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Tholin

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Tholin
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Le tholin (du grec ancien θολός / tholós, « encre de seiche »[1], en référence à l'aspect et à la couleur), ou parfois la tholine, est une substance organique plus ou moins azotée de masse moléculaire élevée (environ kDa), de couleur rouge brun parfois violacée (sépia) et de structure mal connue, produite en laboratoire lors d'expériences de Miller-Urey et qui serait présente à la surface de nombreux objets du Système solaire externe, voire au-delà. Le tholin est composé de molécules diverses, ce qui fait qu'on l'écrit également au pluriel : les tholins, en référence aux composés ou aux molécules qui le constituent.

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Les tholins seraient responsables de la couleur rougeâtre, orangée voire rosée observée sur certains terrains de satellites de planètes géantes (ici, Triton, satellite de Neptune), de planètes naines et les petits corps du Système solaire.

Le terme anglais tholin a été introduit en 1979 par Carl Sagan et Bishun Khare[2] pour décrire les substances qu'ils obtenaient à partir de gaz identifiés dans l'atmosphère de Titan, avec une étymologie différente (ils se référaient au grec θόλος en lui donnant le sens de « boueux ») et la description suivante[3] :

« Au cours de la décennie écoulée, nous avons produit dans notre laboratoire une série de solides organiques complexes à partir de mélanges des gaz abondants dans l'espace : CH4, C2H6, NH3, H2O, HCHO et H2S. Le produit, synthétisé par lumière ultraviolette (UV) ou par décharges électriques, est un résidu brun, parfois collant, que l'on a appelé, en raison de sa résistance à la chimie analytique conventionnelle, « polymère récalcitrant »[a]. Cependant, nous avons récemment réussi, par pyrolyse séquentielle et non séquentielle suivie de chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse (GC-MS), à déterminer en partie la composition de ce matériau. Ce n'est clairement pas un polymère — répétition de la même unité monomère — et un autre terme est nécessaire. (...) Nous proposons, comme terme descriptif sans précédent, « tholins » (du grec ancien ϴoλòς, boueux ; mais aussi ϴὸλος, voûte ou dôme), bien que nous ayons été tentés par l’expression « goudron stellaire »[b]. Les propriétés des tholins dépendent de la source d'énergie utilisée et de l'abondance initiale des précurseurs, mais une similitude physique et chimique générale entre les divers tholins est évidente. »

 Carl Sagan et Bishun Khare, Nature, 1979[2].

Cependant, certains chercheurs préfèrent réserver cette appellation aux composés produits en laboratoire, notamment parce qu'on ignore si ces substances sont bien celles qui sont présentes à la surface des astres[3],[4]. Les tholins ne sont pas des composés chimiques définis mais sont un terme générique désignant une série de molécules, parmi lesquelles des hétéropolymères[5], dont on pense qu'elles enduisent d'un revêtement organique rougeâtre la surface de certaines planètes. Il s'agit de macromolécules complexes formées par la répétition de résidus liés entre eux en combinant divers groupes fonctionnels[6].

Les mécanismes exacts de la formation des tholins ne sont pas connus, mais il s'en forme sous l'action du rayonnement ultraviolet sur des composés organiques simples, tels que des hydrocarbures légers (méthane CH4, éthane C2H6, éthylène C2H4, etc.), en présence d'azote N2 et/ou d'eau H2O[7]. Les tholins ne se formant qu'en milieu réducteur, on n'en trouve plus à la surface de la Terre mais il s'en trouverait au contraire en abondance sur les satellites des planètes géantes, ainsi que, sans doute, sur les planètes naines et les petits corps du Système solaire. On a également détecté des substances apparentées dans le système stellaire de l'étoile binaire HR 4796 à l'aide de l'instrument NICMOS du télescope spatial Hubble.

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Simulation de l'atmosphère de Titan. La coloration orangée est liée à la présence de dicyanoacétylène[8] N≡C−C≡C−C≡N.
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Différents tholins

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Généralement de couleur brune ou rougeâtre, les tholins ont une structure moléculaire difficile à caractériser, car les résidus sont essentiellement insolubles.

Les tholins de Titan et de Triton, satellites respectivement de Saturne et de Neptune, sont des substances organiques riches en azote, du fait de l'action des ultraviolets sur des mélanges d'azote N2 et de méthane CH4 : l'atmosphère de Titan est en effet composée d'azote, avec 1,4 % de méthane dans la stratosphère, taux qui augmente en se rapprochant du sol pour atteindre 4,9 % en dessous de 8 km d'altitude, où on trouve également des traces d'autres hydrocarbures légers tels que l'éthane C2H6, le diacétylène C4H2, le méthylacétylène C3H4, l'acétylène C2H2 et le propane C3H8, ainsi que du cyanoacétylène HC3N, du cyanure d'hydrogène HCN et divers autres gaz ; l'atmosphère de Triton, quant à elle, est un peu moins bien connue, et semble composée essentiellement d'azote N2 avec des traces de méthane CH4.

A contrario, les tholins de glace résultent de l'irradiation de clathrates de méthane CH4 et d'éthane C2H6 dans de la glace d'eau et sont donc dépourvus d'azote ; le plutino Ixion serait particulièrement riche en ce genre de composés.

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Occurrence dans l'Univers

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Des tholins, qu'ils soient dits de glace, de Triton ou de Titan, semblent exister en abondance sur les objets du Système solaire externe, notamment les satellites glacés des planètes géantes, et selon toute vraisemblance sur des planètes naines et des petits corps du Système solaire tels que les centaures, ceux de la ceinture de Kuiper, et des comètes[9]. On a par ailleurs pu montrer que les doses de rayonnement cosmique reçues par les grains de poussière interstellaire, même lorsqu'ils sont éloignés du rayonnement ultraviolet des étoiles, sont suffisantes pour convertir la glace d'eau chargée de carbone en composés organiques complexes pendant la durée de vie moyenne d'un nuage interstellaire typique[7].

  • Rhéa — La couleur sombre de vastes régions de l'hémisphère arrière de ce satellite de Saturne proviendrait de tholins[17].
  • Charon — La couleur brun-rouge de la calotte polaire boréale de ce satellite de Pluton pourrait être due à des substances apparentées à des tholins produites à partir du méthane CH4, de l'azote N2 et d'autres gaz provenant de l'atmosphère de Pluton[24],[25], qui ne se trouve qu'à 19 000 km.
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Formation

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(en) Formation des tholins dans la haute atmosphère de Titan.

Les tholins sont peut-être un constituant important du milieu interstellaire[2]. Sur Titan, leur formation commence à haute altitude et contribue à la formation de particules organiques solides[4]. Ils sont constitués essentiellement de carbone, d'azote et d'hydrogène. La spectroscopie infrarouge de tholins produits en laboratoire a confirmé l'identification plus ancienne de groupes fonctionnels tels que les groupes amine primaireNH2 et nitrile –C≡N avec des unités alkyleCH2– et –CH3 formant des macromolécules désordonnées. Des expériences dérivées de celles de Miller-Urey ont permis d'obtenir des solides complexes à partir d'un plasma froid d'azote N2 et de méthane CH4 exposé à des décharges électriques[34].

Comme illustré par le schéma de droite, les tholins se formeraient naturellement à travers des chaînes de réactions impliquant des pyrolyses et des radiolyses. Cela commence avec la dissociation et l'ionisation de l'azote N2 et du méthane CH4 par les particules énergétiques du rayonnement cosmique et le rayonnement solaire. Cela conduit à la formation d'éthane C2H6, d'éthylène C2H4, d'acétylène C2H2, de cyanure d'hydrogène HCN et d'autres petites molécules simples et ions chargés positivement. Puis on obtient du benzène C6H6 et d'autres molécules organiques dont la polymérisation conduit à la formation d'aérosols de molécules plus grosses qui se condensent et précipitent vers la surface de la planète[21]. La surprise est venue de la découverte de grands cations et anions à basse altitude, dans les aérosols, ions dont on pense qu'ils jouent un rôle important dans la formation des tholins. Ces derniers, chargés négativement, ont un poids moléculaire d'environ kDa et se formeraient à partir de composés intermédiaires chargés dont la masse est comprise entre 80 et 350 Da. Les tholins produits à basse pression tendent à incorporer l'azote au centre de leurs molécules tandis que ceux produits à pression élevée tendent à l'incorporer aux extrémités de leurs molécules[35],[36].

Ces composés d'origine atmosphérique sont distincts de ceux, appelés tholins de glace II, qui se forment par irradiation (radiolyse) de clathrates d'eau et de composés organiques tels que le méthane CH4 et l'éthane C2H6[7],[17].

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Propriétés

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Certains chercheurs ont avancé l'idée que la Terre ait pu être ensemencée très tôt au cours de son histoire par des composés organiques issus des comètes riches en tholins, ce qui aurait fourni la matière première nécessaire à l'apparition de la vie[2],[7] (voir l'expérience de Miller-Urey, dont les hypothèses de départ se sont néanmoins révélées ne plus être en accord avec les modèles les plus récents d'atmosphère primitive de la Terre). Les tholins n'existent plus à la surface de la Terre en raison de son atmosphère oxydante depuis la Grande Oxydation, il y a 2,4 milliards d'années[37].

Les études en laboratoire suggèrent que les tholins à proximité de grandes étendues d'eau liquide qui auraient peut-être subsisté pendant des milliers d'années auraient pu faciliter la mise en place de la chimie prébiotique[3],[16] et pourraient être impliqués dans l'apparition de la vie sur Terre et, peut-être, sur d'autres planètes[37]. Par ailleurs, en formant des particules dans l'atmosphère, les tholins affectent la diffusion de la lumière et agissent comme des écrans limitant l'exposition de la surface des planètes aux rayons ultraviolets, ce qui agit sur l'habitabilité de ces planètes[38]. Les simulations en laboratoire ont permis d'observer des dérivés d'acides aminés et d'urée, ce qui a des implications importantes en exobiologie[37],[39].

Sur Terre, une grande variété de bactéries du sol sont capables de métaboliser les tholins produits en laboratoire par décharges électriques dans un mélange de méthane CH4, d'ammoniac NH3 et de vapeur d'eau H2O[40]. Les tholins pourraient ainsi avoir été la « nourriture » des premiers organismes hétérotrophes apparus sur notre planète.

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Notes et références

Annexes

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