compositeur et violoniste grec De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Nikos Skalkottas[n 1] (en grec moderne : Nίκος Σκαλκώτας), né à Chalcis le et mort à Athènes le , est un compositeur et violoniste grec. Il a été membre de la seconde école de Vienne et a été influencé par la musique classique et la musique traditionnelle grecque.
Nom de naissance | Nikólaos Skalkótas |
---|---|
Naissance |
Chalcis, Grèce |
Décès |
(à 45 ans) Athènes, Grèce |
Activité principale | Compositeur |
Style | |
Activités annexes | Violoniste |
Lieux d'activité | Berlin, Athènes |
Années d'activité | 1924–1949 |
Éditeurs | Universal, Schirmer |
Maîtres | Philipp JarnachArnold Schönberg, Kurt Weill |
Œuvres principales
Níkos Skalkóttas, disciple d'Arnold Schönberg, Kurt Weill et Philipp Jarnach, est resté à peu près inconnu du public jusqu'en 1949, cité seulement dans des dictionnaires et joué par quelques musiciens. Pourtant, le musicologue Harry Halbreich, dans son article consacré à la musique en Grèce de l'édition 1965 du Larousse de la musique, écrivait déjà que Skalkottas est « le plus grand de tous les compositeurs hellènes », considérant que : « Son œuvre est aussi chaleureux, aussi lyrique, et souvent aussi sombre, que celui d'un Alban Berg, parfois aussi ténu et raffiné que celui d'un Webern, ou aussi rythmé que celui d'un Stravinsky ou d'un Bartók. Mais il est avant tout d'une clarté et d'une lucidité véritablement méditerranéennes », et parle des compositions de Skalkóttas comme « représentant une des œuvres les plus importants de notre époque ». C'est aussi le jugement du musicologue britannique Hans Keller, qui considère que les compositeurs essentiels du XXe siècle sont Schoenberg, Stravinsky, Chostakovitch et Skalkóttas.
La musique de Skalkóttas est écrite dans des idiomes très variés : l'on trouve autant de pièces atonales libres que d'autres sérielles (principalement dans son propre système « multi-sériel » bien plus libre que celui de Schoenberg), ou encore certaines modales et enfin purement tonales. Étant mort très jeune, il est impossible d'imaginer dans quelle direction le compositeur se serait engagé dans les années 1960… Il a écrit pour pratiquement toutes les formations et tous les genres, à l'exception de l'opéra.
Nikos Skalkóttas vit le jour à Chalkis sur l'île d'Eubée. Son père, Alécos, était originaire de l'île de Tínos (Cyclades)[n 2], sa mère, Ioanna, venait de Hostia, en Béotie ; elle chantait à son fils des chansons de son pays (qu'il utilisa plus tard dans ses compositions) et lui racontait des légendes locales. À l'âge de cinq ans, avec l'aide de son père, il se construisit lui-même un petit violon. C'est son oncle Kostas[1],[2] qui commença la même année à lui enseigner le violon. En 1909[3], la famille s'installa à Athènes pour fournir à Nikos une meilleure éducation : il poursuivit plus tard, en 1914 – a dix ans –, ses études de violon avec Tony Schulze, au Conservatoire d'Athènes, dont il sortit diplômé en 1920[2].
L'un des événements décisifs dans la vie de Skalkóttas fut sans conteste l'obtention en 1921 d'une bourse de la Fondation Averoff[4],[2] qui lui permit de se rendre à Berlin (où il restera jusqu'en 1933), d'abord pour des études supérieures de violon auprès de Willy Hess, à l'Académie Musicale, cela à un moment crucial de son développement artistique et humain. C'est clairement pendant ces années que Skalkóttas aura accès à toute l'actualité internationale de la musique et des arts. Mais l'on sait peu de choses en fait de ce qu'était la vie de Skalkóttas dans ces années. Dès sa première année d'études, il rencontre celle qui devait devenir sa première compagne vers 1926, la violoniste ukrainienne Mathilde Temko originaire de Riga en Lettonie. Ils auront ensemble 2 filles dont seule la seconde, Artémis Lindal, survécut. Ils se séparèrent en 1931 et Mathilde s'installa avec sa fille à Stockholm. À Berlin, Skalkóttas partagea la première année un appartement à Lankwitz avec Dimitri Mitropoulos, et fréquenta le compositeur grec Yannis Constantinidis.
Après deux années d'études de violon à Berlin, il se décide à s'adonner entièrement à la composition. Skalkóttas aura aussi l'occasion de voyager en Europe, à Bruxelles au printemps 1925, en Autriche (Vienne et Salzbourg), et bien sûr à l'intérieur de l'Allemagne. Ses conditions de vie financières sont loin d'être toujours satisfaisantes, et il travaillera par exemple dans des cinémas pour l'accompagnement des films ou bien à des orchestrations pour le label Odeon. Mais il sera soutenu aussi par une famille fortunée, les Salomon. Dès 1925, après des études avec Paul Juon et quelques cours avec Kurt Weill (qui semblent se prolonger jusqu'en 1926)[2], Il produit son premier chef-d'œuvre, la Sonate pour violon solo, avant d'étudier pendant deux ans auprès de Philipp Jarnach[2] (lui-même disciple de Busoni). Jarnach dira plus tard de Skalkóttas qu'il était de caractère très fermé, mais il est visiblement impressionné par son élève. C'est seulement en 1927 que Skalkóttas amorce un tournant avec des études auprès de Schoenberg jusqu'en août 1930, avec cette fois le soutien d'une bourse de la Fondation Benakis[2]. Schoenberg, lors d'une conversation avec la pianiste Marika Papaïoannou (élève d'Artur Schnabel), dira grand bien de son nouvel élève. Il mentionne lui-même en 1948, peu avant sa mort (ignorant complètement si Nikos Skalkóttas vivait ou s'il avait composé quoi que ce soit après 1933), que « parmi les centaines de mes élèves, très peu sont devenus des vrais compositeurs : Anton Webern, Alban Berg, Hanns Eisler, Karl Rankl, Winfried Zillig, Roberto Gerhard, Nikos Skalkóttas, Norbert von Hannenheim, Gerald Strang, Adolph Weiss. C'est du moins les seuls dont j'ai entendu parler. » C'est durant ces années que quelques-unes de ses œuvres orchestrales seront jouées à Berlin ainsi que lors de ses passages à Athènes. Ce seront en fait pour lui les seules occasions d'entendre ou de diriger ses partitions orchestrales atonales ou sérielles. À partir de l'été 1931, sa situation semble se dégrader, avec la perte de la Bourse Benakis, sa séparation d'avec Mathilde, et surtout une mystérieuse rupture avec Schoenberg, dont le principal effet semble être l'arrêt presque total de ses activités de compositeur jusqu'en 1934-35. En mai 1933, il retourne en Grèce[5], un retour dans la patrie qu'il n'imagine certainement pas définitif à ce moment-là, mais ses tentatives ultérieures pour voyager se soldent visiblement par un échec.
Son retour à Athènes s'opère sous le signe des retrouvailles avec la musique populaire : après plusieurs années de crise comme compositeur[2], certains travaux de transcriptions qui lui sont officiellement confiés par Melpo Merlier l'encouragent certainement dans la rédaction des fameuses 36 Danses Grecques, qui lui apporte un premier succès incontesté dans son pays (mais qui ne seront jouées dans la totalité qu'en 1988 à Rio de Janeiro sous la direction de Byron Fidetzis). En fait, seules de rares œuvres modales ou tonales seront jouées en Grèce jusqu'à la fin de sa vie, notamment deux ballets (La Belle et la Camarde dès 1940), des extraits de la Symphonie Classique en la majeur pour instruments à vent et une partition pour la radio et la scène. Aucune des autres œuvres ne sera jouée, toutes les tentatives avortant. C'est le cas du Concertino pour hautbois qui faillit bien être présenté puisque Skalkóttas rédigea une note pour le public. Ce texte est d'ailleurs instructif, puisque Skalkóttas y appelle le public au rire et à l'humour. Selon de nombreux témoignages il y a souvent deux images de Skalkóttas qui coexistent, celle d'un bel homme, volontiers facétieux et dynamique, et celle de l'homme isolé, (aussi bien par le rejet des autres que par son propre choix), secret et triste. Il semble que Skalkóttas soit victime en rentrant dans son pays d'un certain nombre de cabales et il doit pour survivre se retrancher dans un emploi de violoniste de rang dans les trois orchestres d'Athènes jusqu'à la fin de sa vie. Déçu, il s'isole complètement et refuse de parler sérieusement de musique à quiconque à quelques exceptions près, quand il est rassuré que son interlocuteur le comprend (selon J. G. Papaïoannou). Entre 1935 et 1944, il va produire l'essentiel de son œuvre, très abondante (l'année 1939-1940 étant la plus incroyablement faste, et culminant avec les 32 Pièces pour piano), abordant des genres très diversifiés. C'est en mai 1944 qu'a lieu l'épisode de son arrestation par les nazis pour avoir enfreint le couvre-feu : Skalkóttas a la chance de ne pas être abattu d'office comme c'était souvent le cas à ce moment, et il sera « juste » interné dans le camp de Khaïdari pendant plusieurs mois[n 3]. C'est aussi pendant la guerre en 1943 que Skalkóttas rencontra la pianiste Maria Pangali. Ils se marièrent après la guerre, en 1946. Un premier fils, Alécos, naît en 1947[n 4]. Durant les 3 dernières années de sa vie il réalise nombre d'orchestrations de partitions laissées en suspens. Il compose aussi dans ces années une quantité plus importante qu'avant-guerre d'œuvres tonales, dont certaines seront jouées devant lui.
Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1949, Skalkóttas meurt d'une hernie strangulaire, deux jours avant la naissance de son second fils[6]. À sa mort brutale, ce , Skalkóttas est pratiquement inconnu, ni publié, ni enregistré, ni joué[7]. Ses succès passagers de Berlin sont pratiquement oubliés. Il aura fallu plus de cinquante années pour que ses œuvres soient toutes jouées au moins une fois, et l’opiniâtreté d'un éditeur suédois indépendant pour enregistrer la quasi intégrale de ses œuvres. La musique de Skalkóttas reflète complètement ses racines culturelles dans tous ses aspects. Le musicologue suisse Luca Sabbatini écrivait très judicieusement en 1999 que « sa musique combine expressionnisme haletant et climats archaïques. La violence des rythmes, le tranchant des couleurs orchestrales sont tempérés par un lyrisme halluciné qui provoque l'envoûtement. »
(D'après un texte de Christophe Sirodeau, 1999 ; avec l'autorisation de l'auteur et de l'Association Internationale Feinberg-Skalkóttas), 2008.
En 1961 Yiannis Papaioannou (en) fonde la Société des amis de Skalkóttas qui au cours des années 1960 développera l'exposition des œuvres lors de concerts de musique contemporaine. Dès 1965 débute sous son hospice la publication de 35 pièces chez Universal Edition. En 1969 le catalogue des œuvres paraît et un festival commémoratif pour le vingtième anniversaire du décès du musicien permet d'y entendre dix-neuf œuvres[8].
D'autres festivals, comme celui de la « Biennale de Venise » ou de Hambourg, sont l'occasion de saluer internationalement la « découverte » de Skalkotta et de considérer ce compositeur comme un événement musical d'une grande importance, le plaçant parmi les « plus grandes figures musicales de notre temps ». S'ensuivront nombre de commentaires, d'études approfondies, d'articles et de livres[9].
En 1988, un documentaire de 60 minutes sur sa vie et l'œuvre a été filmé grâce au soutien du ministère de la Culture grec et des autorités locales de l'île d'Eubée, où est né Skalkóttas.
Bien que le centenaire de la naissance du compositeur (21 mars 2004) n'ait laissé aucun souvenir marquant, au cours des dernières années (de 1998 à 2008), le label suédois BIS a enregistré et créé nombre d'œuvres au disque étalées sur 17 volumes.
Le musicologue Hans Keller soutient que les principaux compositeurs du XXe siècle sont Schoenberg, Stravinsky, Chostakovitch et Skalkóttas[n 5].
Le chef d'orchestre Walter Goehr nous alerte aussi sur la grandeur du musicien : « Je ne sais pas si, dans l'histoire de la littérature, du théâtre, ou d'autres arts, un cas semblable est mentionné, mais je sais que jamais dans le passé rien de comparable n'a eu lieu en musique... »[10]
Les premières pièces de Skalkóttas, écrites à Berlin, sont perdues. Les premières œuvres dont nous disposons aujourd'hui, datent seulement des années 1922 ou 1924. Ce sont des compositions pour piano, ainsi que l'orchestration de Fête crétoise réalisée pour son condisciple à Berlin, Dimitri Mitropoulos. Parmi les œuvres écrites à Berlin qui nous soient restées, on doit citer la Sonate pour violon seul, plusieurs œuvres pour piano, de la musique de chambre et des œuvres symphoniques.
Skalkóttas ne composa pas sur la période 1931–1934, mais repris son travail à son retour à Athènes et ce, jusqu'à sa mort. Sa production comprend des œuvres symphoniques (36 Danses grecques, l'ouverture symphonique Le retour d'Ulysse, le drame féerique Sortilèges de mai, la Deuxième Suite Symphonique, le ballet La Jeune Fille et la Mort, des œuvres pour orchestre à vent et plusieurs concertos), de la musique de chambre, des œuvres vocales et instrumentales y compris le grand cycle de 32 Pièces pour piano.
Skalkóttas a très tôt façonné son écriture musicale, de sorte que l'influence de ses professeurs a été rapidement assimilée dans un style de composition absolument personnel et reconnaissable.
Tout au long de sa carrière Skalkóttas, est resté fidèle aux idéaux néo-classiques de la Nouvelle objectivité (« Neue Sachlichkeit ») et de la « musique absolue », proclamée en Europe dès 1925. À Berlin déjà, il avait un grand intérêt pour le jazz et parallèlement a développé une forme très personnelle de la méthode de douze sons, en utilisant, non pas une série, mais plusieurs. Le tout définissant dans l'ouvrage, l'organisation des différentes thématiques et progressions harmoniques. Par exemple, le Largo Sinfonico n'emploie pas moins de 16 séries.
Environ 70 œuvres proviennent de la période berlinoise et 100 d'Athènes. Les projets de types atonaux représentent plus de 85 % de sa production. Environ 12 % sont constitués de projets plus simples, tels les fameuses 36 danses grecs pour orchestre ou le ballet folklorique La Mer. Ces deux esthétiques – tonale et atonale – sont menées ensemble au cours de la vie créative. Il s'agit d'un caractère fondamental de l'œuvre de Níkos Skalkóttas. « Cette particularité, combinée à un usage personnel des formes classiques caractérise son génie unique » dit même Yannis Samprovalakis[11]
Comme Schoenberg, Skalkóttas a constamment cultivé les formes classiques, telles la sonate, la variation ou la suite. Mais sa production est divisée entre musique atonale et sérielle et les œuvres tonales. Cette apparente hétérogénéité aurait été accrue par son amour de la musique folklorique grecque. L'exemple le plus frappant de son engagement pour la musique populaire est la série des 36 Danses grecques, composées pour l'orchestre, entre 1931 et 1936, puis arrangées pour diverses formations dans les années qui suivirent ; et encore partiellement réorchestrées de fond en comble, en 1948 et 1949. Les deux tiers environ de ces danses sont basées sur des thèmes folkloriques grecs véritables, issus de différentes régions grecques, continentales ou insulaires ; cependant que le dernier tiers est une création originale de Skalkóttas[n 6], dans le style folklorique[n 7].
Le compositeur est resté sceptique sur les tentatives de ses contemporains à intégrer la musique folklorique grecque dans des formes symphoniques modernes. Dans sa propre musique dodécaphonique il n'a utilisé que quelques fois cette juxtaposition des styles, notamment dans sa musique de scène pour la pièce de Christos Evelpides, le conte féerique Sortilèges de mai (1943). Ainsi, il peut être considéré comme un des liens entre la Seconde École de Vienne, les écoles de Busoni et Stravinsky.
À partir de 1945, Skalkóttas semble avoir réévalué, dans une certaine mesure, son esthétique et écrit plusieurs ouvrages dans un langage tonal plus conventionnel et beaucoup de partitions portent des armatures. Néanmoins, pour cette période ultime, les dissonances qui pimentent les textures sonores et l'harmonie, ne sont pas sensiblement diminuées (par exemple dans les Quatre Images de 1948).
Selon Yiannis Papaioannou (en), l'œuvre de Skalkóttas se divise en trois périodes :
Outre son travail de compositeur, Skalkóttas a accumulé un important travail théorique, réparti en articles, analyses musicales[12]. Mais aussi des textes de présentation de ses œuvres : « Avant-propos » pour les notes de la première Suite symphonique pour grand orchestre..., ainsi qu'un traité d'orchestration resté inédit[13].
Les archives Nikos Skalkóttas, basées à Athènes, possèdent 110 manuscrits du compositeur sur les 170 œuvres composés que recense le catalogue. Ce qui représente tout de même 6 500 pages de musique et les huit-dixièmes de la totalité[14].
Le catalogue des œuvres de Skalkóttas (A/K) ne liste pas moins de 170 numéros[15]. Nombre de pièces sont restées à l'état de manuscrits en raison du mépris de l'entourage musical de son temps, de la difficulté technique extraordinaire des pièces, ou de la violente hostilité de la critique envers les œuvres atonales modernes. Skalkóttas touche cependant à toutes les formes, excepté l'opéra et n'écrit que peu pour la voix, avec notamment un recueil de 16 mélodies.
Par deux fois, l'œuvre du musicien a été perdue. D'abord celles d'avant 1933. Selon Thornley (2001), les manuscrits abandonnés lors du départ précipité d'Allemagne de Skalkóttas en 1933, ont été vendus par sa logeuse allemande, peu de temps après. Ainsi ont disparu, notamment trois quatuors et un trio à cordes…
Ensuite, après sa mort de nombreux manuscrits ont été perdus ou détruits, même si une douzaine datant de la période 1924-1931, ont été trouvés dans une librairie d'occasion en 1954[16].
Les six ballets de Skalkóttas sont tous écrits dans un idiome tonal et forment une partie importante de son travail. Il collabora avec toutes les compagnies de ballet d'Athènes et notamment avec Koula Pratsika (1899-1984) directrice de l'école qui porte son nom, et figure pionnière essentielle du ballet en Grèce.
Le label suédois BIS Records a publié dix-sept albums consacrés à l'œuvre de Nikos Skalkottas, qui constitue l'essentiel de la discographie.
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