écrivain allemand De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Heinrich von Kleist [ˈhaɪ̯nʁɪç fɔn ˈklaɪ̯st][1], de son nom complet Bernd Heinrich Wilhelm von Kleist (Francfort-sur-l'Oder le – Berlin, Wannsee, le ), est un écrivain prussien, poète, dramaturge et essayiste.
Naissance | |
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Nom dans la langue maternelle |
Bernd Heinrich Wilhelm von Kleist |
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Père |
Joachim Friedrich von Kleist (d) |
Mère |
Juliane Ulrike von Pannwitz (d) |
Parentèle |
Margarethe von Brasch (d) (petite-nièce) |
Mouvement | |
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Maître |
Christian Ernst Martini (d) |
Genre artistique | |
Lieu de détention |
Fort de Joux () |
Issu d'une famille noble de militaires, fils de Joachim Friedrich von Kleist et de sa seconde épouse Juliane Ulrike von Pannwitz, il est confié à un précepteur à Francfort-sur-l'Oder et étudie avec son cousin, Charles von Pannwitz.
En 1788, alors qu'il n'a que onze ans, son père, capitaine au régiment du prince Léopold de Brunswick-Wolfenbuttel (de) à Francfort, meurt, laissant sa femme et ses enfants dans une situation financière difficile. Une demande de pension ayant été rejetée, de même qu'une requête pour intégrer Heinrich à l’académie militaire de Prusse, ce dernier étudie à l'école de la communauté réformée française de Berlin, avant d'entrer en 1792 dans l'armée prussienne comme caporal[2] au régiment de la Garde de Potsdam. Il participe au siège de Mayence et au blocus de Mayence. Le , il perd sa mère.
En 1799, il démissionne de l'armée et s'inscrit à l'université de Francfort-sur-l'Oder : il y étudie les mathématiques et les sciences naturelles. En 1800, il se fiance avec Wilhelmine von Zenge. Refusant de réintégrer l'armée, il travaille comme fonctionnaire à Berlin. En 1801, il lit Kant, ce qui le plonge dans une profonde dépression, car il en retire l'idée que la vérité est inaccessible[3].
Après un voyage en France avec sa demi-sœur, Ulrike, de trois ans son aînée, il s'installe à Thoune près de Berne où il termine sa première pièce, La Famille Schroffenstein. En 1802 il se sépare de sa fiancée Wilhelmine et tombe malade. Un médecin lui diagnostique une « mélancolie morbide ». Sa sœur le ramène à Weimar. La Famille Schroffenstein est publiée anonymement l'année suivante. Cette année 1803 est synonyme de voyages : Leipzig, Dresde, Berne (en juillet), Milan, Genève, Paris (à la mi-octobre). En octobre, après avoir brûlé le manuscrit de Robert Guiscard, il quitte secrètement la capitale française et part, à pied et sans passeport, jusqu'au camp de Boulogne, afin de s'engager dans l'armée française, qui prépare l'invasion de l'Angleterre, et y mourir.
Tandis qu'à Paris, son ami Ernst von Pfuel recherche son cadavre à la morgue, le croyant mort, il arrive à Saint-Omer le . Après un premier échec il retourne à Paris, avant de faire une nouvelle tentative le . Puis, renonçant à ses projets, il obtient un passeport auprès de l'ambassade de Prusse et retourne en Allemagne. Tombé malade peu après, il s'arrête à Mayence où il demeure alité six mois et termine Robert Guiscard. Il est soigné par Georg Wedekind, médecin jacobin, qui tente de lui obtenir une place dans l'administration française de Coblence, mais il repart vers Berlin où il arrive au début de l'été 1804, après une visite à Ludwig Wieland, fils de Christoph Martin Wieland, à Weimar et un passage par Francfort-sur-l'Oder et Potsdam[2].
À l'automne suivant, ses amis lui obtiennent une place de stagiaire à l'administration des Domaines à Kœnigsberg, où il arrive en , revoit ses premières compositions et écrit Michael Kohlhaas, La Marquise d'O... et Amphitryon d'après Molière[2]. En , il demande un rallongement de six mois de ses études. Toutefois, en juin, renonçant définitivement à une carrière de fonctionnaire, il demande à quitter le service, prétextant des problèmes de santé[2]. Il termine la pièce La Cruche cassée.
En , voulant se rendre à Dresde, il est à nouveau soupçonné d'espionnage par l'état-major français à Berlin, qui lui refuse un laissez-passer. À cette époque, Napoléon Ier, fraîchement couronné empereur des Français le , et successivement vainqueur à Ulm et à Austerlitz en 1805, puis à Iéna et Auerstadt en 1806, est entré en vainqueur à Berlin (), où il a décrété le blocus continental. Kleist, arrêté avec ses amis Karl Franz von Gauvain et Christoph Adalbert von Ehrenberg par les Français, est envoyé comme prisonnier de guerre en France, où il est incarcéré au fort de Joux du au , puis transféré à Châlons-sur-Marne, avant d'être libéré le , après la paix de Tilsit[2].
Sa pièce Amphitryon est publiée à Dresde par Adam Müller, avec lequel il se lie d'amitié et qui est à la tête d'un groupe littéraire actif (avec Körner von Bual, Tieck, Sophie von Haza…). Installé à Dresde le [2], Kleist publie sa nouvelle Tremblement de terre au Chili, finit Penthésilée et Käthchen de Heilbronn.
En , paraît le premier numéro de la revue littéraire Phœbus, fondée avec Adam Müller. Kleist propose à Goethe d'y collaborer, mais celui-ci refuse, critiquant sévèrement Kleist. Phœbus ne dure qu'un an. La même année paraît La Marquise d'O..., tandis qu'est représentée pour la première fois La Cruche Cassée. Un fragment de Michael Kohlhaas voit le jour, ainsi que La Bataille d'Hermann, pièce qui sera interdite de représentation en et qui sera publiée seulement dix ans après la mort de l'auteur.
En 1810, Kleist est animé par l'espoir d'une coalition entre la Prusse et l'Autriche contre Napoléon. Il décide d'écrire un drame en honneur de la famille Hohenzollern: Le Prince de Hombourg, inspiré des Mémoires pour servir à l'histoire de la maison de Brandebourg de Frédéric II. La même année, Kleist lance sa deuxième revue littéraire : des journaux destinés à être publiés cinq fois par semaine, les Abendblätter, aux contenus fort patriotiques. En novembre, il rencontre une femme mariée, par ailleurs musicienne, Henriette Vogel, avec qui il échange une correspondance amoureuse.
En , sont publiés La Cruche cassée et sa nouvelle, Les Fiancés de Saint-Domingue. Les Abendblätter s'arrêtent. Kleist demande et obtient sa réintégration dans l'armée. Il adresse à Henriette les Litanies de la Mort. Au matin de son dernier jour, Heinrich von Kleist a écrit à sa demi-sœur Ulrike : « La vérité c’est qu’on ne pouvait pas m’aider sur terre[4] ». Heinrich et Henriette se donnent rendez-vous à Wannsee, près de Potsdam, où ils se donnent la mort : Kleist tue Henriette puis retourne l'arme contre lui[5].
On peut lire sur sa tombe un vers tiré du Prince de Hombourg : « Nun, o Unsterblichkeit, bist du ganz mein » (Maintenant, ô immortalité, tu es toute à moi !)
Le journal que tenait Kleist et qu'il appelait Histoire de mon âme ayant disparu sans doute à jamais, c'est dans sa Correspondance qu'il faut aller chercher ce que cet homme qui se disait « inexprimable » a pu tenter de livrer directement de lui-même. Kleist, en qui chacun reconnaît aujourd'hui le « vrai poète tragique de l'Allemagne », resta tout à fait incompris de ses contemporains. Rejeté par Goethe avec la brutalité meurtrière que l'on sait, alors que Kleist lui soumettait sa Penthésilée dans les termes d'une humilité devenue fameuse (« je mets mon cœur à genoux devant vous » - lettre du ), il ne fut jamais accepté par les Romantiques eux-mêmes qu'avec réticence, gêne ou embarras. Il faudra attendre Nietzsche pour que la « singularité » encombrante de Kleist soit reconnue pour ce qu'elle est : la sublime « impossibilité de vivre » une existence privée d'absolu. Et Nietzsche cite la lettre, devenue fameuse elle aussi, où Kleist dit comment la lecture de Kant l'a réduit au désespoir, lui retirant tout but, une existence condamnée au relatif devenant l'« incurable » même[6].
« Si tu veux savoir quelque chose et ne peux le trouver par la méditation, je te conseille (...) d'en parler avec la première personne de ta connaissance que tu rencontreras ». Voilà les premiers mots de cet essai, qui soutient une idée peu commune. Kleist y énonce que, comme l'appétit vient en mangeant, les idées viennent en parlant. Que l'on ne conçoit donc pas ces idées d'abord, pour les exprimer ensuite, mais que les idées se conçoivent au fur et à mesure que l'on parle.
Cet essai aborde la question de la grâce au théâtre. Le poète converse avec un premier danseur de l'opéra, qui place les marionnettes au-dessus de l'homme. Il prétend qu'un danseur qui veut se perfectionner peut beaucoup apprendre d'elles. Car elles ont un avantage : l'absence de sentiments, d'affectation. L'homme, au contraire, est un être conscient et est le plus souvent à la recherche de l'effet à produire. Or voilà ce qui empêche la grâce d'advenir. La grâce apparaît si le danseur est inconscient de la beauté du geste effectué. L'homme, qui possède la connaissance et l'affectation, est plus lourd que la marionnette, innocente, spontanée. Elles ne connaissent rien de l'inertie de la matière : elles effleurent seulement le sol. Leur état d'innocence les place entre la conscience infinie d'un dieu et la spontanéité d'un animal. L'artiste qui veut convoquer la grâce dans son art devra travailler à se rapprocher de ces deux extrémités : conscience infinie ou inconscience animale. Cet essai aura une influence considérable, au XXe siècle, sur les développements d'ordre artistique au Bauhaus, par l'intermédiaire d'Oskar Schlemmer, son professeur de l'atelier théâtre. Oskar Schlemmer, de par ses propres réflexions, était attiré par les figurines, marionnettes, ou pantins, pour leurs mouvements mécaniques, qu'ils considérait fondamentalement harmonieux. Lorsqu'il prit connaissance de l'ouvrage de von Kleist, il fut encouragé dans sa démarche, et appliqua ces principes avec plus de force[7].
De nombreuses rues ont été nommées en hommage à Kleist, entre autres à Bonn, Vienne, Potsdam, Cologne, Mülheim, Leipzig, Berlin, Brunswick, Bad Homburg, Wolfsbourg ou Dresde. Des places Kleist existent à Kitzingen, Leverkusen ou Wuppertal.
Le forum Heinrich-von-Kleist (Heinrich-von-Kleist-Forum) est un centre pédagogique et culturel à Hamm. La Realschule Heinrich-von-Kleist se trouve à Heilbronn.
Il existe un musée Kleist et un parc Kleist à Francfort-sur-l'Oder. Le Parc Heinrich-von-Kleist à Berlin-Kreuzberg abrite la Kammergericht.
Le prix Kleist est décerné par la Société Heinrich-von-Kleist (Heinrich-von-Kleist-Gesellschaft).
À l'affiche : Kohlhaas, par le Théâtre Agora, de Saint-Vith, 2012, inspiré de Michael Kohlhaas, le marchand de chevaux, également en version allemande : Heute : Kohlhaas.
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