d'Adalric, il aurait été le père de sainte Odile).
Les grands du royaume rappellent alors DagobertII, l’exilé d'outre-Manche, mais il est rapidement éliminé: il est assassiné le , pendant son sommeil, d’un coup de poignard dans l’œil, près de Stenay en forêt de Woëvre. Transformé en martyr, il est plus tard l’objet d’un culte dont le souvenir se perpétua grâce au prieuré du lieu.
Entre temps, Wulfoald mort lui aussi, il est remplacé par Pépin de Herstal, le fils d’Ansegisel et de Begga, un des petits-fils d’Arnoul de Metz et de Pépin de Landen dit le Vieux; toutefois, Pépin de Herstal rencontre lui aussi des difficultés: ses troupes sont d’abord écrasées par celles d’Ébroïn en Neustrie, à Latofao (aujourd'hui Laffaux, entre Soissons et Laon). Mais son vainqueur meurt bientôt…
L’heure de la revanche sonne en 687 à Tertry, où cette fois les Austrasiens remportent la bataille.
Pépin de Herstal prend alors le pouvoir des deux royaumes.
Le territoire qui s’étend de Reims au Rhin entre alors en sommeil (du moins au vu des rois francs). Dans celui-ci, l’heure des abbés et des évêques va sonner: ce sont les prélats qui vont dorénavant jouer les premiers rôles dans cette région, asseyant ainsi l'autorité de l'Église sur les populations, autorité avec laquelle devra composer la royauté jusqu'à la Révolution française…
De 679 à 691: ThierryIII (roi de tout le royaume franc)
De 743 à 751: ChildéricIII (dernier roi franc de la dynastie des Mérovingiens)
Des auteurs du Moyen Âge central ont continué à utiliser les termes du Haut Moyen Âge pour désigner des espaces géographiques. Ainsi, Raoul Glaber utilise "Austrasie" pour parler du royaume de Bourgogne dans ses Histoires[9].
Régine Lejan: Austrasien - Versuch einer Begriffsdefinition. In: Die Franken. Wegbereiter Europas. Catalogue de l'exposition du Reiss-Engelhorn-Museen 8 septembre 1996 - 6 janvier 1997, Philipp von Zabern, Mainz, 1996 (p.222-226).
Madeleine Châtelet: Le haut Moyen Âge en Alsace, in Bilan scientifique de la région Alsace, Hors série 2/2, Service régional de l'archéologie, DRAC Alsace, 2006 (p.93).
Jean-Charles Picard, Évêques, saints et cités en Italie et en Gaule. Études d’archéologie et d’histoire, Publications de l'École française de Rome, 1998, «L'Austrasie: entité géographique ou politique?», p.415-424, lire en ligne.
Alexandre. Huguenin, Histoire du royaume mérovingien d'Austrasie, Paris, 1862, Durand, 615 p. lire en ligne sur Gallica