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Parmi les réalisateurs du renouveau du cinéma thaïlandais dans les années 1970 et 1980 (avec, entre autres, Euthana Mukdasanit, Permpol Choey-Aroon et Manop Udomdej), Chatrichalerm Yukol est sans doute le précurseur le plus prolifique et le plus complet. Membre de la famille royale, il profite de sa position pour traiter des sujets sociaux audacieux comme dans Docteur Karn en 1973, Hotel Angel(en) en 1974, Taxi Driver en 1977[6] et Gunman(en) en 1983[7].
Années 60: les études
De 1957 à 1973, le cinéma et la littérature thaïlandais sont constitués essentiellement de «bluettes sirupeuses» qui échappent à la censure du régime autocratique et de films d'horreur qui flattent le goût du public[9]. Dans les années 60, le jeune Chatrichalerm Yukol quitte la Thaïlande pour aller étudier d'abord en Australie puis aux États-Unis à l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Il obtient une licence en géologie[10] option cinéma. Il rencontre Francis Ford Coppola[11] et Roman Polanski. Ensuite, il travaille comme assistant pour Merian C. Cooper, réalisateur (avec Ernest B. Schoedsack) de Chang (1927) et du célèbre King Kong (1933)[12].
Des années 70 aux années 90: un cinéma social[13],[14]
De retour en Thaïlande, Chatrichalerm Yukol tourne d'abord Out of the Darkness(en) (มันมากับความมืด / Mun ma gub kwam mud / It Comes Out of the Darkness) (1971), le premier film de science-fiction thaïlandais[15]. Puis, très vite, il réalise, profitant de la liberté et protection que lui assure le fait d'être membre de la famille royale[16], des films décrivant avec franchise la réalité sociale de la Thaïlande contemporaine[17],[18],[19]:
La corruption générale: Docteur Karn (เขาชื่อกานต์ / Khao chue Karn / Son nom est Karn, 1973) est basé sur le roman du même nom de l'écrivaine Suwanni Sukhonta.
Ce film est considéré comme le premier film engagé de l'histoire du cinéma thaïlandais.
Il traite de la corruption des fonctionnaires à travers l'histoire des luttes et de l'assassinat d'un médecin de province[20].
Ce film a failli être censuré mais Chatrichalerm Yukol est allé rencontré en personne le dictateur militaire anti-communiste Thanom Kittikhachon (premier ministre thaïlandais de 1963 à 1973) et l'a convaincu de ne pas couper son film[21]. Le , la contestation sociale et étudiante fait chuter le régime après 3 jours de violence contre les étudiants. Thanom Kittikhachon démissionne et est contraint à l'exil.
La prostitution: La madone des bordels (Hotel Angel(en) / Angel / เทพธิดาโรงแรม / Theptida rong ram, 1974)[22],[23],[24];
Le divorce et la déception amoureuse: Le Dernier Amour (Last Love / ความรักครั้งสุดท้าย) (1975; remake en 2003)[25],[26];
L'exode rural, les taudis et les arnaques de la ville: Taxi Driver (ทองพูน โคกโพ ราษฎรเต็มขั้น / Thongpoon khopko rasadorn temkan / Citizen 1 / Citizen Thongpon Khokpho / Citoyen à part entière, 1977)[27];
La spéculation immobilière et les bidonvilles de Bangkok[28]: Somsee (ครูสมศรี / Kru Somsri / Teacher Somsi, 1986);
Les filières de la drogue: Powder Road (เฮโรอิน / Heroin, 1991)[32];
Les trafics d'armes à la frontière Thaïlande-Birmanie: Gunman 2 (Salween / มือปืน 2 สาละวิน / Muepuen 2 Salawin, 1993)[33],[34];
Les dérives d'une certaine jeunesse de Bangkok, la vie d'adolescentes rongées par la drogue[35],[36]: Daughter (เสียดาย / Sia Dai / Dommage, 1994)[37];
Une affaire de sang contaminé: Daughter 2 (เสียดาย 2 / Sia Dai 2 / Dommage 2, 1996).
Depuis 2000: un cinéma historique, royal et épique
Le prince Chatrichalerm Yukol, dans ses derniers films, s'attache à des fresques historiques sur les rapports aux XVIeetXVIIesiècles entre la Thaïlande et son ennemi de toujours, la Birmanie:
Suriyothai (2001)[38], film racontant la vaillance de la légendaire reine Suriyothai[39] (qui, comme le légendaire roi Arthur et ses chevaliers de la Table ronde, a une existence très mystérieuse et n'aurait peut-être même jamais existé selon des historiens);
Les six films (deux triptyques) sur le roi Naresuan, le grand roi d'Ayuthia (de 2007 à 2015)[40].
Dans ces fresques historiques très maîtrisées, aux personnages complexes et aux décors somptueux, tournées avec des moyens considérables (les plus gros budgets de l'histoire du cinéma thaïlandais mais aussi les plus grands succès commerciaux locaux en salle de tous les temps[41]), Chatrichalerm témoigne surtout d'un réel plaisir de filmer et du souci de restituer aux thaïlandais leur histoire.
1971: Out of the Darkness(en) (มันมากับความมืด / Mun Ma Kub Kwam Mued)
«Celui qui leur (à Euthana Mukdasanit, Permpol Cheyaroon, Manop Udomdej...) avait ouvert la voie et continuait de marquer profondément le paysage du cinéma thaïlandais était M.C. Chatri Chalerm Yukol. Dans une longue suite de films dont il convient au moins de citer Thongpoon khopko rasadorn temkan (Thongpoun Khopko, citoyen à part entière, 1977) ou Muepuen (Le Tueur à gages, 1983), il a abordé l'essentiel des problèmes de la société thaïlandaise contemporaine[48].»
—Gérard Fouquet,Profondeurs insoupçonnées (et remugles?) des «eaux croupies» du cinéma thaïlandais
(fr + th) Wanee Pooput et Michèle Conjeaud (préf.Gilles Delouche), Pratique du thaï - Volume 2, L'Asiathèque - maison des langues du monde, , 252p. (ISBN978-2-36057-012-6), Conversation 11 - Aller au cinéma pages 253 à 256
Arnaud Dubus, «Portrait du cinéaste thaïlandais Than Mui: Un aristocrate avide du peuple», Gavroche Thaïlande, no38, , p.26 et 27 (lire en ligne[PDF])
Gérard Fouquet, «Présentation: Profondeur insoupçonnée (et remugles?) des «eaux croupies» du cinéma thaïlandais», Aséanie n°12, , p.146 (lire en ligne)
Jean Baffie et Thanida Boonwanno, Dictionnaire insolite de la Thaïlande, Bidonvilles de Bangkok, Cosmopole (Diffusion Marcus), première édition mai 2011 / deuxième édition juin 2013, 160p. (ISBN978-2-84630-084-1), Cinéma / Khru Somsi page 38
Steve Derry, «Évolution des territoires agricoles et forestiers en Thaïlande: une interprétation cartographique», Les Cahiers d'Outre-Mer, , pp. 35-58 (lire en ligne)
Samira Guennif et Claude Mfuka, «La lutte contre le sida en Thaïlande: de la logique de santé publique à la logique industrielle», Sciences sociales et santé, , pp. 75-98 (lire en ligne)
Gérard Fouquet, «Présentation: profondeurs insoupçonnées (et remugles?) des «eaux croupies» du cinéma thaïlandais», Aséanie, Sciences Humaines en Asie du Sud-Est, 12, , p.153 (lire en ligne)