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Jean Chouan
contre-révolutionnaire et royaliste français De Wikipédia, l'encyclopédie libre
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Jean Chouan, de son vrai nom Jean Cottereau, né le [1] à Saint-Berthevin et mort en à Olivet, est, avec ses frères Pierre, François et René Cottereau, un des chefs de l'insurrection contre-révolutionnaire et royaliste qui s'est développée en Mayenne en 1792 et 1793. Son surnom « Jean Chouan » est à mettre en relation avec son rôle dans la Chouannerie du Bas-Maine. Il était aussi surnommé « le gars mentoux » (le gars menteur en patois mayennais).
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Origine
Jean Cottereau naît dans une maison de bûcheron-sabotier de la forêt de Concise dans la Mayenne. Fils de Pierre Cottereau dit Chouan, et de Jeanne Moyné, son épouse, il naît le , en la paroisse de Saint-Berthevin, près de Laval.
Avant la Révolution française
Résumé
Contexte
Il n'est pas que des légendes favorables à Jean Cottereau. L'une d'elles, dont nous ne connaissons pas la source, raconte qu'avant 1780, il est surpris à Olivet, près de Saint-Ouën-des-Toits où la famille s'est installée, en compagnie d'autres garçons et de son frère René, à boire de l'alcool frauduleux. Ils frappent très violemment deux employés aux aides[2][réf. incomplète]. Un chirurgien déclare que l'un d'eux est alors intransportable. Les frères Cottereau et leurs complices sont condamnés à payer les médicaments et les aliments nécessaires au blessé[3].
Du côté de la mère de Jean Chouan (Jeanne Moyné), on trouve un Pierre Anjuère, prêtre curé de Saint-Pierre-la-Cour, ainsi qu'un Nicolas Moyné, prêtre curé de La Croixille, lequel avait de nombreuses terres sur sa paroisse et celle de Bourgon, dont certaines étaient louées à Julien Pinçon et Pierre Huet, chouans notoires.
La condamnation à mort
En 1780, âgé de 23 ans, Jean Cottereau est poursuivi pour avoir d’abord rossé un nommé Marchais qu’il soupçonnait de l’avoir vendu aux gabelous, puis pour avoir, avec son ami Jean Croissant, tué à coups de ferte[4] un agent de la gabelle, Olivier Jagu, dans une auberge de Saint-Germain-le-Fouilloux.
Condamné à mort par contumace, son exécution en effigie a lieu en même temps que celle de Jean Croissant[5] le . Il disparaît à cette époque, peut-être engagé au régiment de Turenne en garnison à Lille[6] sous un faux nom. Il n'était pas resté dans le pays. D'autres sources indiquent que sa mère alla demander sa grâce au roi[7],[8]. En tout état de cause, la procédure engagée contre lui en 1780 est reprise en 1785. Il y a toute apparence, si l'on rapproche les souvenirs de René, frère seul survivant de la famille[9], de cette absence prolongée, que le contrebandier s'était enrôlé dans quelque garnison lointaine.
La prison
Jean Cottereau est arrêté le aux Mesliers, au Bourgneuf-la-Forêt. Interrogé, il nie toute participation au meurtre du gabelou. Il paraît devant le juge criminel, nie comme avait nié Jean Croissant, mais plus heureux que lui, n'est pas chargé par les témoins dont certains sont morts, d'autres indécis, d'autres excusés. Le procureur René Enjubault de la Roche ne peut donc requérir, le , qu'un plus ample informé qui fait maintenir le prévenu un an en prison[10].
Libéré le , il est transféré aussitôt au dépôt de mendicité de Rennes, par lettre de cachet en date du , sur l'avis de l'intendant de Tours, et il y séjourne 3 ans[11]. À sa sortie, il s'engage comme domestique chez Marie Le Bourdais, fille de notaire et veuve d'Alexis Ollivier, une cousine demeurant à la Besnerie, paroisse d'Olivet. Son fils, l'abbé Alexis Ollivier[12], protecteur de Jean Chouan, était propriétaire de plusieurs métairies sur Olivet et le Genest.
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La Révolution française
Résumé
Contexte
Le mécontentement
La Révolution française éclate. Elle supprime le les gabelles, ce qui réduit à la misère plus de 2 000 familles qui ne vivaient que du commerce frauduleux du sel. Ces contrebandiers, dont fait partie la famille de Jean Chouan, se rangèrent alors naturellement parmi les ennemis de la République[13].
D'autre part, les prêtres propriétaires fonciers sont arrachés à leurs paroisses et remplacés par des prêtres sans biens ayant prêté serment à la Constitution civile du clergé, dès le début de l'année 1791[14]. Mais, surtout, les possessions du clergé, biens de première origine, sont mises en vente pour tenter de remplir les caisses du Trésor royal totalement vides[15]. Le roi est emprisonné. Les mécontentements se manifestent.
Jean Chouan qui, avec ses trois frères, s'était fait remarquer par son courage et par sa haine contre le parti républicain, fut choisi pour chef par la première bande réunie dans la forêt du Pertre, donnant ainsi son nom à la guerre et aux soldats[13].
Début des troubles
Les troubles commencèrent bien avant le tirage au sort d'août 1792. Ainsi, les sœurs de Jean Chouan s'en prirent, avec d'autres femmes, au curé Nicolas Pottier, prêtre assermenté de Saint-Ouën-des-Toits, donc déclaré intrus. Elles menacèrent de le faire rôtir ou de le noyer dans l'étang. Une des deux sœurs est emprisonnée avec d'autres pendant un mois.
En septembre 1791, le maire de Bourgon, acquéreur de biens nationaux, vit le tas de fagots appuyé à sa maison incendié par des inconnus. Le jour de la Saint-Pierre 1792, en pleine assemblée paroissiale, des esprits échauffés par la boisson s'en prirent à nouveau au maire de Bourgon dont ils saccagèrent la maison. Jean Chouan et les Frères Pinçon - tous connus sous le nom de bande des oiseaux - s'installèrent dans le cabaret de François Fortin et supervisèrent les opérations, menées par François Blanchet et Gilles Bertier. Selon les témoignages de l'époque, la troupe de Jean Chouan ne comptait ce jour-là que 15 hommes. Lorsqu'il rejoignit le prince de Talmont à Laval, il lui avoua que son renfort ne comptait que 17 hommes, lui et son frère François compris. Le colonel de Pontbriand, dans ses Mémoires, ne lui en reconnaît que de 20 à 40.
Le marquis de la Rouërie
Le marquis de la Rouërie organisait en Bretagne la conjuration qui a donné naissance à la chouannerie bretonne, nommée ainsi par extension[16]. Quand le marquis vint chez son cousin de Farcy à Launay-Villiers, où il passa trois mois (mai, juin et juillet 1792), il trouva dans les cantons limitrophes de la Bretagne les esprits préparés pour l'action. En avril 1792, Jean Chouan aurait été aperçu à Bourgon dans une manifestation en faveur des prêtres réfractaires.
Aucun document ne rapporte que Jean Cottereau rencontrât le marquis, chef des membres éminents de l'Association bretonne, ni le prince de Talmont. Pourtant, si l'on convient que le marquis de la Rouërie a demeuré pendant trois mois à Launay-Villiers, on imagine que la faible distance entre ce château et Le Bourgneuf, soit quatre kilomètres, aurait pu favoriser une quelconque entrevue.
Personnage très indépendant qui demeurera le seul chef de la chouannerie mayennaise, il ne reçut aucun grand commandement, lui, ce franc-tireur, spécialiste en embuscades en pays de bocage, éloigné de la stratégie militaire des batailles rangées.
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Chouannerie
Résumé
Contexte
Début du conflit
La chouannerie trouve sa source dans le soulèvement le jour de la levée en masse et du tirage au sort du . Rien n'avait été prémédité ni commandité. Sur l'ensemble du territoire mayennais, à la lisière de la Bretagne[17], ce fut un concert de protestations populaires, à l'instar du cri de colère poussé par Cottereau dans l'église de Saint-Ouën-des-Toits[18], où[19] il ameute les paysans lors d’une tentative d’enrôlement de volontaires, bouscule les gendarmes et constitue une bande[20].
Le soir du , des gardes nationaux de la Baconnière et d'Andouillé tombent dans une embuscade tendue par Jean Cottereau.
Depuis cet épisode, les insurgés sont des Chouans ; leurs combats avec les escortes, avec les postes républicains, avec les gardes nationaux d'Andouillé, de la Baconnière, avec les forgerons de Port-Brillet se renouvellent par intervalles. Entre-temps, Jean Cottereau part se cacher en Bretagne, près de Saint-M'Hervé, pour établir la liaison avec les émigrés et s'aboucher avec les autres chefs reconnus.
Rôle militaire
Il joue un rôle actif dans la contre-révolution, favorise l’émigration. Sa tête étant mise à prix, il tente en vain, en mars 1793, de gagner l’Angleterre. Il semblerait qu'il se rendit à Granville pour quitter la France. Mais une surveillance rigoureuse avait été mise en place et il ne trouva ni barque ni pêcheur. À partir du mois d'avril, Jean Chouan et sa bande sont l'objet journalier des préoccupations du Directoire. La garde nationale de La Brûlatte est pendant deux jours à la recherche du nommé Cottereau dit Chouan, et travaille à dissiper les attroupements qui se sont formés à Saint-Ouën.
Il est reconnu par l'administration avec son frère comme le chef de la coalition[21]. Le , les frères Chouans s'emparent d'une vingtaine de fusils entreposés dans la mairie du Genest.
« Caché dans le bois de Misedon, à une trentaine de km à l'est de Vitré et à 15 km à l'ouest de Laval, [Jean Chouan] est à la tête d'une petite bande d'une trentaine de paysans, auxquels s'ajoute, après mars 1793, un nombre plus élevé d'insoumis, et c'est environ 500 hommes qui rejoignent les Vendéens lors de la Virée de Galerne en octobre 1793[22]. »
Prévenu des attroupements du Bourgneuf, de La Gravelle, de Saint-Ouën, et surtout de Bourgon, le Directoire décrète aussitôt l'arrestation des Cottereaux, dit Chouans, de leur mère, de la veuve Alexis Ollivier, leur tante, du nommé Salmon, soupçonné de leur donner refuge. Il fait arrêter également des gens de la maison de Fresnay, soupçonnée de leur fournir également des choses qui leur sont nécessaires. Le directoire du département estime que le principal chef de ces rassemblements se nomme Pontavice et est de la ville de Fougères et décide de prévenir le district de Fougères et de faire arrêter ou de faire surveiller exactement le nommé Pontavice.[23]. Le , une expédition contre les Chouans les manque près de La Gravelle. Jean Chouan et ses compagnons se réfugient dans le bois des Effretais.
L'administration départementale, totalement paniquée, fait arrêter des membres de la famille Cottereau et plusieurs de leurs amis. René Cottereau est effectivement arrêté avec Jeanne Bridier, sa femme mais on le relâche parce qu'il n'est coupable que d'être frère des Cottereau. Perrine, sa sœur, Guy Ollivier et Pierre Gauffre sont maintenus en prison, 1er juin. Salmon, copieusement pillé par les chouans, est également libéré et placé sous contrôle de Guerchais, commandant la garde nationale de La Gravelle.
Le , après avoir désarmé les patriotes du Bourgneuf, les Pinçon et Cottereau gagnèrent les landes de Saudre et de la Brossinière (ou Brécinière) et y interceptèrent huit soldats républicains qui rentraient de Nantes sur Ernée. Ils en tuèrent un, en blessèrent un autre et firent deux prisonniers.
On croit savoir qu'un des frères François Cottereau s'est blessé d'un coup de fusil et qu'il est caché au village de Saint-Roch à Changé ; on l'y cherche mais vainement, 10 juillet. Le même jour et avec le même succès on fouille des caves du château de Saint-Ouën où doivent être les armes des Chouans. Beurin, adjudant major du 31e bataillon de la réserve, cantonné dans le presbytère de Bourgon, est depuis plusieurs jours avec ses hommes à la poursuite de la bande Cottereau dit Chouan, 27 juillet. Guerchais, commandant de la garde nationale de La Gravelle fouille la lande d'Olivet, le bois de Misedon, la forêt du Pertre, Port-Brillet, etc.. qui étaient des repaires de la ligue des Cottereaux, . La garde nationale de Courbeveille est à la recherche des Cottereau dit Chouans, à Loiron, Montjean, etc., août, septembre. Il est difficile de croire que les chouans aient pu opérer sur une étendue aussi vaste, d'autant qu'on les retrouve également dans les communes situées entre Vitré et Fougères : il s'agit de la légende de Jacques Duchemin des Cepeaux.
La virée de Galerne

En octobre 1793, il rejoint l’armée des Vendéens à Laval[24]. Son intervention contribue efficacement à la victoire de cette armée à la bataille d'Entrammes[25].
Il participe à la virée de Galerne jusqu’à la sanglante défaite du Mans, le [26].
Le repli à Misedon
Il se replie alors dans son bois de Misedon, où il continue la lutte sur un terrain qui lui est plus favorable que celui d’une bataille rangée. Jean Chouan mettait surtout beaucoup de zèle pour sauver les prêtres, et il a protégé la fuite d'un grand nombre ; il en a conduit plusieurs jusqu'à Granville pour leur faciliter les moyens de s'évader[27].
Il tente pour sauver le prince de Talmont, sur le chemin de Vitré à Laval, un coup de main qui avorte[28]. Mais le ravitaillement est difficile dans un pays sillonné par les troupes républicaines[29].
Insurrection royaliste
L'insurrection royaliste du Bas Maine commença vers le mois de , et forma six divisions, qui prirent le nom de leurs chefs ; mais la troupe, garda le nom générique de Chouans.
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Décès
Résumé
Contexte
Les circonstances de son décès ont été évoquées de différentes manières[30],[31],[32],[33].
Alphonse de Beauchamp reproduisit le récit de Renouard, en l'ornant de quelques circonstances nouvelles[34].
Environ trente ans après les faits, dans ses Lettres sur l'origine de la Chouannerie, Jacques Duchemin des Cepeaux recueillit des détails auprès d'anciens chouans et donna de la mort de Jean Chouan un récit différent.
Texte de Jacques Duchemin des Cepeaux
« Le dimanche 27 juillet (1794), tous les habitants de Misedon, même la femme de René, sortirent du bois. On leur avait fait savoir que les Républicains avaient quitté leurs cantonnements depuis deux jours. Ils voulaient profiter de ce moment de sécurité pour changer de linge et de vêtements, chacun ayant en dépôt quelques effets dans les fermes du voisinage. La plupart étaient encore réunis, quand ils vinrent à passer près de la ferme de la Babinière. Le métayer, ayant reconnu de loin Jean Chouan, s'empressa d'aller au-devant de lui et l'invita à entrer dans sa maison pour y prendre quelques rafraîchissements. Celui-ci ne céda qu'avec peine à ses instances réitérées ; enfin il consentit à s'arrêter dans un verger proche de l'habitation du métayer, et l'on apporta là des cruches de cidre, indispensable accompagnement d'une réunion amicale de paysans manceaux. « Un homme de la bande avait été laissé en observation sur le chemin qui conduit à la métairie ; mais ainsi que cela arrivait presque toujours, il ne resta pas à son poste, et tandis que les Chouans, rangés en cercle, se passaient la cruche de main en main en causant gaiement avec leur hôte des nouvelles du pays, tout à coup la femme de René, qui se trouvait un peu à l'écart, se mit à crier : « Miséricorde, voilà les Patauds ! nous sommes perdus ! » C'était effectivement les Républicains de la forge de Port-Brillet. Leurs espions ayant vu Jean Chouan sortir du bois, avaient couru les avertir, et ils arrivaient sur ses traces. « A peine la femme eut-elle poussé son cri d'épouvante, que de tous côtés partent des coups de fusil, et les chouans, étourdis de cette attaque imprévue, s'enfuient précipitamment. Le chef seul pensa à résister, mais se voyant abandonné, il s'éloigna après avoir déchargé sa carabine sur un Républicain auquel il cassa la cuisse. René était parti un moment auparavant pour aller voir un de ses enfants, qu'il avait confié à une famille du voisinage. Sa femme voulut suivre la foule des fuyards ; elle arriva avec eux jusqu'au bout du verger ; mais empêchée qu'elle était par sa grossesse avancée, elle ne put franchir une haie épaisse que les autres venaient de traverser. — « A moi, Jean, s'écria-t-elle, à moi ! Je suis perdue si tu ne viens à moi ! » Jean Chouan était déjà à couvert du feu de l'ennemi, mais il a entendu l'appel de sa belle-sœur ; il revient, monte sur la haie, écarte les broussailles, donne la main à la pauvre femme et parvient à la faire passer saine et sauve au milieu d'une grêle de balles (La première édition portait que « la coeffe de la malheureuse femme restée accrochée aux épines fut un moment la sauvegarde des deux fugitifs, parce qu'elle devint le but où se dirigèrent tout d'abord les balles de l'ennemi ».). Ensuite, voyant qu'elle n'est pas encore hors de péril, il veut, pendant qu'elle s'éloigne, arrêter les plus acharnés à sa poursuite. Dans le pré où il se trouvait alors était une petite élévation près d'une fontaine. Il va s'y placer en rechargeant sa carabine. Sans doute il se mettait ainsi en évidence pour attirer l'attention de l'ennemi et laisser à sa sœur le temps de se sauver. Il ne réussit que trop dans son projet ; tous les coups se dirigent sur lui ; une balle le frappe, brise sa tabatière dans sa ceinture, et les éclats, lui entrant dans le corps, lui déchirent les entrailles. Jean Chouan se sent blessé grièvement; mais surmontant la douleur, il recueille ses forces, parvient à quitter la place, et une châtaigneraie voisine l'aide à se dérober à la vue des Républicains ; cependant cet effort a épuisé tout ce qui lui restait de vigueur. Déjà ce n'est plus qu'à grand'peine qu'il se soutient en s'appuyant sur sa carabine, et néanmoins il cherche encore à diriger ses pas vers le bois de Misedon, car il sait que les siens doivent y revenir, et jugeant sa blessure mortelle, il veut leur parler encore une fois. « Les Chouans, en effet, n'avaient pas tardé à rentrer dans le bois, qui est fort peu distant de la Babinière, et René, dès qu'il avait entendu la fusillade, s'y était également réfugié. Quand ils furent tous réunis, qu'ils ne virent point leur chef au milieu d'eux, lui qui durant le danger ne quittait jamais ses gens, ils commencèrent à s'inquiéter et partirent pour aller à sa recherche. René non moins ardent à se précipiter au secours des siens qu'à se livrer à ses emportements, eut bientôt pris l'avance sur les autres. Il arriva auprès de son frère au moment où celui-ci, déjà défaillant, n'avait plus même la force de parler. René en le soutenant sous les bras, essaya de le faire avancer quelques pas encore ; mais ce fut en vain, ses jambes ne le pouvaient plus porter. Ses camarades étant alors venus, on courut chercher un cheval dans le voisinage ; mais quand le blessé fut placé dessus, il lui fut impossible de rester dans cette position. Cependant la nuit approchait, et l'on voulait le tirer au plus tôt de cet endroit trop voisin de celui où l'on avait rencontré les Bleus. On imagina de se procurer un drap de lit sur lequel on le plaça, et quatre hommes l'emportèrent ainsi dans le bois de Misedon, non sans crainte de le voir, à chaque instant, expirer pendant le trajet. « On alla déposer Jean Chouan jusque dans le milieu du bois, à l'endroit appelé la Place Royale ; là chacun se dépouilla de ses habits pour lui faire une couche moins dure sur la terre ; puis son frère s'assit derrière lui, et s'appuyant contre un arbre, le soutint avec ses jambes et ses bras, pour qu'il restât à demi soulevé. C'était la seule position dans laquelle il ne se sentît pas suffoquer. « Lorsqu'il fut ainsi placé, le blessé éprouva quelque soulagement, et recouvra l'usage de la parole. Tout aussitôt il réclama l'assistance d'un prêtre qu'il nomma en indiquant le lieu où il espérait qu'on pourrait le trouver, et suivant son désir des hommes partirent en toute hâte pour le chercher. Cependant ceux qui restaient auprès de lui voulaient se livrer à l'espoir que sa blessure serait moins grave qu'on ne l'avait cru d'abord, mais il les désabusa. — « Je suis frappé à mort, je le sens bien, leur dit-il, et je n'en ai plus pour longtemps..... » « ..... Tous ne savent lui répondre que par leurs larmes ; il comprit ce langage et parut lui-même attendri, en voyant l'affliction de ceux qui l'entouraient. « ..... La nuit était venue sombre et pluvieuse. Dans le fond d'un bois, à la lueur vacillante d'un feu de broussailles, gisait par terre, étendu sur quelques vêtements jetés en désordre, un mourant dont un homme s'efforçait de tenir la tête soulevée ; autour de lui, une troupe de paysans, à demi dépouillés de leurs habits, mais gardant encore leurs armes, écoutaient avec un recueillement douloureux, les dernières paroles que leur adressait le moribond..... « Cottereau conserva assez de force toute la nuit pour s'occuper de ce que les Chouans de Misedon avaient à faire dans les conjonctures présentes. Il leur désigna Délière, qui commandait déjà les gens de Bourgneuf, comme celui qui paraissait le plus capable de les guider et continua ainsi longtemps de parler à ses compagnons d'armes. Tour à tour, il les exhortait à la résignation, leur donnait d'utiles avis, ou se recommandait à leurs prières ; et dans ce moment suprême, une éloquence nouvelle animait ses discours. Plusieurs fois il exprima le regret de ne pas voir arriver le prêtre qu'il avait demandé. On hésitait à lui apprendre qu'on ne l'avait pas trouvé dans son asile ordinaire ; mais quand il le sut, il demeura calme et résigné : — « Dieu me tiendra compte de mon intention, dit-il, il sait ma bonne volonté. » À l'approche du jour, il s'affaiblit visiblement, et bientôt il éprouva de la difficulté à parler. Alors il fit signe qu'on le laissât en repos. Il croisa ses mains sur sa poitrine et se mit à prier à voix basse. Il resta ainsi pendant plus de deux heures, continuant toujours de prier, ainsi que tous les assistants agenouillés près de lui ; enfin il parut sommeiller ; il rendait les derniers soupirs. « Il mourut le 28 juillet. Ce même jour, Robespierre était traîné à l'échafaud...... « Dès que les Chouans reconnurent que leur chef avait expiré, ils furent frappés de l'idée que si sa mort venait à être connue des Patriotes, ils voudraient à tout prix s'emparer de son corps, afin d'insulter à ses restes et d'en faire d'indignes trophées. L'appréhension de cet outrage fit qu'on se hâta de s'acquitter des tristes devoirs qui restaient à remplir. Un emplacement fut cherché dans le plus épais du bois, et avant de creuser la terre, le gazon, enlevé avec soin, fut mis de côté. On fit la fosse très profonde, puis le corps y étant déposé, on plaça dessus un chapelet afin de consacrer ainsi la tombe qu'un prêtre n'avait pu bénir et qu'une croix ne devait pas protéger. Alors on rejeta la terre peu à peu en la foulant à mesure, de crainte que plus tard, en s'abaissant, le sol ne fournit des indices aux Patriotes. Ensuite les gazons furent soigneusement replacés et arrosés, afin qu'il ne restât aucune trace de l'enterrement. Les malheureux Chouans mettaient toute leur sollicitude à cacher la sépulture de celui qui leur avait été si cher, par ce même sentiment de respect religieux qui d'ordinaire nous porte à indiquer par un monument, la place où reposent les amis que nous avons perdus. »
En juillet 1794, il est reconnu dans une métairie dite la Babinière, appartenant à la famille Ollivier et où résidait son frère René, marié en 1792; poursuivi, il attire sur lui le feu des républicains de la forge de Port-Brillet, pour permettre à sa belle-sœur, enceinte, de s’échapper. Jean Cottereau demeure à l'arrière-garde et reçoit une balle dans l'abdomen. Il réussit à se cacher et est transporté dans les fourrés où il meurt le . Sa tombe n’a pas été retrouvée[35]. Toutefois on ne retrouve pas la trace de l'enfant dont sa belle-sœur était enceinte. Le récit de Jacques Duchemin des Cepeaux souffre, dès sa première ligne, d'un manque de sens critique et d'analyse : René Cottereau était marié depuis deux ans à Jeanne Bridier et ils vivaient à la métairie de la Petite Babinière, qui n'est pas située en lisière du bois de Misedon. La course poursuite aurait donc été assez longue et cette erreur donne au récit un tour assez surréaliste.
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Autres membres de la famille
Ses deux sœurs, Perrine et Renée Cottereau sont arrêtées, conduites à Laval où elles sont jugées par la Commission militaire révolutionnaire du département de la Mayenne et guillotinées le [36],[37]. Pierre est arrêté, jugé par la même commission et guillotiné quelques jours après.
Le , François Cottereau s'empare du bourg de La Baconnière, désarme la garde nationale, pénètre dans l'église et fait sonner l'Angelus : il meurt après s'être blessé avec son fusil, à moins qu'il n'ait été tué par les forgerons de Port-Brillet.
Seul survécut René Cottereau, mort en 1846.
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Historiographie
Résumé
Contexte

Une grande partie des biographies de Jean Chouan repose sur l'ouvrage de Jacques Duchemin des Cepeaux, œuvre rédigée en 1825 à la demande de Charles X, et repris par de nombreux historiens[38] qui acceptent la version de Duchemin des Cepeaux, sans citer toujours la source à laquelle ils l'empruntent : Jacques Crétineau-Joly[39], Théodore Muret[40], le docteur Lepelletier de la Sarthe[41], Albert Lemarchand[42], Eugène Veuillot[43], l'abbé Paulouin[44],[45], le Supplément de la Biographie Michaud[46].
La gloire dont est entouré le personnage de Jean Chouan doit donc beaucoup à l'historiographie royaliste, et sa notoriété est finalement plus posthume qu'immédiate[47]. L'ouvrage de Duchemin des Cepeaux est souvent considéré comme une œuvre partisane : l'abbé Paulouin, qui publie peu après lui, fait grief à son prédécesseur de ne pas avoir interrogé l'ensemble des Chouans survivants, dans le but selon lui de faire passer au premier plan la chouannerie du Bas-Maine aux dépens des autres provinces (Paulouin ne se montre néanmoins pas plus impartial sur ce point)[48]. Une critique des vers que Victor Hugo lui consacre dans La Légende des siècles est d'ailleurs l'occasion pour Léon de La Sicotière de repréciser les exagérations reprochées à Duchemin, mais également de reconnaître la précision des éléments recueillis, malgré les défauts de leur présentation[49]. Dans sa critique de l'ouvrage de Victor Duchemin sur le sujet en 1889, Germain Lefèvre-Pontalis estime lui aussi que ce que l'on sait alors de Cottereau tient plus de la fable ou de la légende[50]. À l'époque contemporaine, Jean-Marc Ovasse de l'ITEM, dans son examen de Quatrevingt-treize de Hugo, précise que la vision de Duchemin des Cepeaux, déjà enjolivée, est dépassée par l'hagiographie du poète dans La Légende des siècles[51].
Un tableau représentant la dernière bataille, peint par Raoul Salaün est conservé dans les collections du musée de Parthenay.
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Romans et postérité
- Honoré de Balzac a tiré de ce flou historique deux personnages dans son roman Les Chouans (1829) :
- Pille-Miche, qui est guillotiné en 1809 dans le dernier roman de la Comédie humaine : L'Envers de l'histoire contemporaine,
- Marche-à-Terre qui s'enrichit dans le commerce en 1816.
- Jules Verne en fait un des personnages de son roman Le Comte de Chanteleine où il apparait dès le chapitre II puis sous le nom de Jean Chouan au chapitre XII[52].
- Arthur de Gobineau, dans la Chronique rimée de Jean Chouan et de ses compagnons[53] a restitué un poème sur la mort de Jean Chouan.
- Victor Hugo a donc publié dans La Légende des siècles[54], une pièce de vers sur la mort héroïque de Jean Chouan, frappé victime de son dévouement, en protégeant, au prix de sa vie, celle de sa belle-sœur poursuivie par les Bleus et qui, grosse et épuisée, allait tomber entre leurs mains.
- Un jeune collégien, se prétendant « le seul descendant direct de Jean Chouan », s'avisa d'adresser à Victor Hugo une lettre de remerciement et d'adhésion politique ; de son côté, Victor Hugo lui en envoya une de congratulation sur sa conversion à la lumière. Toutes deux furent, naturellement, livrées à la publicité ; elles n'avaient été écrites qu'à cette fin[55].
- Le même type de tentative de supercherie aura lieu sur le personnage de René Chouan, frère de Jean Chouan à la fin du XIXe siècle. À ce sujet, ses descendants, les dames Lelièvre et Courcelle, petites filles de René Chouan, avaient fait annoncer dans l'Indépendant de l'Ouest, en , que c'était à elles seules que devaient s'adresser les personnes désireuses d'obtenir des renseignements sur leur famille.
- Une eau-forte de Tancrède Abraham[56] représente l’Arbre près duquel fut tué Jean Cottereau (dit le Chouan)[57]
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Voir aussi
Jean Chouan n'a jamais eu derrière lui qu'un très petit nombre d'hommes dévoués, même aux jours de sa plus grande autorité[58].
Vue romanesque
Résumé
Contexte
« [...] Il y eut deux Vendées, la Grande qui faisait la guerre des forêts, la Petite qui faisait la guerre des buissons ; là est la nuance qui sépare Charette de Jean Chouan. La Petite Vendée était naïve, la Grande était corrompue ; la Petite valait mieux. Charette fut fait marquis, lieutenant général des armées du Roi et Grand-Croix de Saint-Louis ; Jean Chouan resta Jean Chouan. Charette confine au bandit, Jean Chouan au paladin ........ La Rochejaquelein n'est qu'Achille, Jean Chouan est Protée.. [...] »
« La proscription des princes, la religion détruite ne furent pour les Chouans que des prétextes de pillage, et les événements de cette lutte intestine contractèrent quelque chose de la sauvage âpreté qu'ont les mœurs en ces contrées. Quand de vrais défenseurs de la monarchie vinrent recruter des soldats parmi ces populations ignorantes et belliqueuses, ils essayèrent, mais en vain, de donner, sous le drapeau blanc, quelque grandeur à ces entreprises qui avaient rendu la chouannerie odieuse et les Chouans sont restés comme un mémorable exemple du danger de remuer les masses peu civilisées d'un pays (...) La religion ou plutôt le fétichisme de ces créatures ignorantes désarmaient le meurtre de ses remords. »
- Honoré de Balzac, Les Chouans (1829)
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Bibliographie
Bibliographie ancienne
- Beauchamp, L'Histoire de la guerre de la Vendée et des chouans ;
- Lithographie du portrait de Jean Chouan par Boblet, 1852, format in-4°[60].
- Arthur de Gobineau, La Chronique rimée de Jean Chouan et de ses compagnons. 1846, Études gobiniennes du XXIe siècle. Calvados. 2004 ;
- Jacques Duchemin des Cepeaux, Souvenirs de la chouannerie, 1855 ; Lettres sur l'origine de la chouannerie et sur les chouans du bas Maine, 2 vol. in-8° ;
- Émile Souvestre, Scènes de chouannerie. Michel Lévy, Paris 1856[61] ;
- Léon de La Sicotière, « La Mort de Jean Chouan et sa prétendue postérité », Revue historique et archéologique du Maine, Mamers et Le Mans, vol. 2, , p. 551-584 (lire en ligne). — Tiré à part : Mamers, G. Fleury et A. Dangin, 1877 ;
- Arthur Bernède, Jean Chouan, Tomes I: La Bataille Des Cœurs Et Tome II: La Citoyenne Maryse Fleurus, Librairie Jules Tallandier 1926 ;
- Ernest Laurain, Chouans et contre-chouans. Laval, Éditions des Arts Réunis, 1928 ;
- Jean Drault, Jean Cottereau dit Jean Chouan. Spes. 1927 ;
- Jean Drault, Les exploits de Jean Chouan, 350 p., Baudinière.
- R.Duguet & J.Rochebonne, Jean Chouan, Bonne Presse, 252 p.,1928
- La belle histoire de Jean Chouan. Bande dessinée. Série : Collection À la française no 3. Dessinateur : Pierre Rousseau. Scénariste : Job de Roincé. 1942.
Bibliographie moderne
- Jean Chouan, héros de légende. de M.-C. Meaux. Éditions Fernand Lanore - 135 pages - 1977.
- Jean Chouan et ses compagnons, des paysans mayennais. André Avril. Association Le souvenir de la chouannerie mayennaise - 1979
- Jean Chouan, Le Paysan Rebelle, Le Premier Insurgé Royaliste. Jean Silve de Ventavon. Albatros Paris - 1985
- Jean Chouan l'insoumis. Spectacle du Château de Lassay - 1988.
- Histoire générale de la chouannerie, Anne Bernet, Perrin, 2000[62].
- Jean Chouan : Une vie de Légende par Morgan Lazartigues : Editions des montagnes noires
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Adaptation cinématographique
- En 1926, Luitz-Morat réalise le film Jean Chouan avec Maurice Schutz dans le rôle de Jean Chouan.
Notes et références
Liens externes
Source partielle
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