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Méduse (navire)

frégate française, lancée en 1810, naufragée en 1816 De Wikipédia, l'encyclopédie libre

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La Méduse est une frégate française rendue célèbre par son naufrage le lorsqu’elle s’échoue sur les hauts-fonds du banc d’Arguin, à une trentaine de milles des côtes de l'actuelle Mauritanie, provoquant la mort de plus de 150 personnes.

Faits en bref Type, Classe ...

Tandis que la majeure partie des passagers et de l’équipage embarque à bord de chaloupes et rejoint la côte désertique ou le port de Saint-Louis, 17 personnes restent dans l'épave  14 y décèderont  et 147 autres se trouvent abandonnés dans l’Atlantique sur un radeau de fortune. L'errance du radeau dure treize jours et provoque la mort de 137 naufragés.

Cette catastrophe provoque un scandale retentissant dans la France du début de la Restauration. L’épisode des naufragés du radeau est rapidement illustré par un célèbre tableau de Théodore Géricault, achevé en 1819, Le Radeau de la Méduse. Celui-ci est exposé au musée du Louvre depuis 1824.

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La Méduse de 1810 à 1815

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La frégate la Méduse est l'objet d'un contrat du entre l'État et la société Michel Louis Crucy, établie à Paimbœuf (Loire-Inférieure)[1].

Elle est construite au début des années 1800 ; la coque est lancée le . Le , le navire passe devant Saint-Brevin-les-Pins, à l'extrémité de l'estuaire de la Loire surveillé par une flottille anglaise basée à Hœdic. La Méduse, commandée par Joseph François Raoul, réussit à quitter l'estuaire le , en même temps que la frégate la Nymphe, construite à Basse-Indre sur un autre chantier Crucy.

Compte tenu du destin ultérieur de la Méduse, ont été rapportées quelques légendes prémonitoires. Dans son ouvrage La Commune et la Milice de Nantes, Camille Mellinet évoque la « tristesse inexplicable » marquant la cérémonie du lancement de la coque. En voyant sculpter la figure de proue, un matelot aurait dit : « V'là une mauvaise tête, qui nous portera malheur »[2].

La première mission des deux frégates (la Méduse et la Nymphe) est de transporter à Batavia, dans les Indes néerlandaises, le gouverneur local ainsi que son état-major et des soldats. La mission réussit mais n'empêche pas la prise de Batavia par les Britanniques. Les deux frégates regagnent Brest en . Le rapport de Raoul sur la Méduse est dans l'ensemble favorable. Le commandement du navire passe ensuite à François Ponée qui en est aussi satisfait.

En , la Méduse et la Nymphe partent pour une campagne de course dans l'Atlantique. Elles sont de retour en .

Après la première abdication de Napoléon en 1814, la Méduse, commandée par le chevalier de Cheffontaines, effectue une rotation aux Antilles ; elle est de retour à l'île d'Aix le , puis subit un carénage à Rochefort. Ponée en reprend le commandement pendant les Cent-Jours. Le navire est toujours à Rochefort lorsqu'après Waterloo, Napoléon y vient le , envisageant un départ en Amérique sur la frégate Saale, elle aussi présente à Rochefort. Finalement, Napoléon abandonne son projet de fuite et, le , il se rend à bord du HMS Bellerophon, déclarant « [s'y] mettre sous la protection des lois d'Angleterre »[3].

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Le naufrage (1816)

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Le naufrage de la Méduse.

En 1816, la France récupère ses comptoirs au Sénégal, occupés par les Britanniques au cours des guerres napoléoniennes. Louis XVIII décide d'envoyer des colons prendre possession de ce territoire rétrocédé.

Le , une flottille de quatre voiliers militaires chargée d'acheminer les fonctionnaires et les militaires affectés au Sénégal, ainsi que des scientifiques et des colons (soit 392 passagers au total), quitte l’île d'Aix pour rallier Saint-Louis du Sénégal. La flottille se compose de la frégate Méduse (qui a environ 400 personnes à son bord, équipage compris), navire sous le commandement du capitaine de frégate Hugues Duroy de Chaumareys, de la corvette Écho, du brick Argus et de la flûte Loire. Parmi les passagers à bord de la Méduse se trouvent notamment le colonel Schmaltz, le nouveau gouverneur de la colonie du Sénégal, accompagné de son épouse Reine Schmaltz, le commis de première classe et futur explorateur Gaspard Théodore Mollien, ainsi que la jeune Charlotte-Adélaïde Picard et son père[4] ; René Caillié, un autre explorateur, est à bord de la Loire[5]. De grandes quantités de matériel sont aussi embarquées.

Hugues Duroy de Chaumareys, qui commande la Méduse, est un noble royaliste qui n'a quasiment plus navigué depuis l'Ancien Régime, soit depuis plus de vingt ans. Il commence la traversée en distançant les trois autres navires[6], plus lents que le sien, et se retrouve ainsi isolé à l’avant. N'écoutant pas les avis de ses officiers qui le détestent (comme les anciens soldats napoléoniens à son bord, dont la monarchie tente de se débarrasser), il accorde toute confiance à un dénommé Richefort, un passager prétendant avoir déjà navigué dans ces parages[7]. Il se trompe dans son estimation de la position du navire par rapport au banc d'Arguin, obstacle connu des navigateurs. Au lieu de le contourner en passant au large comme l'indiquent ses instructions, il rase les hauts-fonds, jusqu'à ce que l'inévitable se produise le vers 15 heures.

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« Plan du radeau de la Méduse, au moment de son abandon. Cent cinquante Français avaient été placés sur cette machine : quinze seulement furent sauvés treize jours après. »
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Les hauts-fonds du banc d'Arguin (en bleu clair) et les limites du parc national du Banc-d'Arguin (en vert clair).

La frégate s'échoue sur un banc de sable à une douzaine de lieues des côtes[8], soit entre 48 et 70 kilomètres selon le type de lieue mentionné par les auteurs (Corréard ou Savigny). Toutes les tentatives de renflouement se soldent par des échecs. L'équipage construit alors un radeau de douze mètres sur six[9] (ou de vingt mètres sur sept selon une autre source[10]), composé de pièces de bois récupérées dans la mâture et d’un caillebotis posé sur les morceaux de mâts pour rigidifier l’ensemble, destiné à recevoir du matériel afin d'alléger le navire dans l’espoir de le déséchouer. Après deux jours, souffle une violente tempête qui secoue la frégate échouée, provoque plusieurs voies d'eau dans la carène et brise la quille. L'état-major du navire craint que le navire ne finisse par se désagréger : l'abandon de la frégate est décidé. Une liste répartissant les personnes entre les canots, chaloupes de sauvetage et le radeau est constituée en secret.

Le désordre est indescriptible. Plusieurs marins sont ivres morts en permanence, à l'instar du commandant Hugues Duroy de Chaumareys souvent aviné. Les officiers tentent de garder le contrôle de la situation, mais le commandant et les passagers de marque n'auraient pas brillé par leur exemple ce jour-là. Le ou le , les quatre canots et deux chaloupes sont mis à l'eau avec 233 personnes à bord ; sur le radeau s'entassent 147 marins et soldats avec quelques officiers[9], ainsi qu'une cantinière, seule femme ici, qui est de couleur noire ; une autre source mentionne 149 personnes sur le radeau[10]. Il est prévu que le radeau soit remorqué vers la côte par les chaloupes et que tout le monde atteigne le Sénégal en longeant le littoral saharien. Dix-sept hommes restent sur l'épave échouée de la Méduse espérant, sans doute, être secourus plus tard ; trois d'entre eux seulement y seront retrouvés en vie le suivant par la marine britannique.

Très vite, les aussières (gros cordages) qui relient les chaloupes à la masse considérable du radeau se rompent et celui-ci part à la dérive : est-ce un largage volontaire, le radeau faisant dériver dangereusement la grosse chaloupe en surcharge, ou bien est-ce un accident en raison de la précarité des attaches ? Certaines embarcations gagnent la côte, des hommes tentent leur chance dans le désert, accablés par la soif, la marche et l’hostilité des Bédouins. Ils sont récupérés après quinze jours d'errance par une caravane sous la houlette d'un officier déguisé en Maure, mais il y a eu plusieurs morts. D'autres canots ou chaloupes restent en mer et atteignent Saint-Louis en quatre jours, rejoignant l’Écho et l’Argus déjà amarrés. Parmi les passagers de ces dernières embarcations de sauvetage figurent le commandant Chaumareys et le colonel Schmaltz.

Les marins et soldats du radeau de fortune, surnommé le « Machin », féminisé par euphémisme et appelé rapidement la Machine, essaient de gagner la côte mais dérivent vers le large. L'équipée, qui dure douze ou treize jours (du ou , au ), fait de très nombreux morts et donne lieu à des noyades, bagarres et mutineries, tentatives de sabordage ainsi qu'à des faits de cannibalisme en raison du manque d'eau potable (les deux barriques d’eau douce ont été jetées à la mer) et de vivres : la capture de poissons-volants est insuffisante, certains rongent les cordes du radeau, mâchent leurs ceintures ou leurs chapeaux. Les naufragés n'ont que six barriques de vin à leur disposition. Le , probablement quelques jours plus tôt, le commandant Chaumareys renvoie l'Argus non pas chercher les naufragés, dont il estime qu'il ne reste aucun rescapé, mais trois barils de 92 000 francs en pièces d'or et d'argent restés dans la cale de la Méduse. Le brick retourne ainsi dans les environs du lieu de l’échouage, aperçoit par chance le radeau à la dérive le , avant même d'avoir pu rejoindre l’épave de la Méduse, et récupère les quinze survivants du radeau, dont cinq mourront pendant le retour à Saint-Louis, retour qui est effectué sans plus s'attarder dans la zone.

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Procès retentissant dans la France de la Restauration (1817)

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L'incompétence des officiers et les récits autour du radeau provoquent une certaine émotion dans l'opinion lorsque deux des survivants de l'équipage rapportent l'événement dans un livre : Henri Savigny, second chirurgien, et Alexandre Corréard, ingénieur-géographe des arts et métiers.

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Naufrage de la frégate la Méduse. Révolte d'une partie de l'équipage sur le radeau, 1818, lithographie de Charles Philibert de Lasteyrie d'après une composition d'Hippolyte Lecomte.

La cour martiale siège à Rochefort, à l'hôtel de la Marine à partir du , présidée par le contre-amiral La Tullaye, assisté par sept capitaines de vaisseau, dont Le Carlier d'Herlye (en) en qualité de procureur du roi. Du au est procédé à l'interrogatoire du commandant de la Méduse. Le procès s'ouvre le , et se déroule à bord du vaisseau-amiral, mouillé dans la Charente. L'audition de Chaumareys intervient le . Le , le rapporteur (procureur du roi) présente son réquisitoire. Le est consacré à la défense. La délibération se tient le lundi , et se termine à 23 heures. Le jugement[11] est prononcé à l'issue. Hugues Duroy de Chaumareys, natif de Vars-sur-Roseix (Corrèze), âgé de 51 ans, chevalier des ordres royaux de Saint-Louis et de la Légion d'honneur est condamné :

  1. À la majorité de 5 voix sur 8 à « être rayé de la liste des officiers de marine et à ne plus servir » ;
  2. À la majorité de 5 voix sur 8 à « accomplir trois années de prison » ;
  3. « Aux dépens occasionnés par le procès ».

À 23 h 30, le contre-amiral de La Tullaye s'adresse au condamné : « Vous avez manqué à l'honneur. Je déclare au nom de la Légion, que vous avez cessé d'en être membre, ainsi que de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. » La Tullaye s'avance et enlève lui-même les décorations[12]. Plus largement, le scandale et l'indignation qui suivent le drame sont aussi dirigés contre une marine archaïque aux mains des royalistes, qui avaient choisi d'ignorer les apports de l'Empire dans le domaine maritime.

C’est la Restauration tout entière qui est mise en procès.

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Recherche de l'épave au XXe siècle

Le , sur la base des relevés du Service hydrographique et océanographique de la marine nationale (SHOM), l'équipe du « Groupe pour la recherche, l'identification et l'exploration de l'épave de la Méduse » (GRIEEM, association régie par la loi de 1901, présidée par le professeur Théodore Monod, de l'Académie des sciences) identifie les restes métalliques de l'épave de la Méduse sous cinq mètres d'eau[13] grâce à un levé magnétique réalisé par des ingénieurs et des magnétomètres du Commissariat à l'énergie atomique de Grenoble[14]. Une partie de l'équipement du bateau, dont un canon, est récupérée[15] et exposée au Musée national de Mauritanie[16] à Nouakchott.

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Postérité

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Le tableau Le Radeau de la Méduse (1819) de Théodore Géricault.
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Le radeau de la Méduse reconstitué à l'échelle 1, visible dans la cour du musée de la Marine à Rochefort.
  • L'histoire de la Méduse (qui lui a notamment été rapportée par le second chirurgien Savigny) a inspiré à Théodore Géricault le tableau Le Radeau de la Méduse (1819). L'épisode retenu par le peintre se situe peu avant le sauvetage du radeau, au moment où l'Argus point à l'horizon. La réalisation de ce tableau au cours des deux années qui suivirent immédiatement le procès, son réalisme reconstituant un fait particulièrement dramatique, purent alors être perçus comme une provocation.
  • Le roman maritime d'Eugène Sue intitulé La Salamandre (1832), qui s’inspire largement du drame de la Méduse, évoque l'histoire d'un navire dont le commandement est confié, sous la Restauration, à un commandant incapable, qui s’échoue sur un banc de sable. Sur le radeau sommairement gréé par les rescapés, surviennent des épisodes de folie[17].
  • Le Chancellor, roman de Jules Verne paru en 1875 de la collection des « Voyages extraordinaires », s'appuie en partie sur les événements survenus lors du naufrage de la Méduse.
  • L'incipit de la chanson Les Copains d'abord (parue en 1964) de Georges Brassens fait allusion à ces évènements[18] :
    « Non, ce n'était pas le radeau »
    « De la Méduse, ce bateau, »
    « Qu'on se le dis' au fond des ports, »[19]
  • Une exposition intitulée « L'affaire de la Méduse : du naufrage à l'exploration de l'épave » s’est tenue au musée national de la Marine à Paris du au , à la suite de l’expédition du professeur Théodore Monod en 1980.
  • Océan mer (1993), roman d'Alessandro Baricco, est librement inspiré[20] de l'histoire de la Méduse.
  • Le Radeau de la Méduse, film français d'Iradj Azimi, tourné de 1987 à 1991, sorti en 1998, avec Jean Yanne, Daniel Mesguich, Claude Jade, Rufus, Philippe Laudenbach et Laurent Terzieff, est directement inspiré de l'histoire des naufragés de la Méduse et de celle de la création du tableau de Géricault.
  • Le roman Fleur de sable de Nathalie de Broc, paru en 2019 aux Presses de la cité, fait référence au naufrage.
  • À l'initiative de Philippe Mathieu, ancien officier de marine et administrateur du musée de la Marine de Rochefort, le radeau a été reconstruit à l'identique à Rochefort, en Charente-Maritime (ville proche du lieu de départ du dernier voyage de la frégate Méduse), par le sculpteur sur bois Philippe Bray en 2014. Il a servi au tournage de « La Machine, la véritable histoire du radeau de la Méduse », docufiction sur le naufrage diffusé sur Arte en [21].
  • Franzobel (trad. de l'allemand par Olivier Mannoni), À ce point de folie. D'après l'histoire du naufrage de la Méduse, Paris, Flammarion, , 526 p. (ISBN 978-2-08-142940-6, lire en ligne).
  • Le Radeau de la Méduse, chanson du groupe Aephanemer (sortie en 2021).
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Notes et références

Voir aussi

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