Place de Tom Jones dans l'évolution du genre romanesque
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Le roman de Henry Fielding Histoire de Tom Jones, enfant trouvé, (The History of Tom Jones, a Foundling en anglais), abrégé en Tom Jones, publié par l'éditeur londonien Andrew Millar en 1749, est un livre ambitieux et novateur, mais dont les fondements s'appuient, soit a contrario, soit directement, sur plusieurs traditions littéraires faisant florès depuis la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle.
En réaction contre le désordre des mœurs ayant accompagné la Restauration anglaise, la première moitié du XVIIIe siècle est à la fois moralisante et sentimentale, mais non sans résistance. Si la vertu déployée dans Pamela fait le succès de Richardon, elle provoque le sourire de quelques cyniques et la moquerie de certains écrivains. La critique a montré que dans ce vertuisme[1] acharné se cache un refoulement bien puritain et qu'une fois le vernis dépouillé, « [il] révèle un goût du scandale qui refuse de s'exprimer franchement. Fielding n'a pas le goût du scandale et méprise les faux monnayeurs de la vertu[1] ». D'où, après la parodie à peine déguisée Shamela, Joseph Andrews et Tom Jones, le premier gardant des ambitions parodiques, l'autre issu de « racines [qui] sont celles de la vie. […], s'il y a beaucoup de Fielding dans Joseph Andrews, il faut dire qu'il y a tout Fielding dans Tom Jones[1] ».
Dans le chapitre introductif du livre II de Tom Jones, Fielding souligne l'originalité de sa démarche, affirmant s'affranchir des lois traditionnelles de l'esthétique narrative et se poser en « fondateur d'une nouvelle province dans la république des lettres, [disposant de] la liberté d'y faire toutes les lois qu'il lui plaît »[2],[C 1].
Dans sa préface à Joseph Andrews, il se présentait déjà comme un pionnier dans le domaine de la fiction en prose, déclarant : « peut-être n'est-il pas inopportun de commencer par quelques mots sur ma façon d'écrire que je ne me souviens pas d'avoir jamais rencontrée en notre langue »[3],[C 2]. Cette façon d'écrire se définit par une formule, reprise à quelques mots près dans Tom Jones : « Comic Epic in Prose » (« Épopée comique en prose »), où deux genres, comédie et épopée, se mêlent pour ne former qu'un, le roman (prose). Prosaïque en effet, par son sujet, ses personnages et son style, Tom Jones se différencie hardiment de ses prédécesseurs, qu'ils soient romances comme, entre autres, celles de Eliza Haywood ou pseudo-autobiographiques tels les romans de Defoe.
Tom Jones, cependant, dépasse toutes les classifications : par son ampleur, sa diversité, ses styles, il condense à lui seul l'ensemble du passé littéraire du genre et en annonce les développements futurs. Il n'est en effet guère d'auteurs de la fin du XVIIIe siècle et des siècles suivants qui ne se soient réclamés de lui, en Grande-Bretagne comme dans le reste de l'Europe, particulièrement en France et en Russie.