Vinaya
corpus des textes bouddhiques ayant trait aux règles de la communauté monastique De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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Le Vinaya, « discipline » en pali et sanskrit (ch : jièlǜ 戒律 ; ja : kairitsu 戒律 ; ti : dulwa ou‘dul ba), est le corpus de textes bouddhiques ayant trait aux pratiques de la communauté monastique ou sangha noble. Il constitue, avec le dharma, corpus plus centré sur la théorie et essentiellement constitué de sutras, l’essentiel de l’enseignement que le Bouddha déclare laisser à ses disciples dans son « testament », le Mahāparinibbāna Sutta.
Le vinaya s’est tout d’abord transmis durant quelques siècles par voie orale, se diversifiant selon les lieux et les écoles, bien qu’on considère en général les différences comme mineures. Sa partie principale est constituée de l’ensemble des nombreuses règles qui régissent la vie monastique, appelé patimokkha en pali et pratimoksha en sanscrit. On trouve également dans le vinaya des règles additionnelles, les sanctions en cas d’infraction, les modalités de résolution des conflits, des textes expliquant l’origine des articles du patimokkha, des précisions sur leur application. S’y ajoutent quelques sutras et des biographies de grands disciples.
Au cours de l'ère coloniale, plusieurs savants européens (principalement Hermann Oldenberg et Caroline et Thomas William Rhys Davids) décrivent le vinaya comme un code de loi contenant des prescriptions obligatoires. Cette idée a durablement influencé les juristes sri-lankais, par exemple Jotiya Dhirasekera[1]. Concomitamment, à partir de 1800, le vinaya subit des processus de normalisation et de codification dans des colonies comme le Sri Lanka, la Thaïlande et le Myanmar, dans le but de le rendre plus uniforme et compatible avec les catégories et idéaux juridiques européens[2].
Au Sri-Lanka au XIXe siècle, différents statuts appelés katikāvata sont utilisés en plus du vinaya afin de rendre la vie monastique plus respectable aux yeux de la société extérieure[3]. Le même genre d'adaptations continues du vinaya au contexte politico-social se poursuit aujourd'hui au sein des différents ordres monastiques, par exemple dans le jogye[4].
La question de savoir si le vinaya est oui ou non un texte juridique continue de faire débat : d'un côté, l'interprétation dominante au Sri Lanka, d'obédience theravāda, est qu'il s'agit effectivement d'un ensemble de normes dotés d'une autorité religieuse[5]. De l'autre côté, une partie des pratiquants du bouddhisme en Occident considèrent que le vinaya a seulement une fonction d'outil pour une vie commune efficace, et pas de caractère législatif[6].
Ce débat est ancien et a surtout des répercussions pour les femmes, contre lesquelles le vinaya est le plus régulièrement et le plus vigoureusement invoqué[7].
Trois vinayas sont encore en usage de nos jours :
Les monastères appartiennent en général à un courant déterminé et préfèrent recevoir des personnes ayant reçu l’ordination de leur lignée. Néanmoins, ils ne sont pas forcément exclusifs et peuvent accepter des moines ou nonnes suivant un autre vinaya. Ce type de cohabitation était fréquent dans certaines régions autrefois. Les monastères theravada sont en principe exclusifs ; cette restriction constitue un obstacle pour les aspirantes-nonnes. En effet, les novices doivent prononcer leurs vœux de nonnes auprès de moniales confirmées, or l’ordre féminin theravada a disparu au XIe siècle, empêchant théoriquement toute nouvelle ordination. Un certain nombre de femmes se sont fait ordonner par des moniales taïwanaises et coréennes mahāyāna suivant le Dharmagupta Vinaya, s’appuyant sur le fait que les fondatrices des ordres féminins chinois étaient en fait des nonnes theravada venues de Sri Lanka. Néanmoins, la légitimité de leur ordination n’est pas acceptée par l’ensemble du clergé masculin, en général peu favorable à l’entrée des femmes dans les ordres.
Les courants vajrayāna manquaient aussi traditionnellement de nonnes confirmées, les femmes entrant dans les monastères restant au stade de novice. Cependant, l’ordination selon le Dharmaguptaka Vinaya y est parfois acceptée et les premières moniales confirmées sont apparues il y a peu.
La tradition prétend qu’aucun vinaya n’était nécessaire au début des activités de prêche de Gautama, lorsque les moines étaient encore peu nombreux ; il s’avéra indispensable face à la baisse générale de la qualité des disciples suivant l'expansion de la communauté monastique. Ce serait juste après la mort du Bouddha, en entendant le moine Subhadra se réjouir de pouvoir vivre désormais plus librement, que Mahakashyapa aurait décidé de convoquer le premier concile pour faire réciter par Upali les règles du Vinaya Pitaka. Les bouddhas du passé n’auraient pas tous laissé de vinaya, mais l’enseignement de ceux qui en avaient laissé un aurait duré plus longtemps. Le patimokkha doit avoir présenté au départ une certaine flexibilité car le Mahāparinibbāna Sutta mentionne que les règles mineures peuvent être abandonnées. Néanmoins, Ananda, principal dépositaire des paroles de Gautama, aurait négligé de se faire préciser desquelles il s'agissait, aussi toutes les règles furent-elles conservées et Ananda fut réprimandé.
Le vinaya contient davantage d'interdictions pour les moniales que pour les moines. Certaines sont dues aux rôles de genre particuliers de l'époque où le vinaya a été compilé, avec par exemple la règle selon laquelle les nonnes ne devraient pas automatiquement soigner les personnes laïques[8]. Néanmoins, le fait que les compilations savantes du vinaya contiennent ces règles supplémentaires ne signifie pas qu'elles aient véritablement un impact important sur la vie au sein des monastères féminins, où l'opinion est commune selon laquelle le vinaya n'est pas un règlement contraignant[9].
Les recueils de vinaya utilisent parfois de l'humour intentionnel selon Shayne Clarke. On y trouve par exemple l'histoire d'un arhat qui, en visite chez quelqu'un, tue par mégarde un nouveau-né en s'asseyant dessus : à la famille choquée, il assène que cela est sûrement arrivé à cause du mauvais karma du bébé, et il leur cite un principe bouddhique pour affirmer que de toute façon, « toute vie est impermanente ». La conclusion de cet enseignement est que les moines doivent toujours vérifier que leur chaise est bien libre avant de s'asseoir chez des hôtes[10].
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