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slogan De Wikipédia, l'encyclopédie libre
« Je suis Charlie » est un slogan créé par Joachim Roncin, un graphiste français, dans les heures suivant l'attentat contre le journal Charlie Hebdo, le , et utilisé les jours suivants en soutien aux victimes. Cette phrase est principalement utilisée sous forme d'image ou d'un hashtag sur les réseaux sociaux, devenant notamment un des slogans les plus utilisés de l'histoire du réseau Twitter.
Le slogan est utilisé sous de multiples formes dans les manifestations de soutien en France et dans le monde ayant suivi l'attentat, ainsi que dans des textes musicaux composés en hommage aux victimes, comme ceux de Grand Corps Malade, de Tryo, de -M- et de JB Bullet.
L'auteur du slogan et du visuel est Joachim Roncin, directeur artistique du magazine Stylist[1],[2],[3]. Le logo représente très sobrement la phrase « Je suis Charlie » en blanc et gris sur fond noir, sans autre élément graphique. L'auteur a repris le logo de Charlie Hebdo pour le mot « Charlie » et la typographie du magazine pour lequel il travaille pour les mots « Je suis »[4]. Joachim Roncin a envoyé la première photographie du slogan sur Twitter à 12 h 52 CET le , un peu plus d'une heure et quart après le début de l'attentat. À ce sujet, il déclare :
« Je n’avais pas beaucoup de mots pour exprimer toute ma peine et j’ai juste eu cette idée de faire ‘‘Je suis Charlie’’ parce que notamment, je lis beaucoup avec mon fils le livre Où est Charlie ?, ça m’est venu assez naturellement. »
— Joachim Roncin[5]
On peut aussi penser à l'influence d'un inconscient collectif pour une formulation, si souvent reprise, qui a une de ses origines dans le « Je suis Spartacus », réplique culte du film Spartacus ! de Stanley Kubrick (1960) comme le fait remarquer le Washington Post[6]. Ce n'est cependant pas l'origine de la formulation indiquée par Joachim Roncin sur l'antenne de RTL qui y a déclaré :
« J'ai juste accolé les mots “Je suis” à celui de “Charlie” pour exprimer un sentiment d'appartenance[7]. »
Le slogan Je suis Charlie est une expression polysémique : pour certains, elle signifie « Je suis [solidaire avec les victimes de l'attentat contre] Charlie [Hebdo] », indiquant le soutien aux victimes de l'attentat[8],[9],[10] et rappelle les mots : « Ce soir, nous sommes tous Américains » de la politologue Nicole Bacharan le , repris par le journaliste Jean-Marie Colombani dans son éditorial du 13 septembre dans le quotidien Le Monde[11],[12],[13],[14] ; et « Ich bin ein Berliner » (« Je suis un Berlinois ») prononcé par John Fitzgerald Kennedy durant son discours à Berlin-Ouest, le , à l'occasion des quinze ans du blocus de Berlin.
Un autre sens de l'expression est utilisée par le cinéaste Jean-Luc Godard, qui a soutenu le journal et fait tourner l'économiste Bernard Maris dans Film Socialisme, qui déclara « Je suis Charlie du verbe « suivre » » car il préfère suivre qu'être[15].
Après seulement quelques minutes, le slogan se répand très rapidement sur les blogs et médias sociaux[16], notamment via Twitter et Facebook ou dans les principaux journaux français comme Le Monde et Libération[16]. Twitter France annonce en fin de journée le que 3,4 millions de messages de solidarité #JeSuisCharlie ont été publiés dans le monde[17].
Plusieurs grandes villes du monde comme Berlin, New-York, Montréal et Madrid, et de nombreuses villes de France ont vu rapidement des recueillements[18],[19].
Le site internet de Charlie Hebdo est mis hors ligne à la suite de l'attentat avant d'être rouvert peu de temps après avec ce slogan « Je suis Charlie » sur fond noir. Devenue virale[20], l'expression est reprise très rapidement dans toute la France puis dans les plus grandes villes du monde et traduite en de nombreuses langues, traductions disponibles sur le site de Charlie Hebdo[1]. Par hommage, l'image est utilisée par certains utilisateurs des réseaux sociaux comme avatar[21].
Le slogan est également utilisé avec le hashtag #jesuischarlie sur Twitter (utilisé 619 000 fois entre 11 h et 20 h le [1]) ; c'est le hashtag le plus tweeté du monde pendant plusieurs heures sur les réseaux sociaux[22]. Il est aussi utilisé sous forme d'autocollants, pancartes, affiches, ou autres formats lors des rassemblements d'hommage, le soir même dans de nombreux lieux publics de l’Hexagone et de métropoles d'autres pays. Il est rapidement présenté comme un « symbole de la liberté de la presse »[23].
Le hashtag « #jesuischarlie » devient d'ailleurs l'un des hashtags plus populaires de l'histoire du réseau social Twitter avec pas moins de 5 044 740 tweets publiés lors des seuls trois jours d'attentats à Paris et en Île-de-France[24] du 7 au 9 janvier 2015.
Le slogan est utilisé lors des manifestations de soutien au soir du , parfois traduit dans d'autres langues[25].
Le slogan est utilisé pour défendre la liberté d'expression dans le monde entier[26].
Le moteur de recherche Google a placé une petite image Je suis Charlie sur sa page principale[Note 1] jusqu'au dimanche à 0 h, après avoir employé un ruban noir en signe de deuil.
Des ventes de produits dérivés ont lieu en ligne[27] ou des détournements jugés choquants par les internautes, tels que la réappropriation pendant un temps du slogan par le site marchand de prêt-à-porter 3 Suisses sur sa page Facebook[28],[27]. Parmi les réutilisations, le slogan « Ich bin Charlie » (« Je suis Charlie » en allemand) a également été trouvé sur le chantier d'une mosquée à Bischwiller (Bas-Rhin)[29].
Certaines villes ont remplacé des affichages publicitaires par des affiches « Je suis Charlie »[Note 2],[30]. Paris a notamment remplacé l'intégralité des panneaux publicitaires situés sur l'itinéraire du cortège de la grande marche républicaine du par ces affiches noires.
Le dimanche 11 janvier, en championnat d'Italie de football, lors du derby de Rome (ayant habituellement lieu pour l'épiphanie), face à l'AS Roma de l'entraineur français Rudi Garcia, les joueurs de la SS Lazio ont porté un maillot avec inscrit en taille maximale sur le torse habituellement vierge de tout sponsor : « Je suis Charlie ».
Le , malgré une cinquantaine de demande de dépôt de marque depuis le , l'Institut national de la propriété industrielle décide de ne pas enregistrer le slogan, laissant le message et l'image libres de toute utilisation. L'INPI explique en effet que les demandes « ne répondent pas au critère de caractère distinctif » et que « ce slogan ne peut pas être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité »[31],[32].
Le , l'artiste JB Bullet publie un morceau #JeSuisCharlie[33] sur l'air d’Hexagone de Renaud en 1975, en référence à l'esprit républicain de révolte pour le pays[34],[35].
Ce même jour, Les Françoises, groupe composé des chanteuses françaises Jeanne Cherhal, Camille, La Grande Sophie et Emily Loizeau, interprètent un morceau composé pour l'occasion portant le titre de Je m'appelle Charlie dans les studios de Radio France.
Le , le rappeur malien Oxmo Puccino interprète sa propre chanson intitulée Je Suis Charlie lors de l'émission Le Before du Grand Journal sur la chaîne Canal+[36].
Le , le slameur Grand Corps Malade interprète un morceau intitulé Je suis Charlie en hommage aux victimes des attentats[36],[37].
Le , le groupe français Tryo publie une chanson intitulée Charlie dont les paroles sont « Je suis Charlie »[38],[39].
Le , Francis Lalanne publie une vidéo où il chante Je suis Charlie.
Le , le chanteur M sort le morceau Comme un seul homme[40].
S'ensuivront des morceaux signés par Tété avec L'arme jamais et Oxmo Puccino avec Je suis Charlie[41].
Le slogan est finalement repris pour le « premier numéro des survivants ». La rédaction de Charlie Hebdo, hébergée dans les locaux du journal Libération, utilise le slogan sur la une du premier numéro rédigé après l'attentat : on y découvre « Je suis Charlie » inscrit sur un panneau tenu par Mahomet versant une larme et déclarant « Tout est pardonné »[42].
La variante « Nous sommes tous Charlie » est utilisée par certains groupes, à l'image du groupe Société de journalistes français rassemblant les rédactions des principaux médias nationaux français[43] et de Reporters sans frontières.
Les variantes « I am Charlie » qui est la traduction anglaise du slogan est également utilisée dans les pays anglophones[44], tout comme « Yo soy Charlie »[45] dans les pays hispanophones et « Eu sou Charlie » au Brésil[46].
Des variantes « Je suis policier » et « Je suis juif » — voire « Je suis musulman » — apparaissent en références à la mort de policiers et de juifs pendant et après la fusillade de Charlie Hebdo.
Le hashtag « #jenesuispascharlie » et le slogan « Je ne suis pas Charlie », utilisés par des personnes qui désapprouvent tout ou partiellement le journal et « le rassemblement orchestré par les médias »[47] mais qui condamnent l'attentat[48] est également utilisé[49],[50]. Certains reprochent au journal d'être blasphématoire[Note 3],[51],[Note 4].
Ce dernier hashtag est parfois récupéré par des mouvements et/ou des personnalités d'extrême droite (dont Jean-Marie Le Pen[52]) ou identitaires[53], ou est associé aux hashtag « #bienfait » ou « #cheh[Note 5] » par des internautes approuvant l'attentat[54]. Des condamnations à des peines de prison ferme pour « apologie du terrorisme » ont été prononcées à l'encontre d'internautes ayant utilisé ces hashtags[55]. Jean-Marie Le Pen affirme également « Je suis Charlie Martel[56] ».
En Iran, un journal ayant repris le slogan a été censuré[57],[58].
Dans les semaines qui suivent, le hashtag #JeSuisKouachi (du nom de Chérif et Saïd Kouachi) apparaît sur les réseaux sociaux et devient un des hashtags les plus populaires sur Twitter (trending topic). Initié par quelques personnes, retweetées par des programmes automatiques, le hashtag devient populaire (49 000 tweets au total) quand le Front national et l'extrême droite française s'en emparent[59].
Le lendemain de l'attentat, Jean-Pierre Tallieu, maire de la ville de La Tremblade, dans la banlieue de Royan (Charente-Maritime), prend l'initiative de baptiser une place publique « Je suis Charlie » afin de perpétuer le souvenir des victimes. Une plaque provisoire est inaugurée le samedi [81], et doit être remplacée par une signalétique pérenne dans les semaines qui suivent, « une fois accomplies toutes les formalités administratives nécessaires pour enregistrer la nouvelle dénomination »[82].
De nombreuses manifestations ont lieu les 10 et 11 janvier 2015, dans lesquelles le slogan « Je suis Charlie » est massivement utilisé.
À Moscou, les activistes Mark Galperine et Vladimir Ionov, qui tenaient des piquets solitaires (permis par la loi russe) sur la place du Manège avec des pancartes « Je suis Charlie », ont été arrêtés par la police et condamnés à une amende de 20 000 roubles (environ 250 euros) pour Ionov et à un arrêt administratif de 38 jours pour Galperine[83].
Depuis les attentats de à Paris, de nombreux intellectuels, écrivains, journalistes… sont revenus sur la formule emblématique qu'est Je suis Charlie pour l'étudier objectivement et lui donner une signification historique.
L'écrivain Frédérick Deguizan, dans son essai publié en : Je suis Charlie, Je suis Paris 2015 : Des antidotes au chaos du monde ?[84], défini la formule Je suis Charlie, mais aussi son antagoniste, Je ne suis pas Charlie. Par ailleurs, il fait le lien entre la montée du terrorisme et du chaos dans le monde avec le réchauffement climatique et les effondrements des États.[réf. nécessaire]
Emmanuel Todd porte un regard critique sur la formule Je suis Charlie dans son essai Qui est Charlie ? Sociologie d'une crise religieuse[85]. Qualifiant les manifestations du de « moment d’hystérie collective », Todd déclare que « blasphémer de matière répétitive, systématique sur Mahomet, personnage central de la religion d’un groupe faible et discriminé devrait être, quoi qu’en disent les tribunaux, qualifié d’incitation à la haine religieuse, ethnique et raciale. » mais selon l’historien Laurent Jeanpierre, il se fourvoie également en assimilant les manifestants à « des manifestants unanimement islamophobes[86] ».
Une étude de l'Afev publiée en montre que 30 % des collégiens des « quartiers populaires » ne se sentent pas « Charlie », 13 % se disant même « en colère contre les caricaturistes », Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité précisant néanmoins que « Dire "Je ne suis pas Charlie" ne veut pas nécessairement dire que l'on approuve les terroristes[87] ».
Présente dès les premiers jours après le , mais très minoritaire, la formulation « Je ne suis pas Charlie » ressurgit périodiquement. À la suite du large mouvement d'opinion suscité par la photo du petit Alan Kurdi (le garçon réfugié syrien retrouvé noyé sur une plage le ), Charlie-Hebdo réalise des dessins satiriques d'humour noir sur le sujet qui choquent de nombreuses personnes. Un mouvement « Je ne suis pas Charlie » se développe à cette occasion. Dans une chronique sur la radio Europe 1, le philosophe Raphaël Enthoven s'insurge contre ce détournement en déclarant : « Dire Je ne suis pas Charlie, c'est combattre pour son propre esclavage comme s'il s'agissait de sa liberté »[88].
Trois ans après les faits, le journaliste de Libération et Charlie Hebdo Philippe Lançon, blessé lors de l'attentat, estime que « “Je suis Charlie” était un cri humaniste, d’effroi et de mélancolie. (…) On se levait pour un principe, pour la vie, pour un principe de vie », il déplore toutefois son instrumentalisation extérieure : « “Je suis Charlie” est devenu l’étiquette magique qu’on faisait valser au gré de ses intérêts, de ses combats et de ses préjugés ; en clair, une injonction qui visait à regrouper autant qu’à exclure, à regrouper en excluant[89] ».
Un ouvrage au format poche, intitulé Nous sommes Charlie et regroupant les écrits de 60 personnalités du monde littéraire et journalistique, textes ayant pour thématique la liberté d'expression est publié le suivant les attentats de Paris[90],[91],[92],[93],[94],[95].
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