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peintre, illustrateur, affichiste, lithographe et caricaturiste français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Adolphe Léon Willette, né le à Châlons-sur-Marne et mort le à Paris, est un peintre, illustrateur, affichiste, lithographe et caricaturiste français.
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Pierrot |
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Nox, Cémoi |
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Fils du colonel Henri-Léon Willette, qui, depuis la campagne du Mexique, fut aide de camp du général puis maréchal Bazaine[1], il est, en 1867, élève de l'institut Boniface, 18 rue de Condé à Paris, puis, son père étant muté à Dijon, en 1868, du lycée de cette ville. En 1875, l'implication de son père dans l'évasion de Bazaine de l'île Sainte-Marguerite lui vaut d’être radié du lycée[2]. Il intègre alors l'École des beaux-arts de Paris[3], où il sera l'élève d'Alexandre Cabanel, maître dont il tiendra, analyse Claude Roger, « le mélange d'audace et de classicisme que révèlera son tempérament[4] ». Il y fait la connaissance d'Antonio de La Gandara dès 1875. Il réalise ses premiers dessins de presse, notamment pour La Jeune Garde et La France illustrée, sous le pseudonyme de Nox en 1877[5] puis débute au Salon en 1881 avec une Tentation de Saint Antoine qui y est remarquée, affirmant « une personnalité qui ne devait pas tarder à se dégager des formules d'école » qui se confirmera dans son envoi de 1886, la Veuve de Pierrot[1].
En 1882, il s'installe à Montmartre et loue avec son frère, le docteur Willette, un atelier au 20, rue Véron[6]. Il illustre Victor Hugo, peint des fresques et des vitraux, dessine des cartes postales, des affiches publicitaires[α 1], des couvertures de livres et, en échange d'un repas, des menus de brasserie. Ses représentations de Pierrot et Colombine lui valent une certaine popularité. En 1883, il réalise un dessin, intitulé Ah ! que c'est beau le soleil !, pour illustrer Le Rêve d'un Viveur, pièce de Jean-Louis Dubut de Laforest. Ce dessin est publié dans l'édition en volume de la pièce[7].
« En rupture totale avec l'académisme à la mode de Bonnat et autre Bouguereau, Willette ignore tout autant la révolution impressionniste. Sa palette est pauvre et se cantonne le plus souvent dans des harmonies de gris et d'ocres. […] À partir de 1886, il s'éloigne de plus en plus de la peinture, qu'il ne retrouvera qu'à l'occasion de grandes décorations, pour se consacrer au dessin[8]. »
Avec Rodolphe Salis et Émile Goudeau, il participe à la création du cabaret parisien le Chat noir au boulevard Rochechouart, où il expose d'abord une toile refusée au Salon : Une Paire d'amis (Femme et chat noir), puis qu'il décore ensuite de panneaux, notamment celui du Parce Domine (1884)[9], et d'un vitrail, Le Veau d'or ou Te Deum laudamus (1885), alors perçu par John Grand-Carteret comme « un curieux mélange de souvenirs, d'ornements classiques et de conceptions modernes »[10]. Au Chat noir, il retrouve Antonio de La Gandara et fréquente également Henri Rivière, Maurice Donnay, Maurice Rollinat, Henri de Toulouse-Lautrec, Paul Signac, Camille Pissarro, Vincent van Gogh, Louis Anquetin ou Georges Seurat.
En 1885, il quitte Le Chat noir afin de dessiner pour une série de journaux anarchistes et fonde son propre magazine Le Pierrot trois ans plus tard. Désormais, il enrichit de commentaires politiques le format de bandes dessinées muettes qu'il avait établi dans Le Chat noir d'après le modèle des pages illustrées de Kaspar Braun[11].
En 1888, à Paris, a lieu sa première exposition de peintures et de dessins au 34 rue de Provence : Jules Chéret lui fait une affiche. Il décore de nombreux cabarets et restaurants de la butte Montmartre : l'auberge du Clou, la Cigale, le hall du bal Tabarin, la Taverne de Paris, ainsi qu'un salon de l’Hôtel de ville de Paris. En 1889 il décore le Moulin Rouge, et dessine le célèbre moulin.
Polémiste ardent, Willette collabore tour à tour à de nombreux périodiques illustrés comme Le Chat noir, puis Le Courrier français (une relation qui, à compter de sa brouille avec Rodolphe Salis, durera 23 ans[1]), Le Triboulet, Le Rire, sans oublier, dès 1901, L'Assiette au Beurre dont il compose la lettre de présentation. Il fonde plusieurs publications comme Le Pierrot (1888-1891 ?), La Vache enragée (1896-1897), Le Pied de nez (1901), Les Humoristes (avec Steinlen en 1901).
En 1889, en pleine affaire Boulanger, et sans écarter ici l'hypothèse d'une « blague », dans le style du Chat noir, d'un goût exécrable[α 2], Willette se présente comme unique « candidat antisémite » aux élections législatives du , dans la 2e circonscription du 9e arrondissement de Paris. Une affiche est produite, laquelle fut récupérée en 1942-1943 sous l'Occupation, selon Laurent Gervereau[12]. À l'issue du premier tour du scrutin, Willette n'a obtenu que 19 voix sur 11 371 votants (0,17 %), en cinquième position derrière le socialiste possibiliste F. Dandreux (2,36 %), le radical Paul Strauss (25,16 %), l'opportuniste Georges Berger (26 %) et le député sortant boulangiste Louis Andrieux (44,37 %)[13]. Il obtient encore une voix au second tour.
En 1891, il prend la défense du Montmartrois et communard Jean-Baptiste Clément condamné pour ses activités syndicalistes et militantes à deux ans de prison et cinq ans d'interdiction de séjour.
Un dessin qui parait dans Le Courrier français montre une jolie et aguichante jeune fille qui chante avec insouciance. Elle marche enchaînée et encadrée par deux antipathiques gendarmes. L'un d'eux s'est emparé du panier de cerises qu'elle avait au bras. Une légende accompagne le dessin, en forme de nouveau couplet de la célèbre chanson de Jean-Baptiste Clément, Le Temps des cerises[14] :
Quand il reviendra, le temps des cerises
Pandore idiot, magistrats moqueurs
Seront tous en fête !
Gendarmes auront la folie en tête
À l'ombre seront poëtes chanteurs
Quand il reviendra le temps des cerises
Siffleront bien haut les chassepots vengeurs !
Durant l'affaire Dreyfus, à partir de 1894, il se range du côté des antidreyfusards avec d'autres artistes proches comme Caran d'Ache[15]:14 ou Forain. Par ailleurs, il collabore au journal La Libre Parole illustrée (1893-1897) dirigé par le nationaliste antisémite Édouard Drumont[16].
En 1896, il participe à l'organisation du premier cortège carnavalesque montmartrois de la Promenade de la Vache enragée. Il y défile costumé en pierrot noir, à la tête d'une joyeuse troupe de pierrots et colombines[17]. Il est responsable de la deuxième édition de la fête qui a lieu l'année suivante. Ce sera la dernière édition de ce défilé du vivant de Willette.
Nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1906, il est ensuite élevé au rang d'officier de ce même ordre en 1912. Il est également membre de la goguette du Cornet[α 3].
En 1914, l'architecte Pierre Regnault, fondateur de l'Union des catholiques des beaux-arts, invite ses membres à une messe en mémoire des membres défunts. Willette répond à l'invitation et suggère de dire cette messe « pour ceux qui vont mourir dans l'année en cours, et que cet office soit fait dans une vieille église de Paris, historique, par exemple l'église Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris, le mercredi des Cendres »[18]. Cette première messe fut célébrée le dans ladite église avec lecture de la prière de Willette[15]. Elle deviendra annuelle à partir de 1926, après la mort de Willette. Une dalle en pierre scellée dans le mur de l'église y commémore l'événement[19].
Guillaume Apollinaire, qui comptait parmi ses plus fervents admirateurs, écrit en 1911 : « L'art de Willette consiste surtout en une alliance charmante de l'esprit et de la poésie, de la peinture et de la chanson, de l'allégorie et de la vie même. S'il y a beaucoup de gaieté et d'insouciance sur tous les visages de ses tableaux, l'on y découvre aussi de la mélancolie[20]. »
À partir de 1915, il parraine un groupe de jeunes artistes de Coutances qui, se proposant de « rénover l'art populaire » et de « faire connaître et aimer Coutances, non seulement en Normandie, mais encore dans tous les milieux de lettrés et d'artistes du pays[α 4] », fondent Le Pou qui grimpe.
En 1919, il publie ses souvenirs, sous le titre Feu Pierrot chez Henri Floury.
En 1920, avec Forain, Neumont, Guérin et Poulbot il fait partie des fondateurs de la République de Montmartre[21]. Il en sera le premier président jusqu'au .
En 1923, il pose la première pierre du dispensaire des Petits Poulbots à Montmartre.
Adolphe Willette meurt d'une congestion pulmonaire en son domicile, le petit hôtel du 28, rue Lacroix dans le 17e arrondissement de Paris, le [1],[22], « ne laissant à sa femme et à ses trois filles, évoque Jean-Paul Crespelle, que quelques billets de mille, bien marri de partir aussi démuni, malgré sa célébrité, que l'un de ses Pierrots noceurs[23] ». Il est inhumé au cimetière du Montparnasse (2e division), où l'oraison funèbre est prononcée par Jean-Louis Forain[3].
En 1927, le nouveau square inauguré au pied du Sacré-Cœur est baptisé en son honneur « square Willette ». Il porte ce nom jusqu'en 2004[24].
Le , à la suite d'une délibération[25] du Conseil de Paris souhaitant à la fois qu'Adolphe Willette, connu pour son engagement antisémite des années 1889-1895, ne soit plus ainsi glorifié, et honorer la mémoire d'une femme engagée et liée à l'histoire des combats de la Commune de Paris, ce square est rebaptisé square Louise-Michel, du nom de la communarde montmartroise Louise Michel[26],[27].
L'œuvre graphique de Willette est à ce jour difficilement mesurable en termes de quantité et un catalogue raisonné relève de la gageure selon Laurent Bihl, outre les dessins de presse, les tableaux et les gravures, on compterait des éventails, boîtes de friandises, menus, images scolaires ou religieuses, tracts, enseignes de boutique, cartes postales, faire-part de naissance, affiches, décorations murales de lieux publics, chansons illustrées, mais aussi chars carnavalesques, déguisements, costumes de scène, bannière religieuse, etc[29].
Willette est un affichiste prolifique reconnu de son temps pour son talent de lithographe par Jules Chéret, Henri Beraldi ou encore John Grand-Carteret et Armand Lods[30].
« Adolphe Willette est aussi un poète et ses dessins, toujours mystiques, voilent, par leurs formes gaies, souvent légère, une idée de philosophie naïve. »
« Willette, c'est d'abord la petite femme aux yeux limpides, au nez mutin, blonde, maigre, mais fausse maigre, avec un corsage et une croupe offrant à la curiosité sensuelle des chairs lourdes et des finesses d'attaches. Sa toilette change avec sa fortune, mais elle a toujours les mêmes dessous, que Willette excellait à représenter : la chemisette, le pantalon bouffant et brodé, le corset noir qui lui amenuise la taille et lui ballonne les reins, les bas rayés qui collent à son mollet au placé et à sa cheville sèche. »
« L'œuvre de Willette frappe par sa vivacité, ses contrastes et l'abondance de la vie qu'elle exalte. Elle veut réagir contre la tristesse dont fut saisie la génération qui suivit la guerre de 1870. Willette a montré, se prenant pour modèle, la joie de respirer librement, de jouir du monde avec franchise. Et si, comme on le verra, sa muse s'est parfois révélée violente, c'est au nom du bonheur refusé? S'il égare, oh pas longtemps, ses héros dans les cimetières, où seulement est la vraie égalité, c'est pour qu'ils sentent mieux ensuite le prix de l'existence ; au reste vite ils se consolent ; de nouvelles amours fleurissent sur les tombes et des danses fleuries se mêlent aux sombres cortèges (Parce Domine)… Les femmes que volontiers il représente ont la souplesse des vierges, leurs délicieuses mutineries ; leurs torses sont minces et blonds ; bergères, princesses ou trottins, leurs seins rieurs jaillissent avec une égale jeunesse. Vous révolterez-vous au nom de la pudeur et n'aimerez-vous pas des spectacles si aimables ? Vous indignerez-vous si l'ouvrière aux jambes nues presse un lys ironique contre sa poitrine, si l'amour qui demain naître se devine chez la communiante aux yeux baissés, si la candeur pas une minute n'abandonne la Veuve de Pierrot que consolent les croque-morts ? »
— Claude Roger[4]
« Les innombrables dessins humoristiques de Willette resteront sans doute son meilleur titre de gloire. Ils ont charmé toute une génération par leur grâce alerte, leur gaieté satirique mais sans aigreur. Ses amours malicieux et ses jolies filles descendent en ligne directe des enfants et des bergères de Boucher. Il fut moins heureux dans son carton de tapisserie qui reste une vignette agrandie… Son Parce Domine restera comme un témoignage d'un moment de fantaisie parisienne et d'un Montmartre qui n'est plus. »
« Willette était le Français qui n'a pas voyagé. Il tournait comme un hanneton autour de sa colline sacrée. Mais là est sa saveur et aussi son génie. Il ne doit rien à personne. Il a vu peu de choses dans le vaste monde. Il a tout tiré de son propre fonds. Derrière la butte sacrée s'étendaient de vastes plaines où vivaient les Barbaresques comme sur les mappemondes de la Renaissance. »
« Voisin de Steinlen, aussi célèbre que lui, Willette n'a eu aucune influence sur l'art moderne. Il fut d'ailleurs l'ennemi acharné des jeunes novateurs, particulièrement des cubistes, qui lui inspirèrent de nombreuses charges. On doit lui rendre ce qui lui revient : d'avoir été le principal artisan de la légende montmartroise. Ses Arlequins, ses Pierrots lunaires, ses Colombines, ses fillettes folles de leur corps ont à jamais marqué Montmartre du sceau d'un certain érotisme romantique. Avec lui Montmartre devint la terre des amoureux, des solitaires en quête de bonnes fortunes. Concédons-lui qu'il n'y avait rien de vulgaire dans son petit monde de bohèmes et de modèles gambillant au clair de lune. Il fut le chantre de l'époque du Chat Noir, de Bruant, du Lapin Agile plus que du Moulin-Rouge et des boîtes que fréquentait Lautrec. »
— Jean-Paul Crespelle[23]
« C'est la Parisienne effrontée qui se moque des agents, scandalise M. Prudhomme, fait la joie et l'admiration des spectateurs du café-concert ; c'est la marquise, la soubrette ou la bergère Louis XV ; c'est Colombine qui tourmente son Pierrot ; c'est la cantinière espiègle et faubourienne, compatissant aux guerriers sevrés d'amour ; c'est encore la République, Marianne aiguë et clairvoyante. On retrouve aussi dans tout son œuvre le Pierrot généreux et sentimental, rêveur mais aussi rusé, mystificateur et gavroche, auquel Willette s'identifie totalement ; les Amours joufflus, avec ou sans ailes, avec ou sans carquois ; les huissiers, les croque-morts et enfin la Mort elle-même, trop souvent présente, comme l'obsession du fêtard ou la menace effroyable qui pèse sur le guerrier. L'artiste affectionne également lesn chats, qu'il peint au clair de lune, sous la neige ou près des moulins… Représentant typique des grands illustrateurs humoristes de la fin du XIXe siècle, Adolphe Willette a contribué plus que tout autre à donner à Montmartre sa légende. »
— Les Muses, encyclopédie des arts[50]
« Absorbé par l'image publicitaire, par le dessin et par la gravure, Willette reprit rarement ses pinceaux après la trentaine. C'est sans doute dommage puisqu'on retrouve dans ses toiles et ses pastels ce sentiment de grâce, de poésie légère qui a dicté quelques-unes des affiches les plus convaincantes de la Belle Époque. »
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