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territoire où la fiscalité est basse ou nulle De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Un paradis fiscal désigne généralement un pays ou territoire avec certaines fiscalités et règlementations réduites ou même parfois nulles. D'une part, les taux d'imposition sont jugés beaucoup plus bas par comparaison de ceux pratiqués dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; d'autre part, les lois et les règlementations sont jugés beaucoup moins contraignantes, voire absentes, par comparaison avec les autres pays. Par ailleurs, l'opacité des systèmes fiscaux et financiers est un critère important au regard des conventions d'assistances internationales, ce qui permet de distinguer le paradis fiscal du paradis financier.
Le terme « paradis fiscal », bien que couramment employé, peut s'avérer trompeur et recouvre des réalités différentes selon les auteurs. Il s'agit d'un raccourci désignant un « paradis fiscal et judiciaire ».
Trois types de paradis fiscaux peuvent être distingués[réf. nécessaire] :
Le terme de paradis fiscal, au sens strict de fiscalité faible, ne prend son sens qu'en comparaison avec d'autres pays (ou d'autres régions du même pays) à fiscalité plus élevée au moins dans certains domaines ou pour certaines activités. Ainsi un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de 1987 relatif à la fiscalité internationale[réf. nécessaire] précisait, dès son introduction, qu’« il n’existe pas de critère unique, clair et objectif permettant d’identifier un pays comme étant un paradis fiscal ».
Pour certains, toute tentative de définir précisément les paradis fiscaux est vouée à l’échec[1]. En réalité, il y aurait autant de définitions qu’il y a de « paradis fiscaux »[2]. Aussi, selon Karim Berthet et François Stifani, l'ambiguïté qui caractérise la notion de paradis fiscal rend celle-ci difficilement appréhendable. Divisés, les dispositifs nationaux affaiblissent selon eux la coopération fiscale unitaire entre États[3].
En anglais, l'expression correspondante est « tax haven », « refuge fiscal » ; en allemand on emploie les termes de « Steueroase » ou de « Steuerparadies », « oasis fiscale » ou « paradis fiscal ». Les notions de paradis fiscal et de paradis financier se recouvrent en partie. L'opacité financière dans un pays permet de dissimuler des activités ayant lieu dans les paradis fiscaux[4].
Dans le précis de fiscalité établi annuellement par la direction générale des Impôts française, le terme paradis fiscal n’est utilisé qu’une fois et dans une instruction du ministère des Finances du . Le paradis fiscal y est défini comme un pays « qui applique un régime fiscal dérogatoire tel qu’il conduit à un niveau d’imposition anormalement bas », sans qu'il soit précisé ce qu'est un niveau d'imposition anormalement bas. Dans le code général des impôts français, l’article 238A préfère parler de « pays à régime fiscal privilégié », et paradis fiscal n’apparaît pas dans l’index alphabétique. Cet euphémisme, qui remonte à l’article 14 de la loi de finances de 1974, désigne les États ou territoires où les contribuables sont imposables ou assujettis à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France, ce qui montre le côté relatif de cette définition en France[réf. nécessaire].
Pour qu’un État ou territoire figure sur la liste française des ETNC (État ou Territoire Non Coopératif[5]) – qualifiée parfois « d’écran de fumée » par certains praticiens[6] -, il y a trois conditions cumulatives : être « non membre de l’Union européenne au » ; avoir « fait l’objet d’un examen par l’Organisation de coopération et de développement économiques » (OCDE) et ne pas avoir « conclu avec la France » « ni signé avec au moins douze États ou territoires » une convention d’assistance administrative d’échange réciproque d’informations fiscales[7].
Dans la plupart des pays membres de l’OCDE, il n’existe pas, dans la législation ou dans la jurisprudence, de définition précise de la notion de paradis fiscal[réf. nécessaire].
La notion de paradis fiscal nécessite une « indulgence du législateur »[8] du pays concerné et s'oppose à celle d'harmonisation fiscale. Ces paradis peuvent être vus comme encourageant l'évasion fiscale ou la fraude fiscale (ces deux termes étant synonymes)[9], des règles laxistes ou le contournement des règles[10], ce qui contribue à l'augmentation des inégalités dans le monde[10] (Roger Brunet les qualifie en 1986 d'« antimonde » pour montrer que tout y fonctionne « à l'inverse des règles respectées ailleurs[11] » et qu'ils peuvent aller contre les intérêts du reste du monde)[12].
La délocalisation des profits des multinationales dans les paradis fiscaux est un phénomène généralisé qui concerne la plupart des secteurs d'activité : numérique, industrie pharmaceutique, finance, industrie manufacturière, luxe, etc.[13].
Les paradis fiscaux sont souvent associés à l'idée de secret bancaire. Certaines personnes considèrent que les paradis fiscaux permettent aux particuliers et aux entreprises de ménager leur intérêt particulier aux dépens de l'intérêt général, et qu'à ce titre, ils peuvent être rendus responsables du désordre financier mondial. Cependant, Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre du Luxembourg, fait remarquer que la crise économique mondiale de 2008 a eu comme épicentre les États-Unis, qui ignorent le secret bancaire, et non de la Suisse ou du Luxembourg[14].
La principauté de Monaco est un paradis fiscal pour les revenus directs de toutes personnes physiques qui y résident (à l'exception notable des Français). Toutefois le taux de l'impôt sur les sociétés est de 33,33 % lorsque leur chiffre d'affaires provient, à concurrence de 25 % au moins d'opérations faites directement ou indirectement, en dehors de la principauté.
La Suisse est un paradis bancaire, mais n'est en général pas considérée comme un paradis fiscal[réf. nécessaire]. Le Royaume-Uni ou les États-Unis ne sont pas des paradis fiscaux à proprement parler, mais ces pays abritent des centres financiers offshores (la City de Londres, les États du Delaware, du Dakota du sud, du Wyoming, etc.) qui offrent les mêmes services et les mêmes avantages que les paradis fiscaux[15]. On peut rapprocher ces centres financiers offshores aux zones franches. La France n'est pas considérée comme un paradis fiscal mais, dans certains secteurs géographiques, les zones franches permettent aux entreprises de réduire de façon drastique leur imposition : ainsi la Polynésie française connaît un régime d'imposition sur les personnes physiques extrêmement bas, tandis que les TAAF bénéficient d'un pavillon de complaisance. Ces exemples, qui ne sont pas exhaustifs, nous indiquent que les régimes dérogatoires existent en tous lieux et que les États qui dénoncent les paradis fiscaux ne sont pas en la matière d'une pureté immaculée[réf. nécessaire].
L'OCDE établit chaque année une liste des paradis fiscaux non coopératifs et joue donc le rôle de lanceur d’alerte fiscale[16]. Toutefois, depuis plusieurs années, cette liste des paradis fiscaux non coopératifs est vide !
L'OCDE retient trois critères pour définir un paradis fiscal[17] :
Un quatrième critère, celui de l'absence d'activités substantielles, n'est plus pris en compte par l'OCDE depuis 2001.
Le premier, concernant le montant des impôts, est un critère important pour qu'un pays soit considéré comme un paradis fiscal par l'OCDE, mais pas suffisant, car l'OCDE reconnaît que toute juridiction a le droit de décider d'appliquer ou non des impôts directs et, dans l'affirmative, de déterminer le taux d'imposition approprié. Cela signifie qu'un pays qui pratique un taux d'imposition très faible ou nul, pour attirer les particuliers et/ou les entreprises, peut être absent des listes de l'OCDE si cette pratique est exercée en toute transparence, alors qu'il est bien un paradis fiscal[18].
L'histoire des paradis fiscaux est parallèle à celle de la fiscalité. Ainsi, Salvien de Marseille, au Ve siècle, raconte que beaucoup de Romains fuyaient les territoires sous administration romaine pour se réfugier dans les royaumes barbares afin d'échapper aux collecteurs d'impôts[19].
Les paradis fiscaux se développent parallèlement aux États, à partir du XVIIe siècle, et se multiplient avec l'expansion du commerce et l’intensification des échanges de capitaux, lors de la première mondialisation. Au XIXe siècle, des avocats d'affaires new-yorkais convainquent les gouverneurs de petits États américains qui ont des problèmes budgétaires (le New Jersey dans les années 1880, le Delaware en 1898) de fournir un droit de franchise aux firmes qui y domicilient leur siège social[20]. Mais c'est durant les années 1920 (augmentation des prélèvements fiscaux à la suite de la crise de 1929), les 1930 (les juges britanniques ayant décidé en 1929 que le fisc s'appliquait aux entreprises multinationales dont la décision stratégique se prend à Londres, les firmes y échappent en inventant la « résidence fictive », plaçant le conseil d'administration dans un autre pays ; vote en 1934 de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne[21], laquelle permet de créer des comptes masqués[22]) et, surtout, pendant les Trente Glorieuses (contournement de l'État-providence, développement de la City grâce à la chasse aux eurodollars encouragée en 1957, lorsqu'il prend la tête de la Bank of London and South America, par Sir George Bolton, ancien dirigeant de la Banque d’Angleterre[23]) que les paradis fiscaux vont prendre leur véritable essor[24].
Depuis le début des années 1980, le mouvement ne s’est pas ralenti. Un rapport de l’OCDE d’ précise ainsi que « l’investissement direct étranger des pays du G7 dans un certain nombre de pays des Caraïbes[8] et d’États insulaires d’Asie généralement considérés comme des pays à fiscalité peu élevée, a plus que quintuplé entre 1985 et 1994 pour s’établir à quelque 200 milliards de dollars, ce qui représente un accroissement bien supérieur à la croissance de l’encours actuel de l’investissement direct étranger »
À partir du milieu des années 1990, les avocats fiscalistes développent de nouvelles stratégies un peu partout dans le monde dans le but de s’attaquer aux taux pressant sur les entreprises. La stratégie la plus aboutie consiste à vendre entre ses propres filiales des droits de propriété tels que des brevets dans le but de créer artificiellement une perte dans les pays à lourde fiscalité, et de créer artificiellement un bénéfice au même montant dans les pays à faible fiscalité. Cette stratégie est toujours en place de nos jours[25].
Au premier trimestre 2004, le ministère du Commerce chinois s’inquiétait que 20 % des investissements directs étrangers en Chine provenaient des îles Vierges, des îles Caïmans et des Samoa. De manière globale, en 1997, le montant des actifs gérés par 65 paradis fiscaux s’élèverait à la somme de 4 497 milliards d’euros, selon les journalistes du journal L'Expansion. Trois ans plus tard, le quotidien français Libération publiait une enquête évaluant l’ensemble des fonds placés dans les paradis fiscaux à près de 6 000 milliards d’euros, avec une hausse de 12 % par an[réf. nécessaire].
En plein crise de 2008, ce sont selon X Harel « près de 12 000 milliards d'euros dorment toujours dans ces territoires protégés » alors que de nombreux états sont au bord de la faillite ou en situation difficile, faute de rentrées fiscales[26].
Les paradis fiscaux sont donc devenus un élément essentiel de la stratégie fiscale des sociétés internationales. En 2010, la banque CIBC se félicitait d'avoir économisé plus de 820 millions de dollars canadiens en impôts grâce à ses filiales dans des paradis fiscaux[27].
En juillet 2012, la fondation indépendante Réseau pour la justice fiscale publie une étude sur les paradis fiscaux et sur l'évasion fiscale, chiffrée autour de 25 500 milliards d'euros, soit plus que la somme des PIB des États-Unis et du Japon[28].
En 2013, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD-Terre Solidaire), dans son rapport intitulé « Aux paradis des impôts perdus », estime que les cinquante plus grands groupes européens sont tous présents dans les paradis fiscaux[29].
L'existence des paradis fiscaux soulève plusieurs types de questions distinctes :
Ces questions sont néanmoins souvent évoquées ensemble (avec plus ou moins de bonne foi, dans la mesure où communiquer à propos du blanchiment d'argent est plus facile et plus porteur, que simplement se plaindre d'une perte de rentrées fiscales au profit d'un micro-état voisin).
Par les conditions favorables qu'il offre, un paradis fiscal attire les entreprises pour qu'elles y installent des filiales ou leur siège social. Ces entreprises réduisent ainsi le montant de leurs impôts sur les bénéfices par rapport à leur pays d'origine, échappant de cette manière à une fiscalité qu'elles jugent excessive.[réf. nécessaire].
En effet, les mesures nationales entendent faire barrage à l'évasion fiscale et déjouer des montages artificiels. Par exemple, l'exit tax à la française n'a de sens que si elle mute en une exit tax européenne[30].
Mais ce gain pour les entreprises est autant de perdu pour les États, au grand dam des partisans de politiques sociales, et à la grande satisfaction des partisans de la concurrence fiscale qui y voient un moyen de limiter la tendance naturelle des États à taxer toujours davantage (un résultat de cette concurrence est par exemple que l'épargne des non-résidents n'est imposée dans aucun pays européen) et de respecter le droit des individus à « organiser leurs affaires de façon telle qu'ils n'aient à acquitter que le minimum d'impôts prévu par la loi » (selon les termes du ministre des Finances canadien en février 1985, dans sa déclaration des droits du contribuable).[réf. nécessaire].
Nombre de grands pays ont, dans leur voisinage et sous leur dépendance de facto voire de jure, un paradis fiscal qui leur permet d'attirer les devises et les investissements étrangers, ainsi que d'éviter une trop grosse exportation de capitaux des nationaux : Monaco pour la France, les îles Anglo-Normandes pour le Royaume-Uni, les Bahamas pour les États-Unis, le Liechtenstein entre la Suisse et l'Autriche, etc. Il leur est plus facile de faire varier le niveau de tolérance appliqué à ces satellites et à leurs entreprises nationales, que de faire évoluer leur système fiscal, avec tout ce que cela implique de débat public et de délais[réf. nécessaire].
Ainsi, les paradis fiscaux apparaissent-ils comme des soupapes dans les systèmes fiscaux, avec le risque de les voir se transformer en fuites importantes. Risque aggravé par les moyens techniques modernes, en matière de transport et de finance : en août 2006, aux États-Unis une enquête judiciaire révèle que de nombreux milliardaires détourneraient de l'argent par l'entremise des paradis fiscaux, faisant perdre au fisc un total de 70 milliards de dollars par an parmi les paradis fiscaux utilisés. Pour cela, des sociétés fictives ont établi leur siège aux Îles Caïmans ou aux îles Vierges britanniques.[réf. nécessaire] Des comptes ont également été découverts dans diverses îles des Caraïbes et sur l'île de Man[31].
En France, en mai 2018, Emmanuel Macron annonce vouloir supprimer l'exit tax, qui selon lui enverrait un message négatif aux entrepreneurs[32].
Les paradis fiscaux sont souvent aussi des paradis financiers, des paradis bancaires et parfois des paradis judiciaires, très intégrés au système financier international, comme l'ont montré les scandales financiers Enron ou Parmalat[réf. nécessaire]..
Concernant le blanchiment d'argent sale certains de ces pays coopèrent : beaucoup ont adopté des normes en la matière plus strictes que les pays régulés[réf. nécessaire].
Certains paradis fiscaux - au nom du secret bancaire - refusent souvent de coopérer aux enquêtes de juges étrangers, contrôlant eux-mêmes la délinquance financière, et le risque bancaire et financier. Ceci favorise l'opacité des circuits financiers utilisés par les sociétés qui y sont implantées, dont par des terroristes ou des mafieux du monde entier, par des entrepreneurs ou des hommes politiques corrompus, etc. Ceci conduit certains à penser, souvent en amalgamant paradis financiers, judiciaires et fiscaux, que ces derniers peuvent amplifier les crises financières et/ou environnementales mondiales (on estime qu'en 2000, plus de 50 % des flux financiers internationaux transitent par des paradis financiers et ce qu'on connaît de leurs effets environnementaux de ces paradis ne pourraient qu'être le « sommet de l'iceberg »[33]). Dans les années 2000, l'analyse collaborative de nombreux documents classifiés a donné un aperçu du rôle caché des paradis fiscaux dans l'économie mondiale et sur les implications politiques, économiques et sociales du secret financier, ainsi que sur leurs conséquences environnementales « jusqu'à présent été largement ignoré »[33], avec deux exemples :
En 1996, divers magistrats européens avaient lancé l'« appel de Genève »[36] pour obtenir une harmonisation fiscale et judiciaire européenne, dont la levée du secret bancaire permettant de lutter contre les fraudes fiscales et le blanchiment d'argent issu de la criminalité.
En 2008 (13 nov), répondant à une question sur les déclarations de Nicolas Sarkozy et de François Fillon appelant à « éliminer les zones d’ombre » de la finance mondiale que sont les paradis fiscaux, le juge Renaud Van Ruymbeke a dénoncé sur France Inter l'hypocrisie des politiques[37].
L'organisme intergouvernemental Groupe d'action financière (GAFI) a établi une liste avec des critères précis[38].
Un collectif d'ONG et d'associations, dont Attac, a lancé dans les années 2000 au niveau international une campagne destinée à lutter pour la mise en place d'un dispositif de contrôle du secret bancaire et de sanction des concurrences fiscales déloyales de certains pays aboutissant à priver d’autres de ressources qui auraient pu être affectées à des projets sociaux. La plate-forme « Paradis fiscaux et judiciaires » a ainsi rédigé une plaquette grand public montrant comment l’opacité des transferts de capitaux provenant de la corruption et les détournements de fonds publics privent les États du Sud de recettes qui auraient pu être affectées à leur développement.
Le 21 octobre 2008, dans le sillage de la crise financière internationale, l'Allemagne, la France et 15 autres pays ont mis en cause les paradis fiscaux dans la transparence du système financier international[39].
Voir aussi les activités de la mission parlementaire française présidée par Vincent Peillon et rapportée par Arnaud Montebourg[40].
Edouard Chambost, spécialiste des paradis fiscaux, estimait, en 2008, que les États-Unis s'opposent à toute idée de contrôle des paradis fiscaux à la fois parce qu'ils pensent qu'ils offrent « des services […] peu coûteux et très souples du point de vue juridique » aux acteurs du commerce international, et parce qu'ils constituent un « aiguillon » pour maintenir des politiques fiscales faibles[41].
Karim Berthet, spécialiste des paradis fiscaux, considérait, en 2015, que « les États-Unis éprouvent toujours une certaine réticence à se voir appliquer pour eux-mêmes des accords de réciprocité fiscale entre juridictions fiscales étrangères. Rappelons que, jusqu’ici, cette juridiction n’a consenti à appliquer qu’une réciprocité limitée, ne communiquant à ses partenaires signataires de FATCA que des informations sur les intérêts des comptes d’épargne. Dès lors, alors que les États-Unis devraient donner l’exemple en matière de transparence fiscale en ayant imposé au monde un tel modèle FATCA, ils sont en pratique les seuls à ne pas vouloir appliquer l’échange d’informations dans son intégralité. Cela fait de FATCA un accord imposé de manière unilatérale et appliqué pour l’essentiel de manière non réciproque. Il faut ici rappeler que les États-Unis protègent prioritairement leurs ressortissants, leurs entreprises et leurs banques, et qu’à ce titre, ils refusent toute application à leur encontre du BEPS, de l’échange automatique de renseignements et de FATCA (absence totale de réciprocité) »[42].
Les paradis fiscaux semblent avoir un poids économique majeur dans l'économie mondiale, qui explique la difficulté pour les pays de l'OCDE à lutter contre eux alors mêmes qu'ils n'ont que très peu de poids politique[43].
En 2008, selon l'avocat fiscaliste Édouard Chambost, spécialiste du sujet et favorable au maintien du système des paradis fiscaux, « 55 % du commerce international ou 35 % des flux financiers transitent par les paradis fiscaux. C'est bien la preuve qu'ils constituent aujourd'hui un rouage essentiel de notre économie »[41].
Les paradis fiscaux concentreraient, selon les estimations, environ 10 000 milliards de dollars d'actifs gérés, selon le quotidien économique français La Tribune, en 2008[41]. Les deux tiers des hedge funds seraient domiciliés dans des paradis fiscaux, selon Daniel Lebègue, président de Transparence internationale France (et ancien directeur du Trésor puis directeur général de la BNP), en 2008[41]. Selon le rédacteur en chef de Regards croisés sur l'économie environ 8 % du patrimoine financier mondial des ménages, soit 5 800 milliards d'euros (7 540 milliards de dollars) seraient placés en 2013 dans les paradis fiscaux, et environ 80 % de ce montant serait soustrait au fisc[44].
Les paradis fiscaux recevraient, selon les estimations, un tiers des investissements directs étrangers des multinationales, vers 2008[41].
Il est important de savoir que les professionnels jouent un énorme rôle dans l’expansion des paradis fiscaux. Selon Ronen Palan[45], les personnes occupant des rôles de professionnels, tels que des comptables, juristes, banquiers et autres experts fiscaux, sont beaucoup plus impliqués qu’on le pense dans les paradis fiscaux. Le but, étant d’échapper à l’impôt et à la règlementation, intéressent nos professionnels. Ceux-ci inventent notamment de nouvelles lois, techniques d’évasion et d’optimisation de profits qu’ils vendent par la suite à leur client afin de faire le plus d’argent possible. C’est également ce qui fait prospérer les affaires des paradis fiscaux. Les gens possèdent ses métiers profitent de leur supériorité et de leurs connaissances plus approfondies des chiffres que les habitants des territoires (îles) n’ont pas dans le but d'escroquer ceux-ci. Pour résumer ce phénomène, les professionnels suivent l’argent où il va.
Bien qu'il soit connu que les paradis fiscaux ne soient pas tout à fait légaux[réf. nécessaire], plusieurs problèmes majeurs résultent de ceux-ci. La comptable et fiscaliste Brigitte Alepin[46] a recensé qu’ils privent le trésor public de revenus substantiels et cette évasion fiscale représente 3,5 à 5,5 % des revenus totaux de l’État fédéral et provincial canadien. Les analystes ont donc constaté qu’il y avait une fuite des capitaux dans notre économie, ce qui est normal puisque les investissements ne génèrent aucune activité économique. Les profits générés sont récoltés seulement par les entreprises et non à la collectivité. Celles-ci ont la chance de payer leurs impôts là où elles le désirent, ainsi là où elles sont le moins élevé et parfois nul. Ce phénomène cause ainsi une concurrence fiscale avec le gouvernement.
Divers organismes, organisations, États, établissent des listes de paradis fiscaux (coopératifs ou non). Voici quelques exemples de listes.
En 2000, l'OCDE établit une première liste de paradis fiscaux. Dans les deux ans qui suivent, 31 pays s'engagent à mettre en place les principes de transparence et d'échange d'informations fiscales. En 2002, est établie une liste des paradis fiscaux non coopératifs, sur laquelle figurent sept pays n'ayant pris aucun engagement de ce type. Parmi eux, la République de Nauru et la République de Vanuatu sautent le pas en 2003, puis le Libéria et les Îles Marshall en 2007[47].
En mars 2009, sous la pression notamment du G20, l’Andorre, le Liechtenstein et Monaco, les trois pays restants sur la liste, décident de s'aligner sur les recommandations de l'OCDE en ce qui concerne la transmission des informations financières entre pays, mais sous certaines conditions[48].
En coordination avec le sommet du G20, l'OCDE publie le 2 avril 2009 une nouvelle liste de paradis fiscaux partagés en trois listes : gris clair, gris foncé et noir, selon le degré d'absence de coopération. Sont répertoriés, sur une « liste noire », des États ou territoires qui ne se sont pas engagés à respecter les standards internationaux. Deux listes « grises » désignent des États ou territoires qui se sont engagés à respecter les standards internationaux, mais ont à ce jour signé moins des douze accords requis[49]. Par ailleurs, des territoires considérés comme paradis fiscaux comme Jersey, Guernesey, Hong Kong ou Macao ne sont plus dans la liste noire (ou grise). Ces territoires étant des dépendances du Royaume-Uni et de la Chine (Pays participants au G20).
Le 7 avril 2009, le secrétaire général de l'OCDE, Angel Gurria, annonce qu'il n'y a plus aucun pays sur la liste noire des paradis fiscaux. Par conséquent, le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l'Uruguay intègrent la liste « gris foncé » après avoir pris l'engagement de respecter les normes internationales en matière d'information bancaire selon l'OCDE[50].
En juin 2019, les îles de Jersey et Guernesey ainsi que l'île de Man ont annoncé qu'elles dévoileraient publiquement le propriétaire véritable des entreprises enregistrées dans leurs juridictions ; dans une première étape, en 2021, les registres des îles sur la propriété réelle des sociétés seront interconnectés avec ceux de l'Union européenne ; ils pourront être consultés par les administrations fiscales et les cellules de renseignement financier de l'Union ; en 2022, ces informations pourront commencer à être communiquées à d'autres entreprises qui auraient besoin d'accéder aux comptes de ces sociétés ; enfin, en 2023, les gouvernements de ces territoires présenteront à leur parlement respectif une loi permettant d'ouvrir ces registres au public[51].
En 2017, la liste noire de l'OCDE n'inclut qu'un seul pays : Trinité-et-Tobago[18],[52].
Selon les critères de l'OCDE, la liste grise le 2 avril 2009 est[49] :
En 2017, la liste grise de l'OCDE n'inclut qu'un seul pays : les îles Marshall.
Le Conseil pour les affaires économiques et financières (ECOFIN) qui est la formation du Conseil de l'Union européenne rassemblant les ministres des finances des États membres a adopté le une liste noire de dix-sept paradis fiscaux, et une liste grise (pays qui ont pris des engagements qui doivent être suivis) de 47 pays[54].
La liste noire au 14 novembre 2019 est la suivante[55] :
Liste établie par le FMI en 2007[56] :
En 2021, le Réseau pour la justice fiscale estime que les dix principaux paradis fiscaux sont, dans l'ordre, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, les Bermudes, les Pays-Bas, la Suisse, le Luxembourg, Hong Kong, Jersey, Singapour et les Émirats arabes unis[58]. Ce classement combine le degré d'opacité de chaque place financière et son poids dans l'économie mondiale[59].
Une définition simple de l'opacité bancaire est donnée par Bushman et Williams (2013) ; c'est « la mesure dans laquelle les informations de comptabilité financière créent une incertitude quant à la valeur intrinsèque »[60]. La valeur intrinsèque est la valeur d'une entreprise, d'un stock, d'une devise ou d'un produit, telle que déterminée non par sa valeur (spéculative) sur le marché, mais par une analyse fondamentale plus objective[61] ; elle est généralement calculée en faisant la somme des revenus futurs actualisés générés par l’actif.
Le Réseau pour la justice fiscale édite l'Indice d'opacité bancaire (Financial Secrecy Index (en)), où le secret bancaire est pondéré par le volume des dépôts bancaires.
Connaitre le degré d'opacité d'une banque ou d'un paradis fiscal présente un intérêt car l'opacité de la comptabilité empêche les non-initiés aux finesses du contournement et aux failles de la réglementation financière et bancaire d'évaluer précisément le risque bancaire[62], elle nuit à la crédibilité des stress-test bancaires[62]. Elle est source de risque systémique aggravé[63], car elle empêche les régulateurs de faire leur travail qui est de faire fermer les banques quand elles sont trop en difficulté[62] ; ainsi, durant la crise de 2008, l'opacité des banques a été positivement corrélée à la tolérance des autorités de régulation et négativement à la probabilité de défaillance lors de la crise. L'opacité de la comptabilité bancaire permet aux régulateurs de s'abstenir de fermer des banques connectées pour empêcher la contagion du secteur financier, alors qu'elles ne pouvaient assumer leurs obligations auprès de leurs créanciers[62].
La Suisse, les Îles Caïmans et le Luxembourg ont l'indice le plus élevé en 2011[64].
Le 5 décembre 2017, le Conseil des ministres des finances de l'UE publie une liste noire de 17 noms d’État ou juridiction opaques ou non coopératives : Les Samoa, les Samoa américaines, l’île de Guam, Bahreïn, Grenade, la Corée du Sud, Macao, les Îles Marshall, la Mongolie, la Namibie, les Palaos, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, la Tunisie, les Émirats arabes unis, le Panama et la Barbade[65].
Le , l’Union européenne retire huit pays et les place sur une « liste grise » : Bahreïn, Guam, les Îles Marshall, la Namibie, les Palaos, les Samoa, les Samoa américaines, Sainte-Lucie ainsi que Trinité-et-Tobago. Ce retrait est très critiqué dans les rangs des écologistes et des ONG anticorruption, dont l'OXFAM[66].
En mars 2018, le Conseil des ministres des finances de l'UE ajoutent les Bahamas, les îles Vierges américaines et Saint-Kitts-et-Nevis à la liste noire des paradis fiscaux et adopte des mesures contre la planification fiscale agressive des conseillers fiscaux. Ils retirent de la liste noire Bahreïn, les îles Marshall et Sainte-Lucie[67].
Au 13 mars 2018, les pays figurant sur la liste ci-dessous ont refusé d’engager un dialogue avec l’UE ou de remédier aux manquements en matière de bonne gouvernance fiscale[68].
D'autres territoires sont parfois qualifiés de paradis fiscaux :
Les enquêtes menées par le consortium international des journalistes d'investigation du Center for Public Integrity ont abouti à la révélation de nombreuses pratiques :
Le , la presse européenne dévoile qu'un groupe de plus de 80 journalistes internationaux appartenant au Consortium international pour le journalisme d'investigation et travaillant pour des journaux ou des chaînes de télévision comme le Washington Post, The Guardian, Le Monde, la BBC, est en possession depuis plus d'un an de documents concernant des sociétés offshore. Ces documents révéleraient les noms de nombreuses personnes physiques ou morales ayant ouvert des comptes bancaires dans des paradis fiscaux. La masse de documents rendus accessibles aux journalistes s'élèverait à 2,5 millions de pièces, soit un volume 160 fois supérieur à celui dévoilé par Wikileaks en 2010[85],[86],[87].
Le , l'International Consortium for Investigative Journalism (ICIJ) révèle en collaboration avec une quarantaine de grands journaux de divers pays[88], du contenu de 28 000 pages concernant des centaines d'accords fiscaux préalables très avantageux conclus avec le fisc du Grand-duché de Luxembourg par le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers pour le compte de nombreux clients internationaux (banques, entreprises)[88],[89], démontrant ou confirmant un exil fiscal organisé concernant au moins 1 000 entreprises selon un système approuvé par l'administration luxembourgeoise des impôts[89].
Un système international de fraude fiscale et de blanchiment d'argent qui aurait été mis en place par la banque britannique HSBC à partir de la Suisse est révélée en février 2015. Cette enquête d'un an, a mobilisé 154 journalistes de 47 pays et d'une soixantaine de médias internationaux, coordonnés par l'ICIJ. Selon les journalistes, entre novembre 2006 et mars 2007, plus de 180 milliards d’euros ont transité, à Genève, sur les comptes de 100 000 clients et de 20 000 sociétés offshore, concernant 188 pays différents. Des chefs d’État, des personnalités médiatiques du monde des affaires, de la politique, du sport, ainsi que des artistes, mais également des financiers du terrorisme, des trafiquants de drogue et des trafiquants d'armes figurent sur la liste des clients[90],[91].