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philosophe français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
Jacques Bouveresse, né le à Épenoy (Doubs) et mort le à Paris (12e), est un philosophe français[1].
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Jacques Flavien Albert Bernard Marie Bouveresse |
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Influencé par Ludwig Wittgenstein[2], le cercle de Vienne et la philosophie analytique[3], Jacques Bouveresse défend une position rationaliste dont le prolongement éthique est la modestie intellectuelle. Les valeurs de clarté, de précision et de mesure, qui définissent pour une part la rationalité, se traduisent, du point de vue moral, par une dénonciation des abus dont peuvent se rendre coupables les milieux intellectuels en général et le milieu philosophique en particulier. C’est dans cet esprit que Bouveresse a étudié les œuvres de Wittgenstein[2], Robert Musil et Karl Kraus. Ses domaines d’étude comprennent la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage, et la philosophie de la culture.
Il est élu en 1995 au Collège de France, où il a intitulé sa chaire « Philosophie du langage et de la connaissance ». Par la suite, de 2010 à sa mort, il est professeur honoraire de cette institution.
Né le à Épenoy (Doubs, France), dans une famille franc-comtoise originaire de Neuchâtel ayant fui la Suisse au moment de la Réforme, Jacques Flavien Albert Bouveresse est le neveu de l'Abbé Bernard Bouveresse, prêtre et résistant, le cousin germain de Renée Bouveresse, philosophe et psychologue, et le cousin lointain de l'Abbé Alfred Bouveresse, prêtre et spécialiste d'histoire régionale.
Jacques Bouveresse fait ses études secondaires au petit séminaire de la Maîtrise de Besançon puis au grand séminaire de Faverney, en Haute-Saône, où il passe deux années de préparation au baccalauréat de philosophie et de philosophie scolastique. Il suit ensuite les classes préparatoires littéraires au lycée Lakanal de Sceaux, et entre en 1961 à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, où il est un élève particulièrement brillant. En 1965, il est reçu premier à l'agrégation de philosophie[4].
Il devient rapidement un spécialiste du positivisme logique.
Sous la direction d'Yvon Belaval, il soutient en 1975 sa thèse de doctorat d'État sur Wittgenstein, intitulée Le Mythe de l'intériorité : expérience, signification et langage privé chez Wittgenstein.
Dès ses premiers travaux, il a construit son chemin intellectuel en marge des grandes modes philosophiques, s'inscrivant ainsi dans la lignée de la philosophie des sciences de Jean Cavaillès, Georges Canguilhem ou Jean-Toussaint Desanti. En 1976, Wittgenstein était encore peu connu en France, de même que le positivisme logique. Bouveresse s'est ouvert à ces domaines grâce, en particulier, aux cours de Jules Vuillemin et de Gilles-Gaston Granger, pour lesquels il a gardé une amitié constante.
En 1989, Jacques Bouveresse est coprésident de la Commission de Philosophie et d'Épistémologie destinée à faire un état des lieux de l'enseignement de ces matières[5].
Jacques Bouveresse est membre du comité de parrainage scientifique de l'Association française pour l'information scientifique (AFIS) et de sa revue Science et pseudo-sciences. Il a plusieurs fois écrit dans Le Monde diplomatique[6].
De 1984 à 1987, il dirige l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques[7].
Il co-préside avec Jacques Derrida la « Commission de Philosophie et d'Épistémologie », créée en 1988 par le Ministère de l'Éducation nationale dans le cadre de la « Commission de Réflexion sur les contenus de l'enseignement » et chargée de réfléchir sur les contenus et les méthodes de l'enseignement de la philosophie au lycée et à l'université. La commission produit le rapport qui porte leurs noms en 1989[8].
Jacques Bouveresse a été élu en 1995 au Collège de France. Il a intitulé sa chaire « Philosophie du langage et de la connaissance[9] ».
En 2005, il signe l'Appel des « 23 », avec entre autres, l'ancien garde des sceaux Jean Foyer et l'ancien conseiller de François Mitterrand Jean Kahn. Dans ce texte, des juristes et professeurs d’universités principalement, lancent un appel pour le « non » au referendum du 29 mai[10],[11],[12].
Sa carrière universitaire est la suivante :
Il meurt à Paris 12e le à l'âge de 80 ans[13],[14]. Il est inhumé à Épenoy, sa ville natale[15].
Jacques Bouveresse a toujours refusé les décorations. Ce nonobstant, il est fait chevalier de la Légion d'honneur le 14 juillet 2010 sans être consulté. Il refuse alors de se faire remettre les insignes et réclame immédiatement l'annulation de cette distinction[16].
Il reçoit le titre de docteur honoris causa de HEC Paris en 1997[17].
Son livre Que peut-on faire des religions ? est récompensé en 2012 par le prix Raymond de Boyer de Sainte-Suzanne de l’Académie française.
Il reçoit en 2019 le grand prix de philosophie de l’Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
Héritier déclaré du rationalisme des Lumières et de la tradition intellectuelle et philosophique d'Europe centrale (par exemple Bernard Bolzano, Franz Brentano, Ludwig Boltzmann, Helmholtz, Frege, le Cercle de Vienne ou Kurt Gödel), les esprits contemporains qui lui sont proches appartiennent plutôt au monde anglo-saxon, où, de fait, beaucoup d'intellectuels d'Europe centrale se sont exilés pendant la période nazie.
Bouveresse est en outre connu pour les réserves qu'il a pu exprimer vis-à-vis d'une partie de la philosophie française des années 1960 à 1980, Michel Foucault[18], Jacques Derrida[19] ou Gilles Deleuze[19], sous certains aspects. Il estime par exemple :
En France, on a tendance à considérer la philosophie comme un genre essentiellement littéraire, et à apprécier beaucoup, et même parfois exclusivement, chez un philosophe, les qualités d’écrivain. C’était très frappant, en tout cas, à la génération précédente, avec des gens comme Foucault, Derrida, Deleuze, Serres, etc.[20]
Cependant « s’il a exécré le terrorisme politico-intellectuel de l’époque structuraliste, il déteste tout autant l’éclectisme mou et les grandes proclamations moralisatrices en vigueur depuis le début des années 1980 ; et s’il juge l’atmosphère d’aujourd’hui beaucoup plus respirable, il lui arrive, devant le conformisme ambiant, de regretter l’effervescence des années 1960. »[21] Bouveresse est ainsi l'auteur de plusieurs ouvrages critiques dans lesquels il dénonce ce qu'il considère comme des impostures scientifiques et intellectuelles, à savoir par exemple, les « nouveaux philosophes » – Bernard-Henri Lévy[22] ou Jean-Marie Benoist[23]– et une partie de la presse, notamment en ce qu’elle donne de la philosophie une image selon lui mal renseignée et trompeuse, voire complètement fausse[24].
« Quand on songe à ce que sont devenus aujourd’hui, dans le domaine philosophique lui-même, les rapports de la création, de l’édition, de la promotion et de la critique, et à l'empressement avec lequel les journaux de gauche eux-mêmes font la politique du pire – c'est-à-dire acceptent et pratiquent (en invoquant la fatalité ou, en tout cas, l’impossibilité de faire autrement, argument qui serait considéré, dans tout autre cas, comme étant typiquement de droite) le copinage et le favoritisme les plus éhontés –, on se dit qu'il faudrait être encore plus idéaliste et téméraire que Kraus ne l'a été pour s'opposer ouvertement, comme il l'a fait, au pouvoir monstrueux de la presse. »
— Jacques Bouveresse, Essais IV[25]
Le philosophe Jean-Matthias Fleury le qualifie d' « historien critique de la philosophie », et fait remarquer que, pour lui, « la question de la recherche de la vérité est centrale dans le travail d'analyse historique, ce qui implique une forme de rapport critique à la tradition philosophique beaucoup plus développé qu’il ne l’est habituellement dans les études hexagonales »[26].
Jacques Bouveresse a réfléchi au théorème d'incomplétude de Kurt Gödel[27] et à ses conséquences philosophiques. C'est à ce titre qu'il s'est insurgé, dans un ouvrage de vulgarisation, Prodiges et vertiges de l'analogie, contre l'usage que fait Régis Debray de ce théorème. Debray prétend en effet s'appuyer sur Gödel pour montrer qu'une société ne peut se fonder elle-même. Bouveresse y dénonce la distorsion « littéraire » d'un concept scientifique : la démonstration de Gödel ne vaut que pour des systèmes formels tels que ceux des mathématiques ou de la logique. Cette distorsion n'a, selon lui, d'autre but que d'éblouir un public n'ayant pas la formation permettant de saisir la portée de ce théorème complexe. Ce que Bouveresse reproche à Debray n'est pas l'utilisation d'un concept scientifique en tant qu'analogie, mais l'usage d'un théorème d'accès difficile (il s'agit de mathématiques avancées) comme tentative de justification absolue au moyen du sophisme classique que constitue l'argument d'autorité. L'incomplétude du système formel de certains systèmes mathématiques n'implique en rien une incomplétude de la sociologie, car la société n'est pas un système formel.
Jacques Bouveresse s'est intéressé à la pensée de Robert Musil, l'auteur du roman L'Homme sans qualités, ainsi qu'à l'aversion mêlée de fascination que Paul Valéry éprouvait pour la philosophie.
« Le mal de prendre une hypallage pour une découverte, une métaphore pour une démonstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-même pour un oracle, ce mal naît avec nous. »
— Paul Valéry, Œuvres, I, Bibliothèque de la Pléiade, citation reprise par Jacques Bouveresse[28]
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