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ordre de reptiles De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Crocodiliens
Règne | Animalia |
---|---|
Embranchement | Chordata |
Sous-embr. | Vertebrata |
Super-classe | Tetrapoda |
Classe | Sauropsida |
Clade | Archosauria |
Clade | Pseudosuchia |
Clade | Eusuchia |
Familles de rang inférieur
Crocodilia (parfois orthographié Crocodylia et francisé en crocodiliens) est un ordre de vertébrés tétrapodes aquatiques ovipares et carnivores qui vivent dans les zones tropicales et subtropicales de la planète. Ils sont apparus sous leur forme actuelle il y a au moins 167,7 millions d'années[1], c'est-à-dire vers le milieu du Jurassique. Les conceptions modernes situent l'origine des crocodiliens parmi un sous-groupe d'archosauriens terrestres du Trias ancien, il y a environ 240 Ma. De ce fait, ils sont considérés aujourd'hui comme les plus proches parents des oiseaux, lesquels descendent des dinosaures, autres archosauriens. L'ordre des Crocodilia regroupe tous les crocodiliens actuels, placés en deux ou trois familles : les Crocodylidae (crocodiles et faux-gavials), les Alligatoridae (alligators et caïmans) et pour certaines classifications les Gavialidae (gavials). La systématique de ce groupe est très discutée depuis les années 2000. Bien que le terme « crocodiles » soit parfois utilisé pour l'ensemble de ces animaux, il est moins ambigu d'utiliser le terme « crocodiliens ».
Les crocodiliens sont de grands animaux au corps robuste, qui ont la forme d'un lézard. Ils ont un long museau aplati, une queue compressée latéralement et des yeux, oreilles et narines sur le sommet de la tête. Ce sont de bons nageurs et ils se déplacent sur terre selon deux allures différentes, certaines petites espèces étant même capables de galoper. Leur peau est épaisse et recouverte d'écailles qui ne se chevauchent pas. Ils ont des dents coniques et une morsure puissante. Comme les oiseaux, ils ont un cœur à quatre chambres et un système unidirectionnel du flux d'air autour des poumons et, comme d'autres reptiles, sont ectothermes. Ces animaux sont bien connus du public en raison de la crainte qu'ils inspirent, certains spécimens vivants pouvant atteindre jusqu'à 7 mètres de long et presque une tonne.
Les crocodiliens vivent principalement au bord de l’eau sous les tropiques, bien que les alligators soient également présents dans des régions plus tempérées comme le Sud-Est des États-Unis ou le fleuve Yangzi Jiang en Chine. Ils ont un régime essentiellement carnivore, se nourrissant par exemple de poissons, crustacés, mollusques, oiseaux et mammifères. Certaines espèces comme le Gavial du Gange (Gavialis gangeticus) sont des chasseurs spécialisés, tandis que d'autres comme le Crocodile marin (Crocodylus porosus) ont une alimentation très variée. Les crocodiliens sont généralement des animaux solitaires et territoriaux, bien qu'il arrive que des crocodiliens chassent en groupe. Durant la période de reproduction, les mâles dominants essaient de monopoliser les femelles. Ces dernières pondent leurs œufs dans des trous ou dans des nids formés par des monticules de terre et, à la différence de la plupart des autres reptiles, ils s'occupent des nouveau-nés.
Huit espèces de crocodiliens sont connues pour avoir déjà attaqué l'Homme. Le plus grand nombre d'attaques est causé par le Crocodile du Nil (Crocodylus niloticus). Les humains sont la plus grande menace qui règne sur les populations de crocodiles du fait d'activités comme la chasse ou de celles qui entraînent la destruction de son habitat, mais l'élevage du crocodile a contribué à réduire fortement le commerce non autorisé de peaux issues d'animaux sauvages. Les représentations artistiques et littéraires des crocodiliens sont apparues dans les cultures humaines, à travers le monde, au moins à partir de l'ancienne Égypte. C'est au IXe siècle que l'on a raconté pour la première fois que les crocodiles pleuraient après avoir dévoré leurs victimes. Cette légende a été plus tard popularisée par Jean de Mandeville vers 1400, puis par William Shakespeare à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, faisant naître l'expression consacrée, synonyme d'hypocrisie.
Le terme de crocodilien dérive de celui de crocodile (grec ancien κροκόδειλος [krokódeilos[2]], « ver de galet »)[3]. Ce nom pourrait venir de l'habitude qu'a cet animal de se réchauffer sur les rives caillouteuses du Nil[4]. Les dénominations Crocodilia et Crocodylia ont été utilisées alternativement pour cet ordre durant plusieurs décennies, notamment à partir de la redescription du groupe par Schmidt à partir du groupe autrefois appelé Loricata[5]. Le nom de groupe est ainsi souvent orthographié « Crocodylia », comme l'ont décrit notamment Wermuth[6] et Dundee[7], en cohérence avec le genre Crocodylus (Laurenti, 1768)[8]. Cet usage est justifié par l'existence d'autres taxons avec un « y », comme le super-ordre des Crocodylomorpha. Toutefois, lorsqu'il publie le nom en 1842, Richard Owen utilise le « i »[9]. Cette orthographe est d'ailleurs plus conforme au terme grec.
Le mot « crocodile » est souvent utilisé pour désigner l'ensemble des crocodiliens. Cependant, il ne s'applique qu'à certains membres de la famille des Crocodylidae, afin de distinguer le crocodile du faux-gavial, de l'alligator, du caïman et du gavial. Le terme crocodilien est donc à préférer.
Le terme latin suchus utilisé pour nommer scientifiquement certaines espèces de cet ordre dérive d'un terme égyptien antique via le grec ancien σοῦχος[10]. Petsuchos était d'ailleurs le nom grec attribué au crocodile sacré de Crocodilopolis. Ce terme est utilisé par plus d'une trentaine de taxons, genres, espèces ou sous-espèces comme Crocodylus niloticus suchus, mais aussi beaucoup d'espèces rappelant plus ou moins précisément une caractéristique vraie ou supposée de ces espèces, comme le poisson Bagarius suchus.
La taille des crocodiliens varie entre 1 et 1,5 m pour des espèces des genres Paleosuchus et Osteolaemus, à 7 m pour le Crocodile marin (Crocodylus porosus), qui pèse plus de 1 000 kg, mais certaines espèces préhistoriques comme Deinosuchus, de la fin du Crétacé, étaient bien plus grandes, mesurant jusqu'à 11 m[11] pour 3 450 kg[12]. On observe généralement un dimorphisme sexuel, les mâles étant plus gros que les femelles[13]. Bien qu'il y ait une grande diversité au niveau de la forme du museau et des dents, les espèces de crocodiliens ont une morphologie globalement similaire[12]. Ils ont un corps robuste, dont la forme rappelle celle d'un lézard, avec un museau allongé et aplati et une queue aplatie latéralement[13]. Leurs membres sont courts et implantés latéralement. Les pattes avant ont cinq doigts et peuvent être légèrement palmées ; les pattes postérieures ont quatre doigts palmés et un cinquième doigt rudimentaire[14]. Le squelette est typique de celui des tétrapodes, bien que le crâne, le pelvis et les côtes soient spécifiques à cet ordre[13]. Ainsi, les processus uncinés des côtes permettent au thorax de se comprimer lorsque l'animal plonge, et la structure du pelvis permet à l'animal de stocker de grandes quantités de nourriture dans son estomac[15], ou plus d'air dans les poumons[16]. Mâles et femelles possèdent un cloaque, situé à la base de la queue et dans lequel débouchent les tractus intestinal, urinaire et génital[13]. Il abrite également le pénis chez les mâles et le clitoris chez les femelles[17]. Les testicules et les ovaires sont situés au niveau des reins[18].
Les yeux, oreilles et narines des crocodiliens sont situés sur la partie supérieure de la tête. Cela leur permet de guetter leur proie en gardant la majeure partie de leur corps immergé[19]. La pupille des crocodiliens se contracte à la lumière pour ne former qu'une étroite fente, tandis qu'elle prend une forme complètement circulaire dans la pénombre. Cette caractéristique est typique des animaux qui chassent la nuit. Les crocodiliens possèdent également un tapetum lucidum qui améliore leur vision lorsque la luminosité est très faible[14]. Alors que leur vue est très développée à l'air libre, elle est nettement plus limitée sous l'eau[20]. Les tympans sont protégés par des clapets qui peuvent être ouverts ou fermés par le biais de muscles, ce qui permet notamment de les protéger des infiltrations d'eau lors des plongées[21]. Les clapets et les muscles associés constituent un rudiment d'oreille externe, caractéristique unique chez les Sauropsida actuels[22]. Les oreilles des crocodiliens sont adaptées pour pouvoir percevoir des sons à la fois à l'air libre et sous l'eau[21]. Les crocodiliens perçoivent des sons sur une large gamme de fréquences, avec une sensibilité comparable à celle de la plupart des oiseaux et de nombreux mammifères[23]. Ils ont un système olfactif très sensible[21], bien différent de celui des autres reptiles puisque les stimuli olfactifs récoltés au niveau des narines sont analysés directement par des sacs olfactifs. Leur nerf trijumeau bien développé leur permet de détecter des vibrations dans l'eau (comme celles émises par d'éventuelles proies)[24]. Quand l'animal est complètement immergé, des membranes nictitantes recouvrent ses yeux. De plus, des glandes sur les membranes nictitantes sécrètent un lubrifiant salé qui permet de garder les yeux propres. Quand les crocodiliens quittent l'eau et sèchent, cette substance peut apparaître comme des « larmes »[14]. La langue ne peut pas bouger librement et est maintenue en place par une membrane plissée[15]. Alors que le cerveau des crocodiliens est relativement petit, il est capable d'un apprentissage supérieur à celui de la plupart des autres reptiles[25]. Bien qu'ils n'aient pas de cordes vocales comme les mammifères ou de syrinx comme les oiseaux[26], les crocodiliens peuvent produire des vocalisations en faisant vibrer trois clapets situés dans le larynx[27].
Si plusieurs espèces, notamment des espèces fossiles, ressemblent fortement aux crocodiliens, les taxinomistes ont relevé plusieurs détails anatomiques du squelette qui permettent d'identifier à coup sûr les membres de cet ordre. Comme les oiseaux, les lézards, les serpents et les sphénodons, les crocodiliens sont des tétrapodes diapsides, c'est-à-dire qu'ils possèdent un crâne qui dispose de deux fosses temporales à l'arrière des yeux[28]. Beaucoup d'espèces de ces groupes disposent également de Gastralia. Chez les crocodiliens de grande taille, comme le Crocodile marin, c’est cette taille qui protège l'animal, et la protection osseuse est d'autant moins prononcée.
Contrairement aux apparences, les crocodiliens disposent de caractéristiques qui les éloignent des autres reptiles et les rapprochent des oiseaux, comme la présence de deux dépressions dans l'os du crâne où, chez les autres reptiles, se trouvent deux ouvertures appelées fenêtres antéorbitaires[29].
Les crocodiliens modernes n'ont pas d'anneau sclérotique, contrairement aux autres archosauriens, dont les oiseaux restent, avec les crocodiliens, les derniers représentants. En revanche ces os se retrouvent sur les fossiles d'espèces éteintes de proches parents des crocodiliens, comme les Metriorhynchidae[30], des crocodylomorphes.
La forme de leur sacrum est, contrairement aux attentes, caractéristique des animaux bipèdes et trahit une bipédie chez les ancêtres de ces espèces, comme pour les dinosaures, ptérosaures et les autres espèces regroupées au sein du clade des archosauriens. Cependant c'est la configuration anatomique du bassin qui permet de différencier les groupes issus de ces archosauriens. En effet chez les rauisuchiens, un des groupes d'archosaures frère des Crocodilia, la stature érigée connue sous le nom de posture « érigée en pilier » (pillar-erect posture)[31] s'est développée grâce à une rotation de l'ilion vers une position horizontale, orientant ainsi l'acetabulum presque ventralement[32],[33],[34]. Chez les dinosaures (et les ornithodires d'une manière générale), la stature dressée fut acquise en gardant une position verticale des os du bassin et en tournant la tête du fémur médialement afin qu'elle s'articule dans la cavité de l'acetabulum qui s'ouvre latéralement[35], une posture dite « érigée en contrefort » (buttress-erect posture)[31]. La position est dite semi-érigée chez les crocodiliens, elle permet aussi grâce aux articulations de la cheville de marcher plus « haut » et donc plus efficacement que les varans par exemple.
Comme tous les vertébrés possédant des chevilles, les crocodiliens disposent d'astragales. Ceux-ci se sont transformés au cours de l'évolution de façon à permettre aux crocodiliens de poser les pattes sous leur corps à la manière des mammifères. La forme de ces deux os est caractéristique de la lignée des crocodylomorphes et des espèces proches.
Les pattes avant sont munies de cinq doigts, les pattes arrière de quatre doigts palmés[36].
Le crâne est relativement plat et allongé par rapport à celui des autres reptiles. Les orbites sont situées très en arrière du crâne, vers le front. Les narines osseuses internes ont fusionné au cours de l'évolution et, comme chez les mammifères, présentent une ouverture choanale unique ovale sur le crâne, débouchant sur un palais secondaire. Ces narines sont situées très à l'avant du crâne. Par un système de canaux formant le plafond de la cavité buccale, cette ouverture est reliée au pharynx. Comme chez les autres archosaures, et les diapsides en général, le crâne des crocodiliens présente de chaque côté deux fosses temporales. Une fenêtre est également visible sur la partie postérieure de la mâchoire inférieure, cette fenêtre mandibulaire étant caractéristique des archosaures seuls, et on la retrouve aujourd'hui chez les seuls oiseaux et crocodiliens[37]
L'articulation de la mâchoire se rattache à l'articulation atlanto-occipitale, ce qui permet une large ouverture de celle-ci. La forme du museau des crocodiliens actuels varie entre les espèces. Les Alligatoridae ont un museau plus large que celui des Crocodylidae, et encore plus large que celui des Gavialidae. La musculature pour fermer leur mâchoire est très puissante, une des plus puissantes du règne animal. Une étude publiée en 2003 indique que la force de morsure d'un Alligator d'Amérique (Alligator mississippiensis) a été mesurée à 9 450 N[38], tandis qu'une autre étude publiée 2012 évalue la morsure d'un Crocodile marin à 16 000 N. Cette étude a également montré qu'il n'y a aucune corrélation entre la force de morsure et la forme du museau. Néanmoins, les mâchoires extrêmement allongées du gavial sont relativement faibles et plutôt adaptées à une fermeture rapide de la gueule. La morsure de Deinosuchus a pu approcher les 102 300 N[12], c'est-à-dire plus que celle de dinosaures théropodes comme Tyrannosaurus[39]. Les muscles qui ferment les mâchoires sont nettement plus puissants que ceux qui permettent de l'ouvrir[40] ; un homme peut d'ailleurs aisément empêcher un crocodilien d'ouvrir la gueule mais non l'empêcher de se fermer[41].
Comme pour les mammifères, les dents des crocodiliens sont enchâssées dans des alvéoles[42], mais elles sont homomorphes, coniques, sans racines et remplacées régulièrement comme chez les requins. Les crocodiliens sont ainsi capables de remplacer chacune de leurs dents jusqu'à 50 fois au cours de leur vie, soit 35 à 75 ans[43]. À côté de chaque dent complètement formée on trouve une petite dent de remplacement et une cellule souche capable d'odontogenèse dans la cavité pulpaire en attente, qui entrera en fonction dès qu'il le faudra[44]. Un crocodilien peut produire jusqu'à 6000 dents durant sa vie, leur production ralentit cependant en fin de vie, de sorte que les vieux crocodiliens peuvent être édentés. Les dents sont remplacées en moyenne tous les deux ans[45]. Les crocodiliens étaient autrefois inclus dans le clade des Thecodontia, aujourd'hui considéré comme obsolète, qui se basait sur ce type de mâchoires et de dents. Le terme de thécodonte est cependant toujours utilisé pour décrire ce genre de denture. Les crocodiliens possèdent trois types de dents, deux groupes de dents maxillaires et une longue rangée de dents mandibulaires, et ont, pour la plupart des spécimens des espèces actuelles, entre 51 et 84 dents. Le nombre de dents dépend de l'espèce, mais peut varier au sein de chacune d'entre elles, sans pour autant qu'une ambiguïté sur l'espèce puisse naître de l'examen d'une denture. Les dents des crocodiliens sont de formes variées, plutôt émoussées ou pointues et en forme d'aiguilles[12]. Les espèces qui ont un museau large ont des dents de tailles variées, tandis que celles qui ont un museau plus fin ont des dents plus uniformes. Les dents des crocodiles et des gavials tendent à être plus visibles que celles des alligators et des caïmans lorsque leurs gueules sont fermées[45]. La façon la plus facile de distinguer les crocodiles des alligators est de regarder les côtés de leurs gueules. Chez les alligators, les dents de la mâchoire inférieure se logent dans des cavités correspondantes de la mâchoire supérieure, donc seules les dents de la mâchoire supérieure sont visibles lorsque la gueule de l'animal est fermée. Les dents de la mâchoire inférieure des crocodiles se logent dans des sillons à l'extérieur de la mâchoire supérieure, et sont donc bien visibles quand la gueule est fermée[46].
La peau des crocodiliens est épaisse et kératinisée, et est composée d'écailles qui ne se chevauchent pas appelées scutelles, placées selon des rangées et des motifs réguliers. Ces écailles sont produites continuellement par division cellulaire dans la couche inférieure de l'épiderme, la stratum germinativum, et les scutelles à la surface sont remplacés régulièrement. La face externe des scutelles est constituée de bêta-kératine, relativement rigide, tandis que les charnières entre scutelles sont faites d'alpha-kératine, plus souple[47].
De nombreux scutelles sont renforcés par des plaques osseuses, les ostéodermes, qui sont de taille et de forme identique aux écailles superficielles, mais croissent en dessous d'elles. Ces plaques sont plus nombreuses sur le dos et le cou de l'animal, formant une armure protectrice. Les ostéodermes présentent souvent des crêtes proéminentes et sont couverts de bêta-kératine[13]. La majeure partie de la peau du crâne est directement soudée au crâne[15]. La peau du cou et des flancs est lâche, tandis que celle de l'abdomen et du dessous de la queue est tendue et protégée par de grandes écailles plates et carrées, formant un maillage régulier[13],[48]. Les scutelles contiennent des vaisseaux sanguins et peuvent absorber ou évacuer de la chaleur pour aider l'animal à réguler sa température[13]. Des études ont également montré que les ions alcalins relâchés dans le sang à partir du calcium et du magnésium contenus dans ses os dermiques agissent comme un tampon lors de longues plongées, pour éviter que l'accumulation de dioxyde de carbone dans le sang ne cause d'acidose[49].
Certaines écailles, notamment autour de la gueule de l'animal, présentent des dômes pigmentés à leur surface, qui constituent un « organe sensoriel tégumentaire ». Les crocodiles et les gavials en présentent sur une grande partie du corps, tandis que les alligators et les caïmans en ont seulement sur la tête[50]. Ces mécanorécepteurs sont particulièrement sensibles aux pressions extérieures, et permettent vraisemblablement aux animaux de détecter leurs proies aux vibrations qu'elles créent dans l'eau. Par ailleurs, ils pourraient également aider les femelles à transporter leurs œufs sans les briser[51]. Il y a des glandes tégumentaires appariées bien visibles sur la peau de la gorge, et d'autres sur la paroi du cloaque. Elles pourraient avoir diverses fonctions. Ainsi, elles pourraient avoir un rôle dans la communication entre individus, car on a démontré qu'elles sécrétaient des phéromones utilisées lors de la parade nuptiale et pendant la période de surveillance du nid[13]. La peau des crocodiliens est dure et peut supporter les préjudices causés par ses congénères, et le système immunitaire est suffisamment efficace pour guérir les blessures en quelques jours[52]. Les crocodiliens muent écaille par écaille, plutôt à la manière des mammifères que des autres reptiles comme les serpents qui changent l'intégralité de leur peau en une seule fois[53].
Les dents des crocodiliens sont adaptées pour saisir et maintenir les proies, et la nourriture est avalée sans être mâchée. Le tractus digestif est relativement court, la viande étant une substance assez facile à digérer. L'estomac des crocodiliens rappelle le gésier des oiseaux, par sa paroi très musculeuse[54]. Cet estomac contient des pierres stomacales. Ces gastrolithes permettent peut-être aux crocodiliens de broyer les aliments, mais aussi peut-être de plonger plus facilement en lestant son corps. Ces pierres ont aussi été retrouvées chez certains dinosaures[55].
Les proies sont avalées sans être mâchées et les crocodiliens ingurgitent généralement de grandes quantités de nourriture en une seule fois. Pour digérer, ils doivent alors orienter une partie du sang riche en CO2 des poumons vers l'estomac[56]. Cela permet la sécrétion d'une grande quantité de sucs digestifs. Ainsi, leur estomac est l'un des plus acides des vertébrés[36], ce qui évite que la nourriture entre en putréfaction, la digestion pouvant durer une vingtaine de jours[56]. La digestion a lieu plus rapidement lorsque la température est élevée[19]. La nourriture est stockée sous forme de graisse, principalement dans la queue. Jusqu'à 60 % de l'apport alimentaire peut être converti en graisse[36]. Les crocodiliens ont un métabolisme basal très bas et, par conséquent, ont de faibles besoins énergétiques. Cela leur permet de survivre pendant plusieurs mois, voire années, sur un seul gros repas. Cela permet à certaines espèces comme Crocodylus suchus, qui vit dans les gueltas de Mauritanie et du Tchad, ou comme Osteolaemus tetraspis, que l'on rencontre dans des grottes isolées de la région d'Omboué au Gabon, de survivre malgré la rareté des proies[56]. Même des jeunes crocodiles juste éclos peuvent survivre 58 jours sans nourriture, perdant 23 % de leur masse corporelle durant ce laps de temps[57]. Un crocodile adulte a besoin de 5 à 10 fois moins que la quantité de nourriture nécessaire pour un Lion (Panthera leo) du même poids, et il peut survivre la moitié de l'année sans rien manger[57].
Les crocodiliens ont peut-être le système circulatoire le plus complexe parmi les vertébrés. Ils ont un cœur composé de quatre cavités dont deux ventricules, une caractéristique peu commune chez les reptiles[58], et deux aortes, une à droite et une à gauche, reliées entre elles par un trou appelé foramen de Panizza. Le foramen permet au sang chargé en dioxyde de carbone (CO2) qui sort du ventricule droit de pénétrer dans l'aorte droite reliée au ventricule gauche et qui charrie quant à elle le sang riche en dioxygène (O2). Comme les oiseaux et les mammifères, les crocodiliens ont des valves qui dirigent le flux sanguin à travers les chambres du cœur toujours dans la même direction. Ils ont également des valves crénelées qui, quand elles sont verrouillées, dirigent le sang vers l'aorte gauche pour qu'il évite les poumons avant de se diriger dans le reste du corps[59]. Ce système pourrait permettre aux animaux de rester immergés plus longtemps[60], mais cette hypothèse ne fait pas l'unanimité et reste à confirmer[61]. D'autres explications possibles à ce système circulatoire particulier sont émises : besoins de thermorégulation, prévention de l'œdème pulmonaire, ou récupération plus rapide après une acidose métabolique. Le fait de retenir du dioxyde de carbone dans le corps permet une augmentation de la sécrétion d'acide gastrique et ainsi une digestion plus efficace, et d'autres organes gastro-intestinaux comme le pancréas, la rate, l'intestin grêle et le foie fonctionnent également plus efficacement[62].
Quand l'animal est immergé, le cœur d'un crocodilien bat plus lentement, descendant à un ou deux battements par minute, et la circulation de sang vers les muscles est réduite. Quand il remonte à la surface et respire, son cœur peut augmenter de rythme en quelques secondes, et les muscles reçoivent du sang nouvellement oxygéné[63]. À la différence de nombreux mammifères marins, les crocodiliens ont peu de myoglobine pour stocker l'oxygène dans leurs muscles. Durant la plongée, les muscles sont approvisionnés en oxygène lorsque l'augmentation de la concentration d'ions bicarbonate dans le sang fait se libérer celui contenu dans l'hémoglobine[64].
On a longtemps pensé que les crocodiliens respiraient comme les mammifères, avec un flux d'air entrant puis sortant des poumons par vagues successives, mais des études publiées en 2010 et 2013 ont conclu que les crocodiliens respiraient plutôt comme les oiseaux, avec un flux d'air formant une boucle dans les poumons. Quand un crocodilien inspire, l'air entre dans la trachée et dans deux bronches primaires, qui le dirigent vers des bronches secondaires plus étroites. L'air continue à circuler à travers des bronchioles tertiaires, puis revient dans des voies secondaires comme celles déjà traversées. Il revient alors dans les voies primaires avant d'être expiré. Le système de valves aérodynamiques des bronches permet d'expliquer comment les crocodiliens peuvent maintenir un flux d'air unidirectionnel sans disposer de sacs aériens comme les oiseaux[65],[66].
Les poumons des crocodiliens sont attachés au foie et au pelvis par le muscle diaphragmaticus (analogue au diaphragme des mammifères). Durant l'inspiration, les muscles intercostaux externes écartent les côtes, permettant à l'animal de prendre plus d'air, tandis que le muscle de la branche ischio-pubienne fait basculer le bassin vers le bas et repousse le ventre, et que le diaphragme repousse le foie vers l'arrière. Durant l'expiration, les muscles intercostaux internes font contracter les côtes, tandis que le muscle droit de l'abdomen ramène les hanches et le foie vers l'avant, et le ventre au centre du corps[16],[58],[67],[68]. Comme les poumons s'étendent dans un espace occupé originellement par le foie, et sont compressés lorsque celui-ci revient à sa place, on parle parfois de « piston hépatique » pour décrire ce mouvement. Les crocodiliens peuvent également utiliser leurs muscles pour ajuster la position de leurs poumons, et ainsi maîtriser leur flottaison dans l'eau. Ainsi l'animal coule quand les poumons sont poussés vers la queue, et flotte quand ils sont ramenés vers la tête. Cela leur permet de se mouvoir sans perturber l'eau par les mouvements de leurs membres et donc sans alerter leur proie. Par ailleurs, ils peuvent aussi tourner et se tortiller en faisant bouger leurs poumons latéralement[67].
Les crocodiliens qui nagent ou en plongée semblent utiliser leur volume pulmonaire pour réguler leur flottaison plutôt que pour stocker de l'oxygène[58]. Ainsi, juste avant de plonger, l'animal expire pour réduire son volume pulmonaire et couler plus facilement[69]. Quand ils sont immergés, les narines des crocodiliens sont fermement closes[14]. Chez toutes les espèces on retrouve une valve palatale, constituée d'une membrane de peau dans le fond de la cavité buccale qui empêche l'eau d'entrer dans la gorge, l'œsophage et la trachée[13],[14]. Cela leur permet d'ouvrir la gueule dans l'eau sans se noyer[14]. Les crocodiliens restent généralement sous l'eau pendant une quinzaine de minutes ou moins, mais ils peuvent retenir leur respiration jusqu'à deux heures d'affilée dans des conditions idéales[70]. On ne sait pas jusqu'à quelle profondeur ces animaux peuvent plonger, mais des crocodiliens ont été observés plongeant à 20 m[71].
Les crocodiliens sont ectothermes, produisant relativement peu de chaleur interne et comptant sur des sources externes pour élever leur température corporelle. La chaleur du soleil est ainsi le principal moyen de se réchauffer pour les crocodiliens, tandis que l'immersion de l'animal dans l'eau peut soit lui permettre d'élever sa température par conduction, ou le refroidir s'il fait très chaud dehors. C'est par son comportement que le crocodilien régule sa température le plus efficacement. Par exemple, un alligator dans les régions tempérées commence sa journée par se chauffer au soleil sur la terre ferme. Comme c'est un animal massif, il se réchauffe lentement, mais plus tard dans la journée, quand il retourne dans l'eau, il continue d'exposer son dos au soleil. La nuit, il reste dans l'eau et sa température redescend lentement. La période durant laquelle il se réchauffe au soleil est plus longue en hiver, et raccourcie en été. Dans le cas des crocodiles sous les tropiques, le principal problème est d'éviter d'avoir trop chaud. Ils peuvent se chauffer au soleil brièvement le matin mais se dirigent rapidement vers les zones ombragées, où ils demeurent pour le restant de la journée, ou peuvent aller dans l'eau pour rester au frais. Ils ouvrent souvent la gueule pour se refroidir par l'évaporation de l'humidité de leurs muqueuses[72]. Par ces divers moyens, la température des crocodiliens est maintenue entre 25 et 35 °C, et la plupart du temps même entre 30 et 33 °C[73].
L'aire de répartition de l'Alligator d'Amérique et de l'Alligator de Chine (Alligator sinensis) s'étend à des régions aux hivers rigoureux. Comme ils sont hétérothermes, la température interne des crocodiliens chute en même temps que la température extérieure, et ils sont alors beaucoup plus lents. Ils sont plus actifs les jours un peu plus chauds, mais généralement ils ne se nourrissent pas du tout pendant l'hiver. Lorsqu'il fait froid, ils restent immergés avec leur queue au fond de l'eau, laissant seulement leurs narines émerger à la surface de l'eau froide. En cas de gel, ils maintiennent les narines à la surface, et même s'ils se retrouvent eux-mêmes emprisonnés dans la glace, leur température corporelle peut descendre jusqu'à environ 5 °C sans que cela leur soit préjudiciable, et ils reprennent une activité normale lorsque la température remonte[72].
Aucune espèce de crocodilien actuelle n'est exclusivement marine. Bien que le Crocodile marin et le Crocodile américain (Crocodylus acutus) s'aventurent régulièrement en mer, leurs habitats normaux sont les embouchures de rivières, les estuaires, les mangroves et les lacs hypersalins. Certaines espèces aujourd'hui disparues étaient associées plus étroitement avec les milieux marins, comme Ikanogavialis papuensis, que l'on rencontrait dans un habitat exclusivement marin sur la côte des îles Salomon[74]. Tous les crocodiliens doivent maintenir la concentration de sel dans leurs fluides corporels à des niveaux adaptés. L'osmorégulation est liée aux quantités de sel et d'eau échangées avec l'environnement. Les crocodiliens absorbent le sel et l'eau lorsque l'animal boit, accidentellement lorsqu'il se nourrit, et lorsque ces éléments sont présents dans sa nourriture[75]. De l'eau est perdue par le corps durant la respiration, et du sel et de l'eau sont excrétés dans les urines et les fèces, à travers la peau et via les glandes à sel placées sur la langue, bien que celles-ci ne sont présentes que chez les crocodiles et les gavials[76],[77]. La peau est une barrière efficace que l'eau et les ions ne peuvent traverser. Lorsque les animaux restent la gueule ouverte, ils perdent de l'eau par évaporation à partir de la bouche, et sur terre de l'eau est également perdue par la peau[76]. Les plus grands animaux sont capables de maintenir plus facilement leur homéostasie que les plus petits[78]. Ainsi les jeunes crocodiliens nouvellement éclos sont moins tolérants à l'eau salée que leurs aînés, certainement du fait qu'ils ont un plus grand ratio surface de peau/volume du corps[76].
Les reins et le système excréteur sont identiques à ceux des autres reptiles, à l'exception que les crocodiliens n'ont pas de vessie. En eau douce, l'osmolalité (la concentration d'ions qui contribue à la pression osmotique) dans le plasma est plus forte que celle dans l'eau environnante. Les animaux sont bien hydratés, et l'urine dans le cloaque est abondante et fortement diluée, l'azote étant excrétée sous la forme de bicarbonate d'ammonium[78]. Les pertes de sodium sont faibles et ont principalement lieu par la peau lorsque l'animal est en eau douce. En eau salée, le phénomène inverse a lieu : l'osmolalité dans le plasma est plus bas que dans l'eau environnante, et l'animal est en situation de déshydratation. L'urine cloaquale est alors plus concentrée, blanche et opaque, et l'azote est excrétée sous forme d'acide urique non soluble[76],[78].
Les crocodiliens adultes sont généralement territoriaux et solitaires. Ces animaux défendent les nids, les zones où ils se nourrissent et où ils profitent du soleil, les lieux d'élevage des jeunes et les sites d'hivernage. Les Crocodiles marins mâles établissent des territoires à l'année qui comprennent les sites de pontes de plusieurs femelles. Certaines espèces sont occasionnellement grégaires, particulièrement durant les sécheresses, quand plusieurs individus se rassemblent dans les points d'eau restants. Chez certaines espèces, plusieurs individus peuvent se réchauffer au soleil sur les mêmes sites pendant certaines périodes de l'année[19]. Quatre espèces de crocodiliens peuvent grimper dans des arbres pour se chauffer au soleil lorsque leur habitat n'offre pas d'autres lieux adaptés[79].
Les crocodiliens sont d'excellents nageurs. Lorsqu'ils nagent, leur queue musculeuse ondule d'un côté à l'autre pour permettre à l'animal d'avancer, tandis que les membres sont plaqués le long du corps pour réduire la traînée[19],[80]. Quand l'animal doit s'arrêter ou manœuvrer dans une direction différente, les membres sont dépliés[19]. Leurs pattes palmées lui permettent alors de changer de direction plus facilement. Les crocodiliens se déplacent généralement lentement sous l'eau, avec la queue qui ondule tranquillement. Mais lorsqu'ils chassent ils sont capables d'aller très vite[81]. Ils sont moins bien adaptés pour se déplacer sur la terre ferme. Ils disposent de deux modes de déplacement sur terre : ils peuvent ramper, avec les pattes pliées et le ventre trainant sur le sol, ou courir, avec les pattes tendues au maximum et le corps surélevé[14]. Les articulations de leurs chevilles plient d'une manière différente de celles des autres reptiles, une caractéristique que l'on retrouve chez certains archosaures primitifs. Un des os de la partie supérieure de la cheville, l'astragale, est fixé au tibia et au fibula. Il est articulé avec le calcanéum et fait partie fonctionnellement du pied. Ainsi, les pattes peuvent être tenues presque verticalement sous le corps sur terre, et les pieds peuvent pivoter quand l'animal avance avec un mouvement de torsion au niveau de la cheville[82].
Les crocodiliens peuvent marcher en maintenant leur ventre et leur queue au-dessus du sol, avec les membres tendus, une particularité unique parmi les reptiles actuels. Il marche alors d'une manière similaire aux mammifères, avec la même séquence de mouvement des membres : patte avant gauche, patte arrière droite, patte avant droite puis patte arrière gauche[81]. L'autre type de marche est similaire, mais sans que le corps soit dressé au-dessus du sol, et il reste assez différent de la démarche des salamandres et des lézards. L'animal peut passer d'un type de marche à l'autre instantanément, mais sur terre la démarche avec le corps surélevé est privilégiée. L'animal peut se dresser sur ces pattes et marcher ainsi immédiatement, ou faire quelques pas avec le corps au sol avant de se dresser. À la différence de la plupart des autres vertébrés terrestres, quand les crocodiliens veulent avancer plus vite, ils actionnent la partie inférieure de chaque membre (plutôt que le membre entier) plus rapidement ; ainsi, la longueur des enjambées augmente tandis que leur durée diminue[83].
Bien que généralement lents sur la terre ferme, les crocodiliens peuvent faire de courts sprints, et certaines espèces peuvent atteindre une vitesse comprise entre 12 et 14 km/h sur de courtes distances[84]. Ils peuvent entrer rapidement dans l'eau à partir d'une rive boueuse en plongeant à partir du sol, tordant le corps d'un côté à l'autre et dépliant les pattes[81]. Chez certaines petites espèces comme le Crocodile de Johnston (Crocodylus johnsoni), l'animal peut passer de la course au galop[85]. Quand un crocodilien est sur la terre ferme, il peut garder son dos et sa queue droits, puisque ces écailles sont attachées aux vertèbres par des muscles[15]. Sur terre comme dans l'eau, les crocodiliens peuvent sauter en appuyant leur queue et leurs membres contre le sol ou l'eau, se lançant ainsi en l'air[19],[86].
Les crocodiliens sont hypercarnivores, et le régime alimentaire des diverses espèces peut varier suivant la forme de leur museau et la forme de leurs dents. Les espèces aux dents acérées et au long museau fin, comme le Gavial du Gange en Inde et le Crocodile de Johnston en Australie, sont des prédateurs spécialisés des poissons, insectes et crustacés, tandis que les espèces au museau très large et aux dents émoussées, comme l'Alligator de Chine et le Caïman à museau large (Caiman latirostris), se nourrissent de mollusques à la coquille résistante. Les espèces dont le museau et les dents sont intermédiaires entre ces deux extrêmes, comme le Crocodile marin et l'Alligator d'Amérique, se nourrissent de manière opportuniste d'invertébrés, poissons, amphibiens, autres reptiles, oiseaux et mammifères[12],[87].
En général, les crocodiliens sont des prédateurs qui attendent le passage d'une proie à l'affut[12], bien que la stratégie de chasse dépend de l'espèce et de la proie qui est chassée[19]. Les proies terrestres sont traquées à partir du bord de la rivière, puis saisies et tirées dans l'eau[19],[88]. Les gavials et autres espèces se nourrissant de poissons secouent leurs mâchoires latéralement pour happer leur proie, et ces animaux peuvent bondir hors de l'eau pour attraper des oiseaux, des chauves-souris ou des poissons[87]. Les petits animaux peuvent être tués par un coup du lapin quand le crocodilien secoue la tête[88]. Les caïmans utilisent leur queue et leur corps pour rassembler les poissons dans les eaux peu profondes[19]. Ils peuvent également creuser le sol à la recherche d'invertébrés[14], et le Caïman de Schneider (Paleosuchus trigonatus) chasse sur la terre ferme[12]. Certaines espèces de crocodiliens utilisent des bâtons et des branches pour attirer des oiseaux construisant leurs nids avec ces matériaux[89]. Les Crocodiles du Nil sont connus pour chasser en coopération[19], et plusieurs individus peuvent s'alimenter sur une même carcasse. La plupart des espèces mangent tout ce qui passe à leur portée, et sont des charognards opportunistes[14].
Les crocodiliens sont incapables de mâcher leur nourriture et l'avalent entière. Les proies trop grosses pour être avalées en une seule fois doivent donc être sommairement découpées. Ils sont ainsi parfois incapables de manger certains gros animaux à la peau résistante, et peuvent attendre qu'ils commencent à se putréfier pour pouvoir le découper plus facilement[87]. Pour arracher de gros morceaux de chair dans des carcasses massives, les crocodiliens tournent sur eux-mêmes dans l'eau en maintenant leur proie dans leurs mâchoires[90]. Lorsque les animaux chassent à plusieurs, certains individus peuvent maintenir la proie quand d'autres tournent ainsi. Dans ce cas les animaux ne se battent pas, et chacun se retire avec un morceau de viande puis attend son tour[91]. La nourriture est généralement consommée par les crocodiliens avec la tête hors de l'eau. La nourriture est maintenue à l'extrémité de la mâchoire, et renvoyée vers le fond de la bouche par un mouvement brusque de la tête vers le haut, puis avalée[88]. Les Crocodiles du Nil peuvent stocker des carcasses sous l'eau pour les consommer plus tard[14]. Bien que ces animaux soient principalement carnivores, certaines espèces peuvent consommer occasionnellement des fruits, et jouent alors un rôle dans la dispersion des graines[92].
Les interactions entre crocodiliens commencent avant même l'éclosion des animaux, car les jeunes commencent à communiquer entre eux alors qu'ils sont encore dans l'œuf. Un léger son émis près du nid va être répété par les jeunes, les uns après les autres. Une telle communication entre animaux les aide certainement à éclore simultanément. Par ailleurs, lorsqu'elle entend les couinements de ses petits, la mère fouille le sol pour les aider à s’extraire de leur coquille. Une fois l'œuf cassé, les jeunes jappent et grognent, spontanément ou à la suite de stimuli externes, et des adultes, même si ce ne sont pas les parents des jeunes, répondent très rapidement aux cris d'appel des nouveau-nés[93].
Les jeunes poussent des cris lorsqu'ils se dispersent le soir, et à nouveau lorsqu'ils se regroupent le matin. Des adultes situés non loin, vraisemblablement les parents, donnent également des signaux sonores pour les alerter de l'intrusion d'un prédateur, ou de la présence de nourriture. La variété et la fréquence des vocalisations varient suivant les espèces. Les alligators sont les plus bruyants, tandis que certaines espèces de crocodiles sont presque totalement silencieuses. La femelle adulte Crocodile de Nouvelle-Guinée (Crocodylus novaeguineae) et Crocodile du Siam (Crocodylus siamensis) rugit quand elle est approchée par un autre adulte, tandis que les Crocodiles du Nil grognent ou vagissent dans une situation similaire. L'Alligator d'Amérique est particulièrement bruyant ; il émet une série d'environ sept vagissements, chacun long de quelques secondes, à dix secondes d'intervalle. Il produit également divers grognements et sifflements[94]. Les mâles créent des vibrations dans l'eau qui produisent des signaux infrasoniques visant à attirer les femelles et éloigner les rivaux[95]. La bosse située à l'extrémité du museau du gavial lui sert de caisse de résonance[96].
Les crocodiliens peuvent communiquer d'une manière un peu plus originale, en faisant claquer leurs mâchoires. Pour cela l'animal situé dans l'eau reste immobile en levant légèrement le museau en l'air. Au bout d'un certain temps il ouvre la mâchoire et la referme en la faisant claquer puis l'enfonce sous l'eau. Chez certaines espèces ce mouvement est suivi d'un rugissement. Dans un groupe, les animaux procèdent ainsi chacun leur tour, et le but de ce son semble varié, mais est associé au maintien de relations sociales entre animaux, et est éventuellement pratiqué pendant la parade nuptiale[94]. Les crocodiliens communiquent également par leurs postures. Les animaux dominants peuvent exhiber leur taille en nageant à la surface de l'eau, tandis que les subordonnés se soumettent en gardant la tête avec un angle aigu et les mâchoires ouvertes avant de se replier sous l'eau[19].
Les crocodiliens sont généralement polygames, et les mâles essaient de s'accoupler avec autant de femelles qu'ils le peuvent[97]. Des couples monogames ont toutefois été observés chez les Alligators d'Amérique[98]. Les mâles dominants patrouillent et défendent leur territoire, qui abrite plusieurs femelles. Les mâles de certaines espèces, comme l'Alligator d'Amérique, essaient d'attirer des femelles avec une parade nuptiale élaborée. Durant celle-ci, les crocodiliens mâles et femelles peuvent se frotter l'un contre l'autre, nager en cercle et réaliser une sorte de parade dans l'eau. La copulation a généralement lieu dans l'eau. Quand une femelle est prête à se reproduire, elle arque son dos tandis que sa tête et sa queue restent immergées. Le mâle se frotte contre le cou de la femelle puis la saisit avec ses pattes avant, plaçant sa queue en dessous d'elle, ce qui permet aux cloaques d'être alignés et le pénis du mâle peut donc être inséré dans celui de la femelle. L'accouplement dure jusqu'à 15 minutes, durant lesquelles le couple plonge puis refait surface alternativement[97]. Tandis que les mâles dominants monopolisent leurs femelles reproductrices, la paternité multiple existe chez les Alligators d'Amérique, et on peut trouver des jeunes issus de trois pères différents dans une même ponte. Un mois après l'accouplement, la femelle commence à bâtir un nid[19].
Suivant l'espèce, la femelle crocodilien pond ses œufs dans le sable, ou construit un nid en forme de monticule[19] à partir de végétation, litière, sable ou terre[78]. Les nids sont généralement placés non loin de tanières ou de grottes. On trouve parfois plusieurs nids à proximité immédiate les uns des autres, notamment chez les espèces qui enfouissent leurs œufs dans le sable. Le nombre d'œufs par ponte varie entre 10 et 90. Comme chez tous les amniotes qui pondent des œufs, ceux des crocodiliens sont protégés par une solide coquille de carbonate de calcium. Ils sont blancs avec une texture poreuse, et de taille variable suivant l'espèce. La période d'incubation dure deux à trois mois selon l'espèce[19]. La femelle ne couve pas, mais surveille le nid en restant à proximité. La température à laquelle les œufs incubent détermine le sexe des jeunes. Un nid à température stable au-dessus de 32 °C voit naître des mâles, alors que ceux d'une température inférieure à 31 °C engendrent des femelles. Toutefois, le sexe peut être déterminé dans un intervalle de temps très court, et les nids sont soumis à des changements de température. C'est pourquoi, dans la nature, la plupart des nids voient naître des animaux des deux sexes, bien que des portées unisexes éclosent quelquefois[78].
Les jeunes peuvent tous éclore en une seule nuit[94]. Pour casser la coquille, ils sont munis d'une protubérance dure à l'extrémité du museau, qui tombe ensuite[99]. Il arrive parfois que cette « dent » ne soit pas totalement calcifiée au moment de l'éclosion, auquel cas le jeune meurt étouffé dans son œuf[100]. Les nouveau-nés mesurent entre 20 et 30 cm pour un poids de 50 à 80 grammes[100]. Les crocodiliens se distinguent des autres reptiles par l'attention importante que les parents accordent à leur progéniture[19]. La mère aide les jeunes fraîchement nés à sortir du nid, et les emmène dans sa bouche jusqu'au point d'eau le plus proche. Les jeunes crocodiliens restent les uns avec les autres et à proximité de leur mère[101]. Dans le cas du Caïman à lunettes dans les llanos, plusieurs mères laissent leurs jeunes dans une même nurserie, ou crèche, et l'une d'entre elles les garde[102]. Les jeunes de plusieurs espèces se réunissent en groupe pour se réchauffer au soleil la journée, et se dispersent la nuit pour aller se nourrir[94]. Les jeunes crocodiliens deviennent indépendants après un laps de temps variable. Pour l'Alligator d'Amérique, des groupes de jeunes sont visibles avec des adultes jusqu'à l'âge de 2 ans, tandis que les jeunes Crocodiles du Nil et Crocodiles marins deviennent indépendants en quelques mois[19].