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suite binaire De Wikipédia, l'encyclopédie libre
En mathématiques, en informatique théorique, en combinatoire des mots et ses applications, la suite de Prouhet-Thue-Morse, également appelée suite de Thue-Morse, est une suite binaire — c'est-à-dire dont les termes valent 0 ou 1. Elle commence par :
C'est une suite automatique (elle est calculable par un automate fini), uniformément récurrente et sans cube (aucun mot n'y est répété trois fois consécutivement).
La suite de Prouhet-Thue-Morse a été utilisée pour la première fois de façon implicite par le mathématicien français Eugène Prouhet en 1851, pour donner une solution à un problème de théorie des nombres appelé depuis le problème de Prouhet-Tarry-Escott[1].
Le mathématicien norvégien Axel Thue l'a découverte et utilisée dans un article publié en 1912 qui, avec un autre article datant de 1906, est l'article fondateur de la combinatoire des mots. Cet article a été longtemps méconnu. La suite a été redécouverte par Marston Morse en 1921. Morse l'a utilisée pour donner un exemple d'une suite uniformément récurrente (la définition est donnée plus loin) non périodique, résolvant ainsi un problème de géométrie différentielle.
La suite a été redécouverte indépendamment plusieurs fois, pas toujours par des mathématiciens professionnels.
金 △ Koji Tanigawa | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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▲ Kunio Yonenaga 飛 , 金 , 銀 , 歩 x 4 |
Le , une partie de shogi disputée entre Kunio Yonenaga et Kōji Tanigawa a fait apparaître une suite analogue à la suite de Prouhet-Thue-Morse[2]. La position ci-contre apparaît au coup 118 ; Tanigawa est dans une position désavantageuse car il a moins de matériel en main que Yonenaga et tente alors d'obtenir une nulle par triple répétition d'une séquence de coup[2]. Cependant dans cette position Yonenaga a plusieurs manières équivalentes de commencer une séquence amenant à la reproduction du diagramme : deux qui commencent par le parachutage d'un général d'or en h8 (par exemple *Gh8 Gg8 Gxg8 Sxg8 Rxg8 *Sh7 Kh9) et une commençant par un général d'argent en g8 (*Sg8 Sxg8 Rxg8 *Sh7 Kh9)[2]. En alternant deux de ces séquences selon une suite de Prouhet-Thue-Morse il est alors possible de forcer une séquence de coups arbitrairement longue sans que la partie soit nulle puisque la suite de Prouhet-Thue-Morse est sans cube (Yonenaga a choisi une autre séquence de coups ayant la même propriété)[2]. Yonenaga a alors pu prendre le temps de réfléchir à une manière de rompre la répétition à son avantage pour remporter la partie[2]. Comprenant cela Tanigawa a rompu lui-même la séquence 60 coups plus tard pour tenter de prendre l'avantage avant que son adversaire n'arrive à trouver le moyen de forcer la victoire, mais il finit par perdre la partie[2]. La règle du sennichite a été modifiée deux mois plus tard à la suite de cette partie : une partie est déclarée nulle après quatre répétitions d'une même position et ce quelles que soient les séquences aboutissant à ces répétitions de position[2].
Max Euwe, un champion d'échecs et professeur de mathématiques, a découvert en 1929 une application analogue de cette suite aux échecs, prouvant, par ce biais, qu'il existe des parties infinies ne comportant pas de répétition immédiate d'une même séquence de coups par trois fois. En 1944, Marston Morse et Gustav Hedlund ont développé cet aspect.
Les études des séances de tirs au but au football ont démontré un avantage statistique pour l’équipe qui effectue le premier tir. Pour corriger ce déséquilibre dû selon les chercheurs à la pression plus forte sur les tireurs de la deuxième équipe, l’économiste espagnol Ignacio Palacios-Huerta a proposé d’alterner les tirs selon la suite de Prouhet-Thue-Morse. C’est-à-dire, A et B les deux équipes et A étant celle qui tire la première[pas clair], après le premier tir de l’équipe A, on effectuerait deux tirs de l’équipe B, puis un de A et un de B, puis deux de A, puis un de B, les huit premiers tirs faisant un cycle complet qui recommence de la même manière au neuvième tir. Selon Palacios-Huerta, cette méthode réduirait le déséquilibre statistique actuellement constaté de 60,6%-39,4 % à 51%-49 % en faveur de l’équipe A[3].
La réalité statistique de cet avantage à tirer en premier est controversée. Voir les références données dans l'article sur les tirs au but.
Il y a plusieurs manières équivalentes de définir cette suite.
La suite de Prouhet-Thue-Morse est la suite qui satisfait et
pour tous les entiers naturels n. Cette définition peut s'interpréter comme suit : si l'on ne conserve, dans la suite , que les termes d'indices pairs, on retrouve la suite ; si en revanche on ne garde que les termes d'indices impairs, on obtient la suite opposée, où les et ont été échangés.
Soient et les suites de mots définis par :
Alors
On a en fait , où le mot surligné est l'opposé (obtenu en échangeant les et ). C'est cette méthode qui est illustrée dans la figure.
Cette construction provient de la relation pour tous naturels n et k.
est égal à la somme, modulo 2, des chiffres dans le développement binaire de . Par exemple, , et donc . Ce calcul est réalisé par l'automate de Prouhet-Thue-Morse : partant de l'état initial, on suit les transitions indiquées par les bits du développement binaire. L'état d'arrivé, selon qu'il est jaune ou rose, indique que la valeur de la suite est 0 ou 1. Pour , on obtient :
et la valeur est donc 0.
La suite est obtenue aussi en itérant le morphisme appelé parfois le morphisme de Thue-Morse suivant :
Les premières itérations à partir de donnent :
Si l'on itère à partir de 1, on obtient la suite opposée.
La fonction génératrice de la suite est donnée par
Donc pour elle même :
J.P Allouche a démontré que le produit infini : est semi-convergent et a pour valeur [4],[5].
Nota : Ce produit infini a une définition naturelle, car si l'on considère la suite de fractions , alors , et par conséquent, .
En utilisant le produit infini de Wallis, on en déduit :
Le produit infini est également convergent, mais on ne connait pas sa valeur, ni son statut algébrique ; voir la suite A086744 de l'OEIS.
La complexité combinatoire de la suite de Prouhet-Thue-Morse est par définition la fonction qui donne le nombre de facteurs (ou blocs) distincts de longueur n de la suite. Les premières valeurs de cette fonction sont
0 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | 2 | 4 | 6 | 10 | 12 | 16 | 20 | 22 | 24 | 28 |
C'est la suite A005942 de l'OEIS. La formule qui donne les valeurs est la suivante : Pour , soit l'entier tel que , et soit tel que , avec . Alors
Comme toutes les fonctions de complexités des suites automatiques, cette fonction croît au plus linéairement. De fait, on peut prouver que .
La suite de Prouhet-Thue-Morse n'est pas une suite normale, puisque dans une suite normale tous les facteurs apparaissent, et deux facteurs de même longueur apparaissent avec la même fréquence asymptotique. Mais il en va autrement d'une suite associée à la suite de Prouhet-Thue-Morse , qui est la suite extraite aux positions qui sont des carrés. C'est la suite donnée par :
La suite commence par
C'est la suite A010060 de l'OEIS. Cette suite a fait l'objet de plusieurs études : Allouche et Shallit [7] se demandent si la complexité de la suite est maximale, c'est-à-dire si le nombre ) de facteurs de longueur de la suite vérifie . Une réponse positive à cette question est donnée par Moshe en 2007[8]. Mauduit et Rivat montrent[9] que les 0 et les 1 apparaissent dans avec la même fréquence asymptotique . Ceci à son tour résout une conjecture longtemps ouverte de Gelfond[10]. Un résultat, annoncé par Drmota, Mauduit, et Rivat en 2013 et publié en 2019, dit[11] que la suite est normale. D'autres suites ont cette propriété, comme la suite de Rudin-Shapiro[12].
La suite de Prouhet-Thue-Morse peut être étendue en une suite indexée par en posant
On obtient donc (un point central est placé avant ) la suite :
Cette suite est encore une suite sans chevauchement. De plus, le système dynamique engendré par cette suite est exactement l'ensemble des suites bilatères sans chevauchement.
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