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Entrisme

stratégie politique d'infiltration De Wikipédia, l'encyclopédie libre

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L'entrisme ou noyautage est une tactique politique qui consiste à faire entrer de manière concertée des membres d'une organisation militante dans une organisation rivale afin d'en infléchir les orientations ou d'en favoriser la désorganisation, la déstabilisation ou la destruction. Le terme est issu de l'idéologie trotskiste[1],[2],[3].

Elle est mise en œuvre dès 1934 par les militants trotskistes, qui sont invités par Léon Trotski à intégrer la SFIO « à drapeau déployé » sous la forme d'une tendance : le Groupe bolchevik-léniniste. Ils seront cependant exclus du parti un an plus tard[4]. Au début des années 1950, les trotskistes pratiquent alors une forme d'entrisme plus discrète dite « sui generis » ou « entrisme à long terme » à l'intérieur du Parti communiste français. Cette nouvelle méthode a pour objectif une intégration plus durable au sein des partis dits "ouvriers".

L'IHEMI distingue deux types d'entrisme[1],[3] :

  • L'entrisme officiel qui agit ouvertement, de manière assumée. C'est la méthode « à drapeaux déployés » de Trotski.
  • L'entrisme clandestin qui, à l'inverse, se fonde sur des méthodes discrètes ou secrètes.
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Objectif de l'entrisme

L'entrisme a pour but d'influer sur l'orientation de l'organisation ciblée et d'affaiblir la puissance de son courant d'idées, pour infléchir la stratégie de l'ensemble de l'organisation noyautée.

Le recours à l'entrisme est envisagé par les trotskistes lorsque le mouvement se sent trop peu influent face à des masses ouvrières qui se tournent plutôt du côté de partis communistes nationaux ou de partis sociaux-démocrates. Ils cherchent alors à influer sur des mouvements moins radicaux, avec un rôle effectif dans la vie politique[5].

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Historique

Résumé
Contexte

1934 : l’entrisme comme stratégie de court terme

La genèse de l’entrisme est à chercher dans le contexte de l’entre-deux-guerres, marqué par la montée du fascisme d’un côté et par le stalinisme de l’autre. L’époque est déroutante y compris pour le mouvement trotskiste. C’est ainsi que, selon Daniel Bensaïd, « les recommandations de Trotski pendant les années 30 épousent au mois près les fluctuations d'une situation mouvante »[6]. La stratégie varie donc et l’entrisme correspond à l’une des orientations trotskiste au cours de l’année 1934. Trotski publie le premier article à ce sujet, dans La Vérité, le , sans le signer[7]. Le , Raymond Molinier, chef de la Ligue communiste, signe lui aussi un texte intitulé « Unité organique? Oui ! » dans lequel il va jusqu'à envisager la fusion entre la SFIO et le PCF[7].

Cette année est en effet marquée par l’émergence de courants mettant en danger la social-démocratie. En Autriche, l’insurrection ouvrière est brutalement réprimée tandis que les émeutes du 6 février 1934 à Paris[8] déstabilisent la Troisième République. Face à cela, Trotski créé des ailes gauches actives dans les partis socialistes. La Ligue communiste passe alors dans la SFIO, regroupée autour de la tendance du groupe Bolchévique-léniniste (BL). Il écrit à Marceau Pivert, représentant de l’aile gauche de la SFIO (« Gauche révolutionnaire »):

«  Les bolcheviques-léninistes se considèrent comme une fraction de l’Internationale qui se bâtit. Ils sont prêts à travailler la main dans la main avec les autres fractions réellement révolutionnaires[9]. »

C'est ainsi qu’au cours de l'année 1934, l’entrisme « à drapeau déployé »  des partisans issus d’une organisation X se regroupent en « tendance », « courant », et tentent d’infléchir les orientations de la SFIO  se développe. Après 1935, les trotskistes, exclus par Léon Blum, créent en 1936 le Parti ouvrier internationaliste (POI).

1952-1953 : l'entrisme comme stratégie à long terme

Les années 1950 correspondent à une vague d’entrisme clandestin dans les partis communistes nationaux. L’époque est celle de la cristallisation de la guerre froide. Les trotskistes se sentent plus que jamais impuissants dans le jeu politique mondial. C’est alors qu’une partie de leurs dirigeants est tentée par cette stratégie de déstabilisation, cette fois tournée vers les partis communistes alignés sur Moscou. C’est ainsi que Michel Pablo propose cette stratégie. Il constate que « la réalité sociale objective […] est composée essentiellement du régime capitaliste et du monde stalinien »[10]. Il en déduit que le seul moyen pour les trotskistes d’influer efficacement sur la vie politique et d'essayer l’efficacité de leurs théories est de mobiliser les travailleurs dans les partis qui les représentent. Il s’agit à l’époque des puissants partis communistes des pays occidentaux. Il précise que « cette intégration doit commencer par les organisations périphériques pour arriver jusqu'au parti communiste même »[11]. Selon Pablo, le militant doit « mettre tout à fait à l'arrière-plan sa qualité de trotskiste ». Il désigne les organisations visées.

Cette clandestinité répond au monolithisme d'alignement stalinien des partis communistes de l'époque. Il anticipe également et promeut les ruptures radicales qui ne pourront manquer de se produire, d'après les trotskistes. C’est pourquoi Daniel Bensaïd parle d'un « entrisme spéculatif »[6]. Il apparaît que cette stratégie est le seul moyen d’action d’un mouvement qui dénonce « l’usurpation du pouvoir par une bureaucratie privilégiée » en URSS[12].

Elle provoque de nombreux antagonismes et sera l'une des causes du plus grave déchirement qu’ait connu la IVe Internationale depuis sa création. En effet, dès l’énoncé de ses thèses, Michel Pablo est critiqué. Marcel Bleibtreu, secrétaire du PCI, refuse cette stratégie. La rupture a lieu avec le congrès de . La majorité du PCI lambertiste refuse l’entrisme dans les organisations staliniennes proposé par les pablistes, majoritaires à ce congrès. Celui-ci acte la stratégie d'entrisme, tout en provoquant de graves scissions[13].

De nombreuses personnalités du trotskisme telles que Félix Guattari, Denis Berger, Gabriel Cohn-Bendit, Lucien Sebag se montrent critiques vis-à-vis de cette pratique.

Années 1960-1970

Le terme d'entrisme est également employé pour qualifier une tout autre pratique de noyautage de l'Organisation communiste internationaliste (OCI) issu de la scission de 1952. Paradoxalement, c'est ce mouvement opposé à l'entrisme qui utilise ces mêmes méthodes au cours des deux décennies suivantes.

Cette stratégie ne donne pas de résultat notable. Par exemple, bien au contraire, Lionel Jospin, dont Edwy Plenel affirme[14] qu'il avait été infiltré par l'OCI dans le PS, aurait peu à peu renoncé à ses idéaux de jeunesse en adhérant finalement au parti socialiste, tout en cumulant ses remises de rapports à Pierre Lambert (dirigeant du mouvement trotskiste international) et ses responsabilités politiques socialistes.

Depuis 1974, un courant trotskiste entriste, Vonk - Unité socialiste, existe dans les partis socialistes belges : PS et SP, puis SP.A et du syndicat socialiste FGTB. Il a ultérieurement adhéré à la Tendance marxiste internationale.

Années 1970 - 1980 : L'entrisme trotskiste au sein du Labour britannique

Le Parti travailliste britannique (aussi appelé Labour) va lui aussi connaître un entrisme de la part des milieux trotskistes et notamment dans les années 80. Si ce parti longtemps hégémonique à gauche de l’échiquier politique britannique a déjà connu des cas d’entrisme, l’influence du groupe trotskiste de la Revolutionnary Socialist League (RSL) puis de la Militant tendency, et en particulier de son journal homonyme, va être particulièrement importante après la défaite de 1979 et l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher.

Créée en 1950 après une scission d’un groupe nommé The Club, l’idée de la RSL est de se rapprocher des classes populaires en infiltrant leur parti « naturel » puis de profiter d’une période d’instabilité pour imposer une ligne de gauche. L’entrée dans ce parti lui permet aussi de recruter des membres et de diffuser ses idées. Elle va rester relativement anonyme jusqu’en 1964, date à laquelle elle créera son journal Militant et décide d’adopter ce nom. Elle va alors gagner en influence avec le départ de groupes trotskistes du Labour, étant l’une des seules à y rester.

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Carte de sympathisant du groupe Militant représentant Trotski lisant le journal américain The Militant.

L’influence de Militant va donc grandement augmenter au sein du Labour. À partir de 1972, la direction de l'organisation de jeunesse du Parti Travailliste (le Labour Party Youth Socialists) va toujours être confiée à un membre de Militant. Le groupe atteindra l’apogée de son influence au début des années 80, il est alors considéré par le journaliste Michael Crick comme « le cinquième plus grand parti de Grande-Bretagne »[15]. Il compte environ 8000 membres et 250 employés. Le ratio entre le nombre d’employés et de membres et particulièrement important (il est de 32 contre 1323 pour le Labour) ce qui démontre l’activité de ce groupe déterminé à influer sur la politique britannique au travers du Parti Travailliste.

Cette influence se ressent particulièrement sur le manifeste du Labour de 1983, très marqué à gauche en réaction à la politique néolibérale de Margaret Thatcher. La large défaite électorale qui s’ensuit va toutefois provoquer des critiques à l’encontre de Militant qui est accusé d’être responsable de la défaite à cause d’une ligne trop radicale, Gerald Kaufman, membre travailliste de la Chambre des Communes qualifiera le manifeste de « plus longue note de suicide de l’histoire ». Malgré tout ce groupe parvient à faire élire trois députés trotskistes, ceux-ci vont régulièrement perturber les séances afin de promouvoir leurs idées et protester contre les formes politiques traditionnelles[16].

Malgré cette force d’influence, la direction du Parti Travailliste s’emploie après 1983 à exclure les membres de Militant du Labour. Par exemple, deux des parlementaires trotskistes élus, Terry Fields et Dave Nellist, sont exclus en 1992 et ne sont pas réélus. De plus le groupe va connaître de fortes divisions et il va ainsi perdre de son influence sur la scène politique britannique. Seul le Socialist Appeal reste affilié au Parti Travailliste et continue de publier son journal mais son poids sera très fortement diminué (250 membres dans les années 2000)[17].

Années 1990 : concept d'« entrisme » islamique

En Algérie, le Front islamique du salut pratique l'entrisme dès la fin des années 1980[18].

En France, l'ouvrage Les Territoires perdus de la République (2002) décrit des actions d'entrisme islamique[19]. Le Rapport Obin (2004) témoigne d'actions relevant de l'entrisme islamique[20].

D'après l'anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, le mouvement des Frères musulmans vise notamment à déstabiliser des organisations publiques, par des méthodes qui relèvent de l'entrisme[21]. Ces analyses sont critiquées par d'autres universitaires[22].

En , le premier ministre Gabriel Attal évoque un « entrisme islamiste » dans les écoles françaises et accuse certains groupes[Lesquels ?] d'introduire des préceptes religieux comme la charia dans le système éducatif. Ces propos suscitent des critiques, notamment de la Grande Mosquée de Paris, qui juge l'utilisation du terme « entrisme », issu de l'idéologie trotskiste, inapproprié dans ce contexte[23].

En , Élisabeth Borne, alors ministre de l'Éducation nationale, reprend le terme dans le journal Le Parisien : « Je dis qu'il faut interdire le port de signes religieux dans les compétitions sportives. Mais il faut que l'on prenne ce problème dans sa globalité. Au-delà des interdictions, il est donc important que l'on agisse pour lutter contre la progression de l'entrisme dans la société. »[24].

Le , le ministère de l'intérieur rend public un rapport sur l'islamisme politique en France[25].

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Notes et références

Annexes

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