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Déchristianisation (Révolution française)

politique qui, pendant la Révolution française, a pour but de supprimer le christianisme de la vie quotidienne en France De Wikipédia, l'encyclopédie libre

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La déchristianisation sous la Révolution française, aussi appelée déchristianisation de l'an II[1], désigne un mouvement qui démarre approximativement à la chute de la Royauté (août 1792) et connait son apogée pendant les premiers mois de l'an II pendant la période de Terreur de la Révolution française. Elle recouvre un certain nombre d'actions dirigées contre le clergé catholique et menées par les révolutionnaires les plus radicaux, à la suite du schisme provoqué par la Constitution civile du clergé. Elle n'est pas organisée par les instances centrales que sont le Comité de salut public ou la Convention, qui se montrent plutôt hostiles ou circonspects face à ce qu'ils considèrent comme des désordres ou des excès. Elle peut être mise en œuvre par la Commune de Paris ou divers comités de surveillance locaux, soutenus par une partie de la population, ou s'inscrire dans le cadre de répression de différentes insurrections, comme à Nantes ou à Lyon, où se déroulent les épisodes les plus célèbres et les plus violents. Elle est alors le fait de représentants en mission (Carrier pour Nantes, Fouché et Collot d'Herbois pour Lyon), proches des Hébertistes. Elle connait une intensité variable selon les régions.

Elle s'accompagne d'une tentative d’instaurer un nouveau culte civique, celui de la Raison et aboutit, en réaction, le , à l'instauration du culte de l'Être suprême par la Convention.

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Origine du terme - Historiographie

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Le terme de « déchristianisation » est utilisé pour la première fois par Félix Dupanloup, futur évêque d'Orléans, dans les années 1840. Perçue à partir du XIXe siècle dans le cadre d’un catholicisme dominant qui ne parvient pas à maintenir son hégémonie avec le recul des colonisations et l'affirmation de leurs religions d'origine par les populations extra-européennes, cette tendance sociétale trouve en partie ses racines au siècle des Lumières[2].

Ce néologisme se répand à partir du milieu du XIXe siècle pour qualifier une désaffection spirituelle à l’égard du christianisme. C’est dans les années 1890-1900 que les historiens républicains, notamment Albert Mathiez, ont utilisé cette expression pour caractériser les violences anticléricales de 1793-1794, aussi appelées « déchristianisation de l’an II », en référence au calendrier républicain. Elle a été ensuite consacrée par Maurice Dommanget, puis, plus récemment, par Serge Bianchi et Michel Vovelle. L’objectif était de présenter ces actions comme une forme d'émancipation spirituelle, préfiguration de l'homme nouveau, libéré de toute attache religieuse, tel qu’il est promu par l'idéologie socialiste révolutionnaire au cours du XXe siècle. Le terme a aussi été repris par l'historiographie catholique afin de mieux présenter la Révolution comme le fruit d’un complot antichrétien d’inspiration satanique[3].

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Contexte : la Constitution civile du clergé

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La déchristianisation sous la Révolution française s'inscrit dans un contexte de désaffection vis-à-vis de la religion catholique, plus particulièrement marquée depuis Les Lumières et la parution de l' Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751-1772). Les promoteurs de l'Encyclopédie, Diderot et d'Alembert, s'attachaient à dénoncer ce qu'ils appelaient l'« obscurantisme » religieux[4].

Dans les débuts de la Révolution, l'Assemblée nationale constituante adopte le un décret de Constitution civile du clergé qui, entre autres dispositions, transforme les membres du clergé catholique en fonctionnaires salariés par l'État. Les membres du clergé séculier sont désormais élus et doivent prêter un serment dans lequel ils s'engagent à accepter et protéger la nouvelle organisation du clergé. Sanctionnée contre son gré par Louis XVI le , la Constitution civile du clergé réorganise unilatéralement le clergé séculier français, instituant une nouvelle Église, l'Église constitutionnelle. Cette réorganisation est condamnée par le pape Pie VI en , ce qui provoque la division du clergé français entre clergé constitutionnel (les « jureurs ») et clergé réfractaire[5].

L'Assemblée nationale législative adopte deux décrets contre les prêtres réfractaires en novembre 1791 et en mai 1792.

La Constitution civile du clergé entraîne un véritable schisme dans l'Église de France, qui est à l'origine de la volonté de déchristianisation qui marque le mouvement sans-culotte à partir de 1791 et des gouvernements républicains à partir de la chute de la Royauté le 10 août 1792. Par ailleurs, les hébertistes demandaient un renforcement de la Terreur et furent des partisans de la déchristianisation.

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Les événements

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Fête de la Raison à Notre-Dame en 1793. Une montagne est édifiée dans le chœur ; une actrice personnifie la Liberté ; la Convention vient assister à la cérémonie.
Eau-forte, 1793, Paris, BnF, département des estampes.

La Commune de Paris, sous l'impulsion de son procureur-syndic Chaumette, est la première à prendre, après la chute de la Royauté le 10 août 1792, des mesures anticléricales : interdiction du port du costume ecclésiastique en dehors des fonctions sacerdotales (), interdiction des processions et manifestations religieuses sur la place publique (), réquisition des bronzes d'église pour l'armée (). Toutefois, les arrêtés de la Commune ne sont pas toujours reconnus par la Convention, ni même suivis dans toutes les sections.

L'an II (septembre 1793-) marque l'apogée de la déchristianisation.

Le , la Convention décrète l'application du calendrier républicain en remplacement du calendrier grégorien, substituant, comme ère, à la naissance du Christ la date du , premier jour de la République, et éliminant le dimanche au profit du « décadi ». Le comité d'instruction publique fut chargé d'étudier la dénomination des jours et des mois ; à cette fin, une commission composée de Marie-Joseph Chénier, le frère cadet du poète, du peintre David, de Fabre d'Églantine et de Romme fut constituée le 18 octobre, et six jours plus tard, le 24 octobre, Fabre d'Églantine présentait à la Convention nationale un projet lui revenant pour la plus grande part et qui fut adopté séance tenante. Il fallait frapper l'imagination du peuple, et substituer aux images inspirées par le culte catholique d'autres reflétant l'idéologie républicaine[6].

Le , la Convention accorde qu'une commune est en droit de renoncer au culte catholique. Un certain nombre de communes changeront ainsi de nom (Saint-Malo devient par exemple « Port-Malo) et fermeront ou détruiront les lieux de culte. La carte de ces communes comporte certaines affinités avec la carte des prêtres assermentés de 1791 (Timothy Tackett) et correspond à des régions où un certain détachement vis-à-vis de la religion s'était opéré avant la période révolutionnaire[7].

Le (20 brumaire an II) la cathédrale Notre-Dame de Paris est décrétée Temple de la Raison[8].

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Pillage d'une église en 1793, huile sur toile de Victor Henri Juglar, vers 1885, musée de la Révolution française.

Dans la nuit du , Gobel, l'évêque de Paris, qui est pourtant un évêque constitutionnel est forcé d'abdiquer ; le 17, il vient, avec ses vicaires, se démettre solennellement à la Convention. La Commune édifie une montagne dans le chœur de Notre-Dame ; une actrice personnifie la Liberté ; la Convention se rend à la cathédrale, baptisée « temple de la Raison » et assiste à une nouvelle présentation de la fête civique. Des sections imitent cet exemple ; le , des citoyens de la section de l'Unité, revêtus d'ornements sacerdotaux, défilent, chantant et dansant, devant la Convention.

Le , sur la recommandation de Chaumette, la Commune ordonne la fermeture de toutes les églises de la capitale.

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Collection generale des brefs et instructions relatifs a la revolution francoise par pape Pie VI, 1798

Dans les régions ou villes en proie aux insurrections, qu'il s'agisse de la guerre de Vendée ou des insurrections fédéralistes, la déchristianisation est forcée et, à l'initiative de certains représentants en mission proches des hébertistes et de la sans-culotterie parisienne, devient l'une des formes que revêt la répression.

L'activité de Joseph Fouché, dans la Nièvre et la Côte-d'Or, reste la plus célèbre. Sous l'influence de Chaumette (qui fait un voyage dans le département en septembre 1793), il prend différents arrêtés interdisant toute manifestation extérieure du culte, rend obligatoire le mariage des prêtres pensionnés (ou à défaut, l'adoption par eux d'un enfant ou l'entretien d'un vieillard indigent), et laïcise les convois funèbres ainsi que les cimetières. Sa décision d'inscrire sur les portes d'entrée des cimetières : « La mort est un éternel sommeil » connut un grand retentissement.

Envoyé à Lyon avec Collot d'Herbois, il y poursuit sa politique antireligieuse : le , il organise une grande cérémonie aux mânes de Chalier exécuté lors de l'insurrection de juin. Dans le cortège, un sans-culotte portant mitre et crosse précède un âne recouvert d'habits pontificaux, coiffé d'une mitre, portant un calice sous le cou et, attachés à sa queue, une bible et un missel. D'autres représentants, appuyés par les armées révolutionnaires, procèdent à la fermeture et au pillage des églises.

Entre novembre 1793 et février 1794, Jean-Baptiste Carrier, investi de tous les pouvoirs par la Convention, procède à des noyades dans la Loire à Nantes d'hommes, de femmes et de prêtres réfractaires, de prisonniers vendéens, de contre-révolutionnaires[9]. Dans le jargon des soldats républicains, on désignait par « mariage républicain » le mode d'exécution qui consistait à attacher nus un homme et une femme avant de les noyer[10]. Cela pouvait concerner des prêtres et des religieuses.

Les exactions des représentants sont dénoncées auprès du comité de Salut public, qui les rappelle à Paris.

La Convention désapprouve la déchristianisation poussée jusqu'à l'abolition du culte et le considère comme une faute politique. Les grands noms de la Montagne, Robespierre, Danton, Camille Desmoulins s'expriment dans ce sens. Desmoulins considère ainsi que s'attaquer aux prêtres va fabriquer beaucoup d'ennemis de la Révolution[11]. Robespierre affirme que la déchristianisation cache une manœuvre politique et aggrave l'agitation, menée par les sans-culottes radicaux (hébertistes et Enragés), qui dans les sections et les clubs menacent le Comité de salut public. Le , il inaugure au Club des Jacobins sa croisade contre l'« athéisme ». Il oppose l'athéisme qui est « aristocratique » à l'idée « d'un grand Être qui veille sur l'innocence opprimée » et qui est « toute populaire ». Le 28, il déclare au club : « Nous déjouerons dans leurs marches contre-révolutionnaires ces hommes qui n'ont eu d'autre mérite que celui de se parer d'un zèle anti-religieux... Oui, tous ces hommes faux sont criminels, et nous les punirons malgré leur apparent patriotisme ». De concert avec Danton, il fait condamner la déchristianisation par les Jacobins. Danton conjure la Convention de « poser la barrière ». Le , un décret est adopté sur la proposition de Robespierre, et affirme que la liberté des cultes subsiste et sera garantie[12] ; le 29, une loi sur l'enseignement le déclare également libre, sans exclusion des prêtres.

Les dirigeants hébertistes sont exécutés le sans que les sans-culottes ne bougent[13]. Chaumette les suit à distance de vingt jours.

Cependant, le succès du Comité reste relatif : la Commune admet que les prêtres constitutionnels puissent célébrer leur culte à titre privé, mais les églises de Paris restent closes et le , la Convention suspend le paiement des pensions ecclésiastiques.

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Formes de la déchristianisation

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La déchristianisation s'est manifestée de différentes façons, que l'on peut regrouper en quatre grandes tendances :

Violences contre le clergé

Elles visaient à détruire le clergé réfractaire mais visaient aussi indirectement le clergé constitutionnel :

  • les persécutions, arrestations, déportation voire exécutions des prêtres réfractaires (le nombre des prêtres exécutés fut proportionnellement plus élevé que celui des autres classes[14]) ;
  • la déprêtrisation de prêtres[15] et évêques constitutionnels par l'abdication de leurs fonctions ainsi que leur mariage, souvent forcé[16].

Laïcisation

Son but était d'éradiquer les références chrétiennes dans la société française. Ce processus a pris plusieurs formes[17] :

  • la suppression du calendrier grégorien et la mise en place du calendrier républicain, avec des « semaines » de dix jours (suppression du dimanche) et la suppression de la référence aux saints (14 vendémiaire an II) ; le calendrier républicain était conçu comme un outil de propagande révolutionnaire qui devait se substituer aux almanachs traditionnels, principale lecture en milieu rural mais vecteurs de l'« obscurantisme », et régénérer « les citoyens qui ont encore entre leurs mains des heures chrétiennes »[18] ;
  • la mise en place d’un nouvel état civil tenu par les maires et non plus par les curés ;
  • le changement de nom de lieux dans le but principal d’en supprimer les références chrétiennes et féodales[19] ; en particulier la suppression des hagiotoponymes[20].
  • l'utilisation des prénoms révolutionnaires sans référence aux saints et saintes du calendrier grégorien ;
  • l'éducation laïque enlevée des mains du clergé.

Fermeture des églises et destruction des symboles chrétiens

Quelques mesures sont antérieures à la chute de la Royauté :

D'autres mesures ont suivi[17] :

  • la fermeture des églises et la vente des presbytères[24] ;
  • les autodafés de costumes, livres, mobiliers religieux ;
  • la démolition des clochers (décret du ) ;
  • la destruction de statues religieuses, de croix, d'églises et autres bâtiments religieux (couvents, chapelles…) ;
  • l'iconoclasme.

Plusieurs entreprises visèrent néanmoins à protéger le patrimoine religieux de la destruction : c'est pour sensibiliser les parlementaires à la valeur de ces objets, indépendamment de leur origine cléricale ou monarchique qu'en 1794, l'abbé révolutionnaire Grégoire invente la notion de vandalisme, en référence au peuple des Vandales, modèle des barbares antiques. Il présente alors au Comité d’instruction publique un Rapport sur les destructions opérées par le vandalisme et sur les moyens de le réprimer[25].

De son côté, le peintre Alexandre Lenoir est chargé en 1791 d’entreposer dans l’ancien couvent des Petits-Augustins, à Paris, les sculptures religieuses rescapées : fragments de portails ou d’autels, gisants... En 1795, il fait de ce dépôt le premier musée des Monuments français, qui se propose de retracer l’histoire de France à travers sa sculpture.

Mise en place de cultes de substitution

Cela comprenait[17] :

  • la mise en place du culte de la Raison ;
  • le culte des martyrs de la liberté (Marat, Le Pelletier…) ;
  • les cultes civiques (cultes décadaires, fêtes des victoires de la République et autres cérémonies commémoratives des grands événements de la Révolution)[26] ;
  • le culte de l'Être suprême.
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Suites

Le calendrier républicain a posé des problèmes de repos hebdomadaire (semaines de 10 jours), ainsi que des difficultés de traduction entre calendriers aux frontières pour les échanges commerciaux. Il fut abandonné en 1806, pendant le Premier Empire.

Les églises sont rouvertes le . Le mouvement va continuer à décroître sensiblement après le coup d'État du 18 fructidor an V (). Le Concordat rétablit officiellement le culte en 1802. Des manifestations de la déchristianisation de l'an II se maintiennent cependant sous le Consulat et l'Empire[27].

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Notes et références

Articles connexes

Bibliographie

Liens externes (études sur la déchristianisation accessibles en ligne)

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