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philosophe russe De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Nicolas Berdiaev ou Berdjaev ou Berdiaeff (en russe : Николай Александрович Бердяев, Nikolaï Aleksandrovitch Berdiaev), né le 6 mars 1874 ( dans le calendrier grégorien) à Kiev (Empire russe), et décédé le à Clamart (France), est un philosophe et théologien orthodoxe russe d'expression russe et française.
Naissance | |
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Nom dans la langue maternelle |
Николай Александрович Бердяев ou Микола Олександрович Бердяєв |
Époque | |
Nationalités | |
Domiciles | |
Formation | |
Activités | |
Père |
Alexandre Michailovitch Berdiaev (d) |
Mère |
Alina Sergeevna Kudasheva (d) |
Fratrie |
Sergueï Berdiaïev (d) |
Conjoint |
Lydia Yudifovna Berdyaev (en) |
A travaillé pour | |
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Parti politique |
Union of Liberation (en) |
Membre de |
Action chrétienne des étudiants russes Association religio-philosophique de Moscou (d) |
Mouvements | |
Influencé par |
Nicolas Berdiaev nait à Kiev en 1874 dans une famille aristocratique et militaire de l'ancienne Russie, fils de Alexandr Mikhailovitch Berdiaev et de Alexandra Sergeievna Koudacheva.
Sa mère, d'origine russo-française, est la fille du prince Serge Koudachev (1795-1862), chambellan de l'empereur de Russie, et de Mathilde Joséphine Catherine de Choiseul Gouffier (1806-1867), la petite-fille du comte Antoine Louis Octave de Choiseul Gouffier, pair de France. Dans sa famille, on parle aussi le français.
Nicolas passe son enfance à Kiev dans le corps des cadets où il se montre un élève médiocre. Autodidacte, il lit Guerre et Paix de Tolstoï à l'âge de 11 ans, et grandit en lisant Kant, Hegel, Schopenhauer, Ibsen et Dostoïevski. Il entre à l'université de Kiev en 1894 et se rapproche des partis politiques clandestins marxistes. En 1898, il est emprisonné et exclu de l’université pour activités révolutionnaires, puis condamné à l'exil à Vologda en 1900. Il publie son premier ouvrage, Subjectivisme et individualisme dans la philosophie sociale en 1901 où il montre la voie d'un marxisme non-conformiste[1].
De 1904 à 1907, installé à Saint-Pétersbourg, il s'éloigne peu à peu du marxisme, et, sous l'influence de Sergueï Boulgakov, adhère à l'Église orthodoxe. Berdiaev découvre les Pères grecs en même temps que les mystiques allemands (Jakob Böhme) et français (Joris-Karl Huysmans). Il fonde avec Boulgakov la revue Problèmes de la vie et participe à la renaissance religieuse et philosophique russe[2]. Selon Berdiaev, cette époque fut « une époque de réveil de la pensée philosophique indépendante, de l’éclosion poétique, de la sensibilité esthétique exacerbée, de l’inquiétude religieuse, de l’intérêt pour la mystique et pour l’occultisme »[1].
Berdiaev s'installe à Moscou en 1909. Il fréquente les milieux proches de l'orthodoxie et suit régulièrement les offices religieux. Il rencontre notamment le père Paul Florensky. En 1912, il publie une monographie sur Alexeï Khomiakov, le chef de l'école slavophile[1].
En 1913, après un article à charge contre le Saint-Synode dénonçant la répression violente des moines onomatodoxes du mont Athos, il est à nouveau condamné à l'exil[2]. Il y échappe grâce au déclenchement de la Grande Guerre et de la révolution russe. En 1917, il salue avec enthousiasme la révolution de Février et participe à la propagande du Parti constitutionnel démocratique. Il porte en revanche un jugement sévère sur la révolution d'Octobre, contre laquelle il rédige La Philosophie de l'inégalité qui ne sera pas publié[2].
En 1919, il fonde l’Académie libre de culture spirituelle et devient professeur à l'université de Moscou l'année suivante. Il y donne un cours sur Dostoïevski qui paraîtra plus tard sous le titre L’esprit de Dostoïevski. Il est néanmoins expulsé de Russie en 1922 comme « adversaire idéologique du communisme »[3], en même temps que plusieurs centaines d'intellectuels, sur les « bateaux des philosophes », et il s'installe à Berlin (1922-1924).
En 1924, il émigre en France et s'installe à Clamart, dans les environs de Paris. Il dirige la revue La Voie (1925-1940). Commence alors sa période la plus productive durant laquelle il rédige ses œuvres majeures[3] : Le nouveau Moyen Âge (1924), De la destination de l’homme (1931), Cinq méditations sur l’existence (1934), De l’esclavage et de la liberté de l’homme (1939), Essai de métaphysique eschatologique (1946). Durant la Deuxième guerre mondiale, il vient en aide à de nombreux Juifs, par le biais de « L'Action orthodoxe », une association créée en 1935 dont les fondateurs s'inspirent beaucoup de Berdiaev[4]. Il connaît après la guerre un succès mondial, devient docteur honoris causa de l'université de Cambridge en 1947. et disparaît en 1948[3]. Il est enterré au cimetière communal de Clamart.
Sa pensée est l'un des sommets de l'existentialisme chrétien. Elle reflète aussi l'influence de Jakob Böhme dont il traduisit en français le Mysterium Magnum, en le faisant précéder de deux études[5].
Pour Berdiaev, le premier principe n'est pas l'être mais la liberté. À partir de cette liberté, Dieu crée l'homme, être libre. La liberté étant par nature irrationnelle peut donc conduire aussi bien au bien qu'au mal. Selon lui, le mal, c'est la liberté qui se retourne contre elle-même, c'est l'asservissement de l'homme par les idoles de l'art, de la science et de la religion qui reproduisent « les rapports d'esclavage et de domination dont est issue l'histoire de l’humanité. »
Berdiaev se révolte contre les conceptions rationalistes, déterministes, téléologiques qui brisent le règne de la liberté. Le problème de l'existence humaine est donc celui de sa libération. Ici, Berdiaev fonde une véritable philosophie de la personne qui influencera Emmanuel Mounier et le personnalisme, ou encore le jésuite uruguayen Juan Luis Segundo, théologien de la libération qui fit sa thèse sur lui. Les courants alternatifs actuels s'intéressent à la pensée de Berdiaev[6].
Le philosophe russe oppose l’individu, catégorie sociale et biologique, à la personne, catégorie spirituelle et religieuse. L’individu est de l’ordre de la nécessité, la personne de celui de la liberté. « La personne est une catégorie spirituelle et éthique, elle ne naît pas d’un père et d’une mère, elle est créée spirituellement, réalise l’idée divine de l’homme. La personne n’est pas nature, mais liberté, elle est esprit. On pourrait dire que la personne n’est pas homme en tant que phénomène, mais homme en tant que noumène »[7].
Pour se libérer de toutes les formes d'objectivations aliénantes, Berdiaev prône la redécouverte de l'« acte créateur » fondé sur un travail intérieur, sur la libération des forces spirituelles qui luttent et se révoltent contre les structures ossifiées, refroidies, inhumaines. Forces spirituelles qui sont une irruption dans le temps de la condition « humano-divine », « eschatologique » de l'homme.
Retournant à un messianisme christique d'essence joachimiste et écrivant à l'époque de la montée des « totalitarismes », Berdiaev a dénoncé, l'un des premiers « le messianisme de la race élue et de la classe élue », de l'État moderne.
Se dressant contre toutes les formes d'oppression sociale, politique, religieuse, dépersonnalisantes et déshumanisantes, l'œuvre de Berdiaev agit comme un vaccin contre toutes les formes d'utopies meurtrières du passé et de l'avenir. Par opposition, elle souligne les vrais besoins et la vraie destination de l'homme qui est surnaturelle liberté issue du mystère divin et fin de l'histoire dans une annonce du Royaume de Dieu que l'homme doit d'ores et déjà préparer dans l'amour et la liberté.
Dans ses grandes lignes, la pensée de Berdiaev est conforme à la tradition du messianisme russe, mais un messianisme purifié et éclairé par la critique radicale des forces qui s'y opposent, y compris à travers la critique de l'institution ecclésiastique et de l'État, qu'il dénonce comme sources majeures d'aliénation spirituelle. Il privilégie une approche mystique du christianisme s'appuyant sur les Pères grecs (Grégoire de Nysse entre autres) et les mystiques occidentaux. Malgré les critiques nombreuses qu'il adresse à l'Église orthodoxe et au christianisme en général, il reste attaché à l'Église orthodoxe de tradition russe, jusqu'à la fin de sa vie.
Son existentialisme est en fait un « personnalisme communautaire », il est sévère pour toutes les formes d'organisation étatique, il veut un État humble et modeste, et valorise les liens communautaires de proximité. Avant l'heure il dénonce le monde de la machine et l'accélération du temps dans le monde moderne. Son œuvre est profondément marquée par la lecture de la Légende du Grand Inquisiteur que Dostoïevski met au centre des Frères Karamazov. Il est l'un des auteurs majeurs ayant très tôt analysé la crise de la modernité et annoncé la naissance d'une «nouvelle époque». Le retour à l'intériorité et au développement des liens communautaires sont pour lui la source qui caractérisera « cette nouvelle époque qui vient mais qui n'a pas encore de nom », écrit-il dès 1924.
Emmanuel Mounier avec lequel il travaille pour les premiers numéros de la revue Esprit lui a emprunté le concept de « personnalisme communautaire » et son opposition à « l'esprit bourgeois »[8].
La pensée de Berdiaev attire les personnes en quête de réflexion sur la crise de civilisation que nous connaissons, elle attire aussi les personnes en quête intérieure ; mystique, elle déroute ceux qui s'enferment dans une quête spirituelle strictement personnelle comme ceux qui veulent faire l'économie du travail de l'homme intérieur et ne penser qu'à une réforme de la société. Tout mouvement de mutation sociale, de transfiguration de la société n'a pour Berdiaev qu'un fondement personnaliste, une mutation profonde de l'individu et un mouvement d'accouchement de soi comme personne, comme personne divino-humaine appartenant à la communauté humaine, au cosmos et retrouvant le divin.
En , un colloque, placé sous l'égide de la mairie de Clamart, lui a rendu hommage. Les actes du colloque donnent un tableau assez complet de l'œuvre de Berdiaev et soulignent le regain d'intérêt actuel que sa pensée suscite tant en France et en Europe, qu'en Ukraine et en Russie[9].
Une citation de Berdiaev en français, concernant les utopies, figure en épigraphe de l'édition originale anglaise de Brave New World (Le Meilleur des mondes) d'Aldous Huxley[17].
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