Théorie de la viabilité
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La théorie de la viabilité, proposée par Jean Pierre Aubin[1],[2] dans les années 1990, fournit un cadre formel pour étudier la compatibilité entre un système en évolution et des contraintes dans l'espace où le système évolue.
L'intérêt de cette théorie est de caractériser la propriété intrinsèque d'un système en évolution à pouvoir satisfaire des contraintes au cours du temps : une évolution est viable si elle reste dans l'ensemble de contraintes ; un état est viable s'il existe au moins une évolution viable à partir de cet état ; un ensemble est viable si tous ses états sont viables. Le plus grand des ensembles viables est appelé noyau de viabilité.
Appliquée à des modèles dynamiques de problèmes réels, elle permet de déterminer la cohérence entre les contraintes qu'on souhaite respecter et les moyens (contrôles, régulations) qu'on se donne pour y parvenir.
Les algorithmes associés à la théorie de la viabilité identifient l’ensemble des conditions (combinaison d’états et de contrôles) qui permettent au système de rester viable. Il est possible d'exploiter ces résultats pour proposer des stratégies d'actions viables, qui permettent de gouverner le système dynamique suivant des trajectoires satisfaisantes car elles resteront toujours dans l'ensemble de contraintes. Quand le noyau de viabilité est vide, aucun état n'est viable. Cela signifie que la dynamique (qui prend en compte les moyens d'actions et les incertitudes), et les contraintes qu'on souhaite respecter ne sont pas compatibles : il faut être moins exigeant sur les contraintes, ou réduire les incertitudes, ou se donner davantage de moyens d'actions.
La théorie mathématique de la viabilité marque une rupture avec les approches des mathématiques de la décision basées sur la maximisation d'une utilité ou les approches « statiques » de la théorie de la décision. En effet, le choix des critères d'optimisation ou de la fonction objectif sont nécessairement subjectifs. L'approche de la viabilité permet de garantir le respect des contraintes en tout temps quels que soient les critères retenus par la suite pour calculer ou optimiser les trajectoires. Il n'est pas nécessaire, pour une analyse de viabilité, de choisir entre le court terme et le long terme, ni entre différents critères. Cette théorie est féconde pour formaliser les concepts liés à la durabilité : robustesse (comme capacité de rester dans l'ensemble de contraintes malgré des perturbations), résilience (comme capacité à retourner dans l'ensemble de contraintes malgré des perturbations)[3],[4], transition (comme capacité à atteindre une cible en restant dans un ensemble de contraintes), développement durable[5].
La théorie de la viabilité trouve de nombreuses applications dans les domaines liés à l'environnement, sans s'y limiter[2]. La théorie est utilisée pour la modélisation des problèmes de gestion des ressources renouvelables[6],[7]. Les exemples de modélisations abondent dans des domaines divers : élevage, pêcherie, forêts, eau, climat[8], agro-écologie, agroalimentaire etc. Certaines applications ont débouché sur des expérimentations dans le monde réel, en particulier pour le pilotage d'un petit sous-marin et pour fabriquer du camembert.