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Néolithique

période préhistorique d'adoption de l'agriculture De Wikipédia, l'encyclopédie libre

Néolithique
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Le Néolithique est une période préhistorique marquée par de profondes mutations techniques et sociales, liées à l’adoption par les groupes humains d’un mode de subsistance fondé sur l’agriculture et l’élevage, en lieu et place de celui fondé sur la chasse et la cueillette. C'est une phase de changements fondamentaux, qui a peu d'équivalents dans l'histoire humaine, et qui a souvent été désignée comme une « révolution néolithique ».

En effet, ce changement économique s'accompagne d'autres évolutions majeures, qui sont pour la plupart ses conséquences. Il va généralement de pair avec l'adoption d'un mode de vie sédentaire, par lequel les groupes humains se fixent en un même lieu, le plus souvent dans un village, et cessent d'être mobiles. Les principales innovations techniques de cette période sont la généralisation de l'outillage en pierre polie, la poterie, le tissage, ainsi que le développement de l'architecture domestique et collective, parfois monumentale. C'est plus largement un nouveau mode de vie qui se met en place avec l'économie agricole, qui change profondément les habitudes des êtres humains. Il implique de nouvelles habitudes alimentaires, de nouveaux travaux physiques, avec diverses conséquences négatives sur le niveau de santé. Les sociétés agricoles connaissent une forte croissance démographique, qui entraîne d'importants mouvements migratoires par lesquels le nouveau mode de vie conquiert de nouveaux territoires. L'adoption de l'agriculture implique aussi la mise en place de nouvelles formes d'organisation sociale et économique, sur le long terme moins égalitaires que par le passé, et s'accompagne d'évolutions dans les mentalités et la religion. L'apparition et la diffusion de l'économie agricole entraînent aussi des grands changements environnementaux, car les humains modifient bien plus profondément les paysages que par le passé, pour aménager leurs zones d'habitat et de culture, et diffusent des espèces végétales et animales en dehors de leurs milieux naturels.

La néolithisation, le fait de changer pour devenir une société néolithique, s'est produite de manière très différente selon les régions. Il n'y a pas une seule manière d'adopter l'économie agricole et ses conséquences ne sont pas partout les mêmes, quoi que le processus présente de nombreuses similitudes là où il se produit, même dans des foyers indépendants les uns des autres. Certaines régions ont inventé l'agriculture après une longue phase d'expérimentation de manipulation des plantes et des animaux, parfois en ayant déjà expérimenté la sédentarisation, alors que d'autres l'ont adoptée de l'extérieur, en général après l'arrivée de « colons » pratiquant l'agriculture et l'élevage, qui apportent les différents éléments du mode de vie néolithique et supplantent avec le temps les chasseurs-cueilleurs. L'agriculture débute au Proche-Orient au IXe millénaire av. J.-C. ou un peu avant dans le Croissant fertile. De là elle atteint les autres parties de l'Asie du sud-ouest, l'Asie centrale, mais aussi l'Europe du sud-est au VIIe millénaire av. J.-C., le reste du continent étant colonisé par des vagues de migrants dans les millénaires qui suivent. Elle gagne aussi l'Afrique du nord-est et se diffuse vers le sud par la vallée du Nil. L'agriculture émerge aussi en Chine dans deux foyers, dans le fleuve Jaune et le cours inférieur du Yangzi, au moins à partir du IXe millénaire av. J.-C., où elle entraîne rapidement des changements sociaux similaires à ceux expérimentés au Proche-Orient. Elle entraîne elle aussi des migrations importantes dans plusieurs directions, qui apportent le mode de vie en Asie du sud-est, en Corée et au Japon, aussi vers l'Océanie. La néolithisation du sous-continent indien semble combiner apports extérieurs et innovations locales, dans plusieurs foyers. D'autres foyers d'invention de l'agriculture sont identifiés en Nouvelle-Guinée (à partir de 7000 av. J.-C.), en Afrique de l'ouest (après 3000 av. J.-C.). La culture des plantes apparaît aussi en plusieurs endroits des Amériques, en premier lieu la Mésoamérique vers 8000 av. J.-C., à la même période dans le nord-ouest de l'Amérique du sud (côtes et montagnes), peut-être aussi en Amazonie, et dans l'est de l'Amérique du nord v. 6000 av. J.-C. Ce continent se caractérise néanmoins par le caractère lent des changements, puisqu'il faut plusieurs millénaires pour qu'apparaissent des économies agricoles à proprement parler.

Le Néolithique, dans son acception traditionnelle, prend fin avec l'apparition de l'âge des métaux, donc la diffusion de la métallurgie du cuivre (période dite Chalcolithique). Néanmoins à l'heure actuelle la métallurgie est vue comme une autre des grandes innovations du Néolithique, et ses conséquences sociales et économiques ne sont pas forcément assez significatives pour considérer qu'il y a un changement de période. Il est de toute manière difficile d'établir une coupure nette, et cela dépend également des régions. Il peut être considéré que le Néolithique prend définitivement fin avec l'émergence de sociétés plus inégalitaires et « complexes » conduisant à l'émergence des premiers États et des premières villes (la « révolution urbaine »), aussi la mise en place d'économies agricoles plus intensives et hiérarchisées, changements qui coïncident à peu près en Eurasie avec l'apparition puis la diffusion de la métallurgie du bronze.

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Grains carbonisés provenant de Mérimdé (Basse Égypte), v. 4500-4000 av. J.-C. Metropolitan Museum of Art.
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Vestiges de la tour de Jéricho (Tell es-Sultan, Palestine), v. 8000 av. J.-C.
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Haches polies découvertes dans le dépôt de Bernon (Arzon, Morbihan).
Ces pièces de grande dimension (15 à 28 cm) datent du Ve millénaire av. J.-C. Certaines sont en fibrolite locale, d'autres sont en roches vertes alpines et ont probablement été obtenues par échange.
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Bassin en terre cuite peinte décor de triangles courbes, produisant un effet de feuilles et fleurs, H 12 cm, D 20 cm. Chine, culture de Yangshao, v. 4000-3500 av. J.-C. Musée national de Chine.
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Définitions et interprétations

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Le concept de « Néolithique »

L'adjectif « néolithique » (du grec νέος / néos, « nouveau », et λίθος / líthos, « pierre ») désigne littéralement l'« âge de la pierre nouvelle ». Ce terme est proposé en 1865 par le préhistorien John Lubbock, qui subdivise l'âge de la pierre en un « âge de la pierre ancienne », taillée, ou « Paléolithique » et un « âge de la pierre nouvelle », polie, ou « Néolithique »[1],[2].

Si la définition initiale est fondée sur une innovation technique, elle cède progressivement la place à une définition socio-économique, reposant sur l'apparition de l'agriculture et de l'élevage grâce à la domestication de certaines plantes et de certains animaux par des groupes humains. Cela marque le passage d'une économie de « prédation » ou de « collecte » de chasseurs-cueilleurs, à une économie de « production » d'agriculteurs-éleveurs. Au Néolithique, les groupes humains n’exploitent plus exclusivement les ressources naturellement disponibles mais commencent à en produire une partie, après avoir domestiqué des plantes et des animaux. La chasse et la cueillette continuent certes souvent à fournir une part substantielle des ressources alimentaires, mais l’agriculture et l’élevage jouent un rôle de plus en plus important, jusqu'à devenir prépondérants. C'est un tournant de première importance dans l'histoire humaine par ses nombreuses conséquences. L'agriculture s'accompagne dans la plupart des cas d'un habitat sédentaire, et son adoption entraîne donc l’abandon progressif de la mobilité des groupes de chasseurs-cueilleurs paléolithiques, ce qui constitue un autre changement majeur. Plus largement, le Néolithique est un nouveau « mode de vie », qui suppose une subsistance et une économie à dominante agricole (avec des plantes et des animaux domestiques), un habitat sédentaire dans des villages et hameaux, des innovations techniques dont la fabrication de céramiques et d'outils en pierre polie, une plus grande spécialisation artisanale, etc. Ces éléments caractéristiques des sociétés néolithiques du Proche-Orient et d'Europe ont pu être regroupés en un « paquet » (package) qui se diffuse et propage la néolithisation, même s'il ne se retrouve pas partout au complet[3],[4],[5]. L'apparition de l'agriculture est donc le point commun de toutes les sociétés néolithiques et de toutes les définitions du Néolithique, mais, suivant les définitions prises par les spécialistes, le périmètre peut être élargi jusqu'à intégrer divers autres éléments techniques et matériels, mais aussi des aspects sociaux, culturels et symboliques (une « domestication » des gens ?)[6].

En fin de compte, le terme « Néolithique » a perdu son sens technique, pour désigner la mise en place, indépendamment dans plusieurs régions du monde, des premières sociétés et économies agricoles[1],[7]. Les spécialistes actuels parlent souvent de « néolithisation », « l’ensemble des processus qui aboutissent à des modes de vie et de subsistance au sein desquels l’agriculture, l’élevage, la sédentarité jouent un rôle majeur[8] », donc le processus qui conduit au Néolithique[9],[6].

Une révolution ?

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Vere Gordon Childe, qui a développé le concept de « révolution néolithique », photographie des années 1930.

Le passage d'une conception technique à une conception socio-économique du Néolithique doit beaucoup aux travaux de l’archéologue australien Vere Gordon Childe, qui promeut et popularise en 1925 l'expression de « révolution néolithique » et propose, principalement à partir de l'exemple du Proche-Orient, une synthèse cohérente d'une influence capitale sur l'interprétation du Néolithique[10],[11]. Ce concept est transposé dans le passé lointain, à partir de celui de révolution industrielle, et ancré dans une vision progressiste de l'histoire humaine : il est marqué par l'émergence de sociétés villageoises productrices de nourriture, succède à la révolution de la domestication du feu et précède la « révolution urbaine » ; il pose donc les conditions pour l'émergence de la « civilisation ». Childe caractérise ce phénomène par plusieurs traits majeurs : culture des plantes, élevage des animaux, qui entraînent une croissance démographique, engendrent des surplus, permettent la sédentarité ; il considère certes ces sociétés comme largement auto-suffisantes, mais admet qu'elles échangent entre elles des biens de luxe ; elles sont en mesure d'entreprendre des travaux collectifs et coopératifs, notamment pour l'agriculture et la sécurité de leurs ressources, en mettant en place des organisations politiques claniques, consolidées par des aspects magiques et religieux ; du point de vue matériel, le Néolithique est selon lui caractérisé par les objets en pierre polie, la céramique, et des instruments de tissage. Ce modèle a été amendé, mais il reste en partie valable lorsqu'il s'agit de déterminer le « package » néolithique évoqué plus haut[12].

Depuis, l'aspect « révolutionnaire » du Néolithique a été discuté[13],[14],[15]. Cette hypothèse d'un changement rapide a été remise en question par les progrès des connaissances sur ces périodes, encore très limités au moment où Childe écrit. Les préhistoriens ont fait le constat d'une évolution plus progressive, sur plusieurs millénaires. Ce n'est pas une invention soudaine, mais un processus long et cumulatif, non linéaire, rencontrant parfois des ralentissements voire des échecs, les cultures néolithiques connaissant des crises et des effondrements. Il est aussi non uniforme car il présente des profils très variés selon les régions. Ce n'est pas non plus un phénomène inéluctable car des sociétés de chasseurs-cueilleurs ont choisi d'autres voies et une partie s'en est tenue à l'écart volontairement, et la vision de ces changements comme un ensemble de progrès positifs menant les humains vers « la » civilisation qu'avait décrit Childe a été relativisée et remise en question. Mais la néolithisation n'en demeure pas moins une rupture fondamentale dans l'histoire humaine, qu'on l'envisage encore les mutations qu'elle apporte comme une « révolution néolithique », par leur importance et en dépit de leur longue durée, ou bien comme une phase de « transition néolithique »[16].

La recherche des causes et des conditions

La question de savoir pourquoi le passage du mode de vie paléolithique au mode de vie néolithique s'est accompli, et ce dans plusieurs foyers indépendants et à peu près contemporains, a fait l'objet de nombreuses discussions. La problématique étant en général envisagée de manière à chercher à comprendre pourquoi les humains abandonnent le mode de vie de chasseurs-cueilleurs qui leur a permis de vivre pendant plusieurs centaines de milliers d'années sans avoir besoin d'en changer[17],[18].

Les théories anciennes considèrent que des facteurs externes, principalement un changement du climat et/ou une croissance démographique, auraient contraint certains groupes humains à adopter l'agriculture pour survivre en développant une méthode plus fiable et régulière d'avoir des aliments. Ces approches ont été contestées par d'autres qui ont plutôt insisté sur des facteurs internes, sociaux, mentaux et religieux, qui auraient poussé les humains à développer l'agriculture. Les opinions actuelles plaident plutôt en faveur d'une combinaison de ces facteurs[19],[20]. Le processus s'inscrit sur une longue période et implique « le climat, la démographie, des décisions économiques rationnelles, des réponses biologiques des plantes et des animaux aux interventions humaines, des opportunités et des tensions sociales, aussi bien qu'une reformulation de la place de l'humanité dans l'univers à travers le rituel et la religion » (M. Zeder et B. Smith)[21].

La coïncidence de l'émergence des différentes domestications en plusieurs points du globe, sans qu'il y ait de lien direct entre celles-ci, sur une période d'en gros cinq millénaires, qui est brève au regard des 300 000 ans d'Homo sapiens, s'explique sans doute en partie par l'évolution des capacités psychiques des humains et incontestablement par le changement des conditions environnementales à l'échelle globale consécutives à la fin de la dernière période glaciaire[22]. Si l'on compare les différents foyers, il semble qu'au moins trois éléments principaux doivent être réunis pour que la néolithisation se produise : un environnement favorable et stable (ni trop abondant, ni trop riche en ressources ; avec des espèces domesticables), un certain niveau technique et économique (une connaissance de la croissance des plantes, des animaux, du stockage, etc.) et enfin la volonté de procéder à des actions qui modifient dans la durée le rapport des humains à l'environnement (et de dominer la nature ?)[23],[24],[25].

Une mauvaise idée ?

Avec le temps s'est imposée l'idée de ne pas considérer que les progrès accomplis durant le Néolithique ne s'accompagnent forcément que de bienfaits pour les humains qui adoptent le nouveau mode de vie. M. Sahlins a ainsi considéré que les chasseurs-cueilleurs avaient des conditions de vie que pourraient leur envier les agriculteurs-éleveurs, notamment un temps de travail plus faible. Les études sur la santé au Néolithique ont identifié plusieurs domaines dans lesquels les conditions des humains se dégradent. L'explosion démographique entraînée par la néolithisation aurait notamment eu pour conséquence une course au progrès technique, une augmentation des inégalités sociales, aussi un essor de la violence. Il est possible d'y voir l'origine de l'« Anthropocène » et de la surexploitation de l'environnement. Faut-il donc voir dans l'invention de l'agriculture un mauvais choix ? Ces visions catastrophistes et culpabilisantes du Néolithique, qui est interprété à la lumière des problèmes du présent, sont tempérées par les spécialistes de la période, qui refusent de se prononcer sur la pertinence du choix d'inventer l'agriculture (qui est un fait passé et irrévocable). Ils considèrent que le Néolithique ne peut être tenu comme responsable de la situation présente, mais fait partie d'une succession de choix sociaux, économiques et politiques qui y ont conduit. Les changements liés à la néolithisation n'ont donc pas fatalement et inéluctablement conduit au présent[26],[27],[28],[29].

La diversité des situations

Les progrès des connaissances sur les différentes sociétés effectuant la transition du mode de vie paléolithique au mode de vie néolithique ont révélé une grande diversité de profils[30],[31].

Si le modèle de la néolithisation du Proche-Orient et de l'Europe sert de référence, il ne s'agit que d'une trajectoire parmi d'autres voies possibles vers la néolithisation. Les autres régions du monde qui ont développé l'agriculture n'ont pas emprunté exactement le même chemin et n'ont pas fait les mêmes choix. Certes le Néolithique chinois ressemble à celui du Proche-Orient avec une chronologie différente (la céramique apparaît avant l'agriculture et la sédentarité), mais les systèmes agricoles des Amériques s'en distinguent en reposant peu sur la domestication des animaux et sur celle d'un grand nombre de plantes ; certaines sociétés néolithisées restent mobiles en pratiquant un nomadisme pastoral et accordant moins d'importance à la culture des plantes ; les pays tropicaux développent des pratiques culturales spécifiques, guidées par leur environnement, reposant sur l'horticulture et la sylviculture ; etc. Le phénomène doit donc être envisagé sous l'angle de la diversité : il y a des néolithisations plutôt qu'une seule néolithisation, et ce concept n'est pas forcément universel. Du reste, la pratique de l'agriculture est dans plusieurs cas dissociée de celle des autres éléments du « package » traditionnel (sédentarité, céramique, pierre polie), voire se limite à une sélection de certaines plantes et animaux domestiqués permettant une forme réduite de production de nourriture, intégrée dans une économie restant largement fondée sur la collecte. Devant ce constat, pour certaines parties du monde il existe des discussions quant à savoir s'il faut ou non utiliser le terme de Néolithique, car les éléments caractérisant ce phénomène au Proche-Orient et en Europe ne sont pas tous réunis, si ce n'est majoritairement absents excepté l'apparition d'une forme de production de nourriture. Si le terme est employé pour la Chine qui présente une évolution similaire à celle du Proche-Orient, dans les Amériques lui est en général préférée une périodisation locale. En Afrique une partie des spécialistes rejette l'usage du concept de néolithisation, car ils jugent qu'il reviendrait à imposer à ce continent un modèle évolutif extérieur et non pertinent[32],[33],[34],[35].

Si on ajoute à cela le fait qu'une partie des sociétés humaines conserve le mode de vie mobile de chasseur-cueilleur (certes de moins en moins au fil du temps), et le pratique sous différentes modalités, l'humanité devient durant les premiers millénaires de l'Holocène bien plus diverse culturellement qu'elle ne l'était par le passé. Les travaux récents ont également conclu sur le fait que la séparation entre les chasseurs-cueilleurs/collecteurs et les agriculteurs-éleveurs ne sont pas aussi tranchées qu'on ne l'envisage souvent, notamment par l'identification de sociétés pratiquant une agriculture ou une horticulture de complément tout en conservant une subsistance reposant essentiellement sur la collecte, et sans forcément être sédentaires, ou encore l'identification de sociétés sédentarisées et novatrices techniquement (céramique, stockage) mais qui ne pratiquent pas l'agriculture (parfois par choix). Cela appelle donc à revoir ce qui est considéré comme néolithique et ce qui ne l'est pas, les limites entre les deux étant floues. Cela donne aussi une grande importance aux questions sur la diffusion et l'adoption du mode de vie néolithique, ou du moins d'éléments de celui-ci, par les chasseurs-cueilleurs qui entrent en contact avec des paysans, ou à l'inverse le refus de celui-ci (des « résistances »). Là encore les situations et les modalités sont très variées[36],[37],[38].

Les progrès des connaissances sur la néolithisation des différentes parties du monde ont révélé des contre-exemples au modèle traditionnel, des situations régionales très variées, parfois même dans des lieux voisins, donc la grande complexité du phénomène désigné comme la néolithisation. Au point de rendre les généralisations difficiles si ce n'est impossibles : « Le « Néolithique » est devenu une période tellement longue et tellement de choses se passent à des moments différents, à des rythmes différents et de différentes manières localement, que toute tentative de construire un grand récit semble vouée à l’échec » (I. Hodder)[39].

Bornes chronologiques

Reflet de cette variété, les limites chronologiques du Néolithique varient selon les régions (au moins celles où l'emploi de ce terme est couramment admis).

Le début du phénomène de néolithisation coïncide avec le développement de l'agriculture, donc la domestication des plantes et des animaux. Cela est difficile à dater avec précision, d'autant plus que c'est précédé par une longue phase de manipulations conduisant à la domestication, qui peut être inclue dans l'étude du Néolithique[40]. En tout cas ce début survient plus tôt au Proche-Orient. Il succède à des phases de transitions, marquant la fin du Paléolithique, appelées Mésolithique (l'« âge de la pierre médian ») et/ou Épipaléolithique (« après le Paléolithique ») en Eurasie[41],[42],[43].

La fin de la période varie également selon les endroits : le début de la métallurgie marque traditionnellement le passage de l'« âge de la pierre » à l'« âge du métal », même si en pratique les changements sociaux ne sont pas toujours manifestes. En Europe et au Moyen-Orient, on parle de période Chalcolithique, un « âge du cuivre et de la pierre »[44], qui peut être considérée en Europe comme une phase finale du Néolithique et étudiée avec, la véritable rupture étant la « révolution urbaine »[40]. Dans le monde indien le Chalcolithique est souvent intégré dans la même phase que le Néolithique, et cette période peut être prolongée jusqu'au début de l'âge du fer en l'absence d'un âge du bronze clairement défini[41]. En Chine, la fin du Néolithique coïncide avec le début de l'âge du bronze, qui est aussi le moment où s'enclenche le processus de formation des premiers États archaïques[45].

Périodisations pour les principales régions couramment considérées comme ayant une période néolithique à proprement parler :

  • Proche-Orient (régions du « Croissant fertile ») : Néolithique précéramique A v. 9600-8800 av. J.-C. ; Néolithique précéramique B v. 8800-6500 ; Néolithique céramique v. 6500-6000 (date de fin imprécise)[46] ; avec au Levant méridional parfois l'ajout d'un Néolithique précéramique C v. 6600-6250, et un Néolithique céramique plus long jusqu'au début du Ve millénaire av. J.-C.[47] ;
  • Europe : décalages selon les régions, avec au plus large un début v. 7000 au sud-est du continent et une fin après 2000 av. J.-C. au nord[48], ou de façon plus restreinte 6500-2500 av. J.-C., les découpages chronologiques internes étant généralement faits en fonction des cultures à une échelle régionale[49].
  • Chine (fleuve Jaune et Yangzi) : Néolithique ancien v. 7000-5000 av. J.-C. ; Néolithique moyen v. 5000-3000 av. J.-C. ; Néolithique récent v. 3000-2000 av. J.-C.[50].
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Contexte et antécédents

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Changements du climat et de l’environnement

Le Néolithique survient après la fin d'une période glaciaire, durant une période de réchauffement du climat terrestre (interglaciaire) qui marque la fin du Pléistocène et le début de l'Holocène, dont le début est situé vers 10000 av. J.-C., et qui est toujours en cours. Avant cela, le dernier maximum glaciaire, la période la plus froide du dernier âge glaciaire, avait pris place sur la période 21000-15500 av. J.-C., durant laquelle d'immenses étendues de glaciers se sont formées sur le nord de l'Europe et de l'Amérique, causant une aridification du climat, avec une extension des déserts et une forte baisse du niveau des mers (jusqu'à -100 mètres par rapport aux niveaux modernes). Le réchauffement, qui débute vers 18000 av. J.-C., est irrégulier : vers 13000-11000 av. J.-C. la phase (interstade) appelée Bølling-Allerød en Europe est marquée par des températures voisinant celles de l'époque moderne, mais un refroidissement survient ensuite, durant le Dryas récent (v. 11000-10000 av. J.-C.). Puis un réchauffement très rapide survient après 10000 av. J.-C. (autour de 9600 av. J.-C.), marquant le début de l'Holocène[51].

Les premiers millénaires de l'Holocène sont donc marqués par des changements environnementaux liés au réchauffement du climat (qui atteint les niveaux actuels vers 9000 av. J.-C.). La fonte des glaces se produit, certes à un rythme lent, ayant pour conséquence une remontée du niveau des mers sur plusieurs millénaires (transgression flandrienne) et donc une diminution des surfaces émergées, le phénomène étant complexifié dans les hautes latitudes par une remontée de la surface terrestre en raison de la fonte des glaciers (isostasie) qui fait que le niveau des mers connaît ensuite une légère régression. Le tracé des côtes est à peu près stabilisé vers 3000 av. J.-C. Cela entraîne d'importants changements géographiques. La remontée du niveau des mers isole du continent et sépare les îles orientales de l'actuelle Asie du sud-est insulaire (Sumatra, Java, Bornéo), celles de l'archipel japonais, de Grande Bretagne, etc., renfloue le détroit de Béring, le golfe Persique et la mer Baltique, etc. La hausse des températures et l'humidification du climat bouleverse les milieux végétaux : la forêt boréale (taïga) de pins, de peupliers et de bouleaux est repoussée plus au nord et remplacée par la forêt tempérée de chênes, de hêtres et d'ormes, la zone de convergence intertropicale remonte plus au nord et déplace des zones à saisons abondamment pluvieuses (moussons), ce qui entraîne notamment un climat plus humide au Sahara (Sahara vert). Du point de vue de la faune, cette période est marquée par l'extinction du Quaternaire, qui voit la disparition des grands mammifères, la « mégafaune » caractéristique du Pléistocène récent (mammouth, mastodonte, rhinocéros laineux, cerf géant, tigre à dents de sabre, etc.). Les évolutions de l'environnement sont manifestement une des causes de ces disparitions, mais la chasse humaine est aussi un facteur qui a dû jouer[52].

Les sociétés de la fin du Paléolithique

Au niveau des sociétés humaines, les changements sociaux et économiques s'accélèrent durant les périodes de la fin du Paléolithique, correspondant au Paléolithique supérieur ainsi qu'au Mésolithique et à l'Épipaléolithique en Eurasie (v. 35/30000-7000 av. J.-C. au plus large). C'est en bonne partie lié aux évolutions climatiques, mais pas seulement car les évolutions se décèlent dès les derniers millénaires de l'âge glaciaire. Dans plusieurs régions du monde sont identifiées des sociétés de collecteurs mobiles organisés en bandes qui mettent en place diverses méthodes collectives afin d'intensifier et de diversifier leurs moyens de subsistance, qu'il s'agisse de la chasse, de la cueillette ou de la pêche (à large spectre ou plus sélectives), aussi des méthodes de gestion (management) plus intentionnelle de ces ressources, qui peuvent être vues comme des préludes des domestications des plantes et des animaux (même si celles-ci ne doivent pas être considérées comme inéluctables). Cette dernière commence assurément à cette époque par la domestication du chien. L'essor de la consommation de plantes à graines, notamment les céréales et les légumineuses, se repère par le développement du matériel de broyage et celui des dispositifs de stockage permettant de différer leur consommation. Quelques régions du monde développent les premières céramiques, qui facilitent la consommation de ces denrées : Chine vers 18000, Japon vers 14000, Afrique occidentale vers 10000. Le développement de la pierre polie permet de réaliser des lames de hache et de herminette qui facilitent le travail de défrichement. Les lames de silex de plus en plus fines, les microlithes, permettent de réaliser des pointes de flèches qui apportent des changements importants aux stratégies de chasse (plus individuelles ?) et des lames de faucilles permettant de récolter plus aisément des plantes. Apparaissent aussi les pirogues, les nasses et filets de pêche. L'intensification de l'exploitation des milieux s'accompagne d'une réduction de la mobilité, et même de premières formes de sédentarités en certains endroits (au Proche-Orient natoufien vers 12000, peut-être dans le Gravettien d'Europe orientale vers 18000-14000), avec aussi le développement de nécropoles et d'inhumations témoignant d'évolutions mentales[53],[54],[55],[56],[57],[58],[59].

Cela renvoie à la question des racines du Néolithique et des conditions nécessaires pour que le processus s'enclenche. Bien des sociétés ont en effet disposé du bagage technique et culturel nécessaire sans pour autant développer une agriculture. Pour l'Europe et le Proche-Orient de la fin du Paléolithique, le principal frein pourrait avoir été le climat défavorable, ce qui explique les nombreux soubresauts du développement de ces sociétés (des échecs de néolithisation ?), avant que l'amélioration des conditions qui a lieu au Xe millénaire av. J.-C. ne permette les débuts de l'agriculture au Levant[60]. Dans d'autres parties du monde, il faudrait plutôt regarder du côté de l'immatériel, de la pensée et des choix, comme au Japon de Jomon où toutes les conditions matérielles étaient réunies pour aboutir au développement d'une agriculture à proprement parler, sans qu'il ne soit survenu car d'autres méthodes de subsistance ont été élaborées[61].

Un phénomène majeur de ces millénaires est la colonisation du continent américain, jusqu'alors vide d'humains. Le détroit de Béring est à sec au moins sur plusieurs périodes d'environ 32000 à 10000 avant notre ère, ce qui permet le passage de groupes humains mais les conditions climatiques sont sans doute peu propices la plupart du temps en raison du climat très froid. La date d'entrée des premiers d'entre eux en Amérique est débattue : on trouve déjà une occupation humaine à Monte Verde au Chili vers 12600 av. J.-C., donc les humains sont déjà arrivés sur le continent à ce moment-là, peut-être dès 20000 av. J.-C. (ou plus tôt). Il s'agit de sociétés de chasseurs-cueilleurs, mais leurs stratégies de subsistance restent encore mal connues et débattues, notamment dans la culture de Clovis qui occupe l'Amérique du nord. La diversification culturelle est rapide, les plantes des différents milieux occupés sont abondamment exploitées, ainsi que les animaux, même si le rôle de ces groupes dans l'extinction de la mégafaune américaine est discuté. À la fin de l'ère glaciaire, les différents milieux habitables du continent américain sont occupés par des groupes humains, encore très limités en nombre, qui se sont habitués à leurs ressources. Cette phase d'adaptation a posé les bases des premières domestications. Le début de l'Holocène favorise leur essor démographique, visible après 10000 av. J.-C.[62],[63].

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Les néolithisations dans le Monde

Résumé
Contexte

Le passage du Paléolithique au Néolithique s'effectue dans d'autres régions du monde durant le début de l'Holocène (v. 10000-7000 av. J.-C.) et aussi le milieu de l'Holocène (v. 5000-2000 av. J.-C.)[17] : au moins 11 de ces foyers de domestications « primaires » ou « originaux » ont été identifiés[17], mais en admettant l'existence de foyers mineurs il pourrait y en avoir une vingtaine[64].

Puis des foyers secondaires et des fronts de néolithisation émergent, dans un vaste mouvement global d'expansion du mode de vie néolithique, qui gagne la majeure partie de la planète. Cela réduit progressivement l'espace occupé par les chasseurs-cueilleurs, qui sont repoussés partout où ils rentrent en contact avec les sociétés néolithisées. La diffusion de ce dernier se fait suivant plusieurs modalités, le plus souvent enclenchée par des migrations de groupes d'agriculteurs-éleveurs s'implantant sur de nouveaux territoires favorables à l'agriculture (une « colonisation ») et entrant en contact avec des chasseurs-cueilleurs qui dans la plupart des cas finissent par disparaître. Dans certains cas il y a assimilation des seconds par les premiers, entraînant leur absorption ; le phénomène peut se faire dans la violence. Dans d'autres, il y a une acculturation par une coexistence prolongée, qui aboutit à l'adoption du mode de vie néolithique[65],[66].

En tout cas les chemins conduisant à la mise en place de sociétés et d'économies néolithiques sont divers et irréguliers. Le processus n'est pas strictement linéaire, car il y a aussi des ralentissements de la progression voire des reculs temporaires du mode de vie néolithique (y compris des « effondrements » de cultures), avec parfois des retours à un mode de vie plus mobile et moins agricole[67]. Sont aussi attestés quelques cas de refus voire de fuite de chasseurs-cueilleurs, qui choisissent de préserver leur mode de vie. Le processus n'est pas non plus uniforme. Le modèle proche-oriental avec son « package » caractéristique reposant sur l'agriculture céréalière, l'élevage d'ongulés, la vie villageoise et la céramique, ensuite diffusé en Europe, ne se retrouve pas tel quel ailleurs, même si de nombreux points communs sont attestés. Les dispersions du mode de vie néolithique présentent des profils variés, qui peuvent se faire par des adoptions limitées à certains éléments, ou dans un ordre chronologique différent. Les approches du phénomène à grande échelle peuvent être contrebalancées par d'autres à une échelle locale, qui révèlent une grande quantité d'ajustements, aboutissant à une « mosaïque » de modes de subsistance dérivant de l'adoption de l'agriculture[68]. Les comparaisons des néolithisations à l'échelle mondiale devraient permettre de mieux identifier ces variations[69].

Proche-Orient / Asie du sud-ouest

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Localisation des principaux ensembles géographiques du Néolithique du Proche-Orient (v. 10000-5500 av. J.-C.).
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Localisation des foyers identifiés pour les domestications des céréales au Proche-Orient : agriculture pré-domestique (italique) et domestications morphologiques (droit).

Le Proche-Orient est entendu dans les études sur le Néolithique comme une région allant de la mer Méditerranée jusqu'au Zagros, de la mer Rouge et du golfe Persique jusqu'aux monts Taurus[70]. On y trouve notamment le « Croissant fertile », qui dans son acception actuelle est un espace biogéographique qui s'étend en gros sur le Levant et les versants et piémonts du Taurus et du Zagros, zone écologique qui comprend les plantes et animaux sauvages à l'origine des premières espèces domestiquées[71]. Les régions voisines d'Asie du sud-ouest participent à des degrés et rythmes divers au processus de néolithisation, souvent sous l'influence des précédentes.

La néolithisation du Proche-Orient

Les sociétés de chasseurs-cueilleurs de l'Epipaléolithique (v. 22/21000-9600 av. J.-C.), période qui marque la fin du Paléolithique au Proche-Orient, modifient leur mode de vie de manière importante : l'arc permet une chasse plus diversifiée, tournée vers du petit gibier et les gazelles ; la cueillette est à large spectre mais intègre de plus en plus les céréales et les légumineuses, transformées à l'aide d'outils en pierre polie (meules, pilons, mortiers) et stockées ; la mobilité des groupes se réduit, sans doute en profitant de l'amélioration du climat qui permet de disposer de plus de ressources sur un territoire plus réduit (à Ohalo II dès v. 20000 av. J.-C.). La sédentarité apparaît finalement au Levant méridional durant la période Natoufienne ancienne (v. 1300-11600 av. J.-C.), où elle se réduit néanmoins en raison du refroidissement du climat sur la période suivante, mais connaît un développement plus au nord (Abu Hureyra, Mureybet, Körtik Tepe). C'est aussi au Natoufien que la domestication du chien est attestée dans la région. En revanche on ne sait pas s'il y a déjà des tentatives de culture des plantes[72],[73].

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Maquette d'un village du Néolithique précéramique : le site de Nevalı Çori (Anatolie du sud-est). Musée archéologique de Şanlıurfa.

Le début de la néolithisation du Proche-Orient se produit durant la phase Néolithique dite précéramique, parce que la poterie n'y est pas encore connue. La première phase, le Néolithique précéramique A (PPNA, v. 9600-8800) voit un essor des établissements permanents dans le Croissant fertile. Le dynamisme des sociétés semble plus prononcé entre la région du Moyen-Euphrate, où apparaissent d'importants villages comme Jerf el Ahmar, et dans le sud-est anatolien où sont identifiés des sites monumentaux rituels caractérisés par des piliers en "T", dont le mieux connu est Göbekli Tepe[74],[75]. C'est de cette période qu'est daté le développement de l'agriculture, sous une forme « pré-domestique » puisque les espèces n'ont pas encore évolué : cela concerne l'orge, le blé, l'engrain, les lentilles, les vesces, et d'autres légumineuses. Celui-ci se localise dans plusieurs régions : principalement sur les sites du Moyen-Euphrate et du sud-est anatolien, mais aussi au Levant méridional et bien plus à l'est dans le Zagros[76].

Le Néolithique précéramique B (PPNB, v. 8800-7000/6500 av. J.-C.) voit la conclusion du processus de domestication : des céréales (orge, blé, engrain) et des légumineuses (lentilles, vesces, fèves, petit-pois, pois-chiche), ainsi que le lin, sont domestiqués, ainsi que des animaux ongulés (mouton, chèvre, bœuf, porc)[76]. Vers 8500-8000 les espèces de base de l'économie agricole proche-orientale sont domestiqués et commencent à se diffuser dans toute la région, y compris à Chypre et en Anatolie centrale. La vie villageoise s'est consolidée, appuyée par une croissance démographique : d'importants sites d'habitat se sont constitués en plusieurs régions (notamment les « méga-sites » du Levant méridional comme Aïn Ghazal), avec une architecture structurée, aussi bien pour des usages domestiques que communautaires et rituels. Des réseaux d'échange ont été tissées sur des distances plus grandes. La céramique apparaît dans les villages du Proche-Orient autour de 7000 av. J.-C. Des pratiques funéraires et rituelles spécifiques se développent (culte des crânes, statues d'Ain Ghazal). Malgré une potentielle période de crise à la fin de la période, le système est suffisamment solide pour reprendre de plus belle par la suite et poursuivre son expansion, mais de manière plus diversifiée culturellement. Les chasseurs-cueilleurs ont alors été cantonnés aux marges arides (Sinaï, désert syro-arabique), où sont attestés des campements saisonniers et des dispositifs de chasse à grande échelle (desert kites)[77],[78].

Le Néolithique céramique au Levant

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Poterie du Yarmoukien, provenant de Shaar-Hagolan.

L'apparition et la diffusion de la céramique s'accompagne d'une régionalisation culturelle plus prononcée, marquée par des cultures dont le nom dérive d'un site et identifiées par un répertoire céramique particulier. En Mésopotamie du Nord, le « Proto-Hassuna » (v. 7000-6500 av. J.-C.) puis la culture de Hassuna (v. 6500-6000 av. J.-C.)[79]. La culture de Halaf (v. 6200-5200 av. J.-C.) qui s'étend de l'Anatolie du sud-est jusqu'au Zagros, voit un essor agricole, le développement des techniques agricoles ainsi que d'instruments d'administration (sceaux) : la complexification sociale accrue fait que cette période peut aussi être considérée comme un Chalcolithique ancien[80],[81]. Le Levant méridional reste non céramique pendant la période qui va de 7000 à 6400 av. J.-C. qui y est définie comme un Néolithique précéramique C. Ensuite se développent des cultures à céramique, en particulier le Yarmoukien (v. 6400-5800 av. J.-C.), dont le site-type est Sha'ar Hagolan, qui a livré de grandes résidences, et de nombreuses figurines féminines en argile[82].

Anatolie

L'Anatolie centrale connaît un développement important à la même époque, dont la manifestation la plus spectaculaire est le vaste site de Çatal Höyük (v. 7100-6000), où des nombreuses résidences remarquablement conservées ont été fouillées. Elles ont notamment fourni d'importants éléments sur la vie culturelle et religieuse de l'époque[83]. Le Néolithique céramique voit plus généralement le triomphe du mode de vie néolithique en Anatolie, par sa diffusion vers de nouvelles régions, notamment vers l'ouest par lequel il va gagner le continent européen[84].

Chypre

La situation de Chypre est atypique, puisque l'île n'est apparemment par peuplée avant l'Épipaléolithique final, mais connaît au PPNA des visites régulières par des populations venues du continent, dont une partie s'installe sur l'île et y pratique un mode de vie de chasseurs-cueilleurs. Les trouvailles sur les des sites du PPNB (Shillourokambos surtout, aussi Myloutkhia, Akanthou) indiquent que l'île connaît vers 8500 av. J.-C. une vague de colonisation depuis le Levant nord qui y apporte le « package » néolithique, alors encore non finalisé, avec les plantes et animaux domestiqués « fondateurs », encore morphologiquement sauvages, ainsi que des chats. Plus surprenante est l'introduction du daim, ce qui a laissé penser que certains des autres animaux sont emmenés sur l'île alors qu'ils ne sont pas totalement domestiqués, mais juste contrôlés. L'île n'adopte pas la céramique en même temps que le continent, car elle est absente des sites de la culture de Choirokoitia (VIIe millénaire av. J.-C.), qui voit l'essor des sociétés paysannes. Elle apparaît après 5500, durant la culture de Sothira, qui correspond à un Néolithique tardif[85].

Plateau iranien

Le plateau Iranien comprend un des foyers primaires de néolithisation dans le Zagros occidental (chèvre, peut-être l'orge), mais les sites néolithiques du Zagros qui sont connus disposent plutôt d'un package déjà constitué plutôt qu'en cours de constitution, ce qui y plaide en faveur d'une diffusion, laquelle est à tout le moins évidente pour les régions situées plus à l'est. L'expansion néolithique dans le bassin du lac d'Ourmia ou le Fars est de longue date associée à des migrations depuis l'ouest. En fait l'analyse de ces régions est complexifiée par le fait que peu de choses sont connues des groupes de chasseurs-cueilleurs précédant la néolithisation. Les communautés d'agriculteurs-éleveurs semblent se disperser en occupant les niches écologiques les plus favorables au développement de l'agriculture, comme les cônes alluviaux, parfois très éloignés les uns des autres, et leur mode de vie semble plus qu'ailleurs être encore marqué par les pratiques de collecte[86].

Sud du Caucase

Le sud du Caucase est situé au contact des régions du Taurus et du Zagros, et son épipaléolithique présente des affinités avec celles de ces dernières. Après un hiatus d'un millénaire et demi, c'est au Néolithique tardif, au VIe millénaire av. J.-C., que les traits du mode de vie néolithique apparaissent dans la région, avec le complexe culturel Aratashen-Shulaveri-Shomutepe qui se développe dans la vallée de la Koura et aussi de l'Araxe (Géorgie et Arménie actuelles). Ces sociétés semblent peu sédentarisées, disposent d'animaux domestiques, cultivent les céréales et fabriquent des poteries aux phases récentes. Des originalités locales sont attestées, comme l'importance du froment[87].

Plaine mésopotamienne

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Coupe peinte de la période de Samarra (Irak central) : échassiers pêchant des poissons, autour d'une swastika, v. 6200-5800 av. J.-C. Pergamon Museum.

Dans la plaine alluviale de Mésopotamie, où le Néolithique initial est peu documenté, la période de Samarra qui s'épanouit dans la région centrale (v. 6200-5700 av. J.-C.) est marquée par le début de l'agriculture irriguée et une complexification sociale, accompagnée d'une production de poterie peinte de qualité. Le néolithique du sud mésopotamien échappe largement à la documentation, car la région a été affectée par d'importants changements, notamment liés au fait que le golfe Persique était à sec durant la dernière ère glaciaire et que sa remontée des eaux a poussé le rivage plus haut que de nos jours. Cette région de delta est alors plus humide que par la suite, ce qui donne une place importante à l'exploitation des ressources aquatiques aux côtés de l'agriculture et de l'élevage. Le plus ancien site connu dans le Sud mésopotamien est Tell el-Oueili, qui est habité à partir de la fin du VIIe millénaire av. J.-C., et dispose d'une architecture déjà très élaborée et d'une agriculture irriguée. Cela marque le début de la culture d'Obeid (v. 6200-3900), qui s'épanouit au Chalcolithique. Sur ces bases, la Mésopotamie entame un développement qui la conduit à être un des foyers de la « révolution urbaine »[88].

Péninsule arabique

La néolithisation de la péninsule Arabique semble s'être faite dans la seconde moitié du VIIe millénaire av. J.-C. par des groupes nomades pratiquant l'élevage caprin. Les industries lithiques de type « Qatar B » ont de fortes affinités avec celles du PPNB du Levant, et se retrouvent comme leur nom l'indique au Qatar et dans la partie orientale de la péninsule, mais aussi dans sa partie centrale et au nord, donc au contact du Proche-Orient. Au millénaire suivant, l'élevage s'est généralisé à toutes les parties de la péninsule, mais ici la culture des plantes ne se développe pas avant le début de l'âge du Bronze, à partir de la fin du IVe millénaire av. J.-C., les stratégies de subsistance continuant à reposer beaucoup sur la collecte (notamment la pêche dans les régions côtières). De même la céramique ne se diffuse que tardivement[89].

Europe

La néolithisation de l'Europe

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Expansion néolithique de la culture de la céramique cardiale et de la culture rubanée en Europe d'après l'archéologie

Le début de l'Holocène de l'Europe correspond à la période dite Mésolithique, qui contrairement à ce que son nom implique ne doit pas être simplement vue comme une transition entre le Paléolithique et le Néolithique. Profitant d'un climat plus chaud et humide qui libère de grands espaces des glaces et voit la forêt couvrir une grande partie du continent, avec une nouvelle faune, les groupes humains adoptent de nouvelles pratiques de subsistance. C'est notamment le cas dans les espaces littoraux ou lacustres où les ressources aquatiques sont abondamment exploitées, certaines communautés réduisant beaucoup leur mobilité. Cette dynamique est interrompue par l'irruption de « colons » néolithiques depuis le Proche-Orient[90].

La néolithisation de l'Europe se produit en effet par l'introduction depuis le Proche-Orient de l'agriculture, de l'élevage et des autres éléments du mode de vie néolithique élaboré dans ce foyer (principalement la sédentarité et la poterie). Les études génétiques ont démontré que cette diffusion se fait par la migration d'agriculteurs-éleveurs depuis l'Anatolie, qui apportent avec eux le mode de vie néolithique. Ce processus de « colonisation » se fait à partir de la seconde moitié du VIIe millénaire av. J.-C. en partant de la Grèce et des Balkans, suivant deux voies principales ayant chacune leurs spécificités, aboutissant à la diffusion du modèle agro-pastoral dans la majeure partie de l'Europe autour de 4000 av. J.-C. :

  • Le long des côtes septentrionales de la Méditerranée, un mouvement que de 6100 à 5600 av. J.-C. colonise le monde égéen, l'Adriatique, l’Italie, la France méridionale puis la péninsule Ibérique et le nord du Maghreb. Il est constitué de communautés identifiées par leur céramique imprimée ou cardiale, qui progressent par petits groupes se déplaçant sur par la mer.
  • Par l'intérieur du continent, d'abord en s'implantant dans les Balkans autour de 6100 av. J.-C., avant de s'étendre sur 5500-5000 en direction de l'Ukraine, de l'Allemagne, de la Belgique et de la moitié nord de la France. Ce courant est caractérisé par sa céramique « rubanée » (Linearbandkeramik, ou LBK). Par la suite les îles Britanniques et les rives de la mer Noire et de la mer Baltique sont à leur tour colonisées[91],[92].

Ces vagues de colonisation ont pour point commun de progresser de manière « arythmique » (selon l'expression de J. Guilaine), avec des périodes d'arrêt (notamment pour s'adapter aux nouveaux environnements) avant de nouveaux départs. Elles impliquent des phases de repérage, identifiant les endroits les plus propices à une implantations. Les agriculteurs cherchant les lieux les plus favorables au développement de leur agriculture, modifient les milieux en défrichant et en aménageant les paysages, en implantant de nouvelles espèces domestiquées. Les raisons derrière leurs déplacement répétés sont discutées : elles connaissent une croissance démographique rapide qui pourrait avoir poussé une partie du groupe à chercher à gagner de nouvelles terres ; des tensions politiques voire des violences ont pu entraîner des scissions régulières des groupes devenus trop importants en nombre. Se forme ainsi une mosaïque de communautés néolithiques évoluant pendant un temps au contact de chasseur-cueilleurs[91]. Comme ailleurs, la diversité est de mise dans ce mouvement de néolithisation, et l'essor des études locales a fait voler en éclat l'impression de simplicité voire d'uniformité qui pouvait ressortir des modèles plus anciens, au point de rendre les généralisations à l'échelle européenne de moins en moins tenables[93].

Si ces communautés se reposent principalement sur les plantes et animaux domestiqués au Proche-Orient et adaptés aux conditions environnementales européennes, deux domestications se produisent en Europe néolithique : le pavot somnifère en Europe occidentale méditerranéenne v. 5500-5000[94] ; l'avoine en Europe centrale au plus tard v. 2000 av. J.-C., après avoir été une plante adventice poussant spontanément avec les premières céréales domestiquées[95].

L'Europe du sud-est

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La grotte Franchthi (Argolide), qui a livré d'importants témoignages sur le début du Néolithique en Grèce.

En Grèce, les groupes de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs mésolithiques laissent la place aux colons agriculteurs-éleveurs, qui y transportent le mode de vie néolithique à partir de v. 7000-6500 et sont notamment implantés dans la plaine fertile de Thessalie et en Crète, aussi en Argolide (grotte Franchthi). D'importantes bourgades sont constituées par la suite (Sésklo et Dimini en Thessalie, Knossos en Crète), les phases récentes du Néolithique voyant une croissance du peuplement dans les îles égéennes et un développement des échanges. Le Néolithique laisse la place vers 3300/3200 aux cultures de l'âge du Bronze égéen[96].

Après 6500 av. J.-C., d'autres implantations se font en Thrace et dans les Balkans, où apparaissent des « tells » constitués par plusieurs générations des constructions en terre. Au VIe millénaire av. J.-C., ces communautés connaissent une croissance démographique forte et progressent jusqu'au cours inférieur du Danube, d'où elles peuvent progresser plus loin[97]. Le nord des Balkans est investi par des paysans dès les alentours de 6200, des cultures néolithiques se mettent en place (culture de Starčevo, culture de Vinča), alors que la dynamique culture mésolithique de Lepenski Vir est absorbée dès le milieu du Ve millénaire av. J.-C.[98]. Dans les périodes suivantes, les modalités de peuplement se diversifient, avec l'apparition de fermes dispersées dans une grande partie de cette région, mais aussi l'émergence de grands sites d'habitats, visibles dans la culture de culture de Cucuteni-Trypillia en Roumanie et en Ukraine au IVe millénaire av. J.-C., où apparaissent des agglomérations de plusieurs milliers d'habitants (des villes ?)[99]. La complexification des sociétés dans les dernières phases du Néolithique et le début du Chalcolithique se voit aussi au Ve millénaire av. J.-C. dans la nécropole de Varna (Bulgarie), qui a livré des tombes riches en objets en métal et en cuivre, témoignant du développement de la métallurgie et des inégalités sociales. L'exploitation des mines est devenue une source de richesses, en plus de l'exploitation des terres agricoles les plus fertiles[100].

Europe méditerranéenne

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Vestiges du site de Los Millares (Andalousie).

Les régions européennes de la Méditerranée centrale et occidentale sont colonisées par les groupes caractérisés par la céramique imprimée (Impressa) puis cardiale (décorée par des empreintes laissées avec des coquilles de cardium). Ceux-ci se déplacement par petits groupes, sur des embarcations leur permettant de transporter aussi des plantes, des animaux et du matériel. Ils interagissent apparemment souvent avec les communautés de chasseurs-cueilleurs qu'ils rencontrent. Ils occupent aussi des îles, y compris les plus petites comme Malte, Lampedusa et Lipari, jusqu'alors vides d'humains. Le climat méditerranéen étant similaire à celui du Proche-Orient, il n'y a pas besoin de temps d'adaptation pour l'introduction des espèces domestiques, même si l'élevage favorise avec le temps les moutons et les chèvres. Les lieux d'habitats sont mal connus et semblent hétérogènes, implantés dans des enclaves agricoles qui témoignent de l'expansion démographique dans ces régions[101],[91]. Dans la péninsule ibérique l'essor est rapide après les premières implantations, sur la période 5600-5300, mais autour de 5150 il semble qu'il y ait une baisse démographique, peut-être liée à une surexploitation et à une économie encore instable[102]. La diversification régionale est de mise par la suite : la France se couvre au Néolithique moyen de la culture chasséenne (v. 4300-3300), caractérisée par sa céramique et des sites disposant de grandes enceintes[103] ; l'Italie est divisée en différentes aires culturelles[104]. Les dernières phases du Néolithique et le Chalcolithique sont marqués comme ailleurs par un essor des grands habitats (Los Millares et Valencina de la Concepcion en Andalousie) et l'apparition de la métallurgie du cuivre[105]. Puis au IIIe millénaire av. J.-C. les régions occidentales sont concernées par la culture campaniforme[106].

Europe centrale

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Reconstitution d'une maison de l'ère rubanée du site de Neustadt an der Donau (Allemagne).

L'Europe centrale est peuplée depuis les Balkans, en remontant le Danube (on parle de « courant danubien ») par les colons appartenant à la culture de la céramique rubanée (qui doit son nom à l'aspect de leur décor), qui se développe au milieu du VIe millénaire av. J.-C., notamment en Hongrie occidentale. Elle s'étend à l'ouest jusqu'à la vallée du Rhin et au Bassin parisien, et à l'est jusqu'en Moldavie et en Ukraine. En plus de leur céramique, les sites de cette période sont caractérisés par des villages établis de préférence le long de cours d'eau, constitués de grandes maisons allongées supportées par de gros poteaux, des sépultures individuelles parfois groupées en cimetières, avec des types d'outils en pierre polie spécifiques. L'introduction des espèces domestiquées dans ces régions au climat plus froid nécessite des temps d'accoutumance des plantes, et aussi une orientation plus prononcée vers l'élevage bovin. Avec le temps, les groupes mésolithiques rencontrés sont absorbés. Il y a des traces de violences (fosse de Talheim), mais rien n'indique qu'elles soient dirigées spécifiquement contre des chasseurs-cueilleurs[101],[107],[91]. Après 5000, la culture de ces régions se diversifie, ce qui ressort notamment dans les répertoires de céramiques. La culture des gobelets à col en entonnoir (Trichterbecherkultur) se développe ainsi en Europe du centre et du nord sur la période 4200-2800, et voit l'apparition de la métallurgie du cuivre[108]. Au IIIe millénaire av. J.-C., une grande partie de la région est touchée par l'expansion de la culture de la céramique cordée, originaire des steppes orientales et couramment vue comme l'introduction des langues indo-européennes en Europe (les « Yamnaya »)[109].

Europe du nord

L'Europe du nord est néolithisée plus tardivement que les autres parties du continent, au IIIe millénaire av. J.-C. Elle est jusqu'alors occupée par des cultures de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs mésolithiques, dont celle d'Ertebølle-Ellerbek dans le sud de la Scandinavie (notamment au Danemark), qui atteint un degré de complexité avancé et réalise des échanges avec des groupes de la culture rubanée située au sud. Après 4000 elle est remplacée par un culture néolithique dérivée de celle des gobelets à col en entonnoir, portée par des colons, ce qui entraîne un essor de l'agriculture, même si la pêche reste une activité importante dans la subsistance. En revanche sur les rives orientales de la Baltique les groupes mésolithiques adoptent des éléments du package néolithique, les céramiques et les outils en pierre polie, mais pas ou très peu l'agriculture. Ces régions sont également concernées au IIIe millénaire av. J.-C. par l'essor de la culture de la céramique cordée[110].

Europe atlantique

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L'enceinte de Stonehenge (Angleterre).

La façade atlantique de l'Europe, de l’Écosse au Portugal, est une autre région où on prospéré des communautés mésolithiques complexes, avant d'être progressivement absorbées par des colons néolithiques. Les rythmes sont différents car les vagues de colonisation impliquées ne sont pas les mêmes : le Portugal commence sa néolithisation après 5600 dans la continuité du courant méditerranéen, qui est aussi celui qui atteint la France atlantique méridionale, tandis que les îles Britanniques sont néolithisées après 4000 dans la continuité du courant danubien, qui est aussi celui qui concerne la façade atlantique nord de la France. Les Orcades sont atteintes autour de 3600. Cela entraîne dans ces régions une baisse de la part des ressources marines dans la subsistance, au profit des ressources terrestres issues de l'agriculture. Le phénomène le plus caractéristique du néolithique atlantique est le mégalithisme, avec des sépultures à dolmens et des sites composés de cromlechs et de menhirs (Stonehenge, Newgrange, Carnac)[111],[112].

Alpes

Entre les traditions d'Europe méridionale et d'Europe centrale, les Alpes ont fourni une documentation de première importance pour l'étude des périodes néolithiques. La région devient un front de néolithisation à la fin du Ve millénaire av. J.-C., étant atteinte par des courants venus du nord et du sud. Les premiers villageois de ces régions construisent sur le bord des lacs des maisons sur pilotis en bois, les « palafittes », dont un certain nombre a été submergé en raison de fluctuations climatiques dans la seconde moitié du IVe millénaire av. J.-C., ce qui a permis leur préservation dans un état remarquable, avec leur contenu. Leur redécouverte à partir du milieu du XIXe siècle étant une étape majeure pour la connaissance de la vie des groupes du néolithique. Les paysans des Alpes pratiquent la culture (notamment le blé) et l'élevage (surtout moutons et chèvres), mais exploitant aussi les ressources sauvages. L'autre découverte majeure concerne cette fois-ci un individu isolé, surnommé Ötzi ou « Iceman », parce que son corps a été retrouvé momifié naturellement sous un glacier en 1991, dans la région des Alpes de l'Ötztal située à la frontière austro-italienne. Mort de blessures vers 3300-3200 av. J.-C., il est resté sur place avec son équipement et son corps a été remarquablement préservé, offrant un aperçu unique de la vie d'un homme du Néolithique[113].

Asie centrale et méridionale

Asie centrale

L'Asie centrale se trouve à l'arrivée d'un axe de néolithisation qui passe par les régions situées dans le bassin du lac d'Ourmia (Hajji Firuz) puis le sud et le sud-est de la Caspienne (Tepe Sang-e Chakhmaq), déjà évoqué, régions dont on a pu souligner les similitudes climatiques par rapport au Proche-Orient, facilitant l'adoption de l'économie agro-pastorale. Ici on suppose plutôt une diffusion par migrations[114].

La première culture néolithique d'Asie centrale, la culture de Jeitun (v. 6200-5000), se trouve dans la région du Kopet-Dag, au Turkménistan actuel. Elle émerge vers la fin du VIIe millénaire av. J.-C. et présente des affinités avec les cultures néolithiques du Proche-Orient : céramique peinte, villages avec des bâtisses aux agencements complexes, culture irriguée du blé et de l'orge, élevage des moutons et chèvres, aussi du bœuf, la chasse jouant encore un rôle notable. Lui succède une phase relavant de l'âge du cuivre puis du bronze, la culture de Namazga[115].

Plus au nord se développe la culture de Kelteminar (v. 5500-3500 av. J.-C.), de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs mésolithiques évoluant dans les espaces arides et semi-arides allant du désert du Kyzylkoum jusqu'à la mer d'Aral. Elle dispose de la poterie, d'habitats sédentaires, et sa subsistance repose essentiellement sur la chasse, la pêche et la cueillette, sans indication de domestication de plantes ou d'animaux. La fin de la période voit l'apparition d'objets en cuivre[116],[117]. Il faut attendre l'âge du bronze pour que la région soit atteinte par l'agriculture irriguée, au IIe millénaire av. J.-C. sous la civilisation de l'Oxus en Bactriane et Margiane[118].

Plus au nord encore, les groupes de chasseurs des forêts et des steppes du Kazakhstan s'orientent vers la chasse privilégiée du cheval, qui est peut-être domestiqué dès le IVe millénaire av. J.-C. dans les cultures de Botaï et de Tersek (v. 3500-2500). Mais un foyer de domestication plus à l'ouest est aussi proposé. Y sont aussi élevés des bovins dans les phases tardives, peut-être des moutons et des chèvres, et il est possible que le millet soit cultivé (ce qui les situerait alors à la jonction des traditions néolithiques proche-orientale et chinoise), son cycle végétatif rapide le rendant compatible avec un mode de vie semi-sédentaire des porteurs de ces cultures. . Ceux-ci font également un usage important de la poterie, des os de chevaux, et commencent à forger du cuivre, ce qui fait que leur culture est plutôt caractérisée comme « énéolithique » même si ces trouvailles sont rares[119],[120],[117].

L'apparition de l'agriculture plus à l'est, dans les régions arides du bassin du Tarim, est mal documentée. Elle est attestée sous des formes modestes à partir de 2000 av. J.-C., et surtout après 1500 av. J.-C., période pour laquelle ont été identifiés dans des oasis de la région des communautés agricoles où prévaut la céréaliculture irriguée (blé, orge)[121].

Baloutchistan et Indus

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Vestiges du site de Mehrgarh (Baloutchistan pakistanais).

Dans l'actuel Baloutchistan pakistanais, le début de l'agriculture est identifié sur le site de Mehrgarh. Il aurait été peuplé vers 7000 av. J.-C. S'y retrouvent plusieurs des plantes fondatrices du Proche-Orient (blé, orge) et aussi des animaux qui y ont été domestiqués (chèvres, moutons). Il a été proposé qu'il s'agisse d'un foyer de domestication primaire, mais il reste plus plausible que ces espèces soient arrivées en traversant le plateau Iranien. Une révision de la chronologie en 2025 abaisse le début de l'occupation du site entre 5200 et 4900 av. J.-C., ce qui conforte l'hypothèse d'une origine extérieure. Les cultures néolithiques se développent dans plusieurs régions de l'actuel Pakistan (en particulier dans le Cachemire et la vallée de Swat), et se répandent dans la vallée de l'Indus au IVe millénaire av. J.-C. Elles sont rapidement actives dans le processus de domestication, domestiquant le zébu et le coton (attestés à Mehrgahr), le buffle et le sésame (attestés dans l'Indus autour de 2500) voire d'autres plantes, et posent les bases des pratiques agricoles qui florissent à l'époque de la civilisation de l'Indus[122],[123],[124].

Vallée du Gange

La vallée du Gange développe sa propre tradition néolithique, reposant sur l'exploitation du riz, exploité intensivement sous sa forme sauvage dès au moins 7000 av. J.-C., et qui pourrait avoir été domestiqué localement autour de 6400-6000 av. J.-C. Les connaissances de cette première phase reposant comme pour le Baloutchistan sur un seul site, ici Lahuradewa (Uttar Pradesh), de nombreux points restent en suspens, notamment sur de possibles influences extérieures. Le développement de l'agriculture gangétique est surtout attesté à partir de 2500-2000, avec des espèces domestiques manifestement importées de l'Indus : blé, orge, mouton, chèvre, zébu. Cela permet notamment de faire deux récoltes céréalières par an, l'été (orge et blé) et l'hiver (riz). Des poches de chasseurs-cueilleurs mésolithiques semblent subsister en plusieurs endroits jusqu'au IIe millénaire av. J.-C. quand l'essor de la riziculture entraîne une croissance démographique des et une expansion des communautés villageoises. Cette période voit aussi la domestications d'espèces locales telles que le millet brun, le kuluttha et l'haricot mungo[125].

Régions orientales

Dans la partie orientale du monde indien, fort mal connue pour ces périodes, la néolithisation pourrait débuter vers 3500 av. J.-C. C'est surtout la région côtière de l'Odisha qui est bien documentée : s'y développent des communautés pratiquant une agriculture dominée par la riziculture, complétée par quelques autres plantes (notamment le pois d'angole qui semble domestiqué localement), l'élevage de bétail (bovins, cochons) et la cueillette de fruits (le citronnier étant peut-être domestiqué dans l'Inde orientale) et de noix. L'intérieur est moins bien documenté. On y trouve un important centre d'extraction de dolérite, dans le district de Sundargarh, où sont produites une grande quantité de lames. Il faut peut-être envisager une saisonnalité des activités, agriculture en été (il n'y a pas de cultures d'hiver identifiées) et taille de la pierre en hiver, ou bien la présence de groupes mobiles à l'intérieur. Plus à l'est, le Bengale est très peu documenté pour le Néolithique. Sa néolithisation semblerait plutôt être originaire d'Asie du sud-est[126].

Inde péninsulaire

L'agriculture des pays de savane du sud du sous-continent indien débute aux alentours de 3000-2800 av. J.-C., dans la tradition des collines de cendres (Ashmound Tradition), la moitié des sites connus étant des collines de cendres (le reste dans des espaces ouverts). Elle se singularise dans les premiers temps par un profil pastoral, reposant sur les bœufs, les moutons et les chèvres, complétée par l'exploitation de plantes sauvages. Après 2000 av. J.-C., se développent la culture des plantes domestiquées localement (petit millet et légumineuses) et la sédentarité avec des villages situés sur des points élevés. Ces changements pourraient être liés à une aridification de l'environnement. Après 1500 l'agriculture se diversifie avec l'introduction d'espèces importées depuis l'Odisha (pois d'angole) et surtout d'Afrique (mil à chandelle, sorgho, lablab, etc.), qui ne supplantent pas pour autant les espèces domestiquées localement[127],[128].

Asie de l'est

La néolithisation de la Chine

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Les cultures du Néolithique récent en Chine.

La Chine connaît plusieurs innovations à la fin du Paléolithique, à partir de v. 20000 av. J.-C. La pierre polie apparaît vers cette période, permettant le développement d'outils de broyage, puis les poteries autour de 18000-16000, ce qui facilite notamment la consommation des aliments végétaux et des coquillages dans un cadre de subsistance à large spectre impliquant notamment de nombreuses variétés de fruits à coques, en plus de céréales sauvages et de plantes herbacées. La phase de transition vers le mode de vie néolithique se produit sur la période 9600-7000 : la collecte de plantes comestibles s'intensifie, la poterie se diffuse, la sédentarité apparaît par endroits. Le millet commence à être domestiqué en Chine du nord, dans la vallée du fleuve Jaune, autour de 8500-7500 av. J.-C. La culture du riz commence peut-être dès 10000-9000 dans les zones humides de la vallée inférieure du Yangzi, qui marque le début d'une longue phase « pré-domestique », conclue au moins au VIIe millénaire av. J.-C. C'est aussi à cette période qu'est attestée la domestication du chien en Chine (v. 8000). Le Néolithique à proprement parler débute sur la période 7000-5000 (Néolithique ancien), durant laquelle le climat est plus chaud et humide. Les domestications sont conclues, avec deux grands ensembles : le millet des oiseaux et le millet commun sont cultivés au nord, le riz dans les zones humides des fleuves Huai et Yangzi. Le porc est domestiqué[129],[130].

L'expansion néolithique en Chine

Durant la phase suivante, de 5000 à 3000 (Néolithique moyen), l'agriculture poursuit son essor dans les vallées du fleuve Jaune (culture de Yangshao), où le soja et le chanvre deviennent des compléments importants aux deux millets cultivés, et celle du Yangzi où la riziculture constitue seule la base de la subsistance, accompagnant un développement démographique important. La néolithisation s'étend notamment au nord-est avec la culture de Hongshan (4500-3000). C'est aussi une période d'accroissement des inégalités, avec l'emploi du jade comme marqueur symbolique des élites, et d'essor des échanges. La dernière phase du Néolithique, qui couvre le IIIe millénaire av. J.-C. (Néolithique récent) voit se poursuivre ces dynamiques d'essor agricole et démographique en même temps qu'émergent des structures politiques et sociales plus complexes et inégalitaires, qui se manifestent par l'apparition de sites centraux fortifiés, dans différentes aires culturelles bien distinctes : culture de Longshan au nord (site de Taosi), culture de Majiayao sur le cours supérieur du fleuve Jaune, culture de Liangzhu à l'embouchure du Yangzi (sites de Majiaoshan), etc.[131],[130].

L'agriculture chinoise se complète, en bonne partie grâce à des apports extérieurs. Le buffle est peut-être domestiqué en Chine, ou bien introduit depuis l'extérieur, en tout cas il est présent dans le nord de la région dans la seconde moitié du IIIe millénaire av. J.-C.. Le blé et l'orge sont introduits en Chine du nord, manifestement depuis l'Asie centrale. Ils sont attestés couramment au IIe millénaire av. J.-C., mais de manière plus isolée à des dates plus anciennes (v. 2500-2400). Le mouton et la chèvre sont présents au moins vers 2400 av. J.-C. Ces arrivées en Asie orientale d'espèces domestiquées du Proche-Orient, qui prennent en importance par la suite, est une étape importante de la globalisation agricole et alimentaire néolithique[132],[133].

Au tournant du IIe millénaire av. J.-C., c'est sur ces bases que la Chine bascule dans l'âge du bronze (culture de Qijia, culture d'Erlitou) et sur le processus de formation des premiers États archaïques[45].

Chine méridionale et Asie du Sud-Est

La Chine méridionale offre un autre exemple de la diversité des voies empruntées par les sociétés de chasseurs-cueilleurs des premiers temps de l'Holocène. Les cultures de collecteurs présents sur place connaissent déjà la poterie, pratiquent une subsistance à large spectre et en plusieurs endroits vivent dans des villages. Les contacts avec les premières sociétés paysannes du Moyen Yangzi se développent sur la période 7000-5000, avec l'apparition dans le Hunan et le Jiangxi actuels de cultures qui semblent dériver des sociétés agricoles voisines, mais en ayant délaissé l'agriculture car l'environnement local n'était pas propice à son développement, ce qui constituerait un cas original de « retour » de paysans à la vie de collecteurs. Ces cultures complexes de chasseurs-cueilleurs s'étendent en direction des régions côtières du sud-est de la Chine, de Taiwan et du nord du Vietnam[134].

La culture du riz est introduite dans le sud de la Chine par des paysans venus du Moyen Yangzi au IIIe millénaire av. J.-C. et se répand ensuite en direction du sud-est asiatique, et aussi vers l'Insulinde et le Pacifique via Taïwan (voir plus bas)[135]. C'est probablement dans ces régions (une alternative étant l'Inde) que se produit la domestication du poulet, autour de 3400 av. J.-C. il devient aux côtés du porc l'animal le plus commun sur les sites du sud-est asiatique[136]. La domestication du théier se situerait dans le sud-ouest de la Chine vers la première moitié du IIe millénaire av. J.-C., mais en l'état actuel des choses les études génétiques ne permettent pas d'être plus précis[137].

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Vases de la culture de Phung Nguyen. Musée national d'Histoire du Vietnam.

Dans le sud-est asiatique continental, cette expansion agricole prend la forme d'un changement important apportant la riziculture, l'élevage, des villages de maisons souvent construites sur pilotis, des poteries richement décorées, le tissage. Ils rencontrent des cultures de chasseurs-cueilleurs parfois aussi complexes que celles du sud-est chinois, notamment dans les régions côtières où elles exploitent les ressources marines et sont parfois sédentarisées (Khok Phnom Di en Thaïlande), qui sont néanmoins vite supplantées. Au Vietnam cette expansion conduit à l'apparition de la culture de Phung Nguyen (v. 2000-1500), rompant avec les traditions antérieures, d'où elle atteint rapidement le Cambodge (site d'An Son), et le nord-est de la Thaïlande après 1700 (site de Ban Chiang), puis la plaine de Bangkok et le golfe de Thaïlande où la riziculture s'intègre aux pratiques traditionnelles d'exploitation des ressources marines[138].

Corée et Japon

En Corée, la culture de la céramique Jeulmun (à décor peigné ; v. 5500-1400) est créée par des chasseurs-cueilleurs maîtrisant la poterie, souvent implantés sur le côtes où ils exploitent les ressources marines et semblent être sédentarisés par endroits. L'agriculture est introduite depuis la Chine du nord durant la période moyenne de cette culture (v. 3500-2000) avec l'intégration de la culture du millet dans les pratiques de subsistance préexistantes. Le riz est introduit après cette période, peut-être parce qu'il a fallu du temps pour adapter la plante à un climat plus froid. Il s'ensuit une forte croissance du nombre de villages et l'émergence d'une élite sociale, visible notamment à la période de la céramique Mumun (non décorée ; v. 1400-300) qui est notamment caractérisée par des dolmens, dont certains couvrent de riches sépultures[139]

Le cas du Japon de la longue période Jomon (v. 14000 à v. 1200-400 av. J.-C. selon les régions) est souvent considéré comme l'exception qui confirme la règle dans la néolithisation : cette culture revêt tous les aspects du Néolithique, sauf le principal, l'agriculture (à moins de considérer qu'un « Néolithique non agraire » puisse exister). La première partie de la période (avant 5000 av. J.-C.) voit comme ailleurs une diversification de l'exploitation des ressources par des groupes de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs, qui réduisent leur mobilité. Ils développent également très tôt une tradition de poterie, qui conduit aussi à l'apparition de statuettes en terre cuite caractéristiques, les dogu. La seconde partie de la période est marquée par la sédentarisation de nombreux groupes, qui construisent de véritables villages mais poursuivent leur économie de collecteurs. Ils en viennent certes à pratiquer (v. 4000 av. J.-C.) quelques cultures de fabacées et d'arbustes, ainsi qu'une manipulation des espaces forestiers pour en optimiser l'usage. Mais ils ne développent pas un système agricole à proprement parler. Les contacts avec les sociétés néolithisées du continent ne se traduisent pas par une acculturation. Faute d'obstacle technique et environnemental à l'émergence d'un Néolithique « complet » à cette période, il est possible qu'il faille ici considérer que les mentalités des gens de l'époque Jomon ne les ont pas poussé à aller plus loin dans le développement des cultures mais qu'elles ont trouvé une autre voie : « rien n'obligeait a priori ces sociétés à tendre vers ce modèle » (L. Nespoulous)[140]. L'adoption de l'agriculture se produit vers le début du Ier millénaire av. J.-C. dans le sud de l'archipel, avec l'importation de la culture du riz depuis le continent, qui s'accompagne sans doute de migrations. Cela marque le début de la période Yayoi, et de l'expansion des sociétés paysannes au Japon. Il ne s'agit pas d'un bouleversement, puisque la culture du riz est d'abord intégrée aux pratiques de subsistance antérieures et à d'autres formes de culture. Mais sur le long terme la riziculture favorise une expansion démographique et l'apparition de grands villages entourée de rizières irriguées au début de notre ère[141].

Insulinde et Océanie

La diffusion du mode de vie néolithique en Asie du sud-est insulaire est largement imputé à la diffusion depuis Taiwan par des groupes parlant des langues austronésiennes, entre 3000 et 1500 av. J.-C. suivant un modèle similaire à celui de la diffusion du « package » proche-oriental en Europe. Là aussi cela a depuis été nuancé en raison de la diversité des situations, mais est confirmé dans les grandes lignes parce qu'il n'y a pas de présence de sociétés agricoles dans plupart de la région avant cela. L'exception est la Nouvelle Guinée, où apparaît localement une forme d'horticulture originale[142].

Nouvelle Guinée

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Vue aérienne de la région du site de Kuk.

La Nouvelle Guinée est un foyer primaire de naissance de l'agriculture. Ce développement autochtone se produit dans les hautes terres du centre de l'île, vaste espace aux terres fertiles, où il est principalement documenté par le site marécageux de Kuk, exploité pendant dix millénaires. La gestion de l'espace forestier y débute vers 7000 av. J.-C., orientées vers l'intensification de la pousse des bananes, du taro, de l'igname, de la canne à sucre, d'arbustes de type Castanopsis et Pandanus, etc. Puis des monticules de terre commencent à y être aménagés vers 5000-4400, ce qui marque le début de l'agriculture : y sont au moins domestiqués l'igname, le taro et des bananes, peut-être la canne à sucre. Cela s'accompagne de pratiques de défrichements par le feu et la hache en pierre polie. Après 2500-2000 av. J.-C. un dispositif de fossés de drainage en forme de grille est aménagé. Se constitue donc sur plusieurs millénaires un foyer original reposant sur les tribus papoues, reposant sur des plantes tropicales locales et maintenu à part des évolutions agricoles du reste de l'Insulinde. La poterie et le porc y sont ainsi introduits tardivement. Puis c'est au tour de la patate douce encore plus tard (après 1500 de notre ère), qui apporte de grands changements à l'agriculture et à la société[143],[144].

Asie du Sud-Est insulaire

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Carte de l'expansion autronésienne selon Bellwood.

L'expansion de l'agriculture dans l'Asie du Sud-Est insulaire est un phénomène d'origine extérieure, introduit depuis la Chine méridionale et l'Asie du sud-est, probablement en grande partie par des populations parlant des langues austronésiennes. Selon la reconstitution proposée (notamment par P. Bellwood), celles-ci semblent s'être cristallisées sur l'île de Taiwan (v. 3000-2000 av. J.-C., culture de Dabenkeng, dont les racines se trouvent en Chine du sud), dans des communautés issues du Néolithique est asiatique, pratiquant l'agriculture (millet des oiseaux, riz, canne à sucre, d'autres plantes sans doute, aussi le porc), la poterie et le tissage, disposant d'embarcations (canoës et radeaux) et vivant dans des maisons en bois. Ils se dispersent par bateau en plusieurs vagues à partir de la fin du IIIe millénaire av. J.-C., en direction des Philippines (où le peuplement néolithique est attesté autour de 2200), puis de l'Indonésie (d'abord par Sulawesi puis Bornéo sur la période 2500-1500 et ensuite à Sumatra et Java v. 1500-1000) et de la péninsule malaise, aussi vers l'est et de là en direction des îles du Pacifique, et aussi à travers les îles de l'océan Indien jusqu'à Madagascar (v. 500 de notre ère). Ils apportent leur propre « package » dans ces régions, qui se complète : poulet, l'arbre à pain, le cocotier, le bananier, l'igname, etc., développement des bateaux à voile et à balancier, poterie à engobe rouge[145].

Bien qu'il soit généralement reconnu comme valide, ce schéma a ensuite été nuancé : comme souvent le « package » néolithique ne se retrouve pas partout au complet, parfois il manque même la diffusion de l'agriculture, et il présente des variations régionales parfois importantes. Sans remettre en cause l'influence des migrations austronésiennes, ces changements culturels, y compris le langage, ont pu se faire par diffusion sans remplacement de population, par adoption, car comme ailleurs ces régions sont souvent occupées depuis longtemps par des groupes de chasseurs-cueilleurs ayant développé des traditions culturelles propres depuis plusieurs millénaires (y compris probablement des pratiques d'aménagement forestier)[146]. Les domestications observées durant ces phases ne reposent pas forcément sur des épisodes uniques mais pourraient avoir eu lieu en plusieurs endroits pour une même espèce[147].

Îles du Pacifique

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Carte des zones de poteries Lapita

Les îles du Pacifique sont peuplées par des groupes austronésiens, dans la foulée de leur implantation dans l'Insulinde orientale. Ce phénomène correspond en archéologie au développement de la culture de Lapita, qui s'inscrit dans la continuité de celles à la poterie à engobe rouge. Elle émerge dans l'archipel Bismarck, déjà occupé par des chasseurs-cueilleurs, autour de 1300 av. J.-C., puis se répand vers l'est dans le Pacifique, dans les îles de Mélanésie orientale puis de Polynésie occidentale jusqu'alors non peuplées : en l'espace de quatre siècles à peine Fidji est atteint, puis Tonga et Samoa autour de 900. Cette expansion rapide sur plus de 6500 kilomètres révèle de grandes aptitudes à la navigation. Cette culture, caractérisée par une poterie de grande qualité et des habitats de maisons sur pilotis, pratique une horticulture reposant sur l'igname, le taro et diverses cultures arbustives, combinée avec les ressources de la pêche et aussi de la chasse, l'élevage du porc. S'observent aussi des abandons de techniques au fil de la propagation polynésienne : la culture du riz et du millet, le tissage, et même la poterie dans certaines îles éloignées[148],[149].

La colonisation des îles du centre et de l'est de la Polynésie se poursuit après la fin de la culture Lapita, après 500 av. J.-C. Des communautés de navigateurs pratiquant la pêche, la culture de l'igname et du taro (puis celle de la patate douce introduite par des contacts avec l'Amérique du sud), l'élevage du porc, fabriquant des haches en pierre robustes, mais pas la poterie et le tissage se répandent sur plusieurs siècles jusqu'à Hawaïi, l'île de Pâques et la Nouvelle Zélande[150]

Australie

L'Australie de l'Holocène ne connaît pas l'agriculture à proprement parler et reste donc en dehors des études sur le Néolithique. Cela ne veut pas dire que les pratiques de subsistance des sociétés de chasseurs-cueilleurs aborigènes, surtout présentes sur les zones côtières et près de points d'eau, y soient stables et ne se tournent pas vers des formes d'intensification de l'exploitation de leur environnement. Elles pratiquent par endroits des formes de gestion de ressources végétales et animales qui impliquent des brûlis de couverts végétaux, le stockage et aussi la transplantation de plantes, la construction de barrages et de canaux pour capturer des anguilles (dans l’État de Victoria), etc. La question de savoir si certains de ces groupes sont sédentarisés est controversée, mais il n'y a pas de trace de développement d'une vie villageoise[151],[152].

Afrique

Le continent africain se caractérise par une très grand variété de milieux écologiques, du reste affectés sur la période par des changements climatiques qui ont des impacts très significatifs. L'adoption de l'agriculture se fait sur un temps très long, avec un rythme irrégulier, avec deux grandes périodes au début de l'Holocène puis au milieu de l'Holocène. Bien que le continent reprenne les éléments du néolithique proche-oriental, il le fait de manière très inégale selon les lieux. Les systèmes de culture présents en Afrique sont très variés, ils accordent souvent une grande place au pastoralisme à dominante bovine (qui ressort dans l'art rupestre de plusieurs régions) et l'économie de chasse-pêche-cueillette conserve longtemps une grande importance, l'adoption de l'agriculture se faisant parfois de façon marginale. Par la variété de leurs choix et leur faculté d'adaptation, ces sociétés mettent en exergue le grand nombre de choix possibles entre le monde des chasseurs-cueilleurs et celui des paysans, les interactions complexes entre les mouvements migratoires de paysans et les groupes de collecteurs qu'ils rencontrent, influencent plus ou moins et avec lesquels ils coexistent souvent sur le long terme, donc le fait que le modèle néolithique proche-oriental et européen n'est pas généralisable[153],[154].

Vallée du Nil et nord-est

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Cercle de pierres orientées de Nabta Playa, reconstitution dans les jardins du musée de la Nubie à Assouan.

Le mode de vie néolithique émerge dans la partie nord-est du continent, en particulier autour de la vallée du Nil et à l'ouest de celle-ci, le climat plus humide permettant une occupation humaine plus vaste que par la suite dans un contexte d'intensification de l'exploitation des ressources, documenté notamment sur le site égyptien de Nabta Playa (v. 9000-6000 av. J.-C.). La question de savoir si cette région est un foyer de domestication des bovins est débattue en l'absence de preuves décisive. Il est en tout cas évident qu'à partir de la fin du VIIe millénaire av. J.-C. les espèces domestiques animales (bœuf, chèvre, mouton) sont introduits depuis le Proche-Orient, et les céréales par la suite. Le mode de vie semble peu bousculé par ces innovations : l'agriculture reste pendant longtemps secondaire dans la subsistance, c'est surtout le pastoralisme semi-nomade à dominante bovine qui se développe. C'est à partir de cette partie de l'Afrique que bon nombre d'innovations néolithiques se diffusent vers le reste du continent, notamment l'élevage bovin amené à devenir un élément-clé de beaucoup des sociétés est-africaines[155],[156],[157]. Au contraire la basse vallée du Nil voit le développement d'un agriculture reposant sur les espèces proche-orientales à partir de 5000 av. J.-C. (Culture de Mérimdé dans le delta), posant les bases du développement de l’Égypte ancienne[158]

Maghreb

Au Maghreb, où se développe notamment la culture capsienne de type mésolithique, le mode de vie néolithique est introduit depuis la Méditerranée. Des sociétés agro-pastorales sur le modèle proche-oriental se développent sur les régions littorales du Maroc à partir du milieu du VIe millénaire av. J.-C. (qui présentent des similitudes avec les sociétés néolithisées du sud de l’Espagne), et plus à l'est le capsien se néolithise progressivement (pierre polie, bétail, poterie). Dans l'Atlas et la partie nord du Sahara, une économie pastorale transhumante apparaît[159].

Sahara central

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Peintures rupestres de Jabbaren (Algérie), scène pastorale : les bergers armés d'arcs défendent leur cheptel de bovins.

Les plateaux du Sahara central, plus humides sur la période de 10000 à 3200 av. J.-C. (avec des fluctuations) que de nos jours (on parle de « Sahara vert »), connaissent un développement de l'économie de production au VIIe millénaire av. J.-C.. Cela se repère par l'introduction de moutons et chèvres domestiques, mais le développement de la culture des plantes n'est pas prouvé car les plantes exploitées semblent sauvages. L'art rupestre de style « bovidien » est un révélateur de l'importance prise par l'élevage bovin dans ces sociétés, qui développent aussi un mégalithisme funéraire, parfois associé à des sépultures de bœufs[160].

Afrique de l'ouest

L'Afrique de l'ouest subsaharienne est un foyer d'innovation important au début de l'Holocène, avec l'invention locale de la poterie vers 10000 av. J.-C. (identifiée au Mali). Le climat plus humide favorise le développement d'activités plus intensives d'exploitation de l'environnement, jusqu'à une phase d'aridification qui coïncide avec l'apparition des animaux domestiques, au cours du Ve millénaire av. J.-C., dans un contexte de mutations sociales importantes. À partir du IIe millénaire av. J.-C. ces régions deviennent un important centre de domestication de plantes : dans le Sahel le mil à chandelle est la première espèce domestiquée, et elle connaît une diffusion rapide, la pastèque étant aussi cultivée ; le sorgho, le fonio, le pois bambara, le riz africain, la cornille, l'igname sont domestiqués dans les régions méridionales. L'exploitation des animaux et plantes sauvages complète cela, notamment des arbres : baobab, palmier à huile, karité[161],[162].

Corne de l'Afrique

En Afrique orientale, l'économie des chasseurs-pêcheurs-cueilleurs reste dominante, malgré l'introduction lente du bœuf et de la chèvre depuis le Soudan et sans doute aussi le Yémen, à partir du IIIe millénaire av. J.-C.. Cela a conduit comme ailleurs à l'émergence d'économies partiellement pastorales, mais encore mal documentées, tandis que d'autres groupes semblent s'être volontairement tenus à l'écart des changements (sud-est éthiopien)[163]. L’Éthiopie en particulier a développé des traditions agricoles diversifiées, dont les origines sont mal connues, reposant en partie sur des espèces locales domestiquées (teff, noug, ensete, café, khat)[164].

Régions équatoriales

Les régions situées plus au sud présentent deux obstacles à l'expansion humaine et agricole : la présence de la malaria et de la maladie du sommeil (trypanosomiase), cette dernière touchant particulièrement les bovins. Des fluctuations climatiques ont néanmoins entraîné des changements environnementaux permis d'ouvrir des couloirs sains permettant une diffusion de l'économie agricole vers le sud à partir du IIe millénaire av. J.-C. et surtout après la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. (et au plus tard au tournant de notre ère). Dans la partie orientale, cette expansion est souvent attribuée aux groupes de langues bantoues, même s'ils ne sont probablement pas les seuls à y avoir participé. Mais la chronologie est discutée. La diffusion de l'agriculture et de l'élevage dans ces régions est un phénomène en bonne partie récent, visible à partir de la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C., alors que les sociétés paysannes maîtrisent la métallurgie du fer (ce qui marque la fin de l'âge de la pierre africain)[165],[166].

Les régions équatoriales de savane et de forêt connaissent le développement d'une économie agroforestière associant culture de céréales et de tubercules (mil, igname, etc.) avec l'exploitation des ressources forestières, notamment le palmier à huile et l'aiélé[167],[165].

La région des Grands Lacs et du Rift voit le développement du pastoralisme à partir du milieu du IIIe millénaire av. J.-C., peut-être par la migration de pasteurs de langue couchitique venus du Soudan. La maladie du sommeil ralentit pendant longtemps cette expansion, l'abondance des ressources permettant la subsistance par la collecte. Une forme de complémentarité se développe apparemment entre pasteurs et chasseurs-cueilleurs-pêcheurs[168].

Afrique australe

Dans l'Afrique australe, au sud de l’Équateur, l'agriculture est un développement très récent. Autour du début de notre ère le pastoralisme est introduit depuis l'est par des groupes qui sont peut-être les ancêtres des Khoekhoe. Le millet perlé est attesté en Afrique du sud au IIe siècle av. J.-C., le développement de l'agriculture se produit surtout dans la seconde moitié du Ier millénaire par des communautés paysannes pratiquant la métallurgie du fer[169]. Les chasseurs-cueilleurs autochtones adoptent à leur contact l'élevage et la poterie, mais pas la culture des plantes, tandis que les paysans semblent avoir consommé un nombre significatif d'animaux sauvages, brouillant là encore les distinctions conventionnelles entre chasseurs-cueilleurs, paysans et pasteurs[170].

Madagascar

Madagascar présente la particularité d'être peuplée dans les siècles médians du Ier millénaire de notre ère par des populations austronésiennes venues d'Asie du sud-est par bateau (cf. plus haut). C'est par ce biais que des plates telles que les bananes douces, plantains et le taro auraient été introduites en Afrique, où elles prennent une grande importance (mais il semble que la banane ait été introduite antérieurement)[167],[171].

Amériques

Les débuts de l'agriculture dans les Amériques (où le terme de Néolithique est rarement employé et ce phénomène est intégré dans les périodes dites « Archaïques ») sont marqués par de nombreux traits particuliers qui font que le processus est très éloigné d'une « révolution ». En effet ils se produisent chez des groupes de chasseurs-cueilleurs qui intègrent lentement des espèces domestiques afin de s'assurer une subsistance plus sûre, tout en préservant un mode de vie essentiellement mobile et prédateur. Il n'y a donc pas dans les premiers temps de limite claire entre les deux modes de vie. Cela n'empêche pas un autre trait marquant du phénomène : la domestication dans différentes parties du continent d'un très grand nombre d'espèces végétales, qui se comptent par centaines, et l'émergence sur le très long terme de systèmes agricoles très diversifiés et sophistiqués, atteignant un fort degré de contrôle de leur environnement[172],[173].

Mésoamérique

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Entrée de la grotte de Guilá Naquitz dans la vallée de Oaxaca, un des sites ayant livré les plus anciens témoignages sur la domestication de plantes en Mésoamérique.

L'aire mésoaméricaine correspond à l'Amérique centrale et à la majeure partie du Mexique. C'est le foyer de domestication le plus ancien documenté sur le continent américain. Vers 8000 av. J.-C., des chasseurs-cueilleurs du Mexique central (vallée de Oaxaca) commencent à cultiver des courges, qu'ils intègrent dans leur subsistance reposant principalement sur la collecte de plantes sauvages, et des calebasses (qui sert plutôt à fabriquer des gourdes et d'autres récipients). Par la suite cette région offre les premières traces de la domestication du maïs, à partir du téosinte, qui a néanmoins sans doute débuté dans des zones tropicales sèches du sud-ouest du Mexique (au plus tard v. 6700 av. J.-C.). Il faudra plusieurs millénaires pour que la plante évolue vers des variantes plus productives et ne s'impose comme l'aliment de base de la région. La domestication du piment est également ancienne, l'avocat, les agaves et des cactus sont à leur tour exploités, de même que le coton ; celle des haricots sans doute plus tardive (au plus tard v. 1000 av. J.-C.). Le seul animal domestiqué dans la région est le dindon, au plus tard dans la seconde moitié du Ier millénaire av. J.-C. Selon l'interprétation la plus courante, dans les premiers temps les sociétés sont mobiles, la production de nourriture repose sur des plantes dont la culture ne nécessite pas de se sédentariser et sert de complément à leur subsistance. Il s'agit de petits groupes (des « micro-bandes ») se réunissant périodiquement pour former des groupes plus importants (« macro-bandes »). Mais la culture sur abattis-brûlis pourrait être développée dans certaines régions à des dates anciennes[174],[175],[176]. La réduction de la mobilité se ressent au moins près 4500 quand apparaissent des habitats plus permanents. La vie villageoise à proprement parler ne se développe qu'après 2000 av. J.-C., quand l'agriculture a pris une place plus importante, et qu'émerge une subsistance dépendante de la culture du maïs accompagnant un essor démographique important (au début de la période formative). C'est aussi à cette période que se répand l'usage de la poterie, la spécialisation artisanale et que s'accentue la hiérarchisation sociale[177],[178].

Amérique du sud

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Mortier en diorite en forme de singe. Culture de Valdivia, v. 2000-1800 av. J.-C. Metropolitan Museum of Art.

En Amérique du sud, le plus ancien foyer de domestication est localisé au nord-ouest du continent, sur les côtes des actuels Équateur, Colombie et Pérou, ainsi que dans les hautes terres andines situées plus à l'est, aussi dans la Haute Amazonie voisine, là encore dans un contexte de développement de l'aménagement paysager par le feu et de la gestion de plantes sauvages. Les premières attestations de plantes domestiques sont très anciennes : la courge musquée dans le sud-ouest équatorien au plus tard v. 8500 (et jusqu'à un millénaire plus tôt), dans la culture de Las Vegas, des chasseurs-cueilleurs-pêcheurs vivant dans des petits sites saisonniers ; la marante/arrow-root dans les Andes colombiennes v. 9250-8500 av. J.-C. ; une autre « poche » de domestications ou du moins d'agriculture des débuts apparaît plus au sud v. 6500-6000, dans la vallée de Nanchoc (nord du Pérou), avec la culture de courges, d'arachide, de manioc. Les zones tropicales adoptent progressivement la culture sur abattis-brûlis (slash-and-burn). Dans les hautes terres andines, des foyers similaires ont pu exister, mais les datations restent imprécises : l'oca du Pérou, le haricot de Lima, le lucuma sont peut-être domestiqués vers 8500 ; le quinoa, la pomme de terre, la patate douce et d'autres plantes andines (peut-être aussi la tomate) semblent en voie de domestication dans la première moitié du VIe millénaire av. J.-C.. Le maïs est introduit dans le nord-ouest de l'Amérique du sud v. 5800. Les Andes sont également le seul foyer notable de domestication animale des Amériques avec le lama et l'alpaga, le cochon d'Inde et plus tard le canard musqué. Le cacao semble domestiqué en Haute Amazonie équatorienne[179]. Dans ces régions à l'agriculture précoce, il semble que cette forme de subsistance prenne un importance croissante, conduisant à la réduction de la mobilité et de la sédentarité. Mais ces premiers développement semblent rester localisés. Les cultures des côtes péruviennes et chiliennes restent majoritairement tournées vers la collecte, s'épanouissent grâce aux ressources maritimes, constituent parfois des villages, sans forcément adopter à ce stade la culture des plantes. Plus tard les sites de la culture équatorienne côtière de Valdivia (v. 4000-1400) témoignent d'un essor agricole : en plus des plantes attestées auparavant, ils cultivent aussi le coton, l'achira, le manioc, le haricot-sabre, etc., mélangeant domestications locales et éléments venus de divers autres horizons. Cette phase voit le développement de villages de grande taille (Real Alto) et une hiérarchisation sociale plus prononcée, ainsi que l'apparition de la poterie. Le processus est encore plus affirmé dans les basses terres péruviennes où émerge après 3000 la civilisation de Caral qui découle sur la formation d'un État archaïque[180],[181],[182].

Les basses terres de l'Amazonie jouent aussi un rôle important dans l'émergence de l'agriculture en Amérique. En particulier, le manioc est domestiqué dans la partie sud-est de cet ensemble et ensuite introduit dans les régions occidentales. La noix du Brésil est une autre denrée exploitée, gérée puis domestiquée à des époques anciennes, avant d'être diffusée dans les régions voisines. Ce sont en tout des dizaines de plantes et d'arbres qui sont cultivés ou du moins dont la croissance est gérée par les communautés de la région. L'environnement est aménagé par des abattis et des brûlis, aussi par la constitution de « terre noire » (terra preta), enrichie par l'homme en charbon de bois et autres matières organiques afin de favoriser la croissance des plantes, qui accompagne l'expansion agricole dans la région dans la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. C'est aussi en Amazonie que sont attestées les plus anciennes poteries américaines, au VIe millénaire av. J.-C. (chez des chasseurs-cueilleurs)[183],[184],[185].

Amérique du nord

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Représentation du site de Watson Brake (Louisiane), v. 3500 av. J.-C.

Les groupes de chasseurs-cueilleurs de la vallée du Mississipi et des terres boisées situées à l'est de celle-ci (Eastern Woodlands) intensifient comme d'autres au début de l'Holocène leurs pratiques de prédation et d'aménagement des espaces forestiers par le feu. Ils développent de nombreux sites pour leur permettre d'exploiter leur environnement (notamment Koster). Après avoir apparemment cultivé la calebasse v. 8000 av. J.-C., ils intègrent à leur subsistance la culture de quelques plantes : d'abord des courges (pâtisson) à partir de 6000-5000 av. J.-C., puis à partir de 2500 le tournesol, la sumpweed et le goosefoot (un chénopode), au Ier millénaire av. J.-C. d'autres comme le knotweed et le maygrass. Cela accompagne après 4000 un développement démographique, l'apparition de la poterie (v. 2500), de villages et aussi de grands sites de réunion voire de rituels (Watson Brake, Poverty Point)[186],[187]. La date de la domestication du tabac reste inconnue et débattue ; il semble qu'il ait été introduit dans la vallée du Mississipi depuis les régions occidentales de l'Amérique du nord[188].

Le sud-ouest de l'Amérique du nord (à cheval sur les États-Unis et le Mexique actuels) est une région aride voire désertique où évoluent au début de l'Holocène des groupes de chasseurs-cueilleurs exploitant la faune et la flore locale. C'est à partir de 2000/1500 av. J.-C. un espace d'expansion de l'agriculture depuis le Mexique central, reposant en bonne partie sur la culture du maïs, qui se pratique en plusieurs endroits avec l'aide de l'irrigation et sur la base d'une organisation villageoise, même si la collecte de plantes sauvages reste longtemps importante. Il est possible que cet essor soit dû à des migrations de paysans de langues uto-aztèques venus du Sonora et du Chihuahua, mais cette question est controversée. Quoiqu'il en soit il faut attendre les premiers siècles de notre ère pour voir un développement démographique et villageois dans ces régions, soutenu par la culture du maïs complétée par celle des haricots et des courges[189],[190].

Le reste de l'Amérique du nord est occupé par des sociétés de chasseurs-cueilleurs qui n'adoptent pas l'agriculture et l'élevage (si on excepte le chien), mais participent à l'élaboration de stratégies de subsistance plus sophistiquées. Les côtes nord du Pacifique sont ainsi occupées par des groupes de chasseurs-cueilleurs-pêcheurs évoluant en plusieurs endroits vers des sociétés sédentaires et hiérarchisées, s'appuyant notamment sur des ressources maritimes abondantes. Dans les Grandes Plaines du Midwest, la chasse au bison à grande échelle se développe à partir de 10000 av. J.-C. et est généralisée après 5000 av. J.-C.[191].

Caraïbes

Dans les îles des Caraïbes, la production de nourriture commence avec les migrations de populations de la culture appelée Ortoiroïde, depuis les rives sud-américaines (notamment la vallée de l'Orénoque), qui constituent par ailleurs les premiers peuplements humains de ces îles. Les premières implantations se font sur l'île de Trinidad vers 6000 av. J.-C. où les premières attestations d'espèces domestiquées sont datées de v. 5800 av. J.-C.. Par la suite les Petites Antilles sont peuplées sur la période 5000-3000. Une autre vague de migrations partie du Yucatan, celle de la culture Casimiroïde, peuple les Grandes Antilles sur la période 4500-4000, le point de rencontre se faisant à Puerto Rico. Les stratégies de subsistance de ces cultures sont diversifiées, la production de nourriture restant de faible niveau malgré la maîtrise de la culture des plantes introduites depuis le continent (maïs, patate douce, zamia, Canna indica, piment, haricots, etc.), en raison du poids de la chasse, de la pêche, et d'une collecte à large spectre. Le mode de vie reste donc flexible, sans doute marqué par la mobilité. La fin de cette première période d'occupation des Caraïbes se produit sur la période 800-200 av. J.-C., avec une plus grande importance de l'horticulture, et aussi un développement de la sédentarité et de l'usage de la poterie, phénomènes traditionnellement liés à l'expansion de la culture Saladoïde (sans doute des groupes de langues arawaks), là encore depuis la région de l'Orénoque[192],[193].

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Les sociétés néolithiques : traits généraux

Résumé
Contexte

Le processus de néolithisation et le mode de vie néolithique sont associés à un ensemble de changements économiques, techniques, sociaux et culturels qui sont pour l'essentiel établis à partir des cas du Proche-Orient et de l'Europe, qui sont ceux à partir desquels ils ont été conceptualisés et le plus étudiés. Ils se retrouvent à des degrés divers dans les autres régions du monde, qui présentent chacune des trajectoires propres. Les changements concernent en premier lieu et avant tout la domestication des plantes et des animaux, et la mise en place d'une économie reposant dans bien des cas à la fois sur l'agriculture et sur l'élevage (« agro-pastorale »), mais dans certains cas sur l'un ou sur l'autre. Ce changement est généralement accompagné de la mise en place de sociétés sédentaires, les agriculteurs-éleveurs vivant de manière préférentielle dans des villages, où ils construisent des maisons qui deviennent des lieux de vie et de socialisation. Les principales innovations et techniques associées à la néolithisation sont la pierre polie et la céramique, qui sont en fait souvent des inventions antérieures qui se généralisent et s'améliorent au Néolithique, aussi le tissage et le travail des métaux (ce dernier aux époques tardives). Les conséquences de l'agriculture se ressentent dans les évolutions des pratiques alimentaires, un ensemble de conséquences sanitaires ainsi qu'une expansion démographique considérable. Tout cela entraîne diverses conséquences sociales : les sociétés villageoises sont organisées en fonction des travaux agricoles, de l'élevage, sans doute autour d'unités domestiques simples mais soudées entre elles par des liens communautaires. Avec le temps, ces sociétés deviennent moins égalitaires, avec aussi une spécialisation des tâches croissantes. Les tensions sociales et la violence sont visibles en plusieurs endroits, sans doute plus que par le passé. Des implications se décèlent aussi dans les relations entre hommes et femmes. Les changements mentaux et religieux sont également importants, qu'ils soient une cause ou une conséquence de la néolithisation, ou les deux à la fois. Les rituels et lieux de culte sont très importants dans la vie des premières sociétés agricoles, qui pour plusieurs développent une architecture monumentale à finalité rituelle ou funéraire, ainsi que de nouvelles formes d'art exprimant une pensée et des croyances nouvelles, qui sont néanmoins difficiles à interpréter.

Les débuts de l'agriculture

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Localisation des principaux foyers de domestications, avec dates approximatives de domestications (non exhaustif).

Domestications

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Champ de céréales près de l'Euphrate dans le nord-ouest de l'Irak de nos jours.
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La chèvre sauvage, espèce dont dérive la chèvre domestique.

Le changement fondamental qui définit la néolithisation est l'apparition de l'agriculture, ici entendue au sens large comme « une économie de production établie dans laquelle des paysans dépendent de la culture pour leur subsistance et, dans bien des cas, de l'élevage[194]. » Elle suppose donc la maîtrise par les humains de la reproduction et de la multiplication d'espèces végétales et animales, dont ils exploitent les ressources. Cela est possible par un processus essentiel du Néolithique, la domestication[195],[196], qui peut se définir comme le « processus qui amène des plantes ou des animaux d'un statut sauvage au statut domestique, très souvent en lien avec un profond changement socio-économique tel que la transition néolithique » (J.-D. Vigne)[197]. Elle se repère donc par l'apparition de traits génétiques et d'une morphologie domestique qui distingue de l'équivalent sauvage (très variables selon les cas : des grains plus gros, un rachis qui reste attaché à la tige pour les céréales ; réduction de la taille des animaux domestiqués, modifications de la forme des cornes, etc.). La domestication ne coïncide pas avec le début de l'agriculture et de l'élevage, puisque les traits domestiques n'apparaissent qu'au bout d'une longue période de manipulations par les humains (on parle d'agriculture « pré-domestique »)[198],[199],[200].

Du reste la domestication n'apparaît pas à proprement parler au Néolithique, puisque le chien est domestiqué au Paléolithique supérieur, et le processus de reproduction des plantes est probablement déjà compris bien avant les premières domestications[201]. L'apparition de l'agriculture est rendue possible par une longue période de gestion (management) des plantes et aussi des animaux par des groupes de chasseurs-cueilleurs dans le but d'en optimiser la productivité et d'en améliorer la disponibilité (« construction de niche », aménagement forestier, chasse sélective, captures et apprivoisements d'animaux, etc.). Au début, la domestication n'est pas un phénomène volontaire, ce n'est pas non plus à proprement parler une « invention », mais plutôt le résultat de l'imitation par les humains de ce qu'ils ont observé dans la nature[202], et la conséquence de nouvelles manières qu'ont les humains d'interagir avec leur environnement[203].

Il résulte de tout cela que le développement de l'agriculture est un processus graduel et cumulatif. Étant donné qu'il s'agit d'une extension et d'un développement de pratiques plus anciennes, il est du reste fort possible que le début de l'agriculture n'ait pas été perçu comme un grand changement au départ[204]. La production des espèces domestiques (ou du moins en voie de domestication) est progressivement incorporée aux pratiques de subsistance de chasse et de cueillette et met plusieurs siècles voire plusieurs millénaires avant de devenir prépondérante. Cela explique pourquoi le point de bascule entre les deux modes de vie est très difficile voire impossible à dater[205]. La transformation radicale des sociétés survient quand l'agriculture est pratiquée de manière à occuper la majeure partie du temps de travail des communautés et à fournir la majeure partie de leur nourriture[206].

Usages des productions agricoles

Les plantes et les animaux sont principalement domestiqués afin de servir à l'alimentation humaine (peut être plutôt au départ pour des rassemblements collectifs « festifs », que pour un usage quotidien). Des plantes sont aussi employées pour nourrir des animaux domestiques, ce qui lie les deux domestications ; dans le cas des céréales originaires du Proche-Orient comme le blé ou l'orge, la paille, non comestible par les humains, est réservée aux animaux. Celle-ci peut aussi servir de liant dans l'argile employé pour construire des murs ou confectionner des poteries, ou encore être employée pour couvrir des toitures ou faire des nattes[207].

Certaines plantes sont également exploitées pour leurs fibres textiles : lin, coton, chanvre[208]. Dans les Amériques, la calebasse, une des premières espèces domestiquées, a plusieurs usages autres que alimentaire : elle peut servir de récipient (gourde, bol, voire louche), ou de flotteur pour filets de pêche[186].

La question de savoir si les animaux sont exploités dès le début pour leurs « produits secondaires »[209] (autre chose que la viande : force de travail, lait, laine, poils) est débattue : il est généralement considéré que c'est un phénomène qui intervient à la fin du Néolithique et s'affirme surtout durant la « révolution urbaine » (donc au Chalcolithique et à l'âge du bronze), mais il pourrait avoir été en place dès les premiers temps ou du moins dès des temps néolithiques[210].

Il faut également prendre en considération le fait que des plantes ont pu être domestiquées pour leurs effets psychoactifs, avec un usage rituel ou festif : céréales servant à produire des boissons alcoolisées, tabac, pavot, cannabis, voire cacao, café, kola[211].

Pratiques agricoles

Les systèmes agricoles mis en place sont très divers (agro-pastoralisme, agro-foresterie, nomadisme pastoral, horticulture tropicale, etc.). On a notamment pu opposer l'agriculture tropicale, reposant sur des fruits, des légumes et des tubercules, à celle reposant sur les céréales, la première ayant l'avantage de proposer une alimentation plus équilibrée et à demander moins de travail que ce soit pour la récolte ou la transformation des denrées[212]. L'agriculture néolithique est dans de nombreux cas de type intensif : les humains font pousser des plantes sur des petites parcelles très aménagées, qui s'apparentent plus à des jardins qu'à des champs[213],[214],[215],[216].

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Bêches et haches du Néolithique chinois (culture de Yangshao). Musée de la ville de Xinzheng.

Les zones de cultures sont souvent aménagées dans des espaces défrichés l'abattage à la hache ou par le feu (agriculture sur brûlis), comme des clairières dégagées au milieu d'une forêt. Le défrichement et le travail de la terre se font à l'aide d'outils, essentiellement en bois et en pierre (parfois en matières animales comme le bois de cerf en Europe, et en cuivre dans certains Néolithiques tardifs) : bâtons à fouir, pics aratoires, houes, bêches, herminettes et haches à lames en pierre polie, faucilles[217]. Il est généralement considéré que l'emploi de la force animale pour les travaux agricoles au Néolithique est quasi-inexistante ; mais il est possible qu'au Proche-Orient et en Europe néolithiques on trouve des araires et des planches à dépiquer tractées par des animaux[218],[219],[220].

Le rôle de l'élevage des animaux varie beaucoup selon les régions, il joue un rôle important dans les systèmes mixtes d'Eurasie (« agropastoraux »), mais est quasi-inexistant dans dans la plupart des agricultures américaines précolombiennes (à l'exception des Andes). Il est au premier plan dans les systèmes pastoraux, qui s'épanouissent notamment dans les espaces peu favorables à la culture des plantes comme les steppes, la taïga, certains déserts et hautes terres[221].

Dans les premières phases néolithiques au Proche-Orient et en Europe, les arbres fruitiers font l'objet d'une gestion simple à proximité des villages[222]. L'arboriculture à proprement parler, plus complexe à maîtriser que la culture des céréales et des légumes, s'y développe dans un second temps (Ve et IVe millénaire av. J.-C. au Proche-Orient)[223],[224].

Modifications des paysages

La mise en place de l'agriculture et plus généralement du mode de vie néolithique fait que les humains sont amenés à de plus en plus modifier leur environnement, à façonner les paysages, donc à accentuer l'anthropisation, la marque des humains sur l'environnement. Cette dernière n'est certes pas une nouveauté de l'époque, puisque les humains modifient leur environnement au moins depuis la domestication du feu. Mais au Néolithique une nouvelle étape est franchie dans cette évolution avec l'apparition et l'expansion de l'agriculture et de l'élevage. La mise en place de l'économie agro-pastorale a entraîné un mouvement ininterrompu de modification de l'environnement, qui connaît dès les débuts une expansion vers de nouvelles régions, aussi la manipulation de plantes et animaux aboutissant à leur modification génétique (sélection artificielle), puis à leur dispersion en dehors de leur milieu naturel. Cette expansion s'accompagne d'importants défrichements d'espaces de forêts et d'autres formes de végétation, accentuant la modification des écosystèmes. Ces changements impactent en retour les humains, qui doivent s'adapter aux évolutions qu'ils ont entraînées sur les objets de la domestication, devant notamment ajuster leurs pratiques culturales afin de nourrir les animaux, ou mettre en place des pratiques de gestion de l'eau (qui conduisent à l'apparition de l'irrigation). Le phénomène est donc marqué par des boucles de rétroaction, les conséquences ayant en retour des effets amplificateurs sur ce qui les ont causées[225],[226],[227].

Autres formes de subsistance

D'autres formes de subsistance apparaissant à ces époques brouillent les limites entre l'opposition conventionnelle entre chasseurs-cueilleurs et paysans, révélant le fait que d'autres voies sont possibles en combinant collecte, gestion et domestication. En tout état de cause, les « collecteurs » ne se contentent pas de ce que la nature leur procure mais travaillent aussi pour qu'elle ait plus à leur offrir, en ayant une connaissance intime de leur environnement[228]. Cela ne débouche pas forcément et mécaniquement sur une agriculture, dont l'apparition n'est pas prédéterminée : diverses sociétés de chasseurs-cueilleurs en plusieurs régions du monde (notamment en Amérique) adoptent la culture de certaines plantes à croissance rapide pour servir de complément à leur alimentation (une « production de nourriture de faible niveau »), sans devenir sédentaires ni même agricoles (leur subsistance repose avant tout sur des espèces sauvages), se situant alors dans une sorte d'« entre-deux »[229],[230] ; dans le Japon de Jomon, des pratiques d'aménagement de paysages aboutissent à des formes de reproduction de plantes qui ne sont pas entièrement naturelles car guidées par l'homme, sans pour autant aboutir à des systèmes agricoles à proprement parler[231] ; en Australie des chasseurs-cueilleurs aménageaient des espaces de prairie et de forêts par le feu ou des coupes afin d'y faciliter la prolifération de certaines plantes[232].

Les capacités des sociétés de chasseurs-pêcheurs-collecteurs des premiers millénaires de l'Holocène à intensifier leur subsistance sans adopter l'agriculture ou l'élevage se voit également dans l'apparition de pratiques de chasse à grande échelle améliorant la productivité de leur prédation, impliquant dans plusieurs cas des dispositifs de pièges à grande échelle : desert kites du Proche-Orient[233], muraille servant à piéger des rennes repérée sous la Baltique[234], systèmes de pièges à poissons (une forme rudimentaire d'aquaculture ?) identifiés notamment en Australie[235] et au Belize[236], chasse au bison dans les Grandes Plaines américaines[237], etc.

La sédentarisation et l'architecture

La sédentarité et la néolithisation

Les sociétés agricoles sont pour la plupart marquées par la sédentarité : les paysans installent leur habitat à proximité des jardins et des champs qu'ils travaillent et y résident en permanence, pour s'occuper de la croissance des plantes, aussi pour défendre leurs ressources, et stocker leurs produits. Ils abandonnent donc la vie mobile qui caractérise les groupes humains jusqu'alors, qui sont des chasseurs-cueilleurs qui se déplacent à la recherche de ressources. Le Néolithique est donc l'époque durant laquelle la sédentarité devient le quotidien de la majorité des humains : l'adoption du mode de vie sédentaire est un élément caractéristique du mode de vie néolithique et de la néolithisation, mis en évidence à partir du modèle européen où l'apparition et la diffusion du village est concomitante de celle de l'agriculture et de l'élevage. Ce n'est certes pas systématique[238],[68]. Au Proche-Orient, la sédentarisation précède l'apparition de l'agriculture, au Natoufien ancien, quand les groupes vivent de la collecte, cependant les premières sociétés agricoles y sont incontestablement sédentaires. L'archéologie a permis d'identifier des sociétés de chasseurs-cueilleurs dans plusieurs parties du monde, un des exemples les plus cités étant celui du Jomon récent et final au Japon, qui voit apparaître d'importants villages et leur pérennisation, sans voir l'émergence d'une économie agricole. L'ethnographie a également décrit de telles sociétés. À partir de ces exemples, il est souvent postulé que la sédentarité est rendue possible par une une abondance de ressources facilitant l'implantation permanente dans un même territoire et une forte réduction de la mobilité des bandes de chasseurs-cueilleurs. C'est effectivement qui s'observe en plusieurs endroits du globe durant le réchauffement des débuts de l'Holocène. La sédentarité facilite aussi le stockage des aliments et cela peut avoir incité les groupes humains à s'établir dans un lieu de résidence unique ou du moins principal. D'autres explications reposent sur la technologie et aussi des aspects sociaux et politiques[239],[240]. Il existe du reste bon nombre de situations intermédiaires entre la mobilité totale et la sédentarité totale. Il y a ainsi des situations « néolithiques » sans sédentarisation complète : des groupes situés dans l'« entre-eux » entre collecteurs et agriculteurs peuvent cultiver des plantes de manière saisonnière tout en restant mobiles ; des paysans abandonnent un terroir après avoir exploité son sol pendant plusieurs années jusqu'à diminuer sa fertilité, pour s'installer sur un autre (agriculture itinérante) ; de nombreux éleveurs spécialisés dans le pastoralisme se déplacent selon les saisons avec leurs troupeaux, sur des distances plus ou moins importantes (transhumance, nomadisme pastoral). Mais il n'empêche que, quelle que soit la relation de cause à effet entre les deux et l'ordre dans lequel ils apparaissent, la sédentarité se généralise avec l'adoption de l'agriculture et les deux phénomènes vont dans la plupart des cas de concert[238],[241],[242],[68].

Les maisons néolithiques

Les humains du Néolithique qui se sédentarisent vivent dans des maisons, qui peuvent donc être vues comme un des principaux héritages de cette période[243]. Les plus anciennes dérivent des huttes des campements de chasseurs-cueilleurs, et elles ont généralement une forme circulaires, et souvent un sol semi-enterré, ce qui aide à supporter leur mur et leur toiture. Le développement de l'architecture domestique conduit néanmoins à l'adoption de maisons quadrangulaires ou du moins à murs droits, qui sont une caractéristique des sociétés paysannes (qui admet certes des exceptions). Cette forme est plus complexe à mettre en œuvre mais pratique et fonctionnelle, car elle facilite la subdivision des maisons en plusieurs pièces, et aussi l'ajout de nouvelles pièces, donc des plans plus élaborés[244],[245].

Dès le Néolithique une grande inventivité se développe dans l'architecture domestique. Les techniques de construction sont très variables selon les sociétés néolithiques, qui composent avec leurs traditions et surtout les matériaux à leur disposition : on connaît pour ces époques des murs en briques d'argile, en bois, en torchis avec des poteaux de bois, en pisé, en pierres ; des toits coniques ou en pente faits de chaume (matières végétales, notamment de la paille et du roseau), des toits en terrasse, voire des toits en briques voûtés ; les sols peuvent être en terre battue, ou pavés de pierre, voire plâtrés ; des maisons sur pilotis sont construites dans les Alpes et en Océanie[246]. Quant aux formes, se rencontrent des maisons courtes et ramassées, comme en Anatolie, et d'autres très allongées, mesurant jusqu'à une quarantaine de mètres de long dans la culture rubanée d'Europe, où elles ont pu servir de résidences à plusieurs familles[247].

Avec le temps les maisons sont agencées de manière de plus en plus complexe : ajout de pièces ayant des fonctions spécifiques (étables, chambres, salles de réception, etc.), d'un étage voire de greniers et de sous-sols. Elles sont alors devenues bien plus qu'un simple abri, pour être le reflet des personnes qui les occupent et se les approprient, donc leur « foyer », lieu de vie et de « domestication » des gens, qui peut être occupé sur plusieurs générations et sert de point de repère[248],[249].

Les villages néolithiques

Bien qu'il existe des maisons isolées au Néolithique (comme des fermes), cette période voit l'apparition du village, regroupement de plusieurs maisons inscrit dans la longue durée, qui forme une communauté stable. Les premiers regroupements concernent au mieux une dizaine de maisons sur un espace ne dépassant pas un hectare, et s'apparentent plus à des hameaux. Par la suite les regroupements sont plus importants et donnent de véritables village de 200/300 habitants. Avec la croissance de l'espace bâti, une organisation se décèle, avec une disposition spécifique des maisons, de leurs dépendances, l'apparition de sortes de places laissées vides de constructions et consacrées à la vie publique, de terrasses pour supporter les constructions, d'enceintes pour délimiter le village (leur fonction défensive n'est pas toujours évidente, loin de là), avec des palissades et des fossés, et divers types de bâtiments communautaires. La diversité est de mise, puisque le Néolithique propose aussi bien des villages de maisons agglomérées les unes aux autres comme en Anatolie centrale, ou des villages en partie sur pilotis dans les Alpes, et dans les phases récentes du Proche-Orient des blocs de maisons à l'agencement planifié. L'apparition des villages coïncide souvent avec celle de cimetières regroupant plusieurs des défunts de la communauté. Au-delà du village, le territoire alentour est également approprié et aménagé par les communautés, en premier lieu pour leurs cultures et leurs élevages, et également dotés de marqueurs symboliques (stèles, tumulus, sépultures, etc.). Certains villages atteignent une taille importante, devenant des « méga-sites » ou des « proto-villes » qui dépassent la dizaine d'hectares et le millier d'habitants, et exceptionnellement plusieurs milliers (notamment dans la culture de Cututeni-Trypolie d'Europe orientale). Une forme de hiérarchie peut alors apparaître entre les différents sites d'habitat. L'émergence du phénomène urbain est néanmoins daté postérieurement au Néolithique, en particulier dans les cultures eurasiennes du Chalcolithique récent et de l'âge du Bronze ancien (Uruk en Mésopotamie, civilisation de l'Indus, Erlitou en Chine ; aussi Caral au Pérou)[250],[251].

Architecture collective et monumentale

En plus des maisons, les établissements néolithiques disposent de constructions « publiques », ou selon le terme choisi des bâtiments « communautaires », « collectifs », voire « spéciaux », qui prennent souvent une taille plus importante qui les distingue, dite « monumentale », témoignant du fait qu'on y accorde plus d'importance qu'aux résidences. Ils reflètent l'émergence de communautés organisées capables de mobiliser des ressources pour un besoin collectif et de coordonner des constructions importantes[252]. Des enceintes de taille importante témoignent relèvent aussi de cette catégorie, ainsi que des tours comme celle mise au jour à Jéricho, dont la fonction reste discutée. Mais on leur attribue généralement une fonction rituelle et sacrée, de lieux de regroupement voire de pèlerinages. Un type de monuments néolithiques prend la forme d'agencements de grandes pierres, des « mégalithes », pour constituer également des espaces à fonction sacrée (enceinte mégalithique, cercle de pierres levées), et également pour marquer des sépultures monumentales. Les cas les plus connus sont ceux du Néolithique Atlantique comme Stonehenge et Carnac, mais il s'en trouve sur plusieurs continents. Il peut aussi s'agir de bâtiments reprenant les éléments architecturaux de base des édifices résidentiels, mais avec un agencement spécifique dénotant une fonction rituelle, intégrant parfois des monolithes ou des stèles, qui sont souvent qualifiés de « temples » (ou de « maisons rituelles ») : les enceintes rondes de Göbekli Tepe et les autres édifices rituels de la période de néolithisation de l'Anatolie du sud-est, les temples mégalithiques de Malte, ou encore le bâtiment public de San José Mogote près d'Oaxaca au Mexique[253],[254],[255].

Innovations techniques

La transition néolithique s'accompagne du développement et/ou de la diffusion de nouvelles techniques, qui accompagnent la mise en place de l'économie agricole et dont certaines vont profondément changer les conditions de vie des humains. Les progrès concernent notamment le travail de la pierre, aussi bien polie que taillée, la meilleure maîtrise du feu pour produire des céramiques et travailler les métaux, également une meilleure maîtrise de l'eau, mise à profit pour les besoins des hommes mais aussi des plantes et des animaux domestiqués, ou encore des progrès dans l'artisanat textile et les moyens de transport.

Ces innovations débouchent sur une culture matérielle propre aux sociétés néolithiques. Celle-ci renvoie certes à des besoins utilitaires et économiques. Mais elle doit aussi être envisagée sous ses aspects sociaux, car elle manifeste aussi les spécificités et différences sociales, notamment quand elle prend un aspect ornemental[256].

Cela reflète aussi une plus grande spécialisation des sociétés humaines et une organisation plus poussée de la production. Les techniques à maîtriser deviennent tellement diverses et complexes qu'il est impossible pour un même individu de les connaître. Le Néolithique voit donc l'émergence d'artisans spécialisés dans certaines tâches de fabrication, en mesure de réaliser des produits demandant un savoir-faire et une technicité poussés, et aussi de certaines productions de masse, ce qui va s'accentuer au Chalcolithique et surtout à l'âge du Bronze.

Pierre taillée et pierre polie

Le Néolithique est certes classiquement désigné comme l'« âge de la pierre polie », mais la pierre taillée reste largement employée (ne serait-ce que parce qu'une pierre doit être taillée et façonnée avant d'être polie) et la technique du polissage de la pierre est attestée dès le Paléolithique supérieur[257].

Les techniques de transformation et les usages de la pierre se spécialisent, s'améliorent et se diversifient au Néolithique. Les outils sont réalisés à partir de roches dures (silex) ou de roches vertes tenaces, éruptives (basaltes, dolérites, obsidiennes, etc.) ou métamorphiques (amphibolites, éclogites, jadéites, etc.). Les pierres sont sélectionnées en fonction des propriétés de leur matériau, qu'il s'agisse de la résistance, de la dureté, ou de l'aspect des pierres, ce qui explique par exemple le succès du jade aussi bien en Extrême-Orient qu'en Amérique, de l'obsidienne en plusieurs endroits dont l'Anatolie, ou celui du silex de couleur brune extraits au Grand-Pressigny (France) en Europe occidentale[258]. Des carrières et des mines commencent à être exploitées de manière plus extensive, parfois lors d'expéditions réalisant un premier travail avant d'aller transporter des blocs semi-finis vers leur lieu de transformation finale[259],[260].

Le travail de la pierre diffuse ou élabore des techniques : chauffage des blocs pour faciliter leur débitage ou leur taille ; débitage par pression, qui permet d’obtenir des lames plus longues et des lamelles très régulières ; retouche par pression pour la finition de certaines lames[261]. Le polissage s’effectue quant à lui par frottement sur un polissoir dormant ou mobile (grès, granite, silex, etc.)[262].

La pierre, polie ou taillée, sert à faire des lames qui sont ensuite intégrées dans des manches en bois (parfois en bois de cerf) pour faire des outils employés dans différents usages. Les lames de pierre taillée servent à armer des couteaux et des faucilles employés pour la récolte. La pierre taillée sert encore pour des pointes de flèches et de lances, des racloirs, des grattoirs, etc.[263],[264]. La généralisation du polissage au Néolithique accompagne le développement des travaux de défrichage et de labourage liés à l’agriculture et celui des constructions employant du bois liées à la sédentarisation. Cette technique permet en effet d’obtenir des lames de haches et des herminettes aux tranchants réguliers et très résistants, qui pourront trancher les fibres du bois sans s'esquiller, et des houes pour travailler des terres lourdes, mais aussi des lames de faucilles[265],[217]. Certaines haches sont prisées pour leur valeur esthétique et symbolique (haches en jadéitite des Alpes italiennes), donc un usage rituel ou de prestige. D'autres encore servent d'armes[266]. La pierre polie sert également à fabriquer du mobilier de broyage, les pilons, mortiers, molettes et meules qui permettent de moudre les grains et d'autres matières (pigments d'ocre), ainsi que de la vaisselle en pierre et des éléments de parure[267],[268].

Céramique

La poterie constitue avec l'agriculture et la sédentarité un des éléments de la « trinité » caractérisant la révolution néolithique depuis les travaux de Gordon Childe[269]. Le lien entre céramique et néolithisation n'est cependant pas absolu et mécanique : les plus anciennes poteries ont été réalisées dans des contextes de chasseurs-cueilleurs (en Chine v. 18000-16000, au Japon vers 12000, en Sibérie v. 11000, en Afrique v. 10000) et les vases sont encore utilisés par la suite dans des contextes où l'agriculture est absente ; d'un autre côté, les premières sociétés agricoles du Proche-Orient et d'Amérique se sont passées de céramique, et cela pendant de nombreux siècles[270].

Au Néolithique, les vases en terre cuite sont fabriqués dans une argile mêlée de dégraissant végétal ou minéral, modelés directement à la main ou d'abord montés au colombin (le tour du potier est inventé après le Néolithique), puis cuits à une température qui ne monte probablement pas au-dessus de 600 voire 700 °C (ce qui suppose un développement des « arts du feu »). Les vases produits sont de facture très variables, des productions grossières à d'autres très fines. Les formes se diversifient rapidement, et sont parfois très élaborées. Ces objets sont employés pour stocker des denrées, auquel cas on privilégie des modèles robustes, pour la préparation des aliments (une batterie de cuisine), auquel cas on privilégie des modèles résistants à la chaleur, et aussi pour la consommation (une vaisselle de table : bols, gobelets, etc.). Ils sont donc un élément important accompagnant le développement de l'agriculture et de l'élevage et celui de nouvelles habitudes alimentaires, et deviennent avec le temps un élément essentiel de toute société agricole, au point qu'il est d'usage d'identifier des cultures archéologiques par leur céramique (rubanée, cardiale, campaniforme, etc.). Ces objets peuvent être décorés, faisant alors l'objet d'un soin plus ou moins poussé : lustrage, peinture, incisions, impressions, relief. Cela leur confère une fonction symbolique, bien qu'il soit en général difficile de déterminer le sens exact des motifs qu'ils portent. La céramique sert d'ailleurs également à réaliser des figurines[271],[272],[273],[274].

Textile et vannerie

Le développement de l'artisanat textile est un élément important des sociétés néolithiques, mal connu en raison de la disparition de la plupart des produits textiles en matières organiques. Le travail textile repose sur des savoirs plus anciens, comme la confection de nattes et de filets par tressage et entrelacements de fibres végétales. La vannerie et la corderie sont développées depuis le Paléolithique et servent au Néolithique à réaliser des cordages et des contenants, ou encore des chaussures. La sparterie est également attestée pour faire des sacs et des sandales. Les vêtements et autres produits tissés sont réalisés en lin ou en coton, des espèces domestiquées au Néolithique, également dans des espèces sauvages comme le tilleul en Europe, et des produits animaux les poils de chèvre, la laine de mouton aux époques tardives (les premiers moutons domestiques ne produisaient sans doute pas beaucoup de laine), et celle du lama et de l'alpaga en Amérique du sud.Le filage des tissus est réalisé avec des bâtons simples servant de fuseau et d'un poids servant de fusaïole. Le tissage se développe avec l'apparition du métier à tisser, horizontal puis vertical, ce dernier étant attesté par les pesons en terre cuite qui tiraient les fils vers le bas (les structures en bois ont disparu). Des peignes et des navettes sont d'autres témoignages de ces activités Les trouvailles de restes d'étoffes dans les sites lacustres alpins indiquent que des décors élaborés étaient maîtrisés : motifs géométriques brodés, bordures à franges. La couleur pouvait être obtenu par peinture, peut-être par teinture[275],[276]. Les vêtements peuvent aussi être fabriqués avec des peaux et des fourrures, comme l'atteste l'accoutrement d'Ötzi, équipé pour affronter le froid (bonnet, pagne, guêtres, chaussures, aussi une cape en herbes torsadées et tressées)[277]. Les vêtements sont aussi connus par des représentations peintes du Levant espagnol, qui montrent des pagnes, des tuniques longues, des pantalons étroits ou bouffants, des robes et des jupes pour les femmes, aussi des protections pour les chasseurs comme des jambières[278].

Métallurgie

Bien que considéré comme un « âge de pierre », le Néolithique est également marqué par l'émergence de la métallurgie, qui constitue une autre innovation de premier ordre dans l'histoire humaine. Ce n'est certes pas un « âge du métal », puisqu'il y a encore très peu d'outils et d'armes en métal, surtout si on les compare à ceux en pierre taillée et polie. Les premiers objets en métal produits semblent surtout servir à manifester le prestige de leurs possesseurs[256]. Le travail du cuivre est attesté dès le VIIIe millénaire av. J.-C. au Proche-Orient et en Anatolie. Sont alors réalisés de petits objets (surtout des éléments de parure), par martelage à froid. La fusion du métal est plus tardive et n'est attestée jusqu'à présent qu'à la fin du VIe millénaire av. J.-C., notamment à Tepe Sialk en Iran. En Europe du sud-est, la métallurgie connaît un important essor au Ve millénaire av. J.-C. pour réaliser des haches. Les mines de cuivre des Balkans font l'objet d'une exploitation intensive, et les objets en métal sont parfois thésaurisés. Le travail de l'or est aussi documenté par les objets de prestige de la nécropole bulgare de Varna, qui montrent que le métal est déjà un marqueur des élites. Le travail de l'or et du plomb se développent aussi. Dans les Amériques, des objets en cuivre natif sont forgés en Amérique du Nord dès le IVe millénaire av. J.-C., et la métallurgie du cuivre se développe en Amérique du sud au IIe millénaire av. J.-C., période qui voit aussi l'apparition du travail de l'or qui devient là aussi un métal servant aux élites à se distinguer. L'Afrique subsaharienne se singularise par le fait que le premier métal qui y est travaillé est le fer, au Ier millénaire av. J.-C.[279],[280],[281].

Moyens de transport

Le Néolithique voit le développement de la construction de bateaux qui, comme les pirogues de Bercy, permettent la pêche avec la pose de nasses et de filets, ainsi que le transport.

Aménagements hydrauliques

La maîtrise de l'eau progresse aussi au Néolithique, par le développement de différents aménagements hydrauliques, qui servent aussi bien pour les besoins humains que pour l'agriculture et l'élevage : des puits, des citernes, des barrages de rétention d'eau, des conduites d'eau puis des systèmes d'irrigation sont attestés au Proche-Orient et dans la Méditerranée. Ils annoncent les systèmes hydrauliques complexes de la Mésopotamie et de l'Égypte de l'âge du Bronze[282],[283]. L'aménagement et le contrôle des ressources hydriques sont attestés dans les autres parties du monde où l'agriculture se développe, par exemple dans les Amériques : au Mexique sont attestés de très anciens dispositifs redirigeant l'eau vers les zones de culture à l'aide de fossés, de barrages, de réservoirs et de terrains surélevés ou en terrasse, l'irrigation par des canaux se développe dans les premières sociétés agricoles du nord-est de l'Amérique du sud, aussi bien sur les côtes que dans les Andes, et plus tardivement elle devient un élément essentiel de l'agriculture des zones arides du sud-ouest des États-Unis[284].

Alimentation et cuisine

Depuis le Néolithique, la majeure partie de la population humaine est nourrie par des aliments qu'elle produit. L'adoption de l'agriculture et de l'élevage apportent progressivement une modification des pratiques alimentaires : les aliments obtenus par la chasse, la pêche et la cueillette sont remplacés par des aliments obtenus par la production, issus des espèces végétales et animales domestiquées. Cela implique aussi des évolutions dans les pratiques de conservation et de préparation des aliments. En revanche il n'est pas assuré que le passage à cette nouvelle manière de se nourrir ait été bénéfique pour la santé.

Des aliments produits

Avec l'apparition et l'adoption d'une production de nourriture par la culture des plantes et l'élevage des animaux, les humains sont de moins en moins dépendants des ressources de la chasse, de la pêche et de la cueillette, même si celles-ci restent longtemps importantes et conservent dans certaines sociétés néolithisées une place notable. Sur le long terme, la majeure partie de la population subsiste grâce à des aliments produits, et c'est devenu la situation normale pour les sociétés humaines. Dans plusieurs systèmes agricoles, l'alimentation en vient à reposer sur des céréales qui prennent peu à peu une place majeure dans la subsistance : le blé et l'orge en Europe et au Proche-Orient, le riz en Extrême-Orient, le sorgho et le mil en Afrique, le maïs dans les Amériques. D'autres plantes cultivées servent de compléments à ces denrées de base : les légumineuses au Proche-Orient, le soja en Chine, les haricots en Amérique. Le manioc et la pomme de terre prennent également une grande importance dans certaines parties de l'Amérique du sud. La viande est principalement fournie par l'élevage, qui permet également de disposer de produits laitiers[285],[286].

Les espèces domestiquées circulent rapidement avec l'expansion du mode de vie néolithique et le développement de relations à longue distance, ce qui aboutit sur le long terme à rapprocher les différents foyers de domestication (en particulier sur la période 2500-1500 av. J.-C.), et à une première phase de globalisation alimentaire dans l'histoire humaine : le blé et l'orge du Proche-Orient gagnent progressivement de nombreuses régions d'Eurasie et d'Afrique, ainsi que le bétail proche-oriental (moutons, chèvres, bœufs) ; le riz et les millets chinois se diffusent aussi dans plusieurs directions ; le sorgho et les mils africains se retrouvent en Inde du sud dès 2000 av. J.-C. ; etc.[287],[288]

Le stockage des denrées

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Contenant de stockage en plâtre mis au jour à Abu Hureyra (Syrie). Sa forme permet de le placer dans un angle d'une pièce elle-même quadrangulaire. Ashmolean Museum.

Le développement de la production de denrées périssables, en particulier les céréales, implique de trouver un moyen de les conserver et de les stocker afin de pouvoir les consommer bien après leur récolte (et aussi en semer une partie). Il faut pour cela des méthodes de préservation des aliments : séchage par l'air ou par le feu pour les légumes ; séchage et fumage des viandes et des poissons[289]. Il faut aussi développer des techniques de stockage fiables. Ces progrès sont en fait souvent antérieurs au Néolithique, puisqu'ils sont visibles dans les phases de la fin du Paléolithique et du Mésolithique, donc chez des chasseurs-cueilleurs « stockeurs » (A. Testart), qui sont également attestés par l'ethnographie moderne[290]. Le stockage n'est donc pas forcément associé à l'agriculture, mais sa présence semble bien une condition du développement de celle-ci, en particulier pour la céréaliculture, et aussi de celui de la sédentarité, ce qui explique son développement au Néolithique. Cela se fait suivant des modalités et des rythmes différents selon les régions du monde. Au Proche-Orient cela commence par la construction de « silos » dans des résidences, qui prennent la forme de fosses (souvent enduites) ou de constructions rectangulaires légèrement surélevées, et fonctionneraient plutôt comme des « réfrigérateurs du Néolithique » selon I. Kuijt, servant pour des besoins de court terme, à réguler la disponibilité de nourriture dans le temps et minimiser les risques de pénurie. Le développement d'une céramique de stockage (notamment de grosses jarres) se fait d'abord dans des sociétés de chasseurs-cueilleurs, mais se retrouve ensuite dans toutes les sociétés agricoles. Des contenants en matériaux périssables, notamment des coffres en bois et des paniers ou sacs en matières végétales, ont dû exister. Des installations de stockage plus importantes, notamment collectives, prennent la forme de silos et de magasins enterrés, au sol ou surélevés[291],[269],[289],[292].

Préparation des aliments

Les méthodes de préparation des éléments au Néolithique restent mal connues. Le développement des ustensiles de broyage des grains accompagne celui de la consommation des céréales et des légumineuses entre la fin du Paléolithique et le début du Néolithique, ce qui indique des préparations à base de farines, sous la forme de galettes et de pains cuits au four, voire de flans. Les installations de cuisson (et de chauffage) ont tendance à se trouver à l'extérieur, alors que ce sont les fours, des installations fermées qui apparaissent au début du Néolithique, qui sont privilégiés pour l'intérieur. Des sites néolithiques du Proche-Orient comprennent des « fosses-foyers », mesurant plus d'un mètre de diamètre, souvent remplies de galets, ce qui semble indiquer un fonctionnement similaire à celui du four polynésien avec des pierres chauffées pour permettre la cuisson et l'ébullition[293]. L'apparition de la céramique offre donc une bien plus grand variété de préparations, qui sont aussi plus faciles à digérer et nourrissantes. Elle facilite la préparation de bouillies, de soupes, de confits et de ragouts. Elle facilite aussi le trempage et l'ébullition de légumes, la conservation en saumure, ou encore la fermentation de céréales pour faire des boissons alcoolisées[294]. Le fait que la céramique soit découverte à des rythmes différents selon les parties de l'Eurasie pourrait expliquer les différences de traditions culinaires : l'Extrême-Orient, qui expérimente en premier la cuisine à la poterie, privilégie les préparations bouillies et cuites à la vapeur, tandis que le Proche-Orient (et par ce biais l'Europe) a développé dans un premier temps une tradition reposant sur les farines, la cuisson au four et le rôtissage[295],[296].

Les sociétés néolithiques ont donc une alimentation à base de céréales et de légumes consommés sous différentes formes, éventuellement agrémentés de viandes et de poissons (y compris sous forme séchée ou boucanée). Le lait des animaux domestiqués permet la préparation de fromages blancs, de yaourts, de beurre, de fromages. Le miel est également récolté. L'exploitation du sel commence sans doute aussi à ces époques. La combinaison des farines et de fruits permet de préparer des tartes pour les desserts, attestées dans les villages lacustres alpins. Les boissons consommées sont des formes de bières (d'orge, de blé, de riz, de maïs), de l'hydromel et peut-être de vin, et des jus de fruits[297],[298].

Une meilleure alimentation ?

Les chasseurs-cueilleurs des premiers temps de l'Holocène comme ceux du Mésolithique européen consomment souvent une très grande variété de denrées[299]. Il est généralement admis que le développement de l'agriculture répond à un besoin d'avoir une source d'alimentation plus stable et fiable, directement disponible, ne serait-ce qu'en complément aux activités de collecte et de chasse, donc dans un contexte de diversification des stratégies de subsistance. Mais sur le long terme cela revient aussi à avoir une alimentation moins variée (reposant principalement sur des céréales) et potentiellement moins nourrissante, créant des risques de carences et d'anémie que ne rencontrent pas forcément les sociétés de chasseurs-cueilleurs (voir plus bas)[300],[301]. D'un autre côté, le fait de combiner céréales et légumineuses, comme le font plusieurs des premiers systèmes agricoles, permet d'avoir un bon apport énergétique quotidien et l'ajout de fruits, de légumes et de tubercules fournit des compléments appréciables[302]. Les céréales et légumineuses domestiquées au Proche-Orient semblent de plus avoir des rendements plus importants et des grains plus gros que les variantes sauvages, sans doute sous l'effet d'une sélection par les agriculteurs[303].

Conséquences sanitaires et démographiques

L'apparition de l'agriculture a de lourdes conséquences sur la santé et la démographie : les gens du Néolithique n'ont pas forcément une meilleure santé que leurs prédécesseurs du Paléolithique, mais ils font beaucoup plus d'enfants et connaissent une croissance démographique soutenue, qui nourrit d'importants flux migratoires propageant à un rythme soutenu le mode de vie néolithique sur une grande partie de la planète.

Niveaux de santé

L'analyses des squelettes des gens du Néolithique a permis de procéder à des études sur leurs conditions de santé, et de les comparer avec ceux des chasseurs-cueilleurs afin de déterminer si le passage à l'agriculture et au mode de vie néolithique a été bénéfique ou non de ce point de vue. Le constat est globalement négatif. Cela est d'abord lié au changement de diète : l'alimentation est moins diversifiée comme vue plus haut, avec plus de carences alimentaires pouvant causer des troubles de la croissance (une diminution de la stature en général), et la primauté accordée aux céréales dans plusieurs sociétés expose plus leur population à des problèmes buccaux-dentaires comme les caries, et le tout peut causer le développement de certaines carences (en vitamines B et C, en fer). La vie sédentaire est dans l'ensemble moins hygiénique que la mobilité : la densité des peuplements est plus grande et facilite la propagation des maladies, ce qui est renforcé par la proximité avec les rongeurs, les larves et les animaux domestiques qui transmettent des maladies (zoonoses comme la tuberculose), aussi la contamination des points d'eau, voire de l'air en raison de la plus grande part des journées passée à l'intérieur de maisons. La morbidité est donc plus élevée chez les cultivateurs sédentaires que chez les chasseurs-cueilleurs mobiles. Le développement de tâches physiques, souvent répétitives et dans des positions inconfortables (courbé, à genoux), pour les travaux des champs, le broyage des graines et le tissage entraîne un ensemble de troubles musculo-squelettiques. Ces constats généraux peuvent être nuancés : les situations sont très diverses, dans certains cas il semble aussi y avoir des améliorations, notamment sur le long terme quand la subsistance néolithique est mieux maîtrisée[304],[305],[306],[307].

Essor démographique

Malgré les aspects négatifs de la transition néolithique sur la santé, celle-ci s'est accompagnée d'une explosion démographique extrêmement marquée, qui s'observe partout, qui a pu être désignée comme une « transition démographique agricole » (J.-P. Bocquet-Appel). Cela est en partie le résultat de la sécurisation des ressources alimentaires due à l'adoption de l'agriculture à un niveau important, avec aussi un apport calorique plus important. Mais c'est en grande partie mis au crédit de l'adoption de la sédentarité, qui entraîne une forte augmentation de la fécondité : les observations ethnographiques ont indiqué que les chasseuses-cueilleuses avaient en moyenne des enfants tous les trois ou quatre ans, la mobilité prolongeant les temps de sevrage, tandis que les agricultrices en ont plus souvent, jusqu'à un par an. Cela est certes compensé par une très forte mortalité infantile (au moins un enfant sur deux n'atteignait pas l'âge adulte)[308],[309],[15].

Les estimations de la croissance démographique sont approximatives et très variables d'un spécialiste à l'autre, mais donnent un ordre d'idée sur l'importance de l'essor démographique. La population mondiale de la fin du Paléolithique pourrait avoir été située autour de 6 millions de personnes, voire bien moins (les estimations vont de 1 à 10 millions pour v. 10000 av. J.-C.). Quand s'enclenche la transition néolithique, la croissance est plus marquée : autour de 7 millions vers 6000 av. J.-C. (de 5 à 10 selon les estimations), 30 millions vers 4000 (7 millions pour l'estimation la plus faible) et peut-être 100 millions vers 2000 av J.-C. selon l'estimation haute (mais seulement 27 millions pour l'estimation la plus basse). Au niveau régional, selon les estimations les plus hautes, la population du Proche-Orient aurait décuplé durant sa phase de néolithisation (précéramique), de 500 000 à 5 millions environ, celle de l'Europe aurait augmenté de 400 000 vers 7000 à 2 millions vers 4000. L'augmentation de la population de la Chine durant sa néolithisation pourrait être de 1 million jusqu'à 20 millions[310],[311].

Les migrations et la diffusion néolithique

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Les directions des mouvements migratoires contribuant à la diffusion de l'agriculture depuis les principaux foyers, selon Diamond et Bellwood (2003)[312].

Le boom démographique lié à la néolithisation nourrit un tout aussi important mouvement migratoire, dont on sait désormais par la multiplication des études génétiques qu'il est le principal responsable de la propagation de l'agriculture et du mode de vie néolithique à l'échelle planétaire (une diffusion « démique »), alors que pendant longtemps il y a eu un débat pour savoir si la diffusion n'était pas faite en majeure partie par contacts et acculturations (une diffusion « culturelle » ; qui s'est sans doute produite dans certains cas, mais minoritaires). Le développement des communautés agricoles s'accompagne partout de mouvements de colonisation à des niveaux inconnus jusqu'alors, qui submergent dans la plupart des cas par leur nombre les sociétés de chasseurs-cueilleurs déjà présentes. Quant aux causes de ces mouvements migratoires, le plus intuitif est de supposer qu'ils sont dus à un trop-plein de personnes dans les zones agricoles, qui se déverse sur les régions voisines par manque de terres. Mais en réalité il ne semble généralement pas qu'il y ait eu de surpopulation et de surexploitation des régions d'origine des migrants. Des facteurs culturels et sociaux sont sans doute en jeu, et il est peu probable que les causes soient identiques partout. Il pourrait par exemple s'agir d'une manière d'éviter une croissance trop grande des groupes humains, qui posait divers problèmes d'ordre organisationnel voire des tensions sociales, en scindant les groupes à partir d'un certain seuil[313],[314],[315].

Les études linguistiques ont depuis longtemps tenté de lier ce phénomène de diffusion de l'agriculture avec celle de familles de langues, en partant du principe que les grands mouvements migratoires responsables de l'expansion agricole étaient chacun constitués de populations parlant les mêmes langues. Cela permet notamment d'expliquer la diffusion des langues bantoues en Afrique, et les langues austronésiennes en Asie du sud-est, en Océanie et dans l'océan Indien. Dans d'autres cas, notamment l'Europe, il est plus complexe de faire coïncider l'expansion néolithique avec celui de groupes linguistiques (l'expansion des langues indo-européennes étant généralement considérée comme étant plus tardive)[312],[316],[317].

Changements sociaux et politiques

L'apparition de l'agriculture est l'une des innovations les plus lourdes de conséquences de l'histoire humaine en ce qui concerne l'organisation sociale. La mise en place d'une nouvelle économie, la sédentarité, l'augmentation de la population et de la taille des groupes humains entraînent diverses évolutions. Cela se repère au niveau des relations entre individus, de l'organisation de la production et de la possession des ressources, avec une plus grande diversité des rôles sociaux et l'émergence d'une stratification sociale, aussi le développement de réseaux d'échanges et d'interactions plus amples. Cela est souvent résumé comme une marche vers une plus grande « complexité » sociale[318], en admettant que les sociétés de chasseurs-cueilleurs soient moins complexes voire « simples », ce qui est contestable[319].

Familles et communautés

Bien qu'il soit impossible de reconstituer de manière précise les systèmes familiaux et sociaux du Néolithique, il est évident que le passage à une économie agricole a entraîné d'importants bouleversements. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs telles qu'analysées par l'ethnologie sont généralement organisées dans des groupes de moins d'une centaine de personnes ayant des relations de parenté étendues, des « bandes », où les décisions sont prises de manière plutôt consensuelle et appliquées par une forme de pression sociale. Les travaux sont faits collectivement avec une répartition des tâches peu rigide, les ressources sont partagées suivant le principe de la réciprocité et dans la plupart des cas sans possibilité d'accumulation. En revanche les sociétés d'agriculteurs et de pasteurs sont organisées autour de familles et de tribus, qui fonctionnent comme des familles étendues, avec souvent une direction confiée aux chefs de famille, et des chefs tribaux voire des organisations encore plus hiérarchisées (clans et chefferies)[320].

Bien qu'il soit probable que les sociétés néolithiques, en raison de leur diversité et de leur durée, aient connu des systèmes familiaux différents[321], il est généralement admis que dans la plupart d'entre elles la base est la famille nucléaire, de petite taille : un couple avec ses enfants (la monogamie est probablement le type d'union le plus courant, même si la polygamie a dû exister), et possiblement des parents, donc trois générations. L'existence de familles élargies est envisageable dans le cas de la culture rubanée européenne, qui présente des maisons allongées de très grande taille, même si la présence de maisons plus petites indique qu'il devait aussi y avoir des familles nucléaires[322]. Cela peut s'expliquer par le fait que le cadre domestique est l'unité fondamentale de la production agricole : chaque famille a une maison et un lopin de terre voire des bêtes, qu'elle exploite et dont elle stocke les produits. Cela suppose aussi la mise en place de principes de propriété et d'héritage. Ce système a été la base du développement de l'économie agricole en plusieurs points de la planète (Proche-Orient, Chine, Mésoamérique, Europe) et a été suffisamment flexible et résilient pour permettre son expansion[323],[324],[325].

Ces familles évoluent souvent dans un cadre communautaire, comme l'indique le fait qu'elles sont généralement groupées dans des hameaux et des villages. La mise en place de l'économie agricole suppose en effet des mécanismes de solidarité et d'échanges assurant la pérennité du système par un partage des risques. Dans certaines communautés il faut envisager des formes collectives de travail et d'entreposage. L'existence d'espaces de travail collectifs en plein air, de constructions nécessitant la contribution de plusieurs familles (enclos et murailles, constructions monumentales, grands canaux) et les traces de rituels communautaires implique l'existence d'organisations communautaires (peut-être sous la direction de chefs, cf. plus bas). Celles-ci sont en mesure d'assurer une forme d'intégration et de cohésion du groupe, voire une identité collective, malgré les différences constatées entre résidences d'un même village[323],[326],[325]. Il y a peut-être une des tensions entre ces différents niveaux. Le développement de maisons plus grandes et structurées avec le temps, aussi celles de cultes domestiques (consacrés aux ancêtres familiaux ?) qui s'observe au Proche-Orient, pourrait indiquer selon I. Hodder la montée en puissance et l'autonomisation des unités domestiques. Ces tensions pourraient aussi expliquer les scissions qui ont lieu au sein de groupes et les migrations qui en dérivent, participant au succès du modèle néolithique, mais aussi à l'accroissement des différences, des divisions et des inégalités[327].

Échanges et interactions

Inégalités sociales

Les transformations des structures sociales dans les sociétés néolithiques se décèlent aussi par l'émergence de signes de hiérarchisation plus poussée entre les individus[328],[329],[256]. Les sociétés agricoles sont en effet bien plus marquées par les différences sociales que les sociétés de chasseurs-cueilleurs. Ces dernières, telles qu'observées par l'ethnographie, sont généralement égalitaires, ce qui veut dire qu'il y a peu de différences entre leurs membres et que les inégalités de statut sont faibles. Des chefs peuvent être désignés temporairement en fonction de leurs qualités personnelles (à la chasse, au combat, pour la guérison). Cela explique pourquoi il y a très peu de traces d'inégalités sociales dans les sociétés paléolithiques[330],[331].

Les changements se repèrent certes à des rythmes et des degrés divers selon les endroits[255]. Les principaux marqueurs sont l'apparition de sépultures d'individus plus importants, qui se singularisent par leur taille monumentale et la qualité des objets qui accompagnent les défunts dans la mort, et l'apparition de structures monumentales et d'entreprises collectives (constructions, migrations, aussi des festivités), dont on considère qu'elles sont souvent faites sous la direction de « chefs » qui exercent un pouvoir sur les autres et le manifestent par plusieurs moyens (notamment dans le cadre d'une compétition contre d'autres chefs). Les signes se décèlent plutôt dans les phases moyennes et récentes du Néolithique : au Proche-Orient certains objets particuliers comme les colliers en dentale (des coquillages) et de l'obsidienne pourrait être des éléments de distinctions des élites, mais l'identification de chefs passe plutôt par le repérage de projets collectifs qu'ils auraient organisé[332] ; dans la Chine de la culture de Hongshan les élites se font enterrer avec des objets rituels en jade (notamment des figurines), à proximité de structures monumentales qui servent de sanctuaire[333] ; dans l'Europe atlantique des tombeaux mégalithiques avec des objets de prestige (comme les haches en jadéite) honorent les défunts[334].

La nature et le degré de ces inégalités sont discutés. Certains considèrent qu'il y a des structures désignées comme des « chefferies », qui sont classiquement vues comme moins « complexes » que l’État (qui apparaît après la fin du Néolithique), d'autres en revanche refusent ce terme pour ces périodes, et peuvent envisager des formes d'organisation plus égalitaires[335],[332]. Il est courant qu'un individu reçoive un statut particulier en raison de ses accomplissements (notamment au combat), mais l'émergence d'une élite à proprement parler se fait quand la position se transmet par hérédité au sein d'une même famille[256]. L'apparition de chefs suppose aussi celle d'« obligés » qui font allégeance au chef et consentent d'être dirigés et dominés tout en captant une part de leur autorité et de leur richesse, et de personnes humbles voire d'esclaves qui subissent une domination plus brutale[336],[337]. Il faudrait également prendre en considération la présence de mécanismes faisant contrepoids et opposant une résistance aux tendances à l'accroissement de la compétition entre individus, de l'accumulation de richesses et du pouvoir. Des moments d'accroissement des inégalités visibles peuvent être suivis par des périodes où cela disparaît, comme dans la région de Varna en Bulgarie après la période des riches sépultures[338]. Selon P. Akkermans et G. Schwartz, le leadership exercé par les chefs du Néolithique proche-oriental serait généralement lié à des circonstances, donc plutôt « temporaire et situationnel »[339].

Il y a néanmoins bien sur le très long terme une tendance à l'accroissement des inégalités : les période finales du Néolithique et le Chalcolithique sont marquées par des signes plus visibles d'une hiérarchisation sociale. Cela prépare l'accroissement des différences sociales et l'émergence de l’« État » (archaïque), indépendamment dans plusieurs régions de la planète (Mésopotamie, Égypte, Chine, Indus, Mésoamérique, Pérou côtier)[340],[341].

Violences et conflits

Les sociétés du Néolithique présentent également plus de traces de violences que celles des périodes antérieures (sans pour autant que le phénomène ait été absent auparavant). Cela est probablement lié à l'accroissement de la population, du peuplement, qui créent notamment plus de potentialités de conflits territoriaux, à la volonté de s'approprier des surplus de ressources qui sont désormais stockés, également à la croissance des inégalités et des rivalités entre chefs[342],[343],[344]. Les témoignages de violences proviennent surtout de l'Europe néolithique, en particulier la fosse de Talheim (Allemagne, culture rubanée) contenant les restes d'une trentaine d'individus, dont des femmes et des enfants, dont la majorité avait reçu des coups mortels avec des haches en pierre polie, sans doute à l'issue d'un conflit entre groupes « néolithiques » (même s'il est possible qu'il y ait eu à cette période des affrontements entre agriculteurs et chasseurs-cueilleurs)[345]. Les marques de traumatismes portées par des centaines de squelettes sur d'autres sites de cette partie du monde confirment qu'il y a eu, non seulement des violences interpersonnelles, mais aussi des guerres entre groupes et à l'intérieur d'un même groupe. Dans les îles Britanniques, 8,5 % des 350 crânes d'une sépulture portaient des traumatismes, et 24,5 % de 106 autres ; au Danemark, 16,9 % de 261 crânes ; en Suède, 9,4 % de 117[346],[347]. Au Proche-Orient, la documentation sur les violences est en revanche très limitée, mais cela ne veut pas dire que le phénomène est absent[348].

Hommes et femmes

Spiritualité, rites et arts

Un nouveau rapport au monde

Rites et croyances

Traitements des morts

Arts et objets de prestige

L'art néolithique est extrêmement diversifié dans ses expressions. Les artistes du Néolithique s'expriment à travers la décoration des objets utilitaires (céramique, haches polies) mais aussi par la réalisation de sculptures, de parures et d'œuvres rupestres.

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Génétique des populations

Résumé
Contexte

La paléogénétique est devenue essentielle pour comprendre différents changements survenus durant le Néolithique, notamment les migrations et la diffusion néolithique, et plus largement pour mieux comprendre les premières sociétés villageoises[349].

La question de savoir si l'agriculture s'est répandue au fil des migrations humaines ou par la diffusion des idées et des techniques agricoles a été longtemps débattue mais depuis récemment, d'importants progrès de la génétique sont venus confirmer l’existence de grandes migrations néolithiques dans diverses parties de l'Ancien monde. Ainsi, même si la propagation initiale du Néolithique a dû se faire par diffusion culturelle dans le Croissant fertile parmi des groupes génétiquement bien différenciés, les recherches en paléogénétique indiquent que l'expansion vers le nord-ouest de l'Anatolie, le bassin égéen et le couloir danubien s'est produite principalement par diffusion démique[350].

Il a été constaté que les chasseurs-cueilleurs avaient des tailles de population effectives généralement plus importantes que les premiers fermiers du Néolithique contemporains. La faible taille de population effective déduite des premiers fermiers suggère que la transition néolithique est liée à une réduction de la taille effective de la population locale, potentiellement due à la « sédentarisation » et un flux de gènes restreint parmi les communautés agricoles à petite échelle, comme observé sur les sites néolithiques acéramiques de Boncuklu (de) et Aşıklı[350].

Europe

Thumb
Expansion néolithique de la culture cardiale et de la culture rubanée en Europe d’après l'archéologie.

Les recherches en paléogénétique ont permis de mettre en évidence l’existence d'une importante discontinuité génétique entre le Mésolithique et le Néolithique en Europe, interprétée comme l'effet d'importants mouvements de population lors de la néolithisation de l'Europe depuis le Proche-Orient[351],[352].

C'est entre 2010 et 2012 qu'est enfin séquencé le génome d'Ötzi, l'« Homme des glaces » découvert congelé dans un glacier des Alpes, vieux de 5300 ans c'est-à-dire de la fin du Néolithique européen. Ötzi a alors révélé pour la première fois la grande parenté entre la population européenne ancienne du Néolithique et les populations actuelles du sud-ouest de l'Europe et en particulier la Sardaigne. Son aplogroupe Y G2a2a confirme également cette parenté. Cet haplogroupe aujourd'hui minoritaire en Europe avait déjà été précédemment trouvé comme le plus fréquent à l'époque du Néolithique européen, il est de nos jours encore très fréquent en Corse et en Sardaigne[353].

Plus généralement, tous les échantillons issus de fermiers européens du Néolithique ancien et moyen, que ce soit en Serbie (culture de Starčevo), en Allemagne (culture rubanée), en Espagne (culture cardiale et dérivés) ou encore en Suède (culture des vases à entonnoir), entre autres, sont très semblables génétiquement entre eux et très semblables à Ötzi, et forment une seule et même population génétique (cluster), les premiers agriculteurs européens, baptisée EEF (pour « Early Europeans Farmers »)[354],[355], qui est étonnamment semblable à la population de la Sardaigne actuelle, et dans une moindre mesure très proche de toute l'Europe du Sud-Ouest actuelle. Cette population est bien distincte des anciens chasseurs-cueilleurs mésolithiques, ces derniers ont d'ailleurs persisté un moment à leurs côtés, les Européens du Néolithique sont alors supposés être issus au moins en partie d'une population ancienne du Proche Orient (différente de l'actuelle).

De même, il existe une discontinuité partielle entre cette population du Néolithique et la population actuelle de l'Europe, attribuée principalement à l'arrivée des Indo-Européens venus des steppes d'Europe de l'Est, durant les âges des métaux, et qui se sont mélangés à cette population du Néolithique pour donner les Européens actuels. Le mélange indo-européen est beaucoup plus important en Europe du Nord tandis que l'Europe du Sud, surtout du sud-ouest, est restée plus proche de l'ancienne population du Néolithique.

En 2015, grâce à l'augmentation du nombre d'échantillons disponibles permettant de plus fines comparaisons, Olalde et al.[356] ont pu déterminer que les anciens fermiers néolithiques européens étaient en réalité une population très homogène, et que, comme cela avait déjà été seulement supposé auparavant, les deux grands courants de néolithisation de l'Europe, le courant danubien (culture rubanée) et le courant méditerranéen (culture cardiale), sont en réalité le fait d'une seule et unique population colonisatrice issue d'une seule et même source commune qui a conquis la majeure partie de l'Europe presque sans mélange avec les chasseurs-cueilleurs rencontrés sur le chemin, même longtemps après la séparation des deux courants et ce jusqu'à l’atteinte des côtes atlantiques. On a pu ainsi déterminer que, si mélange il y avait eu avec les anciens chasseurs-cueilleurs, celui-ci aurait alors plutôt eu lieu dans les Balkans, en amont de la séparation des deux grands courants, de sorte que les deux courants sont issus du même mélange génétique de départ.

Proche-Orient

Ce n'est qu'en fin 2015 que les premiers échantillons d'ADN autosomal du Néolithique du Proche-Orient sont enfin disponibles[357],[358], plus précisément d'Anatolie. Ceux-ci montrent une différence génétique très marquée vis-à-vis de la population actuelle d'Anatolie, cette dernière est donc issue de migrations et d'importants remplacements de population plus récents dans cette région. La population ancienne du Néolithique d'Anatolie était en revanche bien plus proche des Européens actuels, et était surtout très étroitement apparentée aux premiers fermiers européens du Néolithique (les EEF[359]). Cela confirme par ailleurs l'origine orientale des EEF. À leur entrée en Europe, ces premiers agriculteurs n'ont connu en fait qu'un mélange très limité (7 à 11 %) avec les chasseurs-cueilleurs européens avant de coloniser et peupler une grande partie de l'Europe.

Une étude de Lazaridis et al. publiée en juin 2016 constitue la première vaste exploration génétique des populations du Proche-Orient néolithique, elle apporte notamment de nouveaux échantillons d'ADN autosomal du Néolithique d’Anatolie, du sud du Levant (Natoufien, PPNB, PPNC) et du Zagros iranien. Les différentes populations anciennes du Néolithique du Proche-Orient étaient à la fois différenciées entre elles et en partie différentes des populations actuelles de ces régions. Les Anatoliens du Néolithique, partiellement apparentés aux chasseur-cueilleurs européens du Mésolithique (WHG), sont la population source des grandes migrations néolithiques qui ont touché l'Europe. Les Levantins du Néolithique, quant à eux, assez apparentés aux Anatoliens néolithiques mais bien différenciés, sont la source principale des migrations d'origine eurasienne qui ont touché l'Afrique. La population de l'ouest de l'Iran néolithique (Zagros) est bien différenciée des deux premières, elle est en revanche assez étroitement apparentée aux CHG (anciens chasseurs-cueilleurs du Caucase du Paléolithique supérieur et du Mésolithique). Les modèles de mélange suggèrent que cette population a migré vers l'Est dans le sous-continent indien durant le Néolithique. Ces résultats permettent de dire que la néolithisation d'une grande partie de l'Ancien monde s'est effectuée par d'importantes migrations originaires de différentes parties du Croissant fertile. Ces migrations ont eu un impact génétique très important sur de nombreuses populations d'Eurasie et d'Afrique qui en descendent encore partiellement de nos jours[360].

En 2022, trois études présentent l'ADN de plus de 700 individus ayant vécu de la Croatie à l'Iran pendant plus de 10 000 ans. L'agriculture a commencé en Anatolie mais l'ADN montre que les personnes qui ont expérimenté la plantation de blé et la domestication des moutons et des chèvres il y a environ 10 000 ans n'étaient pas les simples descendants des chasseurs-cueilleurs vivant dans la région. Des dizaines de génomes nouvellement séquencés suggèrent que l'Anatolie a absorbé au moins deux migrations distinctes il y a entre 10 000 et 6 500 ans, l'une venant de l'Irak et de la Syrie actuels et l'autre de la côte orientale de la Méditerranée. Il y a environ 6 500 ans, les populations locales et immigrées avaient fusionné, mais une autre contribution génétique est venue de l'est, lorsque des chasseurs-cueilleurs du Caucase sont entrés dans la région. Il y a environ 5 000 ans, un quatrième groupe est arrivé, les Yamnaya (nomades des steppes au nord de la mer Noire), modifiant l'image génétique mais sans la redessiner fondamentalement[361].

Afrique

Fin 2015, le premier génome ancien de chasseur-cueilleur d'Afrique subsaharienne est disponible ; il est issu d'une grotte éthiopienne et date d'environ 2500 av. J.-C. La comparaison de ce génome avec les génomes des populations actuelles et anciennes d'Afrique et d'Eurasie a permis de déterminer que les Africains subsahariens modernes auraient tous reçu dans les derniers millénaires (pendant ou après le Néolithique) un apport génétique plus ou moins léger à important (selon les ethnies) en provenance d'Eurasie de l'Ouest. Parmi les populations eurasiennes anciennes et modernes, cette petite part supplémentaire d'ADN eurasien qu'on trouve chez les Africains subsahariens modernes a le plus d'affinités avec la population actuelle de la Sardaigne et avec les anciens fermiers néolithiques européens (les EEF). Cela suggère que l'Afrique subsaharienne a également été touchée de manière significative par les migrations néolithiques dont les EEF, génétiquement très proches des actuels Sardes, étaient les porteurs[362].

Par la suite, en février 2016, les auteurs de l'étude ont publié un erratum concernant leur étude. À la suite d'une erreur bio-informatique, l'influx de gènes eurasiens en Afrique subsaharienne a été surestimé. Il y a bien eu une importante migration en Afrique de l'Est en provenance d'Eurasie. Cependant elle s'étend beaucoup moins ailleurs en Afrique subsaharienne. Ainsi les Yoruba et les Mbuti ne présentent pas plus de gènes eurasiens que l'ancien Éthiopien de la grotte Mota[363].

En juin 2016, l'étude de Lazaridis et al. détermine que la population eurasienne source qui a contribué au génome des Africains de l'Est est plutôt l'ancienne population du sud du Levant du Néolithique, assez apparentée mais différenciée vis à vis de l'ancienne population d'Anatolie du Néolithique[360].

Sous-continent indien

Une étude de Jones et al. publiée en 2015 apporte deux échantillons d'ADN autosomal du Caucase en Géorgie du Paléolithique supérieur et du Mésolithique, cette population est dénommée chasseurs-cueilleurs du Caucase (en) (CHG). Cela permet de déterminer que la population actuelle de l'Inde pourrait être en grande partie issue d'un mélange assez récent (quelques millénaires seulement) entre deux populations : une première population théorique autochtone de l'Inde (dénommé ASI) qui avait une certaine parenté génétique avec les Andamanais (population ayant servi de référence dans l'étude) des Îles Andaman, et une seconde population eurasienne de l'ouest originaire des environs du Caucase arrivée plus tardivement en Inde par le nord-ouest. Dans le mélange les populations du sud de l'Inde sont restées un peu plus proches des Andamanais tandis que les populations du nord de l'Inde sont un peu plus proches des eurasiens occidentaux[364].

Selon Lazaridis et al. (juin 2016), la population de l'ouest de l'Iran du néolithique (monts Zagros), qui est assez apparentée aux CHG, est la source de l'expansion néolithique vers l'Inde. Cette population aurait migré dans le sous-continent indien durant le néolithique et s'y est mélangée à une population autochtone (ASI). Toutes les populations actuelles du sous-continent indien portent encore une part importante de cette population du Zagros néolithique, mais cette part d'ascendance est plus importante dans le nord-ouest. L'étude a aussi permis de déterminer que les populations actuelles du sous-continent indien ont un important apport génétique issu de la steppe eurasienne, arrivé en Inde plus tardivement à l'âge du bronze, et probablement à l'origine des langues indo-européennes d'Inde[360].

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Notes et références

Bibliographie

Voir aussi

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